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DE LA VIGNE DANS LE TREGOR AU XIVe SIECLE ?

Dernière mise à jour : 3 avr.



Arthur de la Borderie est le premier historien à avoir travaillé sur l’histoire de la vigne en Bretagne, il a publié dans ses « Notes sur la culture de la vigne en Bretagne » (in Bulletin archéologique de l’Association bretonne, Tome X, éd. René Prud’homme, 1892) les mentions médiévales de vignes qu’il a trouvé au cours de ses lectures de document anciens.


Étant donné l’absence de preuves pour certains évêchés, A. de La Borderie en conclue que la culture de la vigne était « nulle en Léon et en Saint-Brieuc » (Ibid, page 91), il a cependant trouvé un texte pour le nord-ouest de la Bretagne où la viticulture n’est normalement pas possible du fait du climat, qui ne permet pas de mûrir le raisin. Ce texte parle de taille de la vigne dans l’évêché de Tréguier, il s’agit du Formulaire de Tréguier, un manuscrit qui date du début du XIVe siècle (c. 1315), c’était à la toute fin de l’Optimum Climatique Médiéval (dit aussi « Embellie de l’an mille »).


Taille de la vigne, in "Heures à l'usage de Rome", dites Heures de Catherine de Médicis, première moitié XVIe siècle.


Ce Formulaire mentionne la taille de la vigne dans l’un de ses modèles de lettres, Arthur de la Borderie donne le texte latin et une traduction (Ibid ; pages 96 et 89). C’est un document difficile à lire et rempli de fautes, comme l’explique René Prigent qui a publié le texte en entier avec des corrections (« Formulaire de Tréguier », in Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, T. IV, 2ème partie, 1923 ; page 374), voici le texte corrigé (avec ponctuation modifiée afin de mieux comprendre) :

« G. hortulano peritissimo et vitium optimo putatori, P., messor, incola Montis Alti, cum salute dierum longitudinem cum corporea sospitate. Cum vernalis temperies, evoluto anni curriculo ad hoc evenerit quod plante et arbores pullulant et turgescunt, et teneri surgunt in vitibus botriones, egoque quamdam vineam habeam preelectam que rure bono fertili deberet. Diu est procul dubio amputari, ut malleolis entibusque et sarmentis artificialiter amputatis ejus palmites valeant propagari. Ne turgeat in lambruscam, vitis putator, vos rogo ut ad me venire dignemini vitis hujus superflua putaturus, pro mercede consimili et majori quam alibi estis pro tali servitio habiturus. »


Depuis que j’ai constaté des approximations dans les traductions concernant Waroch se servant dans le Vignoble nantais (Grégoire de Tours, Histoire des Francs), je vérifie les traductions dont j’ai besoin, voici celle que j’ai faite de ce modèle de lettre du Formulaire :


« G., au jardinier le plus habile et meilleur tailleur de vignes, P., moissonneur demeurant à la Haute Montagne, salutation avec longue vie et bonne santé. Avec les températures qui ont évolué au cours de l'année, le printemps est arrivé à ce point que les plantes et les arbres poussent et fleurissent, et de jeunes grappes apparaissent dans les vignes ; or, j’ai une très belle vigne, qui devrait être bonne et fertile. Il y a sans doute bien longtemps qu’elle aurait dû être taillée, et les crossettes et sarments taillés selon l’art pour pouvoir être bouturés. De peur qu’elle ne devienne une vigne sauvage, je vous prie, tailleur de la vigne, de daigner venir chez moi et de tailler le bois en trop de cette vigne ; pour un tel service vous aurez un salaire semblable et même plus grand que vous n'auriez ailleurs. ».


Le formulaire dit « de Tréguier » est un recueil de modèles de lettres compilé en Bretagne au début du XIVe, il ne fait aucun doute, étant donné la fréquence des mentions de Tréguier et autres villes bretonnes, que le formulaire a été compilé en pays Trégorrois. L’art épistolaire, rangé parmi les arts libéraux, faisait partie des études, le Formulaire donne des exemples de lettres toutes rédigées.


On peut douter fortement de la réalité de la culture de la vigne dans le Trégor à cette époque. Comme on vient de le dire, ce formulaire est d’abord un recueil de modèles de lettre pour étudiants. Et puis certains détails sont peu crédibles :

- l’auteur du courrier serait un moissonneur (messor), difficile de croire qu’un simple paysan sache lire et écrire à cette époque.

- la vigne est une culture pérenne, or la terre n’appartenait pas aux paysans au Moyen-âge, un seigneur ou un propriétaire n’aurait pas confié une vigne à un colon aussi incompétent.

- il indique qu’il habite à la haute montagne (Montis Alti) ce qui ne peut désigner que les reliefs du Trégor intérieur, le climat du Trégor n’est déjà pas favorable à la culture de la vigne, alors sur ces reliefs c’est complètement improbable.

- il a planté de la vigne sans savoir à l’avance comment la tailler alors que la taille est l’opération le plus importante dans un vignoble, il aurait sans doute fallu se renseigner ou demander de l’aide avant la plantation.

- il formule sa demande seulement au printemps alors que la nouaison est faite, la végétation est très avancée, trop avancée pour la taille, pourquoi ne s’est-il pas inquiété de la taille quelques mois plus tôt, en hiver ?


Conclusion : ce formulaire ne témoigne donc pas de la culture de la vigne dans le Trégor au XIVe siècle. Le thème de la vigne dans cet exemple de lettre se comprend par l’importance du vin dans le christianisme et de la vigne dans la Bible.


Ci-dessous le manuscrit, B.N.F., département des manuscrits, NAL 426 ; Fol. 21r, dernier paragraphe :




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