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LE NOM DU SEL EN BRETON.

Dernière mise à jour : 13 sept. 2023


Le mot « halen » (sel), avec un « -a- », n’est pas une petite forme locale patoisante, c’est la prononciation bretonne majoritaire, que l’on trouve dans toute la moitié sud de la Basse-Bretagne, et là où l’on fait du sel ! C’est bien la prononciation bretonne qui semble être la plus répandue d’après l’Atlas Linguistique de Basse-Bretagne (A.L.B.B.).


Cette forme est d'ailleurs identique au gallois « halen » (sel), issu d’un plus ancien « halwyn » en moyen-gallois correspondant au vieux-cornique « haloin » (à moins que cette forme soit en fait une forme bretonne puisque le 'Vocabularium Cornicum', lexique du XIIe siècle, ne contient pas que des mots corniques, et les deux langues étaient pratiquement identiques à cette époque). Ces mots viennent d’un brittonique « *halēn » (ancêtre commun du breton, cornique et gallois, parlé au tout début du Moyen-âge à l'époque de l'émigration bretonne en Armorique).


Le brittonique « *halēn » est issu d’une forme « *salēnos » en gallo-brittonique (avec un « -ē- » long qui a donné la diphtongue dans "halwyn / haloin"), issu lui-même d’un celtique (langue préhistorique) « *saleinos » (une variante a donné le vieil-irlandais « salann »). On constate que l'on trouve toujours une voyelle / a / dans la première syllabe (issu d’une très ancienne racine indo-européenne « *sal- »).


Le sel a une longue histoire dans le monde celtique, à commencer par Hallstatt (en Autriche). Avec l'exploitation à grande échelle du sel gemme (de mine) dans cette région à l'Âge du Fer, une société riche et organisée s'est mise en place : la « Civilisation du Hallstatt » (le toponyme conserve d'ailleurs la trace du mot désignant le sel).


On trouve le nom breton du sel et sa prononciation dans l’« Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne » (A.L.B.B. en ligne) de Pierre Le Roux (4ème fascicule, carte 327, voir ci-dessous). La forme « holen » du nord de la Basse-Bretagne, attestée dès l'époque du moyen-breton ('Catholicon', 1499), est issue de la réduction ancienne de la diphtongue « -oa- » de la forme « hoalen » attestée dans le Léon (qui peut aller jusqu’à « c’hoalen »), elle résulte de la métathèse (déplacement d'un son) dans le vieux-breton « *haloin » (non attesté). En moyen-breton du XVe siècle, le glossaire breton vannetais du chevalier allemand Arnold von Harff (Aux origines du breton - Le glossaire vannetais du Chevalier Arnold von Harff, voyageur allemand du XVème siècle, Christian-J. Guyonvarc'h, éd. Ogam-Celticum, 1984 ; page 53) donne la forme « haelen », avec un premier « e » indiquant la longueur de la première syllabe, de passage à Nantes il a pu noter du breton du Pays de Guérande, la région bretonnante la plus proche de Nantes.


A Guérande, le pays du sel, on prononçait [həˈlɛ̃] (« hë-LEIN ») d'après l'A.L.B.B., avec un [ə] (comme dans « je », « le »…) dans la première syllabe pour rendre le « -a- » inaccentué, le breton de Guérande étant accentué sur la dernière syllabe. Émile Ernault donne la forme écrite « helen » dans son « Étude sur le dialecte breton de la presqu'île de batz » (éd. L. Prud’homme, pages 32 et 36), avec (page 36) la phrase : « ur hrichent u uenan deez aouarc’h a biameik lagat helen » (une personne seule a habituellement assez de quinze œillets), mais 15 œillets c’est bien peu pour un seul paludier (il en faut une cinquantaine pour vivre).


Si la standardisation du breton est évidemment nécessaire, à commencer pour une raison simple d’intercompréhension entre bretonnants (car nous parlons tous la même langue), ainsi que pour l’enseignement de la langue, l’édition… on n’est pas obligé d’aller jusqu’à un breton « surunifié », pour reprendre la « traduction » fautive, malhonnête et très mal intentionnée du mot « peurunvan » par la Morvan. On trouve dans les dialectes du breton des variantes, qui sont systématiquement et trop facilement écartées et considérées comme des « déformations » patoisantes (trefoedaj), qui s’éloigneraient du breton commun, alors que ce sont des formes anciennes qui appartiennent bien à la langue commune et au patrimoine commun de tous les bretonnants. Je trouve dommage que certains veuillent éliminer ces variantes au nom d’une totale standardisation sur le modèle français jacobin.


Ce n’est pas quelques petites variantes qui vont mettre en danger le sauvetage de la langue bretonne, c’est la richesse de notre langue. La standardisation ne doit pas être un appauvrissement.


« Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne » (A.L.B.B.), 4ème fascicule, carte 327.


Prise du sel dans l'œillet avec le "las" prononcé / la / (pour "lah / lazh" : gaule, perche).


Tas de sel stocké sur le "tremet" (aire de stockage temporaire).


Gros sel de Guérande.

Mieux vaut acheter son sel chez des producteurs fiers de leur identité bretonne.



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