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PIERRE GUIGUI ET LA BRETAGNE NANTAISE...

Compte-rendu du livre du journaliste Pierre Guigui, intitulé :

« Le renouveau des vins bretons », éd. Apogée, 2022.



Parmi nos camarades sommeliers, il existe un nombre important de connaisseurs… qui haussent les épaules, lorsqu’on ose leur parler d’un vin blanc de Bretagne, du Muscadet… (Le Sommelier : revue officielle de l’Union des Sommeliers de Paris, n° 21 du 15 juin 1925 ; page 186).



Pour situer l’auteur :


Le Parisien Pierre Guigui est un ponte du monde médiatique et branché du vin, ex rédacteur en chef vins chez Gault & Millau, auteur de vingt-cinq ouvrages sur le vin, directeur de la collection « Le savoir boire », directeur du « Concours international des vins biologiques », du salon « Buvons Terroirs »… etc… etc…etc… En bref : « une voix que l’on écoute dans le petit monde du vin » (https://www.pantin.fr/la-ville/ils-font-pantin/pierre-guigui-3775), parait-il.


P. Guigui a pris la Bretagne, enfin la région administrative plutôt, comme terrain de jeux, il est en effet l'initiateur et l’un des co-fondateurs de l'Association pour la Renouveau des Vins de Bretagne (A.R.V.B.), le maître à penser de cette association, une autorité dans ce Landerneau viticole, c’est donc à ce titre qu’il nous intéresse. Son livre donne les clefs pour comprendre l’ambiguïté permanente de ces amateurs de pinards septentrionaux envers le vignoble historique de la Bretagne : le Vignoble nantais. Leur double langage est très déséquilibré, d’un côté on a – du bout des lèvres – un très discret « oui, oui, nous n’oublions pas la Loire-Atlantique », de l’autre l’intégralité de leur communication se fait en excluant soigneusement et systématiquement le seul département breton viticole ; mais aucune ambiguïté chez Pierre Guigui... il se complaît dans la provocation, et affiche une réécriture de l'histoire viticole de la Bretagne totalement décomplexé.


Pour mieux situer le personnage, on peut ajouter qu'il s'intéresse aussi aux théories ésotériques et magico-cosmiques de Rudolf Steiner, à l'origine de l'agriculture biodynamique. La biodynamie exige l’alignement des astres pour faire pousser les carottes et des potions magiques à base de bouse de vache en corne pour magnifier le vin, des pratiques évidemment irrecevables d'un point de vue de la rationalité scientifique. Mais « cela marche » conclut-il, dans son livre sur le sujet (« Vin et biodynamie, une philosophie de vie », éd. Apogée, 2020). Je ne sais pas si on peut vraiment nommer « philosophie » une doctrine irrationnelle qui donne une telle importance à des superstitions ridicules. Enfin, respectons les croyants... la foi sublime certainement le vin ! À mon humble avis, l’agroécologie mérite mieux que ces théories pseudo-scientifiques, mais je ne suis qu’un mécréant et un blasphémateur, et les infidèles ont toujours tort. Note 1





Son livre :


A la lecture de Pierre Guigui, on est abasourdi par son révisionnisme éhonté, sa « Bretagne » est amputée de la Loire-Atlantique, il réussit l’exploit surréaliste de parler de « vin breton » en excluant ce département de la Bretagne historique, un comble pour un livre sur la viticulture bretonne ! Le vignoble historique et traditionnel de la Bretagne s'étend en effet dans un continuum viticole du Pays nantais, au Pays de Guérande, à la presqu'île de Rhuys et au Pays de Redon. Cela donne un texte assez surréaliste… une provocation, gratuite et pénible, du lourd, du très lourd ; et il insiste tout au long du livre, à se demander s’il n’y prend pas plaisir !


Titre et sujet du livre :


Le titre indique que l'auteur va parler du « renouveau des vins bretons », on s'attend donc à ce qu'il traite de la Bretagne dans son intégralité, comme le fait Guy Saindrenan dans ses livres (notamment : La Vigne & le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011), ou les premiers à s'être intéressés à l'histoire de la viticulture bretonne : le grand historien Arthur de La Borderie et l'archiviste Henri Jouin. Le titre d’un livre est un élément essentiel, il est sensé donner une idée du sujet et donc être en adéquation avec le fond de l’ouvrage. Il contient des mots clés qui en résume le contenu.

 

Le mot « renouveau » signifie « remise en usage de ce qui est tombé dans l'oubli », il s’agit donc dans ce cas d’un retour à un état antérieur après un déclin ; et il signifie aussi « apparition de formes nouvelles »,  pour parler de changements qui apportent de la nouveauté, une revitalisation dans un domaine. Faute d’explications et de précisions on comprend donc ce terme avec ses deux sens. Deux exemples remarquables illustrent parfaitement ces deux significations :

-          Le Berligou, cépage et vin des Ducs de Bretagne, a connu un déclin au point qu’il a manqué disparaître, il a été sauvé in extremis et est maintenant produit par des amateurs et des professionnels.

-          Les Crus communaux du Muscadet, un vin de garde de qualité qui tranche avec les Muscadet auxquels on était habitué, est bien une nouveauté en Bretagne nantaise, en tout cas en tant que vin commercial.

 

Quant au « vin breton » du titre, il a aussi deux significations :

-          « Vin breton » est une locution très ancienne (bas Moyen-Âge) qui a un sens très précis dans la fiscalité du duché de Bretagne puis de la province de la province d’État, M. Guigui en ignore le sens et ne le mentionne donc pas dans son livre, alors que ce livre est sensé parler de vin breton.

-          Sinon, parler de « vin breton » sous-entend que l’on parle de l’ENSEMBLE des vins produit dans l’ENSEMBLE de la Bretagne, sans la moindre exclusion. Faute d’explication on ne peut pas comprendre autre chose.

 

L’adjectif « breton » veut dire « relatif à la Bretagne » (sa géographie, son histoire, ses habitants, sa culture), et « Bretagne » signifie d’après l’Encyclopédie Larousse :

« Bretagne. Région de l'ouest de la France, formée des départements du Finistère, des Côtes-d'Armor, du Morbihan, d'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique. ». L’adjectif ne peut donc s’appliquer qu’à la Bretagne réelle, à la Bretagne historique. Dans le cas contraire on ne pourrait plus parler de « toponymie bretonne » ou d’« anthroponymie bretonne » en Loire-Atlantique, de la « culture bretonne » de ce département, de « langue bretonne » dans la Pays de Guérande, de « littérature bretonne », de « danses bretonnes », de « musique bretonne », de « chant breton », d’« artistes bretons », de « costume breton », de « chapeau breton », d’« architecture bretonne », de « blasons bretons », de « climat breton », du « sel breton » de notre beurre salé, de « galette bretonne », de « gastronomie bretonne », de « vin breton » pourtant bien attesté… au point que ça en devient grotesque, plus rien ne serait plus breton en Loire-Atlantique. Pour reprendre un exemple, la langue traditionnellement parlée dans le Pays de Guérande ne serait plus bretonne ? Que serait-elle alors, une 7ème langue celtique différente des autres ou du vieux paysdelaloirien ? Mystère ! 

 

Il est déjà malhonnête en soi de confondre Bretagne et région administrative (il n’est pourtant pas bien compliqué de distinguer « Bretagne » et « Région Bretagne »…), mais quand on parle d’histoire, de patrimoine traditionnel, notamment de patrimoine gastronomique, la Bretagne ne peut être que la Bretagne historique. Faire volontairement l’amalgame entre Bretagne et région administrative (avec 1956, date de la création des régions administratives) est au minimum un anachronisme ridicule, et au pire du révisionnisme historique. Étant donné le ton provocateur du livre, je pense pour la deuxième hypothèse.

 

Avec un tel titre, le sujet du livre ne peut être que : « la renaissance d’anciens vignobles et les nouveautés dans le vignoble existant » de la Bretagne réelle, c’est-à-dire historique. Or rien ne précise dans le titre, dans le résumé au dos du livre ou dans l'introduction qu'il se limite à la région administrative, il n'était pourtant pas bien compliqué d'expliquer dans un bref paragraphe justificatif, ou une phrase ou en quelques mots, qu'il se limitait à cet espace administratif. Si P. Guigui avait vraiment voulu se limiter à la région administrative, il pouvait simplement l’indiquer, mais dans ce cas il ne pouvait plus utiliser le mot « Bretagne » dans son sens courant et normal, ni l’expression « vin breton » qui renvoie nécessairement à la locution historique, ou au vin produit dans l’ensemble de la Bretagne : les vins du « Creu de Bretaigne » comme disait nos ducs. Quand on parle d’un terroir viticole il faut commencer par le définir !    


Le choix de la région administrative est plutôt étrange et curieux étant donné l'histoire viticole de la Bretagne, avec un espace viticole traditionnel limité à la Bretagne méridionale et un espace septentrionale traditionnellement cidricole bien plus vaste, mais pourquoi pas ? Je me répète il suffisait de l'indiquer clairement.




Le « renouveau » dont parle l'auteur est donc trompeur puisqu'il est limité à un seul sujet : le développement récent de vignes amateures, associatives et maintenant professionnelles, non pas dans toute la Bretagne, mais seulement en région administrative. Il aurait été bien de ne pas induire l'acheteur potentiel en erreur en précisant dans le titre ou en quelques mots le sujet réel de son livre, puisqu'il ne traite pas de l'essentiel du renouveau de la viticulture bretonne. Il ne mentionne pas l’Aunis, replanté sur le coteau de Guérande en 2008, et maintenant à Sarzeau par un professionnel, il existe pourtant une étude ancienne :

- GUERIFF Fernand, « La voilà la jolie vigne au Pays de Guérande », publié en 1986, puis réédité en 2013 (Histoire & Patrimoine, éd. A.P.H.R.N., Hors-série n° 1, octobre 2013), c’est le point de départ de mon intérêt pour l’Aunis, identifié en 1906 au Chenin. Il mentionne à peine le Berligou (quelques lignes), le cépage et le vin des ducs de Bretagne, qui est à nouveau cultivé en Bretagne nantaise après avoir manqué disparaître, juste pour dire qu’il aurait sa place dans sa « Bretagne » (on devine le sous-entendu…), il s’agit pourtant du cas le plus frappant du renouveau d’un vin breton enraciné dans l’histoire de Bretagne, pas difficile de demander les renseignement à Alain Poulard (POULARD Alain et JUSSIAUME Marcel, Berligou – Le vin des ducs de bretagne, éd. Le Temps, 2022. Un livre passionnant qui a reçu un prix en novembre dernier : « Gourmand Awards » 2022, prix spécial du Jury face à une concurrence sévère, 624 livres inscrits au concours). Un chapitre aurait pu aussi être consacré aux « Crus communaux » du Muscadet puisqu’il s’agit bien d’un renouveau remarquable dans le Vignoble nantais. Aucun renseignement non plus sur le projet IGP Bretagne porté par des vignerons nantais, il ne concerne pourtant pas uniquement le Vignoble nantais, mais la Bretagne tout entière (sans exclure personne...) : région administrative et Loire-Atlantique. On est donc extrêmement surpris et déçu par ces grosses lacunes, et trompé sur la marchandise.


P. Guigui se défend maladroitement et avec mauvaise foi sur Facebook en disant qu'il parle de « la renaissance des vins qui n'existent plus en Bretagne », mais n'est-ce pas précisément le cas du Berligou, le vin breton des duc de Bretagne ???


Et puis, ce Parisien ne le sait peut-être pas, mais le Vignoble nantais est très loin d'occuper toute la surface du département de la Loire-Atlantique, et hors appellations nantaises il y a des gens qui sont intéressés par le renouveau viticole, dans le reste de la Bretagne nantaise et dans le Pays de Guérande ; il y avait en effet des vignes - il n'y a pas si longtemps - du Sillon de Bretagne à la porte de Nantes jusqu'au Pays de Guérande à la limite du Morbihan. Le mot « renouveau » prend tout son sens là où il y avait une véritable tradition viticole : le Sillon de Bretagne et le Pays de Guérande (Loire-Atlantique), la presqu'île de Rhuys (Morbihan) et le Pays de Redon (Ille-et-Vilaine). Il y a bien renouveau en Loire-Atlantique partout où la création des appellations nantaises ont entraîné le déclin de la viticulture dans ce département. Donc, le pseudo argument de P. Guigui, dans la défense malade ce qu'il a écrit, est d'une parfaite mauvaise foi.


On trouve une autre provocation (page 15) justement concernant le Pays de Guérande, où l’identité bretonne est pourtant particulièrement forte et visible : seul le vignoble de Pénestin serait concerné par le « vin breton »… celui de la commune limitrophe d’Assérac (ma commune), dont est issue Pénestin, n’en produirait donc pas comme le reste du Pays de Guérande ; il s’agit pourtant du même vignoble, du même sol, du même climat, avec les mêmes cépages, les même pratiques viticoles, et exactement de la même population ! Moi je suis justement du Pays de Guérande, je publie sur le cépage que l'on nommait l'Aunis de Guérande en Loire-Atlantique à Sarzeau dans le Morbihan (l'article porte sur l'identification du cépage : le Chenin de son nom officiel). C'est encore un autre exemple d'un vin qui n'existait plus et qui renaît, sur le coteau de Guérande d'abord et à Sarzeau maintenant (cet article en plusieurs parties commence dans le n° 100 de mars 2021 de la revue historique de Saint-Nazaire, Histoire & Patrimoine, éd. A.P. H.R.N. : « Le cépage nommé "Aunis" de Guérande à Sarzeau »). P. Guigui semble avoir un problème avec tout ce qui vient de la Bretagne nantaise.


Comme on va le voir, l'auteur exclue - dans tout ce qu'il écrit lui-même - la Loire-Atlantique de la Bretagne. Se rend t-il compte du ridicule de ses propos, surtout lorsqu'il fait appel à l'histoire ? Il est certainement un grand spécialiste de la dégustation, mais en ce qui concerne la Bretagne il ne craint pas d’étaler son ignorance. Comme chacun sait, la région administrative n’est pas la Bretagne puisqu’il lui manque un département, son département viticole (de la même manière que la « Région Occitanie » n’est pas l’Occitanie puisque les Provençaux et les Gascons n’ont pas cessé d’être occitans d’un coup de baguette magique jacobine en 2015, les Alsaciens et leur culture n’ont pas disparu dans le « Grand-Est »…). Son amalgame entre la région administrative et la Bretagne réelle est volontaire, systématique et malintentionné, un révisionnisme décomplexé et provocateur. Le découpage administratif ne change pourtant strictement rien à notre histoire, à notre culture, à nos langues, à notre toponymie, à notre littérature, à nos danses, à notre musique, à nos costumes traditionnels, à nos races animales domestiques, à notre architecture traditionnelle, à notre patrimoine, au château des ducs de Bretagne à Nantes, aux Marches de Bretagne si visible dans nos places-fortes comme à Clisson, à notre gastronomie... et à notre identité ; et le Muscadet, ne lui en déplaise, est bien l’un des produits-phare de la gastronomie bretonne, il n'en parle pas, lui qui se dit en « quête » de vin breton.


Sur le problème de l'identité bretonne traditionnelle du Vignoble nantais, totalement gommée dans un immense « Val de Loire », on peut lire le livre d'Alan Coraud : Sauvons le muscadet d'une mort programmée (éd. Yoran Embanner, 2015), et consulter le site des « Vignerons-Artisans de Bretagne » : https://www.vignerons-artisans-de-bretagne.bzh/, et notamment la vidéo, claire et documentée, en page d'accueil. Il n'a visiblement pas consulté le travail d'Alan Coraud.


Cette exclusion de la Loire-Atlantique, que je trouve insultant puisqu'il efface ma propre identité, mériterait quelques explications argumentées. M. Guigui pourrait par exemple nous expliquer ce qu'il y aurait de plus breton à Fougères qu'à Clisson, à Rennes qu'à Nantes, dans le Pays de Rennes (où l'on a jamais parlé breton) que dans le Pays nantais (où la toponymie bretonne a fait l'objet d'un livre important), à Saint-Brieuc qu'à Saint-Nazaire. Il pourrait encore nous expliquer ce qu'il y aurait de plus breton à Duault où a été créé l'A.R.V.B. qu'à Guérande où l'on produisait du « vin breton »... Il ne le fera pas, parce qu'il ne connait pas la Bretagne, et qu'il ne trouverait évidemment aucun argument historique, ethnographique, linguistique... sérieux, notre culture ne l'intéresse pas, je le soupçonne donc d'aimer la provocation.


En voici un exemple, une perle dans la provocation, qui résume bien l’état d’esprit de l’auteur. Suite à des critiques, son association, l’Association pour le Renouveau des Vins de Bretagne, décide de modifier symboliquement son nom, et de remplacer « renouveau » par « reconnaissance », en effet le mot « renouveau » impliquait une disparition de la vigne en Bretagne... ce qui n’est évidemment pas le cas puisque le Vignoble nantais est le plus grand vignoble mono-cépage blanc sec d’Europe ! Ce changement est une micro concession à la réalité historique, culturelle et gastronomique, et surtout une belle hypocrisie, car ça n’a strictement rien changé par la suite à leurs habitudes d’exclusion de notre cinquième département breton dans leur communication. Voyons maintenant comment M. Guigui présente l’affaire, il écrit (page 28) « La Bretagne regroupe le Finistère (29), les Côtes-d’Armor (22), le Morbihan (56) et l’Ille-et-Vilaine (35). … Au fil des ans et des échanges, il a été convenu que l’ARVB devait lever toute ambiguïté en ce qui concernait la Loire-Atlantique… Il fut donc décidé, lors de l’assemblée générale du 24 octobre 2015 à Duault, de remplacer “renouveau” par “reconnaissance”… ». Dans un premier paragraphe, il affirme que la Bretagne ne possède que quatre départements en confondant Bretagne et région administrative, et dans le suivant il ose parler de « lever toute ambiguïté » par rapport au cinquième département breton, c’est vraiment se foutre du monde, il affiche ouvertement son mépris condescendant. Comme on va le voir dans la deuxième partie, c’est l’ensemble du livre, de la page 1 à la page 126, qui ne cultive pas l’ambiguïté, mais au contraire, qui nous exclue systématiquement de la Bretagne.


Autre exemple hypocrite, « le vin breton est devenu une quête » dit-il (page 9) dans un style lyrique et une parfaire mauvaise foi, et en se comparant à Lancelot du Lac (page 9). Et dans sa quête du graal viticole, qui a envahi son « esprit comme une litanie » (page 9), il ignore la Bretagne historique sans en informer le lecteur, il démontre son désintérêt pour notre culture et notre histoire, et en particulier pour notre histoire viticole... A t-il lu les études de l'historien Arthur de La Borderie et de l'archiviste Henri Jouin ? On en doute ! Et pire, a t-il lu le livre récent (2011) et très complet de Guy Saindrenan sur « La Vigne & le Vin en Bretagne », dont la moitié traite de la Loire-Atlantque, on en doute aussi, tellement il étale son ignorance du vin breton. S'il ne connait pas bien notre bout de terre, il aurait pu trouver facilement dans ce dernier livre le chemin qui mène au vin breton, ça l'aurait aidé à trouver dans le supermarché de son quartier le rayon du Muscadet et du Gros-plant. Dans un propos volontairement provocateur il dit : « j’ai cherché quelques produits locaux… Mais question vin, ce fut la cale sèche. À croire que les Bretons n’auraient consommé que des vins pillés en mer… Comment est-il possible que des Bretons n’aient pas bu une production locale ? » (page 9), c’est bien là se moquer ouvertement des Bretons. Il existe pourtant de très bons livres sur la gastronomie bretonne[1], très facilement accessibles :

- MORAND Simone, Gastronomie bretonne d’hier et d’aujourd’hui, éd. Flammarion, 1965 / Cuisine traditionnelle de Bretagne, éd. Gisserot, 1989.

- LE CUNFF Louis, Cuisine et gastronomie de Bretagne, éd. Ouest-France, 1984.

- LE ROY Louis, La cuisine bretonne d’aujourd’hui, éd. Solar, 1985.

- Quand les Bretons passent à table – Manières de boire et manger en Bretagne 19e-20e siècle, ouvrage collectif (association « Buhez »), éd. Apogée, 1994…

ça lui aurait aussi donné quelques pistes dans ses « recherches » plus que superficielles. À défaut de consulter des ouvrages spécialisés, il aurait pu lire, comme entrée en matière sur le vin et la gastronomie bretonne, les excellents :

- Guide du Routard – Bretagne sud (collectif, éd. Hachette, 2022)

- La Bretagne pour les nuls (PAUMIER Jean-Yves, éd. First, 2016).

Cette absence de références à des livres spécialisés, ou même à des livres grand public, montre le « sérieux » du livre (il n’y a d’ailleurs pas de bibliographie). Le seul et unique livre qu’il cite sur le sujet est celui de ALLE Gérard et POULIQUEN Gilles (Le vin des Bretons, éd. Le Télégramme, 2004), qui ne traite pas vraiment de vins bretons mais essentiellement des vins importés et issus du négoce (le gros rouge), mais qui – étant donné le titre – se devait de mentionner « Le vignoble nantais » (chapitre : pages 20-35), ce bref chapitre ne l’a pas aidé dans sa « quête ». S'il était mieux informé, il saurait donc que l'on cultivait le Muscadet à Redon, le Gros-plant à Sarzeau, mais pas un mot sur ces vins bretons de sa plume, Sarzeau et Redon se trouve pourtant bien dans sa Bretagne amputée à quatre départements, mais trop de lien avec la Bretagne nantaise et ses cépages, probablement. Espérons qu'avec le temps il apprenne à connaître la Bretagne et ses vins, on produit quelques merveilles dans la Loire bretonne.


On ne trouve justement rien non plus dans son livre sur la notion historique de « vin breton », c'est encore une grosse lacune dans un livre soi disant consacré aux « vins bretons ». Les ducs de Bretagne avait d'abord distinguer dans la fiscalité le « vin breton » des vins étrangers au duché, par protectionnisme les « vins d'amont » (c'est-à-dire les vins des pays de la Loire) étaient taxés beaucoup plus que les vins du « Creu de Bretaigne ». M. Guigui n'a pas lu mon article sur ce sujet, un sujet pourtant essentiel pour comprendre l'histoire de la viticulture bretonne (« Le cépage nommé "Aunis" de Guérande à Sarzeau », 4ème partie, in Histoire & Patrimoine, n° 103, éd. A.P.H.R.N., juillet 2022 ; pages 94-107). La frontière politique et fiscale du duché puis de la province de Bretagne a joué un rôle important dans l'histoire viticole de la Bretagne (Bretagne nantaise surtout) et des pays de la Loire (Anjou, Touraine...), l'ignore t-il aussi ?


On a donc du mal à comprendre le raisonnement et la logique de l'auteur, et le sort particulier qu'il réserve à la Bretagne. On dit à Pantin de P. Guigui que « ce qui l’intéresse avant tout, c’est le vin comme produit culturel » (https://www.pantin.fr/la-ville/ils-font-pantin/pierre-guigui-3775), il dit lui même : qu'il « est important de savoir que le vin est issu de traditions ancestrales », il insiste sur le fait qu'« il faut aussi connaître l’histoire des vignobles à travers les régions » et que « si on se déconnecte de cela, on ne consomme plus qu’une boisson » (ibid). Concernant la Bretagne, la dimension historique et culturelle - qu'il revendique ailleurs - n'existe plus. Ces propos sont bien en totale contradiction avec son exclusion du berceau de la viticulture bretonne : la Bretagne nantaise, d'une belle part de la gastronomie bretonne : le Muscadet, du vin des ducs de Bretagne : le Berligou... Pourquoi fait-il une exception pour la Bretagne ? Mystère !

Mais finalement rien d'étonnant. P. Guigui est l’ambassadeur médiatique du monde du vin en région administrative, il ne peut pas décevoir le petit univers du pinard branché et les organisations viticoles du Val de Loire, aussi se conforme t-il à l’absurde charcutage administratif qu’on nous a imposé sans nous demander notre avis et sans consultation démocratique.


Une autre dimension me gêne dans ce « renouveau » de la viticulture bretonne septentrionale (dont les zélés propagandistes exagèrent l'importance dans le passé), c'est le réchauffement climatique. Je ne fais pas parti de ces enthousiastes qui se réjouissent du réchauffement climatique qui permettrait de « faire renaître la viticulture un peu partout en Bretagne » (sic), comme dit Gérard Alle en préface. Il y a, je trouve, une forme d’indécence à se réjouir de l'évolution du climat afin de pouvoir planter de la vigne jusqu’à la Manche, le réchauffement est une catastrophe écologique, humanitaire ET viticole, il me semble. On ne trouve pas un mot dans le livre sur les conséquences du réchauffement climatique pour les autres vignobles, sur le devenir des terroirs viticoles, peu importe. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, il aurait été intéressant de parler un peu de cette évolution préoccupante, et peu souhaitable à mon humble avis ; mais je dois être rabat-joie et il est de mauvais goût de troubler la joie des autres. Cet espoir de pinards septentrionaux, je le constate à longueur d’articles dans la presse dite « régionale », et chaque fois je pense à l’eau saumâtre qui coule maintenant du robinet dans la grande ville marocaine où vit la famille de ma femme…


Aucune bibliographie, étrange, est-ce pour ne pas avoir à citer des livres qui mentionnent la Loire-Atlantique ? Il est vrai qu'aucun livre historique sérieux sur la Bretagne ne peut fait l'impasse sur la Bretagne nantaise, et aucun livre ou aucune étude sérieuse sur l'histoire viticole de la Bretagne ne peut écarter le Vignoble nantais !


Dernier aspect un peu agaçant : ce livre, pourtant bref, aurait pu être allégé d’un verbiage inutile et un peu pompeux, bienvenu dans le monde des bobos !


Conclusion :


Parler des vins bretons en excluant la Loire-Atlantique est un véritable exploit, surréaliste, prétendre chercher des vins bretons en écartant les vins de Nantes est malintentionné. Le seul intérêt de ce livre est d’être un témoignage sur une certaine malhonnêteté intellectuelle, car je le répète : la région administrative n'est pas la Bretagne réelle, comme l'Union européenne n'est pas l'Europe ! Qui oserait dire que la Suisse ou la Norvège ne sont pas européennes ? Pierre Guigui ne peut pas effacer à sa guise des pans entiers de notre histoire et de notre territoire, il ne peut pas inventer sa version de la Bretagne, à son usage personnel. Il prend finalement la même liberté avec la réalité historique et culturelle, que la biodynamie avec la science. Pour lui, la Bretagne - avec sa culture et son identité - n’existe pas, il s'en fiche, et la région administrative n’est finalement qu’une page blanche où il peut mettre en pratique ses rêves de viticulture septentrionale, réjouissons-nous avec lui du réchauffement climatique qui rend possible cette heureuse évolution, et tant pis pour le reste du monde. Pour être moins polémique, le livre de Pierre Guigui aurait dû avoir pour titre : « Le renouveau de la viticulture en Région administrative Bretagne », et au lieu du mot « Bretagne » il aurait pu utiliser l'expression « région administrative ».


Nous n'allons pas renier notre identité historique et culturelle pour ne pas contrarier ces si aimables et sympathiques amateurs de vins, nous n'allons pas continuer à avaler des couleuvres, nous taire et disparaître pour leur être agréable ! On ne va pas rester passif, être gentil et souriant, avec des gens qui étalent sans le moindre scrupule leur révisionnisme et leur mépris condescendant pour le midi de la Bretagne, notre Bretagne.


Inutile de perdre votre argent, je vous conseille plutôt les livres bien mieux documentés et objectifs de Guy Saindrenan, qui a écrit dans un article de la Revue des œnologues : « Pour la plupart des gens, la Bretagne n’a jamais produit de vin, d’ailleurs le climat ne s’y prête pas, c’est bien connu ! Nantes et son muscadet ? Oui mais, Nantes ce n’est pas vraiment la Bretagne ! Voilà résumé en quelques mots, les lieux communs les plus répandus qui tiennent lieu de culture à ceux qui s’expriment sur la viticulture bretonne. » (n° 181, octobre 2021 ; page 64). Et oui, traiter de la Bretagne demande un peu de culture.


Deux remarques :


- Il écartera sans doute toute critique d’un revers de main, en présentant les personnes qui n'apprécient pas son révisionnisme comme des hurluberlus, voire des extrémistes, c’est bien pratique, ça lui évitera d’avoir à se justifier, et d’apporter les arguments géographiques, géologiques, climatiques, historiques, ethnographiques, linguistiques… qui lui permettrait d’inventer une Bretagne sans la Loire-Atlantique.


- Une info : On s'étonne d'apprendre que lors de l'Assemblée Générale de l'Association pour la Reconnaissance des Vins Bretons (A.R.V.B.), où le livre a été présenté, que le colloque de Redon sur « Le Berligou et le vin en Bretagne », organisé par l'Institut Culturel de Bretagne (15 octobre 2022), ait été mentionné dans les manifestations où le Conseil d'Administration aurait été présent, alors qu'étrangement aucun d'entre eux n'a montré son nez (on comprend bien pourquoi...). Non, on ne s'étonne plus de rien avec cette association, qu'est-ce que ce petit mensonge minable à côté de notre exclusion de la Bretagne ?





Deuxième partie, le livre page après page :


Voici les « meilleurs » passages en vert avec quelques commentaires (titres des chapitres indiqués en gras) :



Préface.


Le malaise commence dès la préface de Gérard Alle qui écrit (page 8) :

« … je reçois un coup de fil d’un certain Pierre Guigui ? Il me propose de créer une association, pour donner corps à cette utopie : faire renaître la viticulture un peu partout en Bretagne. »

On apprend ainsi avec stupéfaction que la viticulture aurait disparu en Bretagne et qu’il serait bien de contribuer à la faire renaître en créant une association… De quelle planète sortent-ils ? J’ai pourtant dans ma cave d'excellents vins bretons : des Muscadets, des Crus communaux, du Malvoisie, du Berligou, du Grolleau, du Gros-plant… On cultivait la vigne dans mon Pays de Guérande, on cultivait la vigne dans ma famille, mon trisaïeul Pierre Josso (1843-1942) a bien reçu la médaille du mérite agricole pour sa contribution à la reconstruction du vignoble local lors de la crise du phylloxéra, et pour l'occasion il est bien qualifié dans la presse régionale de « cultivateur vigneron » et de « type du vieux paysan breton » (La Presqu'île Guérandaise, du 29 oct. 1933), j'ai bien grandi entre deux vignes à moins de 100 mètres de chez moi, l'alambic passait bien tous les ans dans le hameau, je passe mon temps à collecter des renseignements auprès des anciens sur la culture de la vigne et les vins du coin, j'en ai souvent goûté, je n'ai pas rêvé, je n'ai pas imaginé tout ça, je n'ai pas inventé tout ça. Ce malaise perdure tout le long du libre.


« Renaître » est d’ailleurs un bien grand mot, pour justifier le mot « renaissance » ces utopistes exagèrent l’importance du vignoble de la Bretagne septentrionale à l’époque de l’Optimum climatique médiéval, cette première viticulture bretonne septentrionale n’était que cléricale, et très clairsemée. La seule zone en Bretagne nord où la culture de la vigne s’est un peu développée et a perduré péniblement jusqu’au XVIIIe siècle est le Val de Rance, où le micro-climat a même permis la création de marais salants par des paludiers guérandais, mais cette viticulture ne pouvait pas durer du fait de la mauvaise qualité des vins locaux, du commerce qui amenait sur le marché des vins bien meilleurs et de la concurrence du cidre (mieux vaut un cidre fermier qu'un piquette inbuvable...). Quant aux vignes de la presqu’île de Rhuys et du Pays de Redon, qui ont perduré, elles, jusqu'au XXe siècle, et qui sont encore bien vivantes dans la mémoire collective, elles s’inscrivent dans un continuum avec les vignes du Pays de Guérande et du Pays nantais, avec les mêmes cépages (Gros-plant, Muscadet, et Chenin avant l’arrivée de l’oïdium). On se demande comment font ces gens, incompétents en matière d’histoire de Bretagne, pour séparer les vignobles de Sarzeau (56) et de Redon (35) de ceux de la Loire-Atlantique ? Il faut une bonne dose de malhonnêteté intellectuelle pour oser écarter notre département de l’histoire viticole de la Bretagne. D’ailleurs, en remontant le temps, avant 1982 et la loi de décentralisation, 1955 et la création des « régions programmes » en 1956, leur « Bretagne » défigurée à quatre départements n’existe pas, tenter d’adapter l’histoire de Bretagne et notre patrimoine (viticole et autre) au découpage administratif actuel relève bien d'un anachronisme ridicule et du révisionnisme. On ne peut pas adapter le passé historique à des découpages administratifs récents !



Introduction.


(page 9) « La vigne en Bretagne est-elle une licorne, une utopie, une résurrection ? »

Quelle étrange question (au style pompeux et lourd), elle montre une méconnaissance profonde de la Bretagne. Les rayons des supermarchés sont pleins de vins bretons « utopiques ».


« Certains pensent qu’elle y naîtra “grâce” au réchauffement climatique. »

Encore un propos surréaliste, la culture de la vigne est attestée en Bretagne depuis l’Antiquité (pressoir gallo-romain de Piriac...), elle a remonté vers le nord jusqu'à l'abbaye de Landévennec (Hanvec) durant l'Optimum Climatique Médiéval (900-1300).


« Pour ma part, je suis persuadé qu’elle y a toujours été présente, et je me suis constamment demandé pourquoi elle s’est éclipsée au fil de l’histoire. »

On aimerait que P. Guigui nous fournisse quelques renseignements historiques sur la soi disant disparition de la vigne en Bretagne ; c’est curieux dans ma Bretagne, la Bretagne réelle, la vigne fait bien parti du paysage. L'identité bretonne de ma région, mon identité, je l'ai probablement fantasmé ; si l'on en croit ces gens, les noms de lieux ne seraient pas bretons, les noms de famille non plus, la langue traditionnelle ne serait pas du breton, les danses et la musique traditionnelle n'aurait aucun lien avec la Bretagne... Depuis les charcutages administratifs (1955-1982) et je ne sais quelle sorcellerie, plus rien ne serait breton chez moi ! M. Guigui, sérieusement, il faut lire, le livre de Guy Saindrenan pour la Bretagne d'abord, et les autres ouvrages sur l'histoire de la vigne (Roger Dion, Marcel Lachiver, Hugh Johnson, Henri Enjalbert...), j'ai résumé le recul (et non la disparition) de la vigne en Bretagne dans un article (https://mkjosou.wixsite.com/website/post/le-c%C3%A9page-nomm%C3%A9-aunis-de-gu%C3%A9rande-%C3%A0-sarzeau-troisi%C3%A8me-partie), rien de bien difficile ou mystérieux à comprendre.


« La première fois que j’ai séjourné un peu longuement en Bretagne, j’ai cherché quelques produits locaux pour satisfaire mes papilles : cidre, moules… Mais question vin, ce fut la cale sèche. A croire que les Bretons n’auraient consommé que des vins… achetés à d’autres provinces ou en provenance d’Algérie… Comment est-il possible que des Bretons n’aient pas bu une production locale ?... La question a envahi mon esprit comme une litanie, et le vin breton est devenu une quête… (page 11) Chaque année, je me disais que du vin avait quand même dû être produit en Bretagne… les questions revenaient à chaque début de séjour. »

Comment peut-on écrire un truc pareil ? C'est complètement délirant, ça sent la mauvaise foi à plein nez, c’est digne d’une mauvaise propagande. Cette histoire de « quête » c'est se moquer du monde, du vin breton il y en a dans tous les supermarchés. « Chaque année, je me disais que du vin avait quand même dû être produit en Bretagne » qu'il ose dire, le ridicule ne tue pas. Sans parler du style qui renforce le côté absurde du propos : « la question a envahi mon esprit comme une litanie »... Connait-il l'histoire viticole de la Bretagne. On en doute ! On est dans l'aberration la plus grotesque.


« Jusqu’au jour où… je suis tombé sur Le vin des Bretons écrit par Gérard Alle… Gérard est… un passeur qui vous fait toucher du doigt le bout du monde… Ce bout du monde, c’est la Bretagne “profonde”, entendez “non superficielle”, la Bretagne avec ses racines, ses traditions, son histoire, ses (page 12) contes, sa langue, son identité… »

Comment peut-il parler de « la Bretagne avec ses racines, ses traditions, son histoire, ses contes, sa langue, son identité », lui qui invente une Bretagne anhistorique ? Faire appel à l'histoire et à l'identité, c'est vraiment un comble quand on nie la réalité historique, culturelle et gastronomique de la Bretagne !


(page 13) « Pour moi, la vigne bretonne est une évidence. Certes, le réchauffement climatique redistribue les cartes viticoles, mais la vigne a toujours existé en Bretagne… si toutes les régions viticoles de France ont su se relever du terrible fléau que fut le phylloxéra, la Bretagne, quant à elle, a jeté l’éponge, exception faite de quelques vignes résiduelles. »

Concernant le phylloxéra, la Bretagne aurait « jeté l’éponge », décidément, il n’a sans doute pas lu le livre de Guy Saindrenan sur « La vigne et le vin en Bretagne » qui raconte pourtant cette histoire en détails, on se demande pourquoi il lui a demandé une contribution alors qu’il ampute ce livre très complet comme il ampute la Bretagne. La crise du phylloxéra a d'ailleurs été l'occasion de luttes sociales importantes en Bretagne nantaise, du fait du bail à complant (René Bourrigaud, « Rien que notre dû ! », éd. du CHT, 2016). Oui, la « vigne bretonne » est bien une évidence : le Muscadet, le Berligou...


« Le renouveau du vin breton réinterroge toutes les questions historiques… il faut un peu de folie pour faire revivre le vin breton… »

On se demande encore pourquoi il fait appel à l’histoire alors qu’il refuse la réalité historique, ne se rend t-il pas compte de ses contradictions ? A partir du moment où l’on fait appel à l’histoire et au patrimoine, la région administrative n’existe plus (elle a été créée en 1956...), évidemment, on ne peut pas adapter le passé et le patrimoine à un découpage administratif moderne ! Comment faire « revivre » (sic) le « vin breton » sans définir ce qu'est le « vin breton » historique ? J'ai écrit un article sur ce « vin breton » historique : https://mkjosou.wixsite.com/website/post/le-c%C3%A9page-nomm%C3%A9-aunis-de-gu%C3%A9rande-%C3%A0-sarzeau-troisi%C3%A8me-partie-1.



L’association pour le renouveau des vins de Bretagne.


Ce chapitre commence par un passage de la thèse de son épouse, Laurence Zigliara (Le moment du vin, une éducation tout au long de la vie, Université de Paris 8, 2011, « La monographie du vin breton » en annexe, mériterait aussi un compte-rendu !) :

(page 15) « Pour beaucoup, le vin breton fait sourire, et son existence passée, présente et future est inconcevable. Où sont les vins bretons ?... Pour les Bretons, le vin breton est celui du Père Benoît ou de la Grappe fleurie… Par ailleurs, évoquer les vins bretons auprès des personnes non bretonnes… prête assez régulièrement aux sourires… Quoiqu’il en soit, la Bretagne n’étant pas une région viticole ni dans le monde du vin officiel, ni dans leur univers locaux. En revanche, n’avoir jamais entendu parler de l’existence des vins bretons m’a semblé étonnant après avoir passé autant de temps en Bretagne… »

Madame Zigliara, les vins bretons il y en a chez tous les cavistes et même dans tous les supermarchés ; si vous voulez vous documenter un peu sur la gastronomie bretonne je vous conseille les livres de Simone Morand, qui est – elle – une véritable spécialiste des traditions populaires de Bretagne, et notamment de la gastronomie bretonne. Le « vin breton fait sourire », dit-elle ! Le ridicule ne tue pas, heureusement.


Puis P. Guigui reprend la parole :

(page 16) « Il n’a fallu que peu de temps… pour que Gérard, mon épouse, Laurence Zigliara… et moi-même, nous nous entendions afin de créer l’Association pour le renouveau des vins de Bretagne… (page 17) L’Association pour le renouveau des vins de Bretagne œuvre en faveur de la promotion et de la défense des vins de Bretagne, et porte pour titre secondaire “ Bevet gwin vreizh” [sic], soit “ Vive le vin de Bretagne”… Comme le stipule ses statuts, sa mission consiste notamment à… assurer la diffusion de toute l’information disponible sur les vignes et les vins de Bretagne… (page 18) mettre en œuvre tous les moyens pour assurer la promotion, le rayonnement et le développement des vignes et des vins de Bretagne… »

On est là dans une farce, du grand comique, comment peut-on « assurer la diffusion de toute l’information disponible sur les vignes et les vins de Bretagne » tout en niant l’histoire viticole de la Bretagne, et en excluant le berceau de la viticulture bretonne : la Bretagne nantaise, c’est ce que font ces gens à longueur de communications.


Il redonne ensuite la parole à son épouse qui « raconte les premiers moments de la création de l’association, sur la base d’un entretien avec Gérard Alle » : « Rencontre avec Gérard Alle. Le premier contact se fait par téléphone… (page 19) Nous lui soumettons l’idée de fédérer tous les vignerons bretons en une association… L’idée lui plait : il est partant pour participer à la création du groupe… En matière d’organisation, je m’occupe de joindre les vignerons bretons connus… (page 20) Et cette idée a mûri grâce à la rencontre d’un viticulteur, Pascal Frissant, d’un œnologue, Pierre Guigui, ainsi que de Laurence Zigliara, chercheuse spécialisée dans la vigne bretonne. Il s’agit de rassembler, autour de spécialistes, tous ceux que le sujet intéresse, pour continuer sur les voies de cette formidable utopie : faire du vin en Bretagne. »

On ne voit pas vraiment d’« utopie » dans le fait de « faire du vin en Bretagne », c'est le quotidien dans le Vignoble nantais, le vignoble breton actuel c'est 8.000 hectares, la viticulture bretonne est attestée, sans discontinuité, depuis presque deux millénaires ; le Muscadet et le Gros-plant font partie de la vie des Bretons depuis des siècles, ces vins appartiennent à leur patrimoine, à leur gastronomie. Le marché traditionnel des vins nantais, c'est bien le reste de la Bretagne. On a du mal à comprendre qu’une « chercheuse spécialisée dans la vigne bretonne » fasse l’impasse sur le seul département viticole breton, et sur la longue histoire viticole de la Bretagne, drôle de spécialiste. L’initiative de la création de cette association vient de personnes qui écartent – volontairement – l’histoire de Bretagne, ils font le tri dans notre histoire et notre patrimoine.


P. Guigui à nouveau :

(page 28) « La Bretagne regroupe le Finistère (29), les Côtes-d’Armor (22), le Morbihan (56) et l’Ille-et-Vilaine (35). La Loire-Atlantique (44) a été rattachée à la région des Pays de la Loire par un décret en date du 30 juin 1941, et est devenue Loire-Atlantique en 1957… certains vignerons de Loire-Atlantique se revendiquent “bretons” nous ont accusés de les “rejeter”, et même d’être des collaborateurs puisque c’est sous le régime de Vichy que la séparation a eu lieu. Au fil des ans et des échanges, il a été convenu que l’ARVB devait lever toute ambiguïté en ce qui concernait la Loire-Atlantique… Il fut donc décidé, lors de l’assemblée générale du 24 octobre 2015 à Duault, de remplacer “renouveau” par “reconnaissance”… (page 29) Gérard a été notre premier président, et en 2020, il a laissé la place à Rémy Ferrand… Rémy est né près du village de Gevrey-Chambertin en Bourgogne ».

On sent bien que c’est à contre cœur que P. Guigui parle du changement de nom de l’association, on se demande d’ailleurs où est la levée de « toute ambiguïté » quand il insiste aussi lourdement en écrivant « La Bretagne regroupe le Finistère (29), les Côtes-d’Armor (22), le Morbihan (56) et l’Ille-et-Vilaine (35) » dans le même page !!! N'est-ce pas se moquer du monde ? On est bien là dans l'hypocrisie totale et le mépris condescendant ! Ce changement de nom ne portait que sur un seul mot, ce n'est qu'un artifice pour contourner les critiques, leur sincérité est plus que douteuse, et c'est bien une imposture car ça n’a pas été suivi d’un changement de communication, à commencer par ce livre.


Ce passage démontre aussi les approximations historiques de l’auteur, la région administrative dite des « Pays de la Loire » n’a pas été créée par le décret Pétain de 1941… Dans un travail sérieux, on vérifie ses sources... Et puis on ne comprend pas bien son texte : « La Loire-Atlantique… est devenue Loire-Atlantique en 1957 » (il parle en fait du changement de nom de la « Loire-Inférieure » !). Par contre, le projet de région administrative à quatre départements bretons date bien de 1941, Pétain et Vichy n’avait pas osé la nommer « Région Bretagne » dans le décret mais « Région de Rennes », mais sa création (comme région programme) date de 1955. Mais ces charcutages administratifs ne deviennent concrets dans la vie de la population que depuis la loi de décentralisation de 1982, avec une propagande quotidienne payée au frais du contribuable et relayée par la presse « régionale ».


L’histoire du vin en Bretagne.


« (page 33) Contribution de Guy Saindrenan »

Etonnant que M. Saindrenan ait apporté sa contribution à ce mauvais livre, Pierre Guigui sous-traite l’histoire, car il semble avoir une obsession : ne pas avoir à mentionner lui-même le Vignoble nantais.


Cette contribution est « complétée » par un extrait de la thèse de son épouse qui dit (page 41) :

« Un puits, fouillé à Monterfil II [quartier de Corseul, cité des Curiosolites], a livré des débris organiques des pépins de raisins et des sarments de vigne. L’analyse de ces restes suggère que la vigne était bien cultivée et non sauvage et ce, dès la fin du IIIe siècles av. J.-C. . »

C’est une information donnée à l’oral par un ami, information non vérifiée, encore, un peu étonnant dans une thèse (Laurence Zigliara, Le moment du vin, une éducation tout au long de la vie, Université de Paris 8, 2011, « La monographie du vin breton » en annexe, page 70 avec la note 35 : « renseignement transmis par…). Ce serait pourtant une information remarquable et d’une très grande importance dans l’histoire de la viticulture… une viticulture armoricaine avant l’invasion romaine ! Elle n’est pas reprise par Anne-Françoise Cherel et Dominique Frère dans leur étude « Du vin en Bretagne dès le premier âge du Fer ? » (in Archéopages, 47, 2020). On voit bien que les grosses approximations ne dérangent pas ces gens.



Les cépages.


(page 55) « Parmi les cépages que la Bretagne pourrait planter il y a cette fameuse magdeleine des Charentes qui est originaire de la Bretagne à Saint-Suliac… Et si la maman du Merlot était bretonne ? »

S’il est tout à fait extraordinaire que ce vieux cépage ait d’abord été retrouvé dans le nord de la Bretagne, il est totalement improbable qu’il soit originaire de Bretagne, on aurait bien aimé évidemment. Il a ensuite été retrouvé dans des treilles en Charentes, des analyses génétiques ont montré qu’il est l’un des parents du Merlot et du Cot-Malbec, pour les plus connus, et peut-être de l’Abouriou (et non de l’ « aribou » comme indiqué page 56) ; d’où on peut en conclure que c’est un cépage aquitain. On ne dispose d’aucun renseignement sur l’ancienneté de ce cépage sur les bords de la Rance, mais on peut supposer que sa présence doit beaucoup aux relations des ports de Saint-Malo et de La Rochelle, à moins qu’un habitant de Saint-Suliac ait ramené des boutures de Charentes au XXe siècle, des Guérandais ont bien ramené des boutures d'hybrides d'autres régions viticoles, on n’en sait rien, on ne peut rien dire. Difficile en tout cas de parler (page 55) de « notre cépage breton », les seuls cépages attestés anciennement en Bretagne sont le Berligou, le Muscadet, le Chenin, le Gros-plant.


Au sujet des « cépages plantés en Bretagne en 2021 » (page 56), l’auteur mentionne le Melon de Bourgogne et la Folle blanche sur « 1 » seul site (page 57) ! Honte de rien ! Et les très nombreux autres vignerons qui cultivent ces cépages en Bretagne nantaise ?



Le climat.


(page 59) « Le réchauffement permet d’atteindre des maturités plus complète »

On sent là une attente forte, un espoir, comme si le réchauffement climatique était une bonne nouvelle, une aubaine, l’auteur se projette en 2060 (page 80) et donne des cartes où sont identifiés les « secteurs où la véraison de quatre cépages (chardonnay, chenin, pinot noir, cabernet sauvignon) » pourrait « être atteinte ».


On trouve dans ce chapitre des données scientifiques (contribution de Valerie Bonnardot), mais avec un tableau (page 67) des « données pluviométriques et thermique en Bretagne : à Brest, Dinard, Lorient, Quimper, Rennes et Rostrenen, en comparaison avec Nantes et Bordeaux », avec Nantes à part évidemment… Mais P. Guigui aurait pu présenter les choses autrement : grâce à l’estuaire de la Loire, le climat du Vignoble nantais est un « climat océanique franc », dit « climat breton », alors que le Pays de Rennes, plus continental, est classé dans le « climat océanique altéré » comme l’Anjou !



Le terroir.


(page 81) « Pour le moment, nous ne pouvons rester que dans des généralités en ce qui concerne l’adéquation de la vigne et des sols en Bretagne, tellement la diversité est importante ».

C’est pourtant cette diversité qui a permis la création des Crus communaux du Muscadet, distingués par leur terroir et la géologie. Et concernant « Le renouveau des vins bretons » (titre), le fait le plus important, et de très loin, n’est pas la création de quelques vignobles bretons septentrionaux, mais l’évolution du Muscadet, avec des Muscadets de garde, surprenants, et d’une qualité qui n’a rien a envié à d’autres grands vins. Il y a certainement en Bretagne nantaise des spécialistes qui auraient pu lui apporter une petite contribution à ce sujet, mais il ne faut surtout pas mentionner les mots « Nantes », « nantais », « Muscadet »… Tabou.


Le projet IGP Bretagne, porté par des vignerons nantais, aurait aussi mérité quelques pages, au niveau géologie (Massif armoricain), climat (océanique franc), historique et culturel, la Bretagne forme bien une unité, un terroir. Ce projet concerne lui aussi le renouveau du vignoble breton, c’est bien un sujet important pour l’avenir de la viticulture bretonne, et contrairement à ces néo-vignerons de la région administrative, dont certains ne sont pas bretons d'origine, les vignerons nantais n'excluent - eux - personne, et ils œuvrent pour l'ensemble de la Bretagne et l'avenir de son vignoble.



De la libéralisation des droits de plantation…


(page 83) « le vin breton moribond »

On apprécie encore cette annonce peu historique, malgré la crise le Vignoble nantais montre un beau dynamisme. P. Guigui ignore que l’expression « vin breton » renvoie à une notion historique précise dans la fiscalité du duché puis de la province de Bretagne, « nostre terrouer de Guerrande » comme disaient les ducs de Bretagne produisait du « vin breton » (voir mon article : https://mkjosou.wixsite.com/website/post/le-c%C3%A9page-nomm%C3%A9-aunis-de-gu%C3%A9rande-%C3%A0-sarzeau-troisi%C3%A8me-partie-1).



Et demain ? La formation ?


(page 88) « Si la Bretagne veut réussir à produire des vins “construits” qui raconte un lieu, une histoire locale, une volonté de bien faire, cela passera par la formation. »

Il existe depuis longtemps des formations viticoles en Bretagne nantaise… Malgré l’absence de « vins “construits” » en Bretagne… on n’a pas attendu l’avis de M. Guigui pour former ! On apprécie particulièrement ce recours à l’« histoire locale » dans ce passage, alors qu’il évite soigneusement de parler lui-même de l’histoire de Bretagne, puisque cela l’obligerait à intégrer le Vignoble nantais, ce qui semble être un cauchemar pour lui.


Suit l’interview d’Aurélien Berthou qui répond (page 89) aux questions : « Pourquoi t’intéresses-tu aux vins bretons ? Quand as-tu pensé qu’il était possible de faire du vin en Bretagne » par « Je m’intéresse aux vins bretons d’abord parce que j’aime cette région et que j’y suis très attaché… »

Il aime cette région, dit-il, mais exclure un cinquième du territoire breton et le vin breton de Nantes est une bien curieuse façon de prouver cet attachement à la Bretagne, à son histoire, à sa culture, à son patrimoine, à sa gastronomie, à ses vins. Il s'intéresse aux vins bretons en excluant le principal (et de très loin) vignoble breton historique, oui, une bien étrange logique et un amour de sa région assez spécial ; il est vrai que pour certains la Bretagne se limite au Finistère, quand ce n'est pas au Léon ou au Pays bigouden... ces « vrais Bretons » qui nous excluent de la Bretagne ne parlent souvent même pas un mot de la langue locale... Trugare dezhe !


« Je me rendais bien compte que la Bretagne était en (page 90) train de devenir une région adaptée à la culture de la vigne… »

M. Berthou, ça fait presque deux millénaires que le midi de la Bretagne est adapté à la culture de la vigne ! On a bien remarqué le désintéressement de ce Landerneau du vin pour l'histoire de la viticulture bretonne, on ne les a pas rencontré dans les présentations du livre d'Alain Poulard et Marcel Jussiaume sur le Berligou - Le vin des ducs de Bretagne, et ils ont brillé encore par leur absence au colloque organisé à Redon par l'Institut Culturel de Bretagne sur le vin breton (15 octobre 2022).


« Peut-être que dans une dizaine d’années, on commencera à définir une typicité des vins bretons avec un profil gustatif particulier ».

Les vins bretons ont déjà une typicité armoricaine et maritime bien marquée, notamment le Muscadet. Comment un œnologue peut-il écrire une telle ineptie ? On se demande bien quel élément du Massif armoricain ou du climat breton permettrait de distinguer les futurs vins de la région administrative des vins de Nantes, à l'échelle de la Bretagne rien dans le sol et le climat ne pourra distinguer les vins de ces néo-vignerons de ceux de la Loire-Atlantique (on ne fait pas que du Muscadet et du Gros-plant dans le Vignoble nantais), les différences se feront sentir au niveau des « unités terroir de base » (UTB) ou d'ensembles géologiques relativement homogènes comme dans les Crus communaux du Muscadet.


Ce chapitre se termine (page 91) sur l’« association dédiée aux professionnels : l’Association des vignerons breton… petite sœur de l’ARVB, qui ne s’adresse qu’aux professionnels du vin breton », sous-entendu : à l’exclusion des vignerons de Loire-Atlantique… Là encore on constate que la levée de toute ambiguïté concernant la Loire-Atlantique est une belle hypocrisie, le président d'honneur de l'AVB n'est autre que le nouveau président de l'ARVB, bourguignon d'origine, le président de l'AVB étant du nord de la France (page 99) : ces gens se contrefichent totalement de la Bretagne, de son histoire et de sa culture.


Cette association a pour objectif (page 92) de « défendre et favoriser le développement et la promotion des productions vitivinicoles issues des terroirs bretons », à l’exception des terroirs guérandais et nantais


« Pour pouvoir adhérer à l’association, les vignerons doivent : être producteurs professionnels… en Bretagne », hormis ceux de la Bretagne nantaise


Curieuse démarche que de créer une association de vignerons professionnels bretons, il en existe déjà d'autres qui les auraient accueilli avec grand plaisir et qui auraient aimer échanger avec ces nouveaux collègues :

- « Vignerons Artisans de Bretagne » (https://www.vignerons-artisans-de-bretagne.bzh/)

Aucun contact n'a été pris par ces néo-vignerons avec les associations de la Bretagne nantaise, même pour simplement se renseigner, il ne faut surtout pas se mélanger...


On a bien compris la démarche intéressée de ces néo-vignerons de la région administrative réunis dans l’« Association des vignerons “bretons” », ils ne sont pas tous bretons mais ils veulent s’accaparer le nom de la Bretagne pour eux seuls. On se contrefiche de leurs origines, s’ils s’installent en Bretagne ils deviennent évidemment bretons, mais on est en droit d’exiger qu’ils n’utilisent pas le nom de la Bretagne dans leurs seuls petits intérêts et au dépens d’autres vignerons bretons, authentiques, eux. Ils ne seraient pas intéressés par une IGP Bretagne qui permettrait de mieux les identifier, mais ils se constituent pourtant en association pour ça, il y a comme une petite contradiction !


Ils savent qu’il leur sera plus que difficile de faire mieux que dans le Vignoble nantais, ils ne comptent donc pas sur la qualité de leurs vins pour vivre de leur passion, mais sur l'achat identitaire, l’identité est forte en Bretagne et les Bretons sont très attachés aux produits régionaux, et ils comptent sur ce réflexe. Et pour être identifiés, pour être les seuls à produire du « vin breton » il leur faut exclure la Loire-Atlantique, c'est bien une démarche égoïste et assez mesquine. Ils savent très bien ce qu'ils font, c'est réfléchi, mais c’est un très mauvais calcul, car personne ne sera dupe ! A mon avis, une fois l’effet de surprise passé, la curiosité va se tarir, et les gens préfèreront acheter moins cher de meilleurs vins, d’autant plus que l’on fait d’excellents vins en Bretagne nantaise.



Un tour dans les vignes.


(page 94) « Les professionnels de la viticulture en Bretagne représentent 150 hectares pour 49 projets en cours et 18 exploitations en ordre de marche… »

Des chiffres faussés par la confusion volontaire et systématique en région administrative et Bretagne réelle, le Vignoble nantais est le plus grand vignoble mono-cépage blanc sec d’Europe ! Il « oublie » 8000 hectares et 450 vignerons professionnels.


« superficies à octobre 2021 : - Côtes-d’Armor : 19 hectares ; - Finistère : 30 hectares ; Ille-et-Vilaine : 22 hectares ; Morbihan : 84 hectares »

Manque encore et encore le principal département, le seul département viticole breton actuel, un révisionnisme géographique martelé à chaque chapitre…


L'origine de ces néo-vignerons de la région administrative nous intéresse puisqu'ils veulent s'accaparer le nom de la Bretagne pour eux-seuls.


Sur les vignerons de Sarzeau (pages 97-99), P. Guigui oublie de nous dire qu’ils sont champenois d’origine (le président d'honneur de l'AVB est bourguignon).


On apprend que le vigneron de Theix (page 99) est originaire « du nord de la France », il est le président de l'Association des vignerons « bretons » (AVB)... un néo-breton qui exclue d'office les Nantais.


Le projet de Belle-Île est porté par le « PDG du groupe Fiducial » (page 100), là il s’agit de vulgaire spéculation, l’amour de la vigne, du vin, de la nature et d’un paysage breton aussi grandiose que le littoral de l’île passe bien après cet investissement.


Le projet de Quiberon (pages 100-101) vient de personnes qui « ont quitté leur vie trépidante au sein d’une agence publicitaire à Paris pour ouvrir un hôtel-restaurant à Quiberon », en association avec des vignerons qui produisent « des vins à expression libre mais précis » de « Montlouis-sur-Loire » en l’Indre-et-Loire.


Concernant le projet de Groix, l’auteur nous dit (page 102) qu’il « est né en Bretagne… et il aime sa région », enfin pas en entier… il aime le vin mais pas la Bretagne viticole d’après ce que j’ai pu lire par ailleurs. Sur le site « Miimosa » (financement participatif) il ose affirmer qu' « il n’y a pas encore de vignes en Bretagne », ça montre le niveau ! (https://miimosa.com/fr/projects/la-ferme-de-port-coustic-viticulture-insulaire?fbclid=IwAR028M91PZ6TPCEOEs7bgN9y7H_HDoeOBUJ-sGdgAngFZbsiuOMICLFmcj4#description).


Et puis surprise, P. Guigui mentionne (page 104) le « pays de Guérande », mon pays, mais un pays de Guérande réduit au stricte minimum : uniquement « Pénestin » (prononcez “Pénétin”) », seule commune bretonne du Pays de Guérande d’après lui. Amusant ce besoin de préciser la prononciation, s’adresse t-il aux bobos de Paris ? Aux touristes étrangers ?


Pour finir on arrive sur les bords de Rance, avec un vigneron (page 112) « originaire de plusieurs horizons : l’Angleterre pour sa mère, le sud-ouest de la France pour son père, lui-même vient de Normandie », il serait le « premier vigneron professionnel de Bretagne », rien que ça ! (d’après https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/il-sera-le-premier-vigneron-professionnel-de-bretagne-1537278613?fbclid=IwAR3rFeEmWwIDlZQUdh4yh6T9vZ0TbtvF0aTANLxawFjtZMSS4qHVm-frQMo), cette communication lamentable n’a pas dû plaire beaucoup chez les amoureux de la Bretagne, il serait bien qu'il s'en rende compte.



Conclusion.


Pierre Guigui prend autant de liberté avec la réalité historique et ethnologique que la biodynamie avec la science ! L’auteur s’interroge (page 117) : « Quel goût aura le vin breton demain ? » On peut lui répondre sans hésiter : probablement le même que de nos jours, en mieux encore !


On peut ajouter que le Vignoble nantais va poursuivre sa montée en gamme, la future évolution du vignoble de Nantes sera probablement une diversification, avec des vins rouges de qualité produit avec le Berligou, un cépage d’avenir, et un cépage ancré dans l’histoire de Bretagne, il était le cépage des ducs de Bretagne, qui avait leur château à Nantes, en Bretagne nantaise.


Une perle pour finir (page 118) : « Bevet gwin vreizh [sic]. Vive le vin de Bretagne. » avec une faute de breton qui symbolise pour moi le désintérêt de ces gens pour l’histoire et la culture bretonne, on ne bricole pas une citation en breton, quand on ne connaît pas la langue, juste histoire de faire breton et authentique. Seul le mot « Bretagne » est intéressant pour ces gens, pour l’étiquette sur la bouteille et attiré le client. Pour information, « Bevet gwin Breizh » (sans la faute) se prononce / beˈvεjt gwɛ̃ brεx / dans le breton du nord-ouest de la Loire-Atlantique, le breton de Guérande. Comment prononcent-ils cette phrase, dans le breton de leur coin, tous ces gens qui prétendent aimer et connaître la Bretagne tout en nous excluant ?



Bevet ar Muskadig, gwin ar Vretoned. / Vive le Muscadet, le vin des Bretons.

Bevet ar Berligoù, gwin duked Breizh. / Vive le Berligou, le vin des duc de Bretagne.




Note 1 : Sur les théories occultes de R. Steiner, on peut lire par exemple : « L’anthroposophie, discrète multinationale de l’ésotérisme » de Jean-Baptiste Malet (Le Monde diplomatique, juillet 2018, pages 16-17 : https://www.monde-diplomatique.fr/2018/07/MALET/58830.





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