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TAILLE DE LA VIGNE EN GOBELET BAS ET TÊTE D'OSIER dans les régions de Guérande et Sarzeau.

Dernière mise à jour : 3 avr. 2023

En construction (travail préparatoire pour mon article sur le cépage l'Aunis).


« Rien ne croit plus vigoureusement que la vigne, et si on ne lui préserve pas des forces pour qu'elle produise, elle ne donne que de nouvelles pousses... Tout ce qu'on enlève en bois, favorise le fruit. » Pline (PLINE L’ANCIEN, Historia naturalis, Livre XVII, chapitre 35, paragraphes 16... 20 : « Nihil avidius nascitur ac, nisi ad pariendum vires serventur, tota fit fetus… Quidquid materiae adimitur, fructui accedit. »)


Très Riches Heures du duc de Berry, Musée Condé, ms. 65, Fol. 3v.


« Le vigneron est... par définition, l'homme qui sait tailler. La serpette, instrument de la taille, apparaît comme le signe distinctif de sont état »

(DION Roger, Histoire de la vigne et du vin, 1959, rééd. Flammarion, 1977 ; page 81)


La raison d'être de ce travail a d'abord été la recherche d'indices qui me permettraient d'identifier l'ancien cépage cultivé du Pays de Guérande à la presqu'île de Rhuys dans le Pays vannetais voisin : le cépage nommé « l'Aunis » (et « Breton ») dans les sources écrites et le [loˈni] en un seul mot par les anciens Guérandais jusqu'à nos jours, on trouve aussi la forme « launic » variante bretonnisée du nom, il s'agit du Chenin. Plusieurs indices m'avaient amener à penser - par élimination - au Chenin, mais c'est à la fin de ce travail de recherche que j'ai trouvé la preuve écrite de son identification en 1906 par le responsable du service « phylloxéra » du département (Voir mon article : « Le cépage nommé "Aunis" de Guérande à Sarzeau » dans Histoire & Patrimoine, revue de l'association historique de Saint-Nazaire, n° 100...).


Une raison personnelle m'a aussi motivé : mon trisaïeul, Pierre Josso (1843-1942), figure de la mémoire familiale, a reçu en 1933 la médaille du mérite agricole, notamment en raison de sa contribution à la reconstruction du vignoble local après les dégâts causés par le phylloxéra.

Sur la fiche de renseignements de la préfecture, la vigne est citée en premier pour les cultures, et il est écrit « a donné dans toute la région des leçons de taille de vigne » ; curieux je trouve, pourquoi donner des leçons de taille dans une région viticole où la transmission de ce genre de savoir traditionnel se fait de père en fils ? Probablement parce que la reconstruction du vignoble s'est faite avec de nouveaux cépages et de nouvelles techniques.


Ayant dû étudier les principes de la taille de la vigne et trouver les méthodes utilisées dans la région, l'ensemble de ce travail fait l'objet du présent article.

La vigne était cultivée en Bretagne bretonnante de Guérande (situé à la limite linguistique, dans le nord-ouest de la Loire-Atlantique) à Sarzeau (sud Morbihan), et même un peu au delà dans le Haut-Vannetais maritime (Carnac / Quiberon). On peut considérer que cet espace formait un terroir viticole différent du grand vignoble de la Haute-Bretagne méridionale : le Vignoble nantais. Parlant du développement des vignes hybrides producteurs directs (HPD), l'historien guérandais Henri Quilgars disait : « Bientôt sans doute, ces dernières remplaceront... les launics [forme bretonnisée de « l'Aunis »] que les Guérandais de jadis aimaient autant que les Nantais leur muscadet » (QUILGARS Henri, journal Le Guérandais, du dimanche 5 décembre 1915, n° 1.279 ; article intitulé « La Vigne », page 1).


Ce terroir présente une unité humaine, culturelle et linguistique (Bretagne bretonnante), c'est une vignoble maritime implanté sur une plaine côtière, dans un même espace géologique (domaine sud-armoricain) délimité par une faille (micaschistes autour de l'estuaire de la Vilaine de Piriac à Sarzeau, et granite au-delà), avec un climat particulier permettant aussi la saliculture (micro-climat littoral dû au Mor-bihan [golfe de Vannes] et aux marais salants de Guérande). Autre point commun entre les deux presqu'îles, on y cultivait les mêmes cépages.


L'ancienne façon de tailler la vigne dans les presqu'îles de Guérande et de Rhuys était la taille en gobelet bas. C'était la taille traditionnelle (le gobelet est une taille très commune et très ancienne), la plus anciennement attestée dans la région, c'est une taille très esthétique et forme un buisson avec les cépages à port dressé. On trouvait aussi dans le Pays de Guérande (attesté de Guérande à Pénestin jusqu'à aujourd'hui) une taille particulière : la taille dite en « tête d'osier » ou « tête de saule », je ne sais pas si elle était connue du côté de Sarzeau, probablement, je laisse à d'autres le soin de chercher.


Comme on va le voir, ces deux méthodes - à charpente basse et près du sol - ont l'avantage d'éviter la prise au vent et la casse des sarments, et surtout de profiter - dans cette zone située à la limite traditionnelle de la culture de la vigne - de la chaleur emmagasinée dans le sol.

GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest éd. Victor Masson et fils, 1868 ; page 619 (pied de Chenin).


I La taille de la vigne.


1) Introduction :


La vigne [sauvage] est une liane forestière et héliophile, c'est une plante qui se dresse naturellement sur un support (d'autres végétaux) ou rampe en attendant de trouver le support qui lui permettra de capter le maximum d’ensoleillement. Elle s'accroche aux arbres du voisinage à l'aide de vrilles afin de grimper vers la canopée. De ce fait, la vigne est désordonnée, car ses vrilles s’accrochent à tout ce qui est à proximité. Les jeunes rameaux de l'année se transforment en bois au mois d’août (aoûtement), ils sont alors appelés sarments.


Ces pousses ont la capacité de croître considérablement grâce à une caractéristique : l'acrotonie [1], les bourgeons les plus haut (apicaux) émettent une hormone (auxine) qui inhibent le développement des bourgeons situés plus bas [1] afin d'alimenter préférentiellement en sève les bourgeons les plus proches de la cime. Les yeux ont une plus grande précocité de débourrement que les yeux situés en position médiane sur le sarment et à la base (REYNIER Alain, Manuel de viticulture, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1997 ; page 292). Ce phénomène provoque un allongement important, et donc une fragilité des charpentes, ainsi qu'un encombrement de branches (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 402).


La dominance apicale est un avantage en terme de compétitivité avec les autres végétaux (croissance), mais l'allongement et la multiplication du bois se fait alors au dépens de la production des fruits [1]. Cet allongement désordonné rend difficile le travail des hommes, la taille fruitière doit permettre d'équilibrer la production de bois et de fruit, elle consiste donc à supprimer des sarments. Une vigne non taillée peut donner des récoltes, mais ces récoltes sont irrégulières ; la souche se couvre, certaines années, de grappes nombreuses et chétives, les grains restent petits, ils murissent mal et irrégulièrement, les années suivantes la vigne donne des récoltes faibles ou nulles [1] ; selon l'année, la production varie donc de façon importante [1] (elle est d'ailleurs peu importante par rapport à l'espace occupé par la souche et de qualité médiocre [1] pour la production de vin de qualité). La taille, en limitant la production à la quantité de raisins que la souche peut nourrir dans de bonnes conditions, permet aux vignerons d'obtenir une récolte chaque année, et des raisins de meilleure qualité, la limitation des rendements améliore la qualité des vins (GIRARD Guillaume, Bases scientifique et techniques de la viticulture, éd. Lavoisier TEC & DOC, 2001 ; page 60), il est donc nécessaire de tailler la vigne. Plus on laisse un nombre important de bourgeons par cep, plus le nombre de grappes sera élevée et plus on augmente le rendement avec un raisin de moindre qualité, la taille consiste donc à anticiper le nombre de grappes à laisser par pied de vigne. La taille a pour but d’accompagner la vigne vers une production de fruits de qualité par des rendements maitrisés.


Quelle que soit la technique de taille utilisée, ses objectifs sont donc de (HIDALGO Luis, Taille de la vigne, éd. La Vigne - Dunod 2005 ; pages 90-91) :

  • Limiter le développement naturel de la vigne en longueur provoquant un allongement exagéré de la charpente et des rameaux.

  • Donner à la vigne, au cours de ses premières années, une forme déterminée et, ensuite, conserver cette forme pour faciliter toutes les opérations culturales.

  • Contrôler le nombre et le volume des futures grappes pour régulariser la production de raisins et obtenir une maturation optimales.

  • Adapter les dimensions de la vigne et limiter son potentiel végétatif en fonction des caractéristiques du cépage et des possibilités du milieu, afin qu'elle bénéficie des meilleures conditions d'ensoleillement et d'aération. (Une charge insuffisante entraîne une baisse de la quantité de raisin au profit des entre-nœuds et les gourmands qui se développent, il y a augmentation de la vigueur. Une charge trop importante produit beaucoup de raisin ce qui épuise la souche, cette fois la vigueur diminue. Voir : GIRARD Guillaume, Bases scientifique et techniques de la viticulture, éd. Lavoisier TEC & DOC, 2001 ; page 60)

  • Contrôler la production de sève et sa répartition.


Le vigneron limite donc très fortement sa croissance végétative afin de favoriser le développement des fruits, il faut équilibrer végétation et production (CRESPY André, Viticulture d'aujourd'hui, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1992 ; page 84). Les effets de la taille sont connus depuis bien longtemps :

« Une obſervation conſtante nous a montré que la taille étoit néceſſaire pour nous procurer des fruits plus beaux & plus ſavoureux , plus abondans, plus hâtifs... Les expériences & l'obſervation ayant été conſtamment répétées pendant une longue ſuite d'années, on a eu occaſion de remarquer dans tous les temps & dans tous les ſiècles, 1°. Que la taille de la vigne fait pouſſer au cep du bois plus fort, ce qui eſt néceſſaire pour la production (page 8) du fruit ; tandis que la vigne abandonnée à elle-même pouſſe du bois moins vigoureux & plus impropre à la fructification. 2°. Que la taille empêche que la vigne ne ſoit affoiblie par une grande quantité de ſarmens qui, ſans cette opération, naîtroient. 3°. Que le retranchement qu'on pratique des branches inutiles, rend la durée de la vigne conſidérablement plus grande, une vigne laiſſée' en liberté périſſant bien plutôt. 4°. Que cette opération rend les raiſins qui naîtront du cep, plus gros, mieux nourris, plus ſucculens, plus délicieux & d'une qualité infiniment ſupérieure, tandis qu'étant ſupprimée, les fruits ſeroient plus petits, moins agréables, & contenant beaucoup moins de liqueur. 5°. Que les fruits d'un cep dont on a retranché un bois ſuperflu & deſtructeur, parviennent plutôt à leur maturité ; & ceux d'une vigne mal taillée périſſent plus tard & quelquefois ne mûriſſent point, &c.... Voilà un grand nombre d'avantages que produit la taille de la vigne, & ils ſont tels que perſonne n'en évoque en doute la néceſſité. Afin de tirer tout le parti poſſible de cette opération, il eſt néceſſaire de connoitre l'art de tailler » (BERTHOLON Pierre, De la taille de la vigne, éd. Jean Martel ainé, 1788 ; pages 6-8).

2) La taille de formation :


Au cours de l'histoire, les vignerons de chaque région viticole ont peu à peu fixé, de manière empirique, le mode de conduite qui leur semblait le plus approprié pour obtenir une récolte correcte tous les ans, le mode de taille résulte donc d’une accumulation d’expériences dans chaque terroir. C'est l'expérience et la connaissance des aptitudes des cépages qui ont orienté le choix des systèmes de taille (CRESPY André, Viticulture d'aujourd'hui, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1992 ; page 84). Il existe ainsi, selon les vignobles, de nombreux systèmes de conduite de la vigne adaptés aux conditions locales [1]. Le pied de vigne (cep) peut donc présenter des architectures très différentes (issues d'une « taille de formation »), il existe une grande diversité, une souche présente un « tronc », une ou plusieurs branches ou « bras » sur lesquels sont laissés les bois fructifères et les bois de remplacement. Le tronc et les bras, en dehors de leur rôle de support, servent au transport de la sève brute et de la sève élaborée par l'intermédiaires de vaisseaux, ainsi qu'au stockage des substances de réserve qui s'y accumulent (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 35).



Il existe trois grandes catégories de taille :

- les tailles courtes quand les serments conservés sont taillés à 1 à 2 yeux ou rarement 3 (les coursons), comme pour le Gobelet du littoral du sud Bretagne (de la presqu'île de Rhuys à l'ouest du Pays de Retz),

- les tailles longues quand les sarments conservés sont taillés à plus de 4 yeux (jusqu'à 10, les baguettes), qui ne sont pas traditionnelles dans les vignobles bretons,

- et les tailles mixtes quand on applique sur le même cep la taille courte et le taille longue [3] comme pour le Gobelet nantais (voir infra), ou dans la taille Guyot (voir ci-dessous).


Le « choix de l'un ou de l'autre de ces types de taille n'est généralement pas arbitraire, il dépend des aptitudes spéciales des cépages auxquels on doit l'appliquer : les uns ont en effet leurs bourgeons fructifères près de la base du sarment de l'année précédente, et l'on a intérêt, par conséquent, à leur conserver seulement des bases de sarments ; d'autres donnent du fruit surtout par les yeux des extrémités, de sorte qu'il est nécessaire de les tailler long ; enfin, quelques- uns émettent des rameaux fructifères à tous leurs bourgeons ; dans cette dernière condition, on peut choisir l'un de ces modes de taille » (FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; pages 303-304).


Les tailles courtes ne sont donc possibles qu'avec des cépages qui ont des yeux (bougeons) fertiles (donnant du raisin) dès la base des sarments, et elles sont répandues dans les régions où les cépages ont un port érigé et recourant donc peu au palissage [4]. L'agronome et viticulteur de Guérande Théodore Magouët parlait de « taille à deux nœuds sur la même branche » (MAGOUËT Théodore, Traité de la vigne, éd. à Guérande, 1850 ; page 94), ce qui est plus clair et évite de compter à partir du bourillon de la couronne (bourgeon de la base du sarment), parler en nombre d'yeux a quelques fois créé des confusions avec mes informateurs locaux. Les tailles longues s'appuie sur la nécessité de garder les yeux fructifères (qui renferment des ébauches de grappes) de la zone médiane du sarment, de façon à assurer une récolte correcte avec les cépages dont les yeux de la base des rameux sont peu ou pas fructifères [5] ; la taille longue implique l'emploi d'un système pour attacher les longs bois (baguettes) et les courber au besoin [6].


La qualité d’un vin dépend de la qualité de la matière première : le raisin. En limitant le nombre de grappes, on concentre dans le raisin en divers composés recherchés. La taille a donc un impact certain sur la qualité du vin, après une taille judicieuse, les vins sont plus riches, concentrés, aromatiques, une taille adaptée contribue en effet à l’équilibre du raisin et donc à celui du vin. La taille est ainsi le premier travail qui conditionne la futur qualité du vin. Une charge (nombre de bourgeons laissés à la taille) trop importante ne favorise pas la maturité du raisin car les ceps s'épuisent nourrir trop de grappes à la fois.


On connaissait bien les effets de la taille autrefois sur la qualité du vin, un agronome angevin du XIXe siècle explique : « le pineau blanc de la Loire, lorsqu’il est taillé à courson à deux yeux, peut donner et donne des vins blancs fins qui sont vendus en moyenne 150 fr. la barrique ; et, lorsqu’il est taillé à verge, il ne donne plus que des vins d’une valeur de 50 fr. Ici l’influence de la taille sur la qualité du vin ne saurait être méconnue… Mais il est des cépages… qui refusent absolument de donner des fruits en quantité suffisante, sur coursons, à deux et même à trois et quatre yeux… ceux exigent impérieusement une taille longue… la taille longue n’en diminue pas la qualité comme elle le fait sur les cépages qui produisent facilement sur coursons… Il y a donc une pratique intelligente à appliquer à chaque cépage pour en obtenir, à peu près à coup sûr, la quantité et la qualité voulue » (Guillory Pierre-Constant, aîné, « Sur la viticulture du nord-ouest de la France », in Journal de viticulture pratique, Tome III sept. 1867-sept. 1868 ; page 230).


3) Fertilité des bourgeons :


Les bourgeons sont de petits rameaux en miniature recouverts d'organes de protection, par leur croissance ils assurent la pérennité de la vigne d'une année à l'autre (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 86). Tous les bourgeons sont constitués d'écailles externes dures et brunes et d'une bourre blanchâtre (duvet cotonneux) à l'intérieur (HIDALGO Luis, Taille de la vigne, éd. La vigne - Dunod, 2005 ; page 15), les écailles et la bourre protègent la tige, les feuilles et/ou des fleurs en devenir qu'il contient des intempéries et du froid de l'hiver. Enfoui sous ses écailles et dans sa bourre, le bourgeon peut résister à des températures négatives très basses, il est à l'abri du gel de nos climats.

Les bourgeons ont un fonctionnement discontinu durant l'année, ils sont au repos pendant les mauvaises conditions climatiques (période de dormance hivernale), et ils commencent leur activité au printemps avec la hausse des températures (bien que formés sur des pousses de l'été précédent), c'est le début de la végétation. L'éclosion du bourgeon au printemps est nommée « débourrement » (= sortie de la bourre, les bourgeons s'ouvrent et libèrent les premières feuilles), il se déroule en 4 phases distinctes :

  1. Le bourgeon gonfle.

  2. Les écailles qui le protègent s’écartent.

  3. Les feuilles commencent à pointer, laissant apparaitre leur bourre.

  4. Les feuilles s’ouvrent.

Après le débourrement des bourgeons, les jeunes feuilles sont riches en eau et donc particulièrement sensibles aux gels de printemps, ce qui peut provoquer d'énormes dégâts.


Le terme « bourgeon » en viticulture désigne des organes très différents (GIRARD Guillaume, Bases scientifiques et technologiques de la viticulture, éd. Lavoisier TEC & DOC, 2005 ; page 9). On distingue (HUGLIN Pierre et SCHNEIDER Christophe, Biologie et écologie de la vigne, éd. Lavoisier TEC & DOC,1998 ; pages 19 et 43-46) :

- les « bourgeons terminaux » (apex à l'extrémité du rameau) qui assurent la formation et la croissance des différents organes du rameau

- à l'aisselle des feuilles on différencie deux types de bourgeons : les « prompts-bourgeons » qui ont la propriété de se développer l'année même de sa formation sur des rameaux suffisamment vigoureux et ne donne que des pousses réduites que l'on nomme « entre-cœurs », ce rameau secondaire donne de petites grappes qui murissent difficilement ou tardivement ; et les « bourgeons latents » (ou dormants) qui eux n'évoluent pas en pousse l'année de sa formation (le bourgeon terminal et les prompts-bourgeons exercent une inhibition sur les bourgeons latents)

- les « bourgeons de la couronne » (bourgeons basilaires), que l'on trouve tout à la base du sarment au point d'empattement à la jonction avec le vieux bois, sont plus élémentaires et infertiles, mais le plus gros d'entre eux, nommé « bourrillon », a une organisation plus complexe et peut renfermer une inflorescence (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 90).

Normalement, les bourgeons francs sont fertiles et contiennent généralement deux inflorescences, mais chez certaines variétés les deux premiers bourgeons francs sont infertiles.


Les bourgeons latents, et notamment ceux de la couronne qui échappent à la taille, ne se développent pas tous dans l'année qui suit leur formation, ils deviennent les bourgeons du vieux bois, ils restent parfois latents durant durant toute la vie de la vigne et peuvent donner naissances à des pousses nommées « pampres », ou couramment « gourmands » (HUGLIN Pierre et SCHNEIDER Christophe, Biologie et écologie de la vigne, éd. Lavoisier TEC & DOC,1998 ; page 20). On distingue, par rapport à la fertilité, les sarments dits « de taille » (nés sur du bois de l'année précédente) et les sarments dits « gourmands » (nés sur du bois de deux ans ou plus), les yeux des gourmands sont peu fructifères (CRESPY André, Manuel pratique de taille de la vigne, collection Avenir Œnologie, éd. Œnoplurimédia, 2006 ; page 19). L'ébourgeonnage (au stade « sortie des feuilles ») et l'épamprage (au stade « pampres ») consiste à éliminer les gourmands (à l'état herbacé) sur le tronc et les bras du cep, c'est la « taille en vert » qui doit avoir lieu de bonne heure afin d'éviter la concurrence des gourmands avec les rameaux fertiles (CRESPY André, Viticulture d'aujourd'hui, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1992 ; page 94-95), ce geste important permet de concentrer l’apport de sève sur les baies en formation et de limiter l’encombrement des souches. [note : Il existe d'autres opérations d'entretien du vignoble « en vert », les principales sont : 1) l'« écimage » et le « rognage », qui consiste à supprimer l'extrémité des rameaux en croissance, dans le but de limiter la croissance végétative au profit de la fructification, limiter l'entassement de la végétation, diminuer la prise au vent, réduire l'ombre portée d'un rang sur l'autre, faciliter la passage et les autres opérations ; la suppression du bourgeon apicale entraine un démarrage des entre-cœurs. 2) l'« effeuillage » de la zone fructifère, afin de modifier le microclimat de la zone des grappes, ce qui améliore la coloration des baies et la maturité, et facilite les vendanges. 3) l'« éclaircissage » des grappes (dit « vendange verte »), qui consiste à supprimer des grappes afin de réduire les rendements et améliorer la qualité des grappes restantes. (voir : GIRARD Guillaume, Bases scientifiques et technologiques de la viticulture, éd. Lavoisier TEC & DOC, 2001 ; pages 81-89) Mais ces opérations ne concernent pas directement la charpente du pied de vigne]


La fertilité des bourgeons latents est la conséquence du développement du rameau : lorsque les premiers bourgeons se développent la vigne ne dispose que de ses réserves, de même, à la fin du cycle végétatif, les fonctions de nutrition sont lentement paralysées, c'est dans le période intermédiaire de végétation maximale que les bourgeons atteignent un niveau de développement complet. Le degré de fertilité des bourgeons augmente donc de la base à la moitié du sarment, cette zone correspondant à la période de développement optimum de la vigne, et diminue de la moitié vers la pointe du sarment (HIDALGO Luis, Taille de la vigne, éd. La vigne - Dunod, 2005 ; page 27).


II - Les tailles basses : avantages vs inconvénient.


Les systèmes traditionnels de tailles de la vigne attestés en Bretagne ont pour point commun d'être très bas et au ras du sol, c'est une adaptation aux conditions locales.


Cela correspond à « cette culture des vignes prostrées » dont parle l'agronome latin Columelle (COLUMELLE, De re rustica, Livre V, chapitre 5 : « illa cultura prostratæ vineæ »), c'est-à-dire de vigne qui se développent très près du sol.


Dans une réponse datée de 1779 de l'intendant de Bretagne à M. Aular de la Société royale d'agriculture de Lyon, on peut lire : « Les vignes en Bretagne n’ont poins d’échalas. Elles sont réduites en buissons, communément élevés de 7 à 8 pouces de terres, la taille est proportionnée à la vigueur du cep » (SAINDRENAN Guy, La vigne & le vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; en annexe, pages 503-504). A l'époque, le pouce valait 2,707 centimètres, cela nous donne un cep extrêmement bas mesurant autour de 20 cm (entre 18,95 et 21,66 cm). La taille basse s'est perpétuée jusqu'aux derniers temps de la viticulture sur le littoral sud de la Bretagne bretonnante.

Tous jeunes enfants au milieu d'une vigne au Branzais en Pénestin (56), photo de famille de Henri Gouret (on trouve encore des résurgences de vigne dans le champ actuel).

Vendanges à Kervarin en Mesquer (44) en 1950, photos de Henri Fohanno ; on voit que les vendangeurs sont contraints de se baisser très bas au niveau du sol pour prélever le raisin.

Vendanges à Carnac, où les vignes sont tout aussi basses (ici avec un port dressé).



Réduire la prise au vent :


C'est la première raison d'être que donne Columelle aux vignes basses : « qu'on ne doit adopter que dans les climats les plus violents » (COLUMELLE, De re rustica, Livre V, chapitre 5 : « quæ nisi violentissimo coeli statu suscipi non debet »), et c'est bien la cas du climat océanique breton.


« Les vents que nos vignobles ont le plus à redouter, sont les vents humides et froids du nord-ouest. » (HUET DE COËTLIZAN Jean-Baptiste, Recherches économiques et statistiques sur le département de la Loire-Inférieure : annuaire de l'an XI, éd. Mme Malassis, an XII – 1803-1804 ; page 67).


Le premier avantage évident d'une taille basse dans une région maritime, c'est la moindre prise au vent, une taille basse est donc adaptée aux climats ventés, ce qui est la cas du « climat breton » (climat océanique franc). Au-delà de la Bretagne nantaise, dans les pays de la Loire, on trouve d'abord un climat océanique altéré (Anjou) puis dégradé (Orléanais). Pierre-Jakez Hélias disait du climat breton : « Je suis d’un pays où règne le maître-vent à ses heures. La mer et la terre lui sont également soumises... » (Le cheval d'orgueil, coll. Terre Humaine, éd. Plon, 2014 ; page 287) ; dans les marais salants, le rôle du vent est très important dans l'évaporation de l'eau (action conjuguée du soleil et du vent).


Dans sa description du Croisic et d’une partie de la côte voisine, Édouard Richer écrivait en 1823 sur Piriac : « Le terrain qui reste pour arriver au village est en grande partie couvert de vignobles. Des sillons élevés y préservent les vignes des vents de mer… » (RICHER Édouard, Voyage pittoresque dans le département de la Loire-Inférieure, Tome VIII « Description du Croisic et d’une partie de la côte voisine », impr. de Mellinet-Malassis, 1823). Étant donné la situation géographique du port de Piriac et de ses vignes qui occupaient tout le promontoire, on comprend. Le nom même de Piriac, issu d'un ancien « Penceriac » (< Penheriac en 1084 < Peheriac en 1397 < Pihiriac en 1506, contracté en Piriac) (LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoranembanner, 2017 ; page 365), a pour premier élément de composition le mot breton « penn » qui désigne la « tête » et l'« extrémité » ; tout comme Pénestin (< Pennestin en 1452) (Ibid ; page 364), une autre pointe viticole, à l'extrémité de l'estuaire de l'estuaire de la Vilaine.

Vignes, plan cadastral du canton de Guérande, de Félix Pinson, 1854 (A.D.L.-A.).


Ces sillons, ou « billons très-élevés » qui « servent d'abri » d'après Jules Guyot (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest, éd. Victor Masson, 1868 ; Tome II, pages 592 et 593), étaient en fait « de grosses buttes de terre appelées bournes dans le pays » d'après l'agronome et viticulteur de Guérande Théodore Magouët (MAGOUËT Théodore, Traité de la vigne, éd. à Guérande, 1850 ; page 58, note 1), mais cette protection de la vigne ne semble pas avoir été suffisante, elle « n'a pas même l'avantage de Iui offrir un abri contre les vents » dit-il aussi (Ibid ; page 296), peut-être avec un peu de mauvaise foi. Cela demandait un travail considérable aux vignerons, qui devaient passer beaucoup de temps dans leurs vignes.


La carte ci-dessus montre l'importance de la surface en vignes dans le territoire de Piriac ; les vignes pouvaient être éloignées de l'habitation des vignerons qui y travaillaient, d'où la présence de « loges de vignes », un petit patrimoine rural que l'on rencontre encore un peu partout dans les régions de vignobles. Les loges de vignerons servaient aux vignerons pour s’abriter, stocker leurs outils, se nourrir ou se reposer pendant les activités saisonnières, elles permettaient de ne pas avoir à retourner à la ferme pendant la journée. On trouve rarement la trace de ces modestes bâtisses dans la documentation ancienne, la toponymie en fournit un exemple à Piriac où l'on a un « Bot en vignerion » (Abri des vignerons) en 1572 et « Bot er venerion » en en 1633 (LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 224), qui serait « Bod ar winierion » en breton moderne (on constate la notation de la mutation consonantique du mot « gwinierion » au pluriel après l'article, alors que l'on ne notait pas encore la mutation à l'écrit à cette époque ; on constate aussi l'évolution régulière de l'article « en > er » sauf devant « n, d, t, h et les voyelles » ; on constate encore le pluriel ancien en « -ion » comme en haut breton vannetais alors qu'il a évolué en « -ian » et « -ien » ailleurs).


L'une des pratiques qui distingue Th. Magouët des vignerons autochtones du Pays de Guérande, c'est l'échalas (pieu en bois que l'on enfonce dans le sol au pied d'un cep de vigne pour soutenir ses rameaux), sans échalas « le raisin traine à terre, se couvre de poussière ou de boue » dit-il (Ibid ; page 76). Il précise : « lorsque nous plantâmes un premier clos de vigne dans la commune de Guérande, il n'y eut qu’un élan de surprise, à cause du système d'échalassement ; chacun disait : Le pays étant sur le bord de la mer, et en proie à de fréquentes tempêtes, il y a folie » (Ibid ; page 78), et il critique ceux qui « s'entêtent à prétendre que, parce que les vignes sont plantées sur les côtés de l'Océan, nous devons n'y jamais donner d'échalas » (Ibid ; page 172) ; tout cela montre bien l'attachement des vignerons guérandais aux vignes basses n'ayant pas de prise au vent, d'autant plus le rapprochement du sol contribue à une meilleure maturation du raisin (voir partie suivante).


Th. Magouët indique aussi : « lorsqu'un pays est exposé aux grands vents de mer, qu'un clos a la pente vis-à-vis les vents d'Ouest... il y a de la prudence à rapprocher [les ceps].... nous avons reconnu qu'ils se protègent » (Ibid ; page 59), et : « les gros sarments qui croissent au haut des ceps… sont exposés, jusqu'à ce qu'il aient acquis une certaine consistance, à être éclatés ou abattus par les vents, parce qu'ils sont élevés et isolés ; les autres se protègent entr'eux » (Ibid ; page 119).


Avant le développement de la traction animale en viticulture, les vignes étaient plantées « en foule », c'est-à-dire que les ceps n'étaient pas plantés en rangées, mais disséminés de manière désordonnée donnant ainsi une impression de fouillis (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 401). L'ensemble du travail s'effectuait alors à la main. Les pieds morts étaient remplacés par provignage, marcottage, bouturage ou plantation de jeunes plants racinés selon les habitudes locales.


L'emploi d'outils tractés (traction animale) pour travailler la terre a obligé à une plantation en rangs parallèles, l'alignement facilitant ainsi les opérations de labour : chaussage des vignes, déchaussage. Jean-Baptiste Huet de Coëtlisan (1769-1823), qui avait été secrétaire général du département sous le Directoire, date cette évolution du tournant du XVIIIe et XIXe siècle, il écrit en effet en 1803 : « On vient d’introduire la charrue dans nos vignobles… il a fallu changer la distribution ordinaire des plans… Cette méthode épargne les frais énormes de la culture à bras », mais il précise : « Il faut attendre une plus longue expérience, pour [se] prononcer sur les avantages ou les inconvénients » (HUET DE COËTLIZAN Jean-Baptiste, Recherches économiques et statistiques sur le département de la Loire-Inférieure : annuaire de l'an XI, éd. Mme Malassis, an XII – 1803-1804 ; page 68-69). Sur les distances de plantation, il explique : « Nos vignes se plantent à plat et au pas. Chaque plan est espacé de soixante à soixante-quinze centimètres sur le rayon, et séparé de 10 à 12 décimètres par le sillon » (Ibid ; page 68), c'est-à-dire 0,60 / 0,75 m entre les pieds dans le rang et 1,00 / 1,20 m entre les rangs. L'écartement des rangs était un petit peu plus important du temps de l'enquête de Jules Guyot (du fait des progrès du machinisme agricole sans doute), il donne « 66 centimètres » et « 1m,33 » pour l'arrondissement de Paimboeuf (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest, éd. Victor Masson, 1868 ; Tome II, page 594), et dit pour le Morbihan que « les vignes sont plantées et maintenues en lignes, sans échalas, à 1m,30 les unes des autres, tandis que les ceps sont à 60 ou 80 centimètres dans les lignes ». Un ancien de Saint-Molf, monsieur P.L., m'avait résumé simplement en disant : « un pas entre chaque pied et deux entre les rangs ». On constate que l'espacement dans le rang était assez court.


De nos jours, dans les tailles longues, les baguettes sont enroulées autour du fil de fer du palissage puis liées pour être maintenues. Autrefois, les baguettes pouvaient être enroulées l'une avec l'autre entre ceps voisins dans le sens du rang (cas du Noah dans la région, voir infra), en étant maintenues entre elles, elles se protègent mutuellement des effets du vent ; en cas de baguette trop courte (ou écartement trop grand), on taillait l'extrémité en biseau de manière à pouvoir planter en terre ce sarment qui était ainsi fixé dans le sol, d'où un effet similaire par rapport au vent.



Faciliter la maturation du raisin :


Alexandre-Pierre Odart disait sur les « vignes basses » : « Cette manière de tenir la vigne est de beaucoup la plus commune dans les vignobles… En effet, personne n'ignore que le raisin le plus près de terre, sans la toucher, est toujours le meilleur ; c'est du moins un fait bien reconnu de tous les vignerons… et d'après les conséquences duquel ils règlent leur culture » (ODART Alexandre-Pierre, Exposé des divers modes de culture de la vigne, éd. chez A.d Mame et Cie, 1837 ; page 61). Cela n'a rien d'original, et c'est confirmé par un vigneron guérandais : « Plus un cep est élevé, moins le raisin mûrit facilement ; par conséquent moins le vin a de qualité. » (MAGOUËT Théodore, Traité de la vigne, éd. par l'auteur, Guérande, 1849 ; page 117). « Les vignes basses sont, comme leur nom l'indique, celles dans lesquelles les rameaux naissent près de terre, et les fruits se trouvent par conséquent à une faible hauteur, 0m,25 environ ou même moins… Ce sont elles qui donnent les raisins les plus sucrés : en effet, par suite de leur proximité du sol, ils sont soumis d'une manière très directe aux effets de la réverbération et du rayonnement qui s'y produisent comme auprès d'un mur d'espalier, pour en faciliter la maturation . On doit donc les considérer, au point de vue de la qualité de leurs produits, comme préférables aux autres, et elles sont effectivement employées plutôt que les autres toutes les fois que la chose est possible. » (FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; page 319). « La culture des vignes basses a reçu du climat, du sol, des habitudes des contrées, comme des nécessités culturales, des modifications profondes qui l'ont tellement changée, que d'un pays à l'autre elle est méconnaissable. Ainsi, dans certains départements, les vignes sur souches sont appuyées et soutenues par des échalas de 0,40 à 1,20; dans d'autres, la vigne rampe et se traîne à terre, en mêlant ses pampres, ses feuilles et ses fruits; dans d'autres, les ceps sur forte souche se tiennent debout sans le secours d'échalas… Du côté de la Rochelle, taillées en tête de saule, les vignes privées d'échalas laissent traîner leurs grappes sur la terre jusqu'à l'époque de leur maturité… Ce dernier système a dû prendre naissance sur le littoral de la mer, sur les collines et les coteaux exposés aux coups de vent… Les vignes basses sont les plus répandues dans tous les pays vignobles ; et la raison en est bien simple, c'est que plus le raisin est près de terre, sans la toucher, plus sa maturité est grande et le vin qu'il produit meilleur… On comprend, en effet, que la terre, rendant pendant la nuit la chaleur qu'elle a absorbé pendant le jour, le raisin qui est à portée de ce dégagement, y puise une maturité plus hâtive et plus parfaite. » (DEJERNON Romuald, La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest, éd. , 1866 ; pages 345-347). Les tailles basses devaient apparaitre comme une évidence pour les vignerons.


Ce fait était bien connu des anciens de la région, plusieurs d'entre eux m'ont expliqué, quand je leur demandais pourquoi le cep était au ras du sol, que le raisin mûrissait mieux près de la terre (J.J. de Pénestin, P. Y. d'Assérac, P.L. de Saint-Molf, J.T. de Piriac...).


C'est d'autant plus vrai à la limite climatique de la culture de la vigne, et c'était connu des agronomes du XIXe siècle : « L'élévation de la souche au-dessus du sol doit être d'autant moindre qu'on se rapproche davantage de la limite du climat de la vigne, et cela pour arriver à une maturation convenable des raisins » (DU BREUIL Alphonse, Les Vignobles et les arbres à fruits à cidre. L'olivier, le noyer, le mûrier et autres espèces économiques, éd. Garnier frères / G. Masson, 1875) ; page 131 (dans : « Formes pour la charpente des ceps ») [1].


Bien qu'il y avait au XVIIIe-XIXe siècle des vignes un peu plus au nord jusqu'à Vannes et Redon, la région de Guérande a longtemps été considérée dans les traités de viticulture comme la limite de la viticulture, Jean-Antoine Chaptal disait dans son traité : « La ligne de démarcation de la culture de la vigne part de Guérande, vers les confins de la ci-devant Bretagne… presque toute la Bretagne, n’est point propre, en effet, à la culture de la vigne » (CHAPTAL Jean-Antoine, Traité théorique et pratique sur la culture de la vigne, avec l’art de faire le vin, éd. Delalain, 1801 ; Tome I, page 230). On pourrait supposer qu'il parle des vignobles suffisamment importants, mais sa source est probablement l'agronome anglais Arthur Young, dont les Voyages en France ont été traduit en français dès 1794, et qui divise le royaume en trois zones climatiques, dont la région nord « where vines are not planted », il a vu de la vigne à partir d'« Herbignac, near Guerande, in Bretagne » sur la route de La Roche-Bernard à Guérande, venant du Pays vannetais il n'a pas fait de détour par Sarzeau et Redon (YOUNG Arthur, Travels During the Years 1787, 1788, & 1789 : Undertaken More Particularly with a View of Ascertaining the Cultivation, Wealth, Resources, and National Prosperity of the Kingdom of France, éd. R. Cross, P. Wogan, L. White…, 1793 ; Tome II, page 26). Cette limite a été reprise dans de nombreux ouvrages ; un breton, connaissant mieux son pays, sera plus précis, le chimiste nantais Émile Viard disait dans son traité sur la vigne et le vin : « la limite nord part de Vannes », et il explique : « au Nord, les vins sont faibles, âpres, astringents et très acides ; on recherche les coteaux peu élevés et tournés vers le Midi. » (VIARD Émile, Traité général de la vigne et des vins, éd. à Nantes par l’auteur, 1892 ; pages 45-46).



Mais risque des gels de printemps :


La taille basse est donc avantageuse en limite climatique, mais elle peut être problématique au printemps : les « vignes basses, dites à courson, gèlent plus facilement que les vignes élevées au-dessus du sol. » (VIARD Émile, Traité général de la vigne et des vins, éd. à Nantes par l’auteur, 1892 ; page 63). Explications : « l’action du rayonnement, qui se manifeste en été par une émission de la chaleur absorbée en excès pendant le jour par la terre, au profit des objets voisins, se traduit au contraire, au printemps, par un abaissement de la température du sol et des corps voisins, qui peut arriver jusqu’à 0° et au-dessous. Cet abaissement résulte de la déperdition de calorique qui s'effectue, dans les nuits sereines de cette saison, du sol vers les espaces célestes. Les souches basses doivent donc éprouver plus que les autres l’influence des gelées blanches ; aussi ne peut-on cultiver la vigne dans ces conditions que dans les climats chauds, où ces météores sont moins à craindre. » (FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; pages 319-320).


Cette taille basse pouvait donc accentuer les risques de gelée de la vigne au printemps [1], les dégâts sont en effet plus graves dans les cas où les organes végétatifs sont plus près du sol, avec des tailles trop précoces, et dans les systèmes de taille courte en raison de la précocité et de l'homogénéité du débourrement (REYNIER Alain, Manuel de viticulture, éd. Lavoisier TEC & DOC,1997 ; page 368).


§ Risque atténué sur le littoral.

Mais « près des bords de la mer, les gelées sont moins à craindre que dans l’intérieur des terres » disait (page 83) Théodore Magouët, vigneron à Guérande, dans son Traité de la vigne, j'ai entendu ce même propos à Assérac par M. Hilaire Cadro (1923-2009), et à Piriac par M. J.T., on avait bien conscience autrefois que la proximité de l'océan atténuait les risques de gel.


Pour le XVIIIe siècle, on dispose des cartes de Cassini, qui indiquent l'emplacement des principaux vignobles à cette époque et attestent une implantation sur le littoral, « aux abords immédiats du rivage maritime » (SAINDRENAN Guy, La vigne & le vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; chapitre « Le vignoble de Rhuys », page 142).

Presqu'île de Rhuys, Pays vannetais.


Rive sud de l'estuaire de la Vilaine (Pénestin / Camoël), Pays de Guérande.


Zone nord de la Presqu'île de Guérande (Piriac / Saint-Molf).


Le coteau de Guérande.


On constate que pratiquement toutes les vignes sont situées soit directement sur la côte, soit sur des coteaux au dessus de marais salants, afin de profiter du micro-climat de ces bassins salicoles ; on note au passage que viticulture et saliculture partage une même limite climatique. Les cartes de Cassini ne prennent probablement pas en compte les petites parcelles disséminées dans la presqu'île (SAINDRENAN Guy, La vigne & le vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; chapitre « Le vignoble de Rhuys », page 142) ; voire au-delà sur le littoral haut-vannetais, des vignes sont par exemple signalées dans subdélégation d'Auray au XVIIIe siècle (Ibid ; page 136 / A.D. 35, C1651), ou encore à Belle-Île (DANIGO Joseph, Une Fortune belliloise au XVIIIe siècle - Pierre-Philippe Roger, commissaire aux classes et subdélégué de l'intendant à Belle-Ile (1672-1746), éd. Société Polymathique du Morbihan, 1975 ; page ).


En Loire-Atlantique on a la chance de disposer des plans cadastraux établis par Félix Pinson en 1854-55 et 1888 (A.D.L.-A.) qui donne l'implantation des vignes dans le Pays de Guérande (sauf pour les communes de Pénestin, Camoël et Férel qui ont été rattachées au Morbihan lors de la création des départements).


Ces cartes, réalisées peu avant l'arrivée de l'oïdium (1852), montre probablement l'aire d'extension maximum de la vigne dans la région avant les crises sanitaires (SAINDRENAN Guy, La Vigne et le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; page 239), c'est-à-dire du temps de l'Aunis, l'ancien cépage identifié au Chenin au début XXe siècle. Les vignes sont signalés par un point vert :

Carte pour le canton de Guérande en 1854.


Dans le canton de Guérande, on constate encore une implantation des vignes (points verts) sur la côte et le long des marais salants, où elles devaient profiter du microclimat. Dans la réédition du Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne de l'ingénieur géographe Jean Ogée, on peut d'ailleurs lire : « Les clos les plus renommés sont situés auprès des marais. » (OGÉE Jean, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne, éd. augmentée par A. Marteville et P. Varin, éd. Milliex, 1843 ; Tome I, page 324). Pour le nord du Pays de Guérande (qui s'étend dans le Morbihan jusqu'à la Vilaine), on ne dispose que de la carte Pinson du canton d'Herbignac pour la commune d'Assérac :


Commune d'Assérac, carte du canton d'Herbignac, 1855.


Malgré l'oïdium, présent en Loire-Atlantique à partir de 1852, et le mildiou, présent à partir de 1885 dans le département (SAINDRENAN Guy, La Vigne & le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; page239), on constate peu de changement dans l'implantation des vignes dans la commune d'Assérac si l'on en croit la carte de Pinson de 1888, contrairement au canton de Guérande où le vignoble a subit un très net recul (SAINDRENAN, ibid) :

Commune d'Assérac, carte du canton d'Herbignac, 1888.


A Assérac, on voit que les vignobles sont surtout concentrés sur le coteau orienté au sud et situé au dessus des marais salants face à Mesquer (voir carte suivante), elles font le tour de ce bassin salicole. Aucune vigne n'est signalée dans les autres communes du canton d'Herbignac. La vigne reprend au nord de la commune dans le hameau de Limarzel, et sur les coteaux situés de l'autre côté des marais (ainsi, probablement, que sur ceux de la partie morbihannaise de ce marais), dans la continuité des vignobles plus denses de la commune limitrophe de Pénestin.





On peut aller plus loin dans la précision en Loire-Atlantique, au niveau de la parcelle, grâce au cadastre, mais ce serait un travail fastidieux qui ne changerait pas grand chose au fait que les vignes étaient bien situées essentiellement sur le littoral. Voici un exemple pris à la limite de la Loire-Atlantique et du Morbihan, au centre de la zone étudiée ici, avec les vignes du village de Limarzel en Assérac, berceau de ma famille, situé près de Pénestin (cadastre de 1825) :

Assérac, extrait du registre pour une partie des parcelles de Limarzel (A.D. de L.-A., cadastre (plans et matrices) en ligne, État des section B à K, vue 107). Remarque : les vignes sont cultivées par les habitants du village de Limarzel, mais aucun des propriétaires des parcelles n'habitent les lieux. Les propriétaires terriens n'étaient pas des philanthropes ; soucieux essentiellement de leurs intérêts, leur rôle - intéressé - a été la diffusion du progrès agricole par l'intermédiaire des comices dans la deuxième moitié du XIXe et au début XXe siècle (BOURRIGAUD René, Le développement agricole au 19e siècle en Loire-Atlantique, thèse, éd. du Centre d'histoire du travail de Nantes, 1994, Troisième partie), la quantité et/ou la qualité des récoltes augmentant leurs revenus.


[note : Les différentes façons dont les propriétaires terriens exploitaient ceux qui travaillaient et cultivaient « leur » terre ne m'intéressent pas vraiment et je n'ai pas étudié les différents types contrats agraires, c'est la viticulture qui m'intéresse. Pour résumer, il y avait le « fermage » (où le propriétaire perçoit un loyer dont le montant est déterminé dès la conclusion du contrat), le « métayage » (où le propriétaire et l'exploitant se partagent la récolte dans des proportions fixées dans le contrat), et le plus souvent (2/3 du vignoble de Loire-Inférieure au début du XIXe siècle) : le « bail à complant » (forme anachronique de contrat spécifique au sud Bretagne, où la jouissance d'une terre est concédée par le propriétaire à un colon, qui a l'obligation d'y cultiver la vigne et de l'entretenir puisque la vigne est une culture pérenne, en contrepartie il y a partage de la récolte entre le propriétaire et le cultivateur. La caractéristique essentielle de ce contrat est sa durée puisqu'il est transmissible de génération en génération ; en effet sa durée était celle de la vigne, car un vignoble pouvait se maintenir de manière illimitée puisqu'on le renouvelait en permanence par provignage. Voir : SAINDRENAN Guy, Le vin & la vigne en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; pages 308-320 / BOURRIGAUD René, « Rien que notre dû ! » - Le combat des vignerons au pays du Muscadet (1891-1914), éd. du Centre d'histoire du travail, 2013]

Parcelles de vigne du hameau de Limarzel en Assérac (A.D. de L.-A., cadastre (plans et matrices) en ligne, cadastre ancien - section de l'Éclis H 2, 1825). Les « vignes de Limarzel » (comme indiqué sur le registre du cadastre) sont situées à environs 800 mètres de la mer (Baie de Pont-Mahé, à cheval sur la Loire-Atlantique et le Morbihan), sur une « presqu'île » au milieu d'une zone de marais saumâtres (d'anciens marais salants).


Les « vignes de Limarzel » étaient nommées « Clos de Guineguy » dans un document plus ancien (1634). On trouve dans un toponyme disparu de Pénestin la forme « guynieguy » (LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 224), qui est plus proche à la prononciation moyenne / gɥinieˈgi / ; le toponyme complet est « Prat en guynieguy » (Pré des vignes) en 1468, qui est tout en breton, avec une forme évoluée « Prat er gueniguy » en 1607 (LUÇON B., ibid), où l'on constate l'évolution régulière de l'article « en > er » (déjà mentionné supra), ainsi que la réduction de la diphtongue dans l'avant dernière syllabe non accentuée comme dans le toponyme précédant.


Le terme « gwiniegi » (en orthographe moderne) est le pluriel régulier de « gwinieg » qui signifie « vignoble » (BURON Gildas, « Les pluriels en -i de collectifs bretons dans la toponymie entre estuaires de Loire et de Vilaine » en deux parties, in revue nazairienne Histoire & Patrimoine, n° 77 de juillet 2012 et n° 78 de janvier 2013), le pluriel rendant le nombre des parcelles en vigne. Le Pays de Guérande ayant été bretonnant jusqu'à la fin du XVIIe siècle (le recul commençant au XVIIIe), le nom breton du vignoble est attesté dans d'autres noms de lieux de la région, au singulier et au pluriel. Selon l'enquête officielle de Charles Coquebert de Montbret, on parlait encore breton en 1806 dans les communes de Pénestin, Camoël, Férel, et jusqu'« aux salines [du canton] d'Herbignac » (KÖDEL Sven, « L'Enquête Coquebert de Montbret (1806-1812) sur les langues et dialectes de France et la représentation de l'espace linguistique français sous le Premier Empire », thèse de doctorat, Paris 7, 2013 ; page 222), c'est-à-dire Assérac (Les derniers villages bretonnants de la région se trouvaient à Batz au cœur des marais salants, et les derniers bretonnants de naissance sont décédés dans les années 1960-1980).



On n'y cultivait pas encore le rustique Gros-plant (Folle blanche) dans ce vignoble, arrivé dans la région suite à l'épidémie d'oïdium (ce cépage est en effet peu sensible à cette maladie cryptogamique, comme le Muscadet), et encore moins les cépages hybrides producteurs directs (Noah, Chancellor...), arrivés après l'invasion du phylloxéra.


Si on examine les registres des parcelles de la commune voisine d'Herbignac (chef-lieu du canton), située dans les terres, on constate qu'on y cultivait pas la vigne (A.D. de L.-A., cadastre / plans et matrices en ligne, État des sections, en trois parties), pas une parcelle de vigne trouvée. Les vignes signalées par Arthur Young avant la Révolution à « Herbignac, near Guerande, in Bretagne » (YOUNG Arthur, Travels During the Years 1787, 1788, & 1789 : Undertaken More Particularly with a View of Ascertaining the Cultivation, Wealth, Resources, and National Prosperity of the Kingdom of France, éd. W. Richardson, 1792 ; page 293), ont dû être apperçues sur la route de Guérande au niveau du fond du bassin salicole d'Assérac-Mesquer où elles profitaient du microclimat (elles ne sont pas signalées sur la carte de Cassini). Pour les anciens de Camoël, qui ont connu le Noah, le vin de Pénestin avait la réputation d'être meilleur que celui de Camoël ; je doute que ce soit l'effet terroir du sol et du climat, ce doit être plutôt une cause humaine : les vignerons du littoral disposaient d'un savoir-faire traditionnel très ancien, alors que la viticulture s'est développée dans l'intérieur des terres qu'avec l'arrivée des cépages hybrides.


On dispose d'un témoignage très intéressant sur l'effet protecteur de l'océan et du Gulf Steam sur le littoral breton, ce que l'on appelle l' « Arvor » en breton (Armor), mot issu d'un préfixe « ar- » (devant / près de) et du nom « mor » (mer), comme dans « Armorique » (< Aremorica en celtique). Durant le « Grand Hiver » de 1709, épisode terrible de froid intense en Europe qui marqua les esprits, le Vignoble nantais (comme les autres) fut dévasté par le gel (MANCERON Paul, « Synthèse de quelques études sur l'histoire de la vigne dans le Pays nantais », in Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Nantes et de Loire-Atlantique, Tome 108, 1969 ; page 36), cela semble avoir favoriser le Muscadet dans la replantation des vignes détruites ; le Melon blanc est un cépage septentrional d'origine bourguignonne qui était déjà bien présent en « pays Nantois » au début du siècle précédent (LOUVET J., « Journal, ou Récit véritable de tout ce qui advenu digne de mémoire tant en la ville d'Angers, pays d'Anjou et autres lieux », 1615, publié dans la Revue d'Anjou et du Maine et Loire, 1855, 4/1 ; page 177 : « et s'est trouvé au pays Nantois si grande quantité de vin ès vignes appelées Bourgongne, que... »), il aurait en effet mieux résisté au gel extrême de cet épouvantable hiver. Mais pour Piriac, on apprend dans un rapport de l'abbé Henry Jego à son évêque en 1710 que les vignes n'auraient pas été affectées autant que celles situées un peu à l'intérieur près des marais salants de Guérande et Saint-Molf, on peut y lire : « Je vous ai donc anencé que les mois de janvier, février et mars de l'an 1709 furent si âpres que cet hiver fit mourir la vigne en bien des endroits et paroisses, mais cependant quoiqu'elle ne soit pas morte extraordinairement en cette paroisse comme à Guérande et Saint-Molf et autres, y ayant eu une très belle apparence dans la fleuraison, ce qui donnait une grande espérance... » (A.D.L.-A., 3E125/2. Piriac - Saint-Pierre - BMS - 1709. Cité par POULARD Alain dans ses Notes historiques sur la culture de la vigne en presqu'île guérandaise, 2007 ; page 47. dossier des Amis de Guérande / et par LE BORGNE Jocelyne, « Vignes et vendanges à Mesquer - 1412-1912 », in Histoire & Patrimoine (A.P.H.R.N.), n° 100 de mars 2021 ; page 127).







Les crises sanitaires de la deuxième moitié du XIXe siècle (oïdium, mildiou et phylloxéra) vont modifier l'ancienne viticulture, notamment avec l'arrivée de nouveaux cépages, plus rustiques comme le Gros-plant (plus résistant à l'oïdium), et surtout les hybrides américains, productifs et faciles à cultiver. Le début de l’industrialisation et la mécanisation du pressoir ont aussi permis de le démocratiser, ce qui va favoriser la production de vin à la ferme ou chez les particuliers. Tout cela doit expliquer la diffusion de la viticulture dans les communes de l'intérieur, où l'on trouvait encore récemment des vignes de Noah et autres. La situation du XXe siècle était donc différence de celle d'avant ces crises, où les vignobles étaient concentrés sur le littoral afin de profiter - probablement - de l'effet modérateur de l'océan sur le gel. Le débourrement précoce du Chenin (nom officiel de l'Aunis) le rend sensible aux gelées de printemps, cela peut expliquer cette répartition.


§ Risque atténué sur les coteaux orientés au sud.


Et afin de limiter ce risque dans les vignobles septentrionaux, on choisissait bien aussi l'endroit où l'on allait planter, à cette latitude septentrionale pour la vigne il importe de sélectionner les lieux ayant le meilleur potentiel thermique, l'été pour la maturation, le printemps pour éviter au mieux les dégâts causés par le gel. Pour cette raison, « dans les pays où la gelée est à craindre pour la vigne, on choisit les coteaux exposés au soleil pour la planter... Les pentes des coteaux conviennent à la vigne : Bacchus amat colles. » (CLERC, Manuel du vigneron, éd. Charles Cornillac, 1829 ; pages 15-16) ; et puis, il est connu que les coteaux donnent en principe les meilleurs vins (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 400). « L'orientation des vignobles en pente joue un rôle d'une certaine importance dans la région septentrionale, où l'on ne peut obtenir des produits rémunérateurs que dans les situations les plus favorables. L'exposition au Midi peut être considérée comme la plus avantageuse dans ce milieu ; elle permet en effet au vignoble de recevoir le soleil pendant tout le temps où il est au - dessus de l'horizon, elle est abritée en outre contre les vents froids du nord. » (FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; page 218)


Même si aucune vigne n'est vraiment éloignée de la mer dans l'étroite presqu'île de Rhuys, qui s'étire entre l'océan et le Mor-bihan (golf de Vannes), on remarque sur la carte de Cassini, qu'en son centre, au sud du bourg de Sarzeau, la présence d'un vignoble allongé d'est en ouest et situé sur des coteaux orientés au sud (voir carte supra), ce qui constitue l'implantation optimale pour la vigne (SAINDRENAN Guy, La vigne & le vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; chapitre « Le vignoble de Rhuys », page 160).


Dans le compte-rendu d'une excursion dans la presqu'île de Rhuys, Henry Sagnier, rédacteur en chef du Journal de l'agriculture disait à la fin du XIXe siècle : « La presqu'île appartient, presque tout entière, aux plus anciens schistes des terrains de transition, à travers lesquels se montrent des affleurements granitiques. Sur presque toute son étendue, des ondulations à pentes douces, dont la hauteur dépasse rarement 20 à 25 mètres au-dessus du niveau de la mer, sont séparées par des vallées assez larges, à fonds souvent marécageux… Jusqu'à Noyalo, on reste au milieu de la culture bretonne ; mais quand on arrive à Saint- Armel, on commence à rencontrer des parcelles de vignes qui donnent une note différente dans le paysage ; le nombre de ces parcelles augmente à mesure qu'on avance vers Sarzeau, qui est le centre du vignoble de la presqu'île. Ces vignes sont situées surtout sur les pentes les mieux exposées des ondulations que nous avons signalées, et elles forment souvent des morceaux étendus. » (SAGNIER Henry, « Excursions agricoles en 1893… La presqu’île de Rhuys (Morbihan) », in Journal de l’agriculture, de la ferme et des maisons de campagne, de la zootechnie, de la viticulture, de l’horticulture…, 28ème année, Tome II – Juillet à décembre, éd. au bureau du journal, 1893 ; page 782-784).



§ Taille tardive pour limiter le risque de dégâts par le gel au printemps.


Une taille tardive permet aussi de limiter les dégâts causés par le gel : « Après une taille précoce, la vigne se développe plus tôt au printemps » mais elle « est plus exposée à l’action des gelées tardives » (LENOIR B. A., Traité de la culture de la vigne et de la vinification, éd. Rousselon, 1828 ; page 144), « Elle ne s'opère en général qu'au printemps, parce qu'on espère par-là retarder la végétation de la vigne et la soustraire aux gelées tardives » (ANGELLIER, « Rapport de M. le baron Angellier, sur un mémoire de M. le comte Odart, relatif à la culture de la vigne. », in Annales d'Agriculture publiées par la Société d'Agriculture, de Sciences, d'Arts et de Belles-Lettres du Département d'Indre et Loire, impr. de Mame, tome XV, 1835 ; page 86). La limite étant que « la taille du printemps doit précéder le mouvement de sève » (Nouveau cours complet d’agriculture théorique et pratique, éd. Deterville, 1809 ; Tome XIII, page 540), c'est-à-dire avant le débourrement (moment du printemps où les bourgeons se développent pour laisser apparaître leur bourre, terme désignant le duvet et les jeunes feuilles et fleurs enfouies dans les bourgeons) (REYNIER Alain, Manuel de viticulture, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1997 ; page 314). La taille tardive est donc un moyen indirect pour lutter contre les gelées de printemps (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 429).


Th. Magouët indique aussi : « le nord a tout lieu de craindre les gelées tardives ; en conséquence on n'y taille que dans le courant de mars », « notre habitude, dans la Loire-Inférieure, est de commencer à tailler du 25 février jusqu’au 20 mars ; les premiers jours, chacun opère sur les endroits ou les cépages qu’il sait être moins susceptibles de gelées. » (MAGOUËT Théodore, Traité de la vigne , éd. par l'auteur, Guérande, 1849 ; pages 125-126).


Dans un article sur la taille de la vigne, le journal Le Guérandais conseille : « il faut attendre le printemps, surtout pour le système à coursons, autrement le dernier bourgeon peut souffrir du froid. En tout cas il ne faut pas attendre que la vigne soit en sève, car alors on la fatigue. » (article sur « La taille de la vigne », in Le Guérandais du dimanche 23 octobre 1904, n° 698 ; page 1). J.T. de Piriac m'a dit qu' « il ne faut pas se presser », il taillait durant « la première quinzaine de mars » ; Paul Legouic (1927-2018) de Saint-Molf m'avait cité le dicton classique : « Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de Mars » ; un autre ancien de Piriac m'avait dit qu'il faut attendre la saint Aubin (patron de Guérande, fêté le 1er mars) [1] (note : La taille en mars n'est possible que sur de petites parcelles en viticulture traditionnelle familiale, c'est irréalisable pour les professionnels qui travaillent sur des surfaces importantes, la main d'œuvre ne serait pas disponible sur une période aussi courte. Dans la pratique, les viticulteurs professionnels doivent donc commencer à tailler plus tôt dans l'hiver, la taille peut en principe s'effectuer pendant toute la période de repos végétatif (dormance), de la chute des feuilles au débourrement des bourgeons, durant laquelle la sève ne circule pas.). L'acrotonie (voir supra) favorise les bourgeons de l’extrémité du sarment de vigne qui débourrent (éclosent) en premier dès que le temps le permet au printemps (au réveil de la végétation), cela préserve les bourgeons de la base du serment (toujours dormants et protégés par leurs « écailles », au stade bourgeons d'hiver) qui ne craignent donc pas, ou moins, un gel printanier.


Les avantages de la taille basse dépassaient donc largement l'inconvénient principal : les gels de printemps.



III - La taille en gobelet bas.


Le « gobelet » est un mode de conduite de la vigne traditionnel, très ancien et assez banal. C'est une taille courte sur charpente courte ; plus la charpente est basse, plus la maturation est rapide [1]. Étant situé en limite climatique pour la production de vin (de qualité suffisante pour le commerce), on utilise dans le midi de la Bretagne une charpente basse, et même au raz du sol dans le Pays de Guérande et dans la presqu’île de Rhuys où les risques de gelée sont atténués par la proximité de l'océan [1]. Les souches des vignes basses ont une tige courte, parfois nulle, qui ne dépasse pas, en général, 40 à 50 cm de hauteur (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 411).



A - Le « gobelet » classique :


Une vigne taillée en gobelet est constituée d’un tronc (de hauteur variable) qui porte des bras divergents (plus ou moins nombreux) s'étendant vers l’extérieur et vers le haut en formant une sorte de vase (gobelet), plus ou moins ouvert, à l'extrémité des bras se trouvent des coursons (partie du sarment de vigne qui reste après la taille et qui porte les bourgeons), on ne conserve que les coursons verticaux afin de limiter l’étalement de la végétation. Le « gobelet » n'est pas adapté au port retombant (sarments qui retombent vers le sol), d'autant s'il est bas.



Le médecin et agronome Jules Guyot (1807-1872) est à l'origine de la diffusion du mode de taille ancien de la vigne qui porte son nom [1], il a beaucoup écrit, dont le traité : Culture de la vigne et vinification (1860) et la monumentale : Étude des vignobles de France (1868).


Pour la presqu'île de Rhuys, il écrit : « Rien, du reste, n’est plus simple que le mode de viticulture traditionnel du canton de Sarzeau. Les vigne sont plantées et maintenues en lignes, sans échalas, à 1m,30 les unes des autres, tandis que les ceps sont à 60 ou 80 centimètres dans les lignes… A la deuxième année… on taille deux, trois ou quatre crochets à deux yeux… Ces crochets sont l’origine de trois, quatre ou cinq bras, qui s’élèvent graduellement en portant tous les ans un sarment terminal, taillé à deux yeux…

La conduite adoptée à Sarzeau est donc la souche à trois, quatre et cinq bras partant de terre, et la taille consiste en un courson à deux yeux à chaque bras » (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Nord, du Nord et du Nord-Ouest , éd. Victor Masson et fils, 1868 ; pages 574-576). Henry Sagnier expliquait dans le Journal de l'agriculture en 1893 : « Les vignes sont plantées en lignes espacées de 1 m.20, les ceps étant distants de 0m.60 à 0m.70 dans les lignes. Les ceps sont conduits en souches basses munies de quatre ou cinq bras, dont l'extrémité porte un sarment taillé sur deux yeux. On n'échalasse pas les sarments… L'espacement régulier des lignes permet d'exécuter les labours et les binages à la charrue, la houe à main n'intervenant que pour le travail entre les ceps. » (SAGNIER Henry, « Excursions agricoles en 1893… La presqu’île de Rhuys (Morbihan) », in Journal de l’agriculture, de la ferme et des maisons de campagne, de la zootechnie, de la viticulture, de l’horticulture…, 28ème année, Tome II – Juillet à décembre, éd. au bureau du journal, 1893 ; page 782-784). Barthélémy Le Gallais, maire de Sarzeau et président de la commission de viticulture du comice agricole local précise : « Dans les petites exploitations souvent les vignes sont plantées à 1m ou à 1m30 entre les lignes, mais les ceps sont à peine à …60…80 centimètres les uns des autres. Partout, dans la moyenne comme dans la petite culture chaque plant porte 3, 4 et 5 bras suivant sa force et chaque bras se termine par un sarment taillé à trois yeux généralement, si l’on tient compte de la mouche ou premier œil. » (« comice agricole de Sarzeau », Le Gallais, in Le Courrier morbihannais du dimanche 2 novembre 1902 ; page 2).


Dans l’ouest du Pays de Retz (ancien arrondissement de Paimboeuf, rattaché en 1926 à celui de Saint-Nazaire), « on laisse trois ou quatre bras », « les souches, en majorité, sont dressé sur trois bras, à 14 ou 15 centimètres de terre » [donc pas à raz de terre], « sur chaque corne on laisse une seule “amée” ou courson, à deux yeux francs pour le gros plant et à trois yeux pour le muscadet ». Dans l’arrondissement de Nantes, on laisse aussi « trois ou quatre bras », mais pour le muscadet, « on laisse toujours un long bois, venu sur la tête » (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest, éd. Victor Masson et fils, 1868 ; pages 596-598). Le terme « amée » (ou « amet ») désigne dans le Pays de Retz le « bois de l'année précédente qu'on laisse à la vigne pour avoir du raisin (LACHIVER Marcel, Dictionnaire du monde rural - Les mots du passé, éd. Fayard, 1997 ; page 74 sous « amet »).


Dans son étude de 1992 sur le vignoble du coteau guérandais, Frédéric Rousseau mentionne pour plusieurs vignerons la taille traditionnelle en gobelet à trois ou quatre bras (dits « cornes ») ayant chacun un courson taillé à deux yeux (ROUSSEAU Frédéric, Le vignoble du coteau guérandais : possibilités de réhabilitation, mémoire de stage, Maitrise Sciences et Techniques 1ère année, Institut de Géographie et d'Aménagement Régional de l'Université de Nantes, 1992 ; légende annexe D).


On coupe donc « chaque sarment à deux yeux, en observant que le petit bouton [bourgeon] du collet [couronne] qui joint l’ancien bois au nouveau ne se compte pas » (Nouveau cours complet d’agriculture théorique et pratique, éd. Deterville, 1809 ; Tome XIII, page 540).


J. Guyot expliquait encore en 1870 dans un article : « Pour résumer et comparer les divers dressements de la vigne, il est indispensable d’en classer les souches et les tiges en plusieurs catégories… La tige naine de franc pied s'entend des seps dont on arrête la tige sur le sol même, ou bien à 0m.10, 0m.20, 0m.30, 0m.40 ou 0m 50 au plus de hauteur… Les souches naines de franc pied sont divisibles en deux séries: celles dont les tiges s'allongent successivement par la taille, et celles dites en tête de saule, qui se bornent à grossir sur place… Souches naines de franc pied s’étendant par la taille. Les douze premières figures représentent la charpente primitive de tous les ceps de cette série.



La figure 1 est constituée par un seul membre ab qui, en se doublant, donne la figure 2, en se triplant, la figure 3, en se quadruplant, la figure 4 ; puis les figures 5, 6 en se quintuplant et en prenant six, sept membres et même plus sur un même pied ou collet. Cette forme et cette disposition des souches naines sont adoptées dans presque tous les vignobles de France où la vigne est cultivée de franc pied, le Languedoc, le Lot, la Charente, le Beaujolais, etc. Leur tête repose sur le sol lorsqu'il est sain, sec et en coteaux ; mais dans les plaines, où l'on redoute l'humidité ou les gelées printanières, cette tête est élevée sur une tige comme l'indiquent les figures 7, 8, 9 et 10… » [2].


L'agronome et viticulteur de Guérande Théodore Magouët parlait au milieu du XIXe siècle de « taille en couronne », il la décrit ainsi : « Elle consiste à former au cep un pied fort et peu élevé (environ vingt à trente centimètres au plus) avec de bonnes branches, autant que possible égales en hauteur, et entre lesquelles on ménage un espace raisonnable, à mesure que le cep vieillit… la taille fixe à trois et au plus quatre coursons, deux nœuds au plus sur chaque, quoiqu'elle ne nous donne qu’un nombre presque toujours égal de grappes, conduit aussi à obtenir des grappes généralement de même grosseur, toujours même hauteur, à très-peu de chose près an dessus du sol, la maturité se ressemble… Nous n'avons plus qu'à recommander au vigneron qui veut tailler en couronne de choisir ses coursons de manière à leur faire faire, autant que possible, le triangle ou le carré parfait entr’eux. Toujours même éloignement d'un courson à l'autre… La première année d'une plantation il coupe la crossette de manière à lui laisser deux nœuds au plus au dessus de la hauteur de la tige ou jambe du cep. La deuxième année, si des deux bourgeons laissés l'année précédente il a parti deux branches, il conserve la plus basse, qu'il taille à deux nœuds, et supprime non seulement la branche supérieure, mais la partie de la crossette de laquelle elle provient, donnant cependant ces deux premières années environ un demi-pouce de bois au-dessus des bourgeons, parce que jusqu'à la troisième année le cep en a besoin pour acquérir quelque vigueur. La troisième année les deux coursons qu'il a obtenus sur sa branche basse ont une certaine force ; alors déjà il en obtient quatre coursons, deux sur chaque. Si la vigne a jeté beaucoup de bois, il conserve ces quatre coursons, les taillant à un nœud chacun, mais les prenant dessous le sarment, c'est-à-dire le plus près de terre. Alors le cep s'évase… s'il le conserve bas sans échalas et que le vent ne brise aucun des quatre coursons, il continue sa taille toujours à un nœud, et à deux s'il est gêné par un excès de sève. Les années postérieures, si le vigneron s'aperçoit que, quelque chose qu'il fasse, ses branches cessent de former le triangle ou le carré parfait, soit par inclinaison au jet poussé en côté, soit par bris ou autrement, il peut remplacer et il n'ébourgeonne pas les jeunes sèves qui se présentent entre les coursons, n'ébourgeonne du moins que ceux dont il n'a pas besoin ; enfin conserve le bouton qui se présente bien, l'attache, le conduit adroitement ; et s'il l'épointe dès la fin de juillet, il lui fait acquérir, à la fin de l'été, une grosseur presqu'égale aux anciens coursons. Dans tous les cas, il est déjà en état d'apporter du raisin l'année suivante. » (MAGOUËT Théodore, Traité de la vigne, éd. à Guérande, 1850 ; pages 117-120). C'est la taille que l'auteur a dû pratiquer à Guérande, puisqu'il critique les autres méthodes, et sans blâmer les vignerons de la région sur ce point.


Dans son étude de 1992 sur le vignoble du coteau guérandais, Frédéric Rousseau a rencontré quelques vignerons de cette zone restreinte (de la commune), il mentionne divers types de taille de la vigne, des tailles récentes comme les taille Guyot simple et double, et les tailles traditionnelles de la région : la taille dite en « tête d'osier » (qu'il nomme « tête ronde » et « tête de chat ») utilisée pour les cépage hybrides, notamment le Noah (voir infra), et la taille en gobelet (ROUSSEAU Frédéric, Le vignoble du coteau guérandais : possibilités de réhabilitation, mémoire de stage, Maitrise Sciences et Techniques 1ère année, Institut de Géographie et d'Aménagement Régional de l'Université de Nantes, 1992 ; annexe D). Il mentionne quatre personnes qui utilisent la taille en gobelet, dont Marcel Lebihain (1921-1999) qui l'utilisait entre autre pour le cépage Seibel 7053, un cépage hybride rouge nommé « Chancellor », précoce (1ère époque), vigoureux et à port érigé. M. J.C. (né en 1936) m'a signalé la taille en gobelet pour le même cépage à Trelogo en Assérac, alors que la « tête d'osier » était utilisée pour le Noah et le Seibel 5455 (dit « Plantet »).

Schéma simplifié du gobelet à 4 bras, mémoire de Frédéric Rousseau, 1992.


Le gobelet à 3 bras n'est pas un type de taille différent, comme indiqué dans ce mémoire, mais plutôt une adaptation à la vigueur de la vigne ; à droite un gobelet à 3 bras plus conforme au gobelet bas traditionnel (ici à Camoël, photo personnel, 2022).


« Dans l’arrondissement de Nantes », on laissait aussi « trois ou quatre bras » (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest, éd. Victor Masson et fils, 1868 ; chapitre sur la Loire-Inférieure, page 596) ; et dans l'arrondissement d'Ancenis, du côté de Varades, on formait « la souche à quatre ou cinq bras » (Ibid ; page 603). « Le Muscadet est conduit en gobelets à 4 ou 5 bras – plus souvent 4 que 5. – Tous les bras, sauf un, portent chacun un courson à deux yeux. Celui qui reçoit la branche à fruits n’a pas de courson de retour. Afin d’éviter la coulure, les vignerons soigneux donnent une légères torsion à la branche à fruits… puis ils attachent ladite branche à l’un des bras. La branche à fruits n’est jamais laissée deux années de suite sur le même bras. » (FONTAINE André, « Le vignoble de la Loire-Inférieure – Le Muscadet », in Le progrès agricole et viticole, Tome XXXIII 1er semestre, impr. Serre et Roumégous, 1900 ; page 144). C'était un mode de taille commun en Loire-Atlantique jusqu'à encore récemment :

« Jean Moreau déchausse sa vigne », Savenay, mars 1990,

(photographie de Yannick Boucaud, publiée en carte postale).



B - Variante nantaise pour le Gros-plant :


« Vu l'extrême fertilité de la Folle blanche, on doit tailler court » (CARRIÈRE E.-A., « Chronique horticole », in Revue horticole - Journal d'horticulture pratique, éd. Librairie agricole de la Maison Rustique, 1878 ; page 342). Cependant, dans le Vignoble nantais, on laisse au Gros-plant « outre trois ou quatre coursons, un daguet à sept ou huit yeux : c’est toujours un gourmand venu sur vieux bois et au dessous de la tête » (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest, éd. Victor Masson et fils, 1868 ; chapitre sur la Loire-Inférieure, page 596). Dans le Vignoble nantais un « daguet » désigne « un sarment de vigne à sept ou huit yeux » (LACHIVER Marcel, Dictionnaire du monde rural - Les mots du passé, éd. Fayard, 1997 ; page 582).

Sur le dessin ci-dessus, on voit en a - b un gourmand (daguet) qui part du pied (en dessous du gobelet) du cep de Gros-plant / Folle blanche (GUYOTJ., ibid).


En effet, la Folle blanche était connue pour avoir « la propriété de fournir des raisins sur ses moindres gourmands » (DE LENTILHAC E., « Station agricole dans la Dordogne », in Journal de l'agriculture, éd. aux bureaux du journal, 1892 ; Tome I, page 957). On savait donc que « les gourmands, c’est-à-dire les rameaux poussés directement sur le vieux bois de la souche, sont rarement fructifères », mais que « des variétés de vigne : l’Aramon, la Folle blanche, etc., portent des gourmands qui se chargent de fruits lorsqu’on leur laisse un grand nombre d’yeux ». (CARRÉ A., « Enquête sur les vignes conduites sur fils de fer », in Le progrès agricole et viticole, du 07 mars 1897, n° 10 ; page 276), cela explique la longueur du daguet laissé sur la souche.


Le nom officiel du cépage, la Folle blanche, caractérise bien un « cépage luxuriant et productif » (LAVIGNAC Guy, Cépages du sud-ouest 2000 ans d'histoire / Mémoire d'un ampélographe, éd. du Rouergue / INRA éditions, 2001 ; page 179), et son nom gallo de Gros-plant un cépage vigoureux.


De plus, ce daguet pouvait permettre de maintenir le cep bas et au ras du sol, en supprimant un bras trop élevé qui est alors remplacé par ce gourmand.


C - Variante nantaise mixte pour le Muscadet :


A côté du gobelet classique (cep de gauche ci-dessous) on trouvait dans le Vignoble nantais une variante avec généralement un bras portant une bois long au lieu d'un courson (cep de droite).

(GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest, éd. Victor Masson et fils, 1868 ; chapitre sur la Loire-Inférieure, page 592).


Jules Guyot explique que « dans le muscadet, on laisse toujours un long bois, venu sur la tête… et on le recourbe en couronne en l’entrelaçant aux bras de la souche », il s'agit donc d'une taille mixte (gobelet mixte), « c’est la couronne à peu près seule… qui donne le fruit », « à Mouzillon, la taille est plus généreuse et les récoltes plus abondantes qu’à Vallet et au Loroux ; j’ai vu beaucoup de souches portant deux couronnes croisées », « on ploie toutes les couronnes en taillant » (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest, éd. Victor Masson et fils, 1868 ; pages 596-598-598-603).


Dans un article sur le « Dressement de la vigne », J. Guyot indique que ce mode de conduite « avec ou sans verges, souvent avec deux verges, est très-appliquée dans la Loire-Inférieure » (GUYOT Jules, article sur le « Dressement de la vigne », in Journal d’agriculture pratique, 34ème année – Tome II, éd. Librairie agricole de la Maison rustique, 1870 ; page 1166, colonne b).

Figure 35, ibid, page 1165.


La souche, maintenu au ras du sol, a un tronc pratiquement inexistant et des bras courts, la forme type Muscadet vise à rapprocher les raisins du sol pour qu'il puissent bénéficier de sa chaleur à l'approche de la maturité ; aucun soutien n'est nécessaire (CRESPY André, Viticulture d'aujourd'hui, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1992 ; page 97).


Dans le Vignoble nantais, on constate donc la présence d'une baguette (sarment long) sur un bras (taille mixte), parfois deux qui se croisent au dessus du gobelet, car le cépage Melon blanc du Muscadet demande une taille modérément longue car les yeux de la base sont peu fertiles (peu fructifères). On remarque aussi l'arcure de cette baguette ployée vers le pied du cep, cette opération consiste à courber le sarment de vigne (dont l'extrémité est liée), afin de ralentir la circulation de la sève vers l’extrémité du sarment, les yeux les plus favorisés se retrouvent ainsi au sommet de l'arcure (GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 404). En favorisant le développement des yeux de la partie moyenne du sarment, on obtient des grappes plus volumineuses et plus nombreuses, notamment chez les cépages peu fertiles sur les yeux de la base (Ibid ; page 419) ; par ce moyen, on cherche aussi « à faire que le plus grand nombre des raisins se trouvent plus rapprochés du sol [voir supra] et profitent mieux de la chaleur qu'il réfléchit. C'est pour cette raison que la courbure doit toujours avoir une direction de haut en bas » (STOLTZ Jean-Louis, Premières notions de viticulture et d'œnologie, éd. à Mulhouse, 1848 ; page 38).


On peut penser que la taille nantaise de la figure 35 (ci-dessus) est une adaptation de l'ancienne taille courte en gobelet au cépage du Muscadet : le Melon blanc, qu'il faut tailler long (avec baguette).


« Outre les coursons, on laisse donc sur le gobelet « un long bois que l’on recourbe en cerceau au-dessus de la souche, et que l’on fixe en… l’attachant avec de l’osier sur une branche opposée ; il faut absolument avoir soin de faire porter successivement chaque année les longs bois par les bras différents, à cause du développement plus considérable qu’ils provoquent chez ces derniers » car « l’activité végétale est d’autant plus grande dans un rameau que ce dernier porte un plus grand nombre de feuilles » (FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; page 314-315). Comme pour le gobelet classique, on laissait souvent trois bras pour le Muscadet, qui « donne tous ses moyens de fructification en les taillant à l’ancienne mode du pays, qui comprenait trois cornes ou branches charpentières, dont deux avec coursonnes taillées à deux yeux francs, et une troisième chargée d’un long bois. » (BOUCHARD A., « La vinification des vins blancs... », in La vigne française, n° 14 -31 juillet 1897, éd. au bureau du journal « La Maison de Campagne », 1897 ; page 223). Avec une baguette, trois bras sont suffisants par rapport au nombre de bourgeons que l'on laisse sur le cep (la charge), c'est suffisant aussi pour l'alternance de la baguette sur chaque bras chaque année.

FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; page 314.


La crise du phylloxéra a constitué un tournant important dans l'histoire du Vignoble nantais, la maladie s'étend à l'ensemble de la région à partir de 1884. Le reconstitution du vignoble, grâce au greffage sur des vignes américaines (naturellement tolérantes à l'insecte), introduit de nouvelles techniques viticoles, le gobelet traditionnel à trois bras avec une couronne va évoluer avec la traction animale et le palissage vers la taille dite « Guyot nantais ». C'est la taille devenue traditionnelle du Muscadet, il y a trois bras alignés dans le rang en éventail un peu en dessous du palissage à fil unique, avec un pied de cep plus élevé que l'ancien gobelet, un bras portant (alternativement) la baguette (6-8 yeux) entourée autour du fil de fer tendu au dessus-des bras et liée, et les deux autres bras portant chacun un courson (2 yeux).


Guyot nantais sur de vieux ceps.


Jules Guyot n’est pas, en réalité, l’inventeur de la taille qui porte son nom mais son vulgarisateur, il le dit lui-même : « cette méthode que je recommande… n’est point nouvelle ; elle est appliquée de temps immémorial » (GUYOT Jules, Culture de la vigne et vinification, éd. Librairie agricole de la Maison Rustique, 1861 ; page 30). Son principe « est l’existence, sur un même cep, de deux sarments, l’un pour produire le fruit de l’année, l’autre pour donner le bois indispensable pour l’année suivante. Or, ce principe, nous le retrouvons avec des variantes sous d’autres formes, sous d’autres noms, dans les pratiques de plusieurs contrées viticoles » (LAURENS, « Observations sur la taille de la vigne », in Revue viticole : annales de la viticulture et de l'œnologie françaises et étrangères, éd F. Savy, 1862 ; pages 106-107) ; c'était bien le principe de l'ancien gobelet nantais avec couronne. Dans les derniers vignobles de Guérande, certains vignerons ont pratiqué les tailles Guyot simple et double sur fil de fer (ROUSSEAU Frédéric, Le vignoble du coteau guérandais : possibilités de réhabilitation, mémoire de stage, Maitrise Sciences et Techniques 1ère année, Institut de Géographie et d'Aménagement Régional de l'Université de Nantes, 1992 ; légende annexe D), qui ne sont pas les tailles traditionnelles dans la région.


Le Guyot nantais a pour inconvénient l'entassement de la végétation, ce qui est néfaste car l'exposition au soleil est moindre, et les risques liés aux maladie cryptogamiques sont accrus (SCHIRMER Raphaël, Muscadet - Histoire et Géographie du vignoble nantais, éd. Presses Universitaires de Bordeaux, 2010 ; page 287) ; cette taille recule donc de nos jours au profit du Guyot mixte.


Remarque : cette méthode ne convient donc pas à tous les cépages. Alexandre-Pierre Odart expliquait par exemple pour le Chenin « La manière de tailler la vigne a des effets bien marqués sur la qualité du vin : plus on allonge la taille, plus la récolte est abondante, moindre est la qualité du vin. Le Pineau de Vouvray, Saumur, Angers, etc., ou Chenin de la Vienne, qui donne d'excellent vin quand il est taillé à court bois, n'en donne que de médiocre, quand on joint au courson une verge ou aste, qu'il supporte bien d'ailleurs, ce cépage étant vigoureux dans sa jeunesse… (page 69) Le sarment de la tête ne sera taillé qu'à deux yeux, pour ne pas élever trop vite le cep ; la hauteur du cep ou souche la plus convenable se trouve toujours entre 20 et 40 centimètres. » (ODART Alexandre-Pierre, Exposé des divers modes de culture de la vigne, éd. chez A.d Mame et Cie, 1837 ; page 67).





IV - La taille en « tête d'osier » au ras du sol.


1) Descriptions anciennes :


La taille en « tête d'osier », « tête de saule » et localement « tête de chat » (renseignement Alain Poulard) est assez particulière et originale, c'est l'une des deux méthodes attestées par les anciens sur le littoral du midi de la Bretagne, cela donne une sorte de moignon renflé au ras du sol. Dans son étude sur le vignoble guérandais, Frédéric Rousseau parle de tête ronde » et « tête de chat » (ROUSSEAU Frédéric, Le vignoble du coteau guérandais : possibilités de réhabilitation, mémoire de stage, Maitrise Sciences et Techniques 1ère année, Institut de Géographie et d'Aménagement Régional de l'Université de Nantes, 1992 ; annexe D), je n'ai pas entendu ces noms dans la région.


J.T. de Piriac a connu la taille en « gobelet » et celle en « tête d'osier » dans sa jeunesse, il m'a dit que cette dernière était plus adaptée pour les cépages hybrides, vigoureux, et qu'elle est facile et pratique. M. Paul Legouic (1927-2018) de Saint-Molf - dont le père avait connu « le launis » - me l'avait décrit comme des « champignons », espacés « d'un pas dans le rang et de deux entre les rangs ». Cette méthode, « consacrée par un usage funeste » [10] selon les agronomes du XIXe siècle (DE COURMACEUL Victor, Culture de la vigne – Les cépages de M. Caillaud Ainé, d’après la méthode de M. le Dr Guyot, impr. V. de Courmaceul, Nantes, 1861; page 7), est celle dont tous les anciens que j'ai rencontré dans le Pays de Guérande m'ont parlé pour le mythique Noah. Elle doit son nom à la façon de tailler l'osier :

Pieds d'osier, près d'une vigne de Camoël (56), nord du Pays de Guérande.


Jules Guyot expliquait en 1870 dans un article [11] :

« Le dressement de la vigne en tête de saule s'opère de deux façons :

1° en rabattant un jeune plant de deux ou trois années G, comme l'indique G' (fig. 29...), d’où sortiront les sarments de H (même gravure), et en taillant (page 1244) tous ces sarments à un œil, ou même au sous-œil de l'empâtement et en répétant tous les ans cette taille extra-courte ;


Fig. 29.


2° en rabattant le plant d'un an sur le sarment le plus bas et en taillant ce sarment sur un seul œil ou sur le sous œil en a, figure E de la même gravure 29, et en répétant cette taille sur tous les sarments sortis les années d'en suite.


Fig. 29.


On obtient ainsi les renflements aa' des 19 figures ci-jointes, renflements plus ou moins volumineux et plus ou moins difformes, suivant l'âge de la souche et suivant que le vigneron allonge plus ou moins la taille après quelques années de rigoureuse taille courte.




Si le dressement en tête de saule doit être évité parce qu'il diminue rapidement la vigueur de la végétation et la fécondité du cep, tout en reculant d'abord cette fécondité à la septième ou huitième année, il mérite néanmoins une sérieuse étude, parce qu'aux yeux du vigneron il y a plusieurs buts et plusieurs effets réels à atteindre par cette pratique. Il s'agit d'abord d'arrêter le vagabondage naturel à la vigne ; de maintenir ensuite sa base d'opération annuelle en un seul 1 point, et d'étendre la surface de ce point, d'où doivent toujours sortir les bourgeons fructifères. Les figures 1, 2, 3, 4 et 5 représentent tous les dressements du Gatinais ; les trois premières offrent les pratiques de conduite et de tailles plus spéciales à l'arrondissement de Montargis, et les deux suivantes sont plus particulières à l'arrondissement de Pithiviers. Mais dans les deux arrondissements, la tête de saule et la taille courte sont rigoureusement établies et maintenues, la seule différence qui les caractérise ressort de la comparaison des figures 1 et 4 : les premières présentent toujours la forme d'un champignon ou d'une loupe, sans membres ou cornes de prolongements, et la seconde offre quatre, cinq et six prolongements dérivés de la loupe primitive ; mais dans les deux cas, la séve entravée par les mille replis et circuits que les soudures successives des tailles courtes lui présentent et l'obligent à parcourir, ne produit plus que des sarments de 1 mètre au plus de longueur, ce qui permet de se passer d'échalas : cette économie est en effet un des objets que le vigneron se propose. Les figures 3 et 5 .donnent bien l'aspect et les dimensions des sarments venus sur les souches taillées 1,2 et 4. La suppression de l'échalas, après les deux ou trois premières années de plantation, en Gatinais, est non-seulement un but, mais c'est un précepte ; l'échalas, dit-on dans cette contrée, et c'est la vérité, fait trop croître le sarment ; et cet excès de vigueur ligneuse fait couler le fruit ; mais ce qu'il faut constater avant tout, c'est s'il y a perte ou profit à maintenir la taille courte pour supprimer l'échalas: c'est ce qui ressortira de la comparaison des produits du Gatinais avec ceux de l'Orléanais, qui dresse aussi toutes ses vignes en tête de saule, mais qui les surmonte de tailles longues, soutenues, régulièrement et toujours, par de nombreux échalas... On voit, par la différence des tailles du Gatinais et de l'Orléanais, que le vigneron de cette dernière partie du Loiret ne s'est pas contenté de la modeste production de la taille extracourte de la première, et qu'il n'a pas craint de surmonter la tête de saule de très-longues tailles pour augmenter sa production, même en faisant la dépense d'échalas. En effet, la production moyenne de l'Orléanais est de 34 hectolitres à l'hectare, tandis qu'elle n'est que de 23 hectolitres dans le Gatinais, bien que les terres y soient au moins aussi bonnes, sinon meilleures... On applique aussi la tête de saule en quelques vignobles de la Vendée, tantôt à taille moyenne (fig.11), tantôt à taille courte avec une longue branche à fruit (fig. 10)... Mais c'est surtout dans l'arrondissement de la Rochelle (Charente-Inférieure) que la taille en tête de saule est appliquée rigoureusement et présente les formes les plus singulières dans les souches qu'elle engendre et qui prennent là le nom de cosses. Chaque végétation sort d'une espèce de plateau collé sur terre et s'étendant par des bras aussi irréguliers que biscornus. Les figures 13 et 14 en donnent une faible idée... Dans le département de la Loire-Inférieure, à Bouguenais près de Nantes, j'ai vu des vignes dont la tête de saule, formée sur une tige centrale tt, à 0m.30 de haut, offrait un plateau horizontal PPP, sur lequel on pouvait s'asseoir, sans déranger un seul bourgeon ; le vigneron prenant toutes ses tailles à un oeil en dessous des bras bbbb qui prolongent la table supérieure. La figure 15 donne l'aspect exact d'une de ces souches... Le dressement et la taille de la vigne en tête de saule produisent fort exactement sur la végétation le même effet que l'étêtement et la tonte produisent sur les saules, les osiers et sur tous les arbres des haies, ormes, chênes et autres qu'on appelle des têtards ; ils en diminuent la production ligneuse et fruitière, et ils en abrègent la vie. C'est l'effet, du reste, de toutes les tailles courtes, réitérées et maintenues, qui réduisent à l'état nain des arbres destinés par la nature à acquérir de grandes dimensions ; mais, relativement à la vigne, la formation de la tête de saule en retarde la fructification ; et cette tête, une fois formée, produit une confusion... dans la production des pampres stériles et fruitiers... Du reste, la fertilité de la vigne en tête de saule est moindre que celle de la vigne à taille annuellement croissante ; l'expérience l'a prouvé... tout fait donc supposer que cette conduite de la vigne disparaîtra à mesure que le vigneron connaîtra mieux les vraies conditions de la végétation et de la fructification de l'arbrisseau ».


Jules Guyot donne des renseignements intéressants sur cette taille qui était aussi pratiquée dans Gâtinais, un ancien comté s'étendant sur le territoire de Loiret, de Seine-et-Marne, de l'Essonne et de l'Yonne, mais avec d'autres cépages : Meslier Saint-François (croisement Chenin x Gouais blanc) et Petit Meslier (croisement Savagnin x Gouais blanc) surtout, Gamay (croisement Pinot noir x Gouais blanc)... Il écrit [11] : « Dans le Gâtinais, le mode de taille est des plus bizarres et vient prouver que la vigne doit être bien fortement constituée pour résister à un pareil traitement. Les ceps sont privés de supports et chaque année les sarments indiqués par la figure 95 sont rasés au-dessus d'un œil. Aussi les ceps ainsi taillés présentent-ils, bientôt après la taille, l'aspect des souches A, B, C, indiqué par la figure 96. Ici encore culture à bras, pas de supports pour les ceps, et quelle taille ! Inutile de dire que cette méthode barbare doit être complètement abandonnée. ».

Dans son étude des vignobles, il écrit : « j’avais été frappé de l’aspect des vignes… toutes en tête d’osier, en boule plate ou en champignon contre terre, tête dont partent les sarments fructifères, sans bras ni membres distinct », « la taille à un œil, régulièrement répétée, engendre les têtes de vignes les plus bizarres », « toutes ces formes sont obtenues en taillant, la première année, un seul sarment laissé à un œil ; l’année suivante, en taillant, à un œil encore, les deux, trois ou quatre sarments poussés, et toujours taillant à un œil, les années suivantes, de quatre à six des plus beaux sarments poussés, et coupant ras… les sarments plus faibles. Cette taille a un motif, comme la taille des osiers et des saules en têtards : c’est d’obtenir une base fixe et étendue d’où partiront toujours, d’une multitude d’yeux, des sarments facile à discipliner et pouvant se passer d’échalas ». (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Nord, du Nord et du Nord-Ouest, éd. Victor Masson et fils, 1868 ; Loiret / Gâtinais, page 213-216).


On trouve cette méthode ailleurs, comme à Chypres, Gustave Foëx disait sur les vignes de l’île : « taille en souche basse, extrêmement courte… le procédé le plus caractéristique qu'offre sa culture est sans contredit la taille en tête de saule sans courson », « tous les sarments sont généralement supprimés, de manière à constituer une sorte de tête de saule… Cette taille, d'une brièveté exagérée, ne permet qu'une faible production, à cause du peu de fertilité des rameaux nés sur le vieux bois » (FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; pages 739-740). On la trouvait aussi en Hongrie, dans le célèbre vignoble de Tokay où « les pieds sont maintenus à la hauteur de quinze à vingt centimètres, et après la taille la souche ressemble à une tête d'osier. Sur cette tête, on laisse un nombre de bras plus ou moins grand, selon la vigueur du cep ; et chacun des coursons de ces bras est taillé à un ou deux yeux. » (DEJERNON Romuald, La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest, impr. Veronese, 1866 ; page 406), c'est le Furmint qui est cultivé en majorité dans ce vignoble, un cépage vigoureux, au port érigé et qui doit être conduit en taille courte.


2) Descriptions modernes :


Pour les besoins de son étude de 1992 sur le vignoble du coteau guérandais, Frédéric Rousseau a rencontré quelques vignerons de cette zone restreinte, il mentionne diverses exemples de taille pour le cépage hybride Noah chez les quatre qui en cultivaient, il a constaté les tailles Guyot simple et double ainsi que le gobelet (ROUSSEAU Frédéric, Le vignoble du coteau guérandais : possibilités de réhabilitation, mémoire de stage, Maitrise Sciences et Techniques 1ère année, Institut de Géographie et d'Aménagement Régional de l'Université de Nantes, 1992 ; légende annexe D) ; mais il semble bien que la taille en « tête d'osier » ait été largement majoritaire dans le Pays de Guérande pour ce cépage d'après les anciens que j'ai pu rencontrer, qui associent régulièrement le Noah à cette taille particulière.... Clis...


Elle a été pratiqué encore très récemment par des anciens qui s'inscrivent complètement dans la tradition viticole locale. C'était jusqu'en 2018 à Pénestin par J. J. (né en...), et jusqu'en 2015 à Piriac par J. T. (né en 1937).


Dans mon enfance, la vigne faisait partie du paysage, on trouvait de petites vignes un peu partout dans la région. Il y en avait deux près de chez moi, une de chaque côté à moins de cent mètres (avec un long rang de pommiers à cidre dans le champ à l'arrière), l'alambic passait tous les ans dans le hameaux, il s'installait près d'un gros puits, les anciens restaient à discuter joyeusement, on ne pouvait pas éviter les odeurs en traversant le village. Ces vignes familiales ont disparu petit-à-petit, avec le remembrement beaucoup, et avec l'âge des vignerons ; il est maintenant très rare de pouvoir voir des vignobles en service, mais on trouve encore, en se promenant, des résurgences de Noah (surtout) dans les haies dont le raisin au goût de fraise ravive les souvenirs et fait plaisir aux enfants. Suite à des prospections, j'ai trouvé sur la commune de Pénestin (ancienne trêve de la paroisse d'Assérac), une vieille vigne de Noah, abandonnée depuis quatre ans. Pénestin était l'autre commune viticole du Morbihan avec Sarzeau au XIXe siècle, mais cette commune (comme Camoël et Férel) appartient bien au Pays de Guérande et n'en est pas séparable (c'est en fait tout le Pays de Guérande qui aurait dû être intégré dans le département du Morbihan, il est comme une prolongation du Pays vannetais en Loire-Atlantique).


La culture de la vigne est aussi très ancienne sur le littoral de l'ancienne paroisse d'Assérac, un pressoir y est signalé au XVIIe siècle, « le pressoir de l’Armor en Assérac » (GUILLOTIN DE CORSON Amédée, « Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne comprises dans le territoire actuel du département de la Loire-Inférieure », in Bulletin de la Société Archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, Tome XXXIII, éd. à Nantes, 1895 ; page 145). Ce toponyme est attesté dès 1395 : « L'Armor d'Acérac » (LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 274), « armor » est la forme ancienne du breton moderne « arvor » qui signifie « littoral » ; « Larmor » était le nom de l'une des trois frairies de Pénestin (avec le bourg et Tréhiguier), voisine de la frairie de Limarzel en Assérac. Les pressoirs de cette époque étaient des pressoirs à levier de grande taille, des pressoirs collectifs, propriété du seigneur (pressoir banal), que les vassaux devaient utiliser (contre redevances), cela implique l'existence de surfaces suffisamment importantes en vignes à l'Époque moderne sur le territoire de la frairie de l'Armor.


La tradition viticole s'est perpétuée tardivement à Pénestin, les petits vignerons cultivaient des hybrides, un petit peu de Gros-plant, mais on trouvait aussi jusque dans les années 1970 du Muscadet, comme on peut le voir dans un reportage de l'émission « Bretagne actualités » sur les vendanges d'octobre 1970 chez un plus gros propriétaire (https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/rxf01023546/insolite-vendanges-a-penestin-morbihan). Il n'est donc pas étonnant de trouver encore des gens en mesure d'expliquer les anciennes façons de tailler la vigne.




Si l'ancien cépage local, dit l'Aunis autrefois, n'est pas - ou plus - connu au nord du bassin du Mès, dans l'arrière pays de la presqu'île de Guérande, et même sur le coteau en bas de Guérande, les anciens de Piriac à Saint-Molf s'en souviennent, M. Thobie est l'un d'eux, il en a même mangé dans sa jeunesse. Il possède une petite vigne (800 pieds d'hybrides divers), maintenant en friche pour raison de santé, c'est un passionné et un curieux, et la personne qui m'a donné le plus de renseignements sur « le Launis », comme il dit. A la plantation de son vignoble, il a repris la taille locale utilisé pour les hybrides autour de lui, comme ils n'ont pas tous un port suffisamment dressé, il a installé au dessus des ceps un palissage constitué de deux fils de fer tendu l'un contre l'autre entre des piquets de schiste de façon à y passer les serments qui sont maintenus ainsi à la vertical. Pour décrire cette manière de tailler la vigne, il m'a dit que le cep devait avoir la « boulle à zéro ».

« Tête de saule » formée sur un pied de Plantet (Seibel 5455).


Mais on lui laisse deux baguettes car ce cépage « exige une taille longue » (DAUREL Joseph, Éléments de viticulture, avec description des cépages les plus répandus, éd. Feret et fils, 1889 ; page 107).


L'étrange tête formée par cette taille sévère ne doit pas faciliter le « flux de sève » entre la souche et les sarments de l'année, cette « tête d'osier (ou de saule) » doit être encombrée des nombreux « cônes de dessiccation » (et donc de bois mort) issus des coupes à raz des sarments (plaies de taille) qui ont été accumulés d'années en années dans la même zone, ces cônes de bois mort - qui pénètrent plus ou moins profondément vers le centre de la souche - entravent la circulation de sève. Seuls des cépages particulièrement vigoureux peuvent endurer une telle taille. C'est le cas de la Folle blanche, un cépage « remarquable par sa vigueur, sa rusticité et sa fécondité » (FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. Camille Coulet, 1886 ; page 641), une vigueur qui explique le nom « Gros-plant » chez nous.


(note : C'est ce qui est reproché à la taille Guyot simple, où « le placement systématique du courson sur la tête du cep (partie apicale du tronc) mène avec le temps à la formation d'une "tête de saule" », voir SIMONIT Marco, Guide pratique de la taille Guyot, éd. France Agricole, 2016 ; page 25 / + Les inconvénients de la taille de la vigne en Guyot simple régulièrement mentionnés : 1 - les plaies de taille importantes génèrent des nécroses profondes préjudiciables à la circulation de la sève, et pouvant favoriser des maladies du bois, 2 - cette taille contribue au vieillissement prématuré de la souche).



Une pratique que l'on rencontre ailleurs, comme par exemple dans le département de la Seine, les vignes portaient « un long bois dont l'extrémité est piquée en terre ou attachée au cep voisin » (PERRAUD Joseph, La taille de la vigne, étude comparée des divers systèmes de taille, éd. Masson, 1896 ; page 119).


François-Nicolas Baudot Dubuisson-Aubenay expliquait en 1636 que pour les vignes à Clairet (cépage rouge) les Nantais « couchent les vignes à fleur de terre, entrelacées en forme de treille... Celles à vin blanc... ne se tressent ni couchent pas en treille comme celles à vin clairet. » (DUBUISSON-AUBENAY François-Nicolas Baudot, Itinéraire de Bretagne en 1636, publié par Léon Maître et Paul de Berthou, Société des bibliophiles bretons (Nantes), 1892 ; Tome II, page 115). On sait que ce vin clairet était issu du cépage Berligou, variété bretonne de Pinot noir, or le Pinot noir a besoin d'être palisser car il a un port retombant, et une taille longue est préférable. Le tressage évite la casse liée au vent. Ces vignes entrelacées et à fleur de terre rappellent ce qui se faisait avec le Noah.



3) Origine :


Ce système de taille n'est pas signalé anciennement dans la littérature viticole en Bretagne, mais il est - par contre - signalé dans le Bas-Poitou (Vendée) pour la Folle blanche. Au début XXe siècle, « dans les anciens vignobles, il n’y avait guère que des souches basses, taillées court, en tête d’osier. On ne laissait des longs bois que pour les cépages qui en exigeaient » (SARAZIN T. et MARTIN R., Statistique agricole de la France. Annexe à l'enquête de 1929 : Monographie agricole du département de la Vendée, impr. yonnaise, 1937 ; page 157).


Jules Guyot indique que c'est « la folle blanche » qui était « taillée en tête d'osier » en Vendée au XIXe siècle, il explique en détails : « le cépage qui domine partout, et qui semble vouloir exclure tous les autres, est un cépage à vin de chaudière et à mauvais vin… c’est la folle blanche… On ne taille guère la jeune vigne plantée qu’à sa deuxième année et l’on rabat toute la tige contre le nœud le plus près de terre ; dans tous les cas, si l’on taille la première année, c’est toujours à un œil… L’année suivante et la troisième année, on taille encore très-court à un œil, de façon à obtenir un renflement ou tête d’osier à 14 ou 15 centimètres de terre, après le déchaussement et le dressement des billons ; car, avant cette opération, la tête est sur terre et souvent presque enfouie dans la terre… A la troisième ou quatrième année on commence à laisser trois petits bras avec un courson à un œil ; on ajoute ensuite un quatrième bras… C’est là la taille… en gobelet du bourgogne [c-à-d. la Negrette, d'après GALET Pierre, Cépages et Vignobles de France, Tome II - L'ampélographie française, impr. Déhan, 1990 ; page 226] et surtout des bons noirs [] et bons blancs [c-à-d. le Colombard d'après GALET P., ibid ; page 100), vieux cépage charentais issu du croisement entre le Chenin et le Gouais] ou fins pineaux [de la Loire, c'est-à-dire le Chenin, d'après BELLIARD Claude, GODARD Gaston et CAMUZARD Jean-Pierre, Histoire et traditions de la vigne en Vendée, éd. du CVRH, 2019 ; page 45 / un cépage nommé « Franc blanc » sur la côte vendéenne d'après RÉZEAU Pierre, Dictionnaire des noms de cépages de France, coll. "Biblis", éd. CNRS, 2014 ; page 119, nom cité à la page 504 du livre de J. Guyot, et qui est taillé traditionnellement en gobelet en Anjou (note : MAISONNEUVE Paul, Le vigneron angevin : deuxième partie de « L'Anjou, ses vignes et ses vins », impr. du commerce, 1926 ; pages 58-63)]. On y porte le nombre de bras à quatre et cinq avec chacun un courson à deux yeux… Mais la folle blanche… est taillée en tête d’osier… on lui laisse… quatre à cinq petits coursons à un œil… Souvent la tête d’osier… est arrondie… tantôt elle s’allonge en bras très-courts et très-bas, inégaux et bizarres… Ces souches sont d’un volume souvent considérable… Dans aucun vignoble on n’a recours à l’usage des échalas » (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest éd. Victor Masson et fils, 1868 ; Vendée, pages 504-512).


Cette taille est confirmée dans des traités de taille de la vigne, comme :

« La taille à un œil engendre sur ces têtes les formes les plus bizarres. Toutes les souches sont obtenues en laissant, la première année, un seul sarment tranché sur un œil ; la seconde année, en taillant toujours à un œil tous les sarments poussés ; les années suivantes, en taillant encore sur un œil de quatre à six des sarments les plus vigoureux et en supprimant ras tous les autres... Cette taille est analogue à celle que l'on fait subir aux osiers et aux saules conduits en têtard ; on obtient ainsi une base fixe et large portant une multitude d'yeux, d'où partent des sarments pouvant se maintenir sans échalas. » (PERRAUD Joseph, La taille de la vigne, étude comparée des divers systèmes de taille, éd. Masson, 1896 ; page 27, ce qui ne concerne pas cette taille a été effacé dans l'illustration).


La Folle blanche fait partie « des cépages tellement rustiques, tellement robustes, qu’on peut les tailler, pour ainsi dire, comme on veut », « la taille est pour peu de chose dans leur étonnante fertilité » (YSABEAU A., « De la taille de la vigne », in Journal de viticulture pratique, n° 22 du jeudi 10 février 1870, éd. au Bureau du Journal de Viticulture Pratique Tome V, sept. 1869 – sept. 1870 ; page 262). De même en Charente-Maritime, J. Guyot explique que « dans tout l’Aunis on forme la base du cep aussi près que possible de la terre », on obtient une « espèce de tête de souche aplatie » à partir de « trois, quatre, cinq et six bras, taillés à un œil » qui « deviennent bientôt de gros tubercules qui finissent par se toucher et pas représenter assez bien un plateaux rugueux, ovale ou rond, très irrégulier ». « Un ou deux cépages…, la folle [Folle blanche, originaire des Charentes] et le colombar [Colombard : croisement Chenin x Gouais blanc, originaire des Charentes], se prêtent à peu près seuls, sans trop de rébellion, à cette taille étrange », « la folle blanche et ses variétés y gardent imperturbablement leur fécondité », « ce cépage est très-fertile à taille courte » (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France : pour servir à l'enseignement mutuel de la viticulture et de la vinification françaises. Régions du Centre-Sud, de l'Est et de l'Ouest éd. Victor Masson et fils, 1868 ; Charente-Inférieure, pages 474-480). Voilà ce qu'on dit de lui dans son terroir d'origine : « C'est le cépage le plus commun et le plus répandu de la Charente. Il est fertile, vigoureux, très-rustique, s'accommode de tous les terrains et de toutes les tailles... Sa souche est... difficile à élever à cause de la disposition des bourgeons à pousser dès la base, ras le sol. » (CHAPELLE Antoine, Étude sur la viticulture et la vinification dans le département de la Charente, impr. Jouaust, 1866 ; page 27).



Ces gourmands pouvaient servir à maintenir la souche au ras du sol, J. Guyot explique : « souvent des bourgeons sortent de dessous la souche ou plateau, venant du vieux bois ; ces bourgeons donnent des sarments infertiles ou gourmands la première année, et lorsque le vigneron a besoin de remplacer un bras ou nombre, il taille à un ou à deux yeux ce gourmand, qui , après deux ans de taille, devient un bon bras donnant des sarments à fruits : c'est ainsi que le vigneron entretient sa tête de souche toujours basse. » (GUYOT Jules, « La viticulture de la Charente-Inférieure », in Journal d'agriculture pratique, éd. Librairie agricole de la Maison Rustique, 1862 ; Tome I, page 224 b).


Cette manière particulière de tailler la vigne n'est pas signalée en Bretagne dans la littérature viticole, et concernant le Gros plant c'est la taille en gobelet qui est mentionnée, pour le Pays nantais, pour le Pays vannetais, et c'est encore cette taille que m'ont citée mes informateurs dans le Pays de Guérande à Pénestin, Assérac et Piriac pour ce cépage. On peut donc supposer que cette façon de tailler la vigne est arrivée tardivement dans les vignobles guérandais, avec d'autres inovations dans les techniques agricoles à la fin du XIXe siècle, le journal Le Guérandais indique en 1891 dans un article du comice agricole du canton : « Certains vignerons ont adopté des tailles nouvelles » (article sur les « Résultats du comice agricole du canton de Guérande », in Le Guérandais du dimanche 13 septembre 1891, n° 14 ; page 2), elle a dû se propager ensuite avec l'implantation des cépages hybrides.


4) Pour quel(s) cépage(s) :


Bien que non attestée pour la Folle blanche en Bretagne, cette taille aurait pu remonter la façade atlantique à la suite de la progression vers le nord de ce cépage (originaire des Charentes) du fait de la demande hollandaise en eaux-de-vie, mais c'est peu probable puisque le Gros-plant est attesté dans le Vignoble nantais depuis le XVIIIe siècle et avec une taille en gobelet au XIXe siècle.



La pratique du greffage de la vigne n’était pas habituelle avant l’apparition du phylloxéra, et les vignerons ne savaient généralement pas greffer, excepté ceux qui possédaient des arbres fruitiers. (POUGET Roger, Le phylloxéra et les maladies de la vigne – La lutte victorieuse des savants et des vignerons français (1850-1900), éd. Edilivre-Aparis, 2015 ; page 141). Le mode de greffage utilisé en Loire-Atlantique était la greffe-bouture en fente anglaise, les greffes passaient donc par la pépinière avant d’être mises en place définitive dans le vignoble (FONTAINE André, « Situation du vignoble de la Loire-Inférieure », in Revue de viticulture, janvier à juillet 1895 ; page 543). L'absence probable d'écoles de greffage dans le Pays de Guérande (POULARD Alain, « Le vignoble de Guérande du XIXe siècle à nos jours », Les Cahiers du Pays de Guérande, n° 48, 2009 ; page 46) a favorisé le recours aux cépages hybrides, notamment aux Hybrides Producteurs Directs (H.P.D.), d'autant plus qu'ils sont faciles à cultiver, rustiques et productifs.


L'intendant de Bretagne disait en 1779 qu' « il n'y a que deux espèces de plans, le Muscadet et le Gros plan » (Réponse de l'intendant de Bretagne à M. Aular de la Société royale d'agriculture de Lyon, 1779, in SAINDRENAN Guy, La vigne & le vin en Bretagne, 2011 ; donné en annexe 13, page 503). Jean-Baptiste Huet de Coëtlizan, secrétaire général du département de Loire-Inférieure sous le Directoire, cite lui, en 1803 : « le pinaud et le muscadet » (HUET DE COËTLIZAN Jean-Baptiste, Recherches économiques et statistiques sur le département de la Loire-Inférieure : annuaire de l'an XI, éd. Mme Malassis, an XII – 1803-1804 ; page 68). André Jullien dit : « Chapitre VII – Bretagne. Cette province… compose les départemens de la Loire-Inférieure, du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord et d’Ille-et-Vilaine. La totalité des terrains cultivés en vigne, dans la Bretagne, s’élève à 31,697 hectares… Le département de la Loire-Inférieure est le seul qui renferme des vignobles importans. Ceux du Morbihan et d’Ille-et-Vilaine n’en ont que très-peu, et les autres en sont privés… Département de la Loire-Inférieure, formé de la partie sud-est de la Bretagne… Trente mille huit cent six hectares de vignes cultivées… une partie de l’excédant, prise parmi les meilleurs vins blancs, est livrée à l’exportation ; le reste est converti en eaux-de-vie, dont ce pays fait un grand commerce… Les plants le plus généralement cultivés sont : le pineau, le muscadet et celui dit gros-plant. ». C'est ce que confirme en 1839 le Cours complet d’agriculture, d’économie rurale et de médecine vétérinaire, on y lit : « Vignobles de la Bretagne. Loire-Inférieure. Muscadet. Gros plant. Pineau. } Cépages blancs. Le muscadet est celui qui produit le plus. Les départements d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan ont quelques vignobles, mais insignifiants » (Cours complet d’agriculture, d’économie rurale et de médecine vétérinaire, Tome XVII bis VAC-ZIZ, 1839 ; page 535). En 1861, l'auteur des Usages locaux et règlements du département de la Loire-Inférieure : « Le département de la Loire-Inférieure est l’une des plus considérables branches de la grande famille bretonne… Les raisins sont de trois espèces : le gros plant, le pineau et le muscadet, qui est de qualité supérieure. » (SIBILLE Amable, Usages locaux et règlements du département de la Loire-Inférieure, éd. Erneste Merson, 1861 ; pages 15 et 120). Confirmé encore par le chimiste Ambroise Andouard en 1888 : « Trois cépages... composent presque tout le vignoble de la Loire-Inférieure : le muscadet, le gros-plant, le Pineau. » (ANDOUARD Ambroise, « Les Progrès de l'agriculture dans la Loire-Inférieure depuis un siècle », in Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, éd. Vve Camille Mellinet, 1888 ; page 145).



C'est le Muscadet, puis le Gros-plant, qui ont été favorisés aux XVIIe / XVIIIe siècle du fait de la demande en eaux-de-vie des négociants hollandais présents sur la façade atlantique, il y avait un débouché commercial. Il faut dire que « le rendement de ces trois cépages est très différent. Le muscadet donne en moyenne 65 à 70 hectolitres à l'hectare... Le gros-plant fournit plus encore. Les vendanges de 100 hectolitres sont ordinaires sur les coteaux », alors que « le pineau est beaucoup plus modeste ; un rendement de 25 à 30 hectolitres satisfait complètement le vigneron » (ANDOUARD Ambroise, « Les Progrès de l'agriculture dans la Loire-Inférieure depuis un siècle », in Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, éd. Vve Camille Mellinet, 1888 ; page 146-147). Pour répondre à l'importante demande en vin de chaudière il fallait des « cépages d'abondance », les plus généreux ont donc été favorisés dans l'encépagement du Vignoble nantais. Les rendements des principaux cépages attestés dans la région expliquent donc à eux seuls l'évolution de l'encépagement du Vignoble nantais.



Si la Folle blanche ne donne pas de grands vins elle produit des eaux-de-vie réputées (réf. : Armagnac, Cognac, puis plus tard « Fine Bretagne » du Pays de Retz et « Fine de Rhuys » du Pays vannetais). Il y a un décalage chronologique dans les attestations écrites du Muscadet et du Gros-plant, le « gros-plant » n’est attesté que depuis 1732 (A.D.I.V., ms. C 1602, cité par SCHIRMER Raphaël, Muscadet - Histoire et Géographie du vignoble nantais, éd. Presses Universitaires de Bordeaux, 2010 ; page 80).


Les vins produits dans la province de Bretagne étaient faiblement taxés par rapport aux vins d’amont, c'est-à-dire du Val de Loire (il y avait une frontière douanière entre la Bretagne et l'Anjou), cela a stimulé les plantations pour répondre à la demande hollandaise. Louis Béchameil de Nointel, intendant de Tours de 1680 à 1689 et futur intendant de Bretagne, écrivait dans un mémoire : « depuis plusieurs années on a planté beaucoup de vignes en Bretagne, dont les vins n’estant pas d’une fort bonne qualité, ils les brulent, et en font des eaües de vie que les Holandois acheptent plus volontiers que celles d’Anjou, parceque n’estant pas deub aucun droit par les dites eaües de vie faites en Bretagne, ils en ont meilleur marché et beaucoup ; celles qu’ils pouvoient tirer d’Anjou leur coutant davantage, et par la voiture qu’il en fault faire jusques à Nantes, et par les droits qu’elles doivent lors de la sortye. » (Bibliothèque Mazarine, ms 3413 / 2 : « État de la généralité de Touraine » 1688, mémoire de Louis Béchameil de Nointel, intendant de Tours de 1680 à 1689, futur intendant de Bretagne). La Folle blanche est un cépage d'abondance, sa productivité va aussi le favoriser par rapport au Muscadet dans l'encépagement du Pays nantais :



Christophe M. Josso

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___________________________________ Notes :



[1] CARBONNEAU Alain et CARGNELLO Giovanni, Architectures de la vigne et systèmes de conduite, éd. Dunod, 2003.


[1] GABRIEL F., ABC du tailleur de vigne, impr. P. Guiauchain, 1953 ; page 3.




[1] FOËX Gustave, Cours complet de viticulture, éd. à Montpellier, 1895 ; page 396.


[1] DU BREUIL Alphonse, Les Vignobles et les arbres à fruits à cidre. L'olivier, le noyer, le mûrier et autres espèces économiques, éd. Garnier frères / G. Masson, 1875) ; page 131 (dans : « Formes pour la charpente des ceps »).


[1] Ce peu d'élévation de la souche pourrait favoriser le risque des gelées printanières des bourgeons, mais la proximité de l'océan atténue ce risque, l’inertie thermique de l’eau influe directement sur la température de la couche d’air qui la surplombe (BONNEFOY Cyril, Observation et modélisation spatiale de la température dans les terroirs viticoles du Val de Loire dans le contexte du changement climatique, thèse de géographie, Université Rennes 2, 2013.; page 42). Globalement, on constate que dans le climat de la Bretagne le nombre de jours de gel décroît au fur et à mesure que l’on s’approche de la côte, c'est un phénomène connu depuis longtemps : « On sait que les pays baignés par les mers ont une température plus douce et plus uniforme que les pays situés sous les mêmes parallèles, mais à l’intérieur des terres. Les mers sont de vastes réservoirs d’une température presque constante, dont les influences se font sentir sur les contrées qui les avoisinent » (LUGAN J. L., Les gelées printanières, de leurs causes, de leurs effets sur la végétation et des moyens de s’en préserver, éd. Mme Ve Bouchard-Huzard, 1864 ; pages 20-21).


[1] Dans les régions septentrionales, montagneuses, et partout où des gelées sont à craindre au printemps par suite de la formation d'une nappe d'air froid près du sol, les vignerons adoptent une taille permettant de relever la vigne à un mètre au moins du niveau du sol (GABRIEL F., ABC du tailleur de vigne, impr. P. Guiauchain, 1953 ; page 5).


[1] SIMONIT Marco, Guide pratique de la taille Guyot - Prévenir les maladies du bois, éd. France Agricole, 2016 ; page 14.


[1] CRESPY André, Viticulture d'aujourd'hui, éd. TEC & DOC - Lavoisier, 1992 ; page 83.


[1] REYNIER Alain, Manuel de viticulture, éd. TEC & DOC - Lavoisier, 1997 ; page 291.


[1] CRESPY André, Manuel pratique de la taille de la vigne, collection Avenir Œnologie, éd. Œnoplurimédia, 2006 ; page 59.


[1] GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 402.


[1] REYNIER Alain, Manuel de viticulture, éd. TEC & DOC - Lavoisier, 1997 ; page 291.


[1] La souche est constituée d’un tronc prolongé par un bras (le sarment supérieur) et du côté opposé un courson (le sarment inférieur) taillé à deux yeux. Le long bois est toujours formé par le sarment supérieur et le courson par le sarment inférieur du courson de l'année précédente. Le sarment supérieur destiné à être couché sur le fil de fer du palissage (ou arqué vers le sol) est conservé comme branche à fruits et sa longueur dépend de la vigueur de la souche ; un palissage sur fil de fer est donc nécessaire pour ce système de taille. L'année suivante, le bois qui a donné des fruits est supprimé, et sur l'ancien courson, le bois le plus bas est taillé à deux yeux (c'est le nouveau courson) et le plus haut est taillé à une certaine longueur en fonction de la charge à laisser. C’est une taille pratique car on peut choisir de produire beaucoup ou peu de raisin en fonction de la longueur de la baguette qu’on laisse et donc du nombre de bourgeons. Mais la végétation du cep est déséquilibrée, et les plaies sont toutes localisées sur le tronc ce qui favorise les maladies du bois. [Renseignements tirés de REYNIER Alain, Manuel de viticulture, éd. TEC & DOC - Lavoisier, 1997 ; page 304]. La taille Guyot-Poussard est une modification de la taille Guyot pour éviter le problème des plaies de taille qui gênent le flux de sève ; c'est une taille Guyot simple, à deux bras : un bras avec courson et un bras avec baguette et un courson sous la baguette, en alternant chaque année la position de la baguette sur les bras (les plaies de tailles se retrouvent sur le dessus et alignées avec les précédentes, ce qui assure une meilleure circulation de la sève sur la face inférieure des bras). [A ce sujet voir : SIMONIT Marco, Guide pratique de la taille Guyot - Prévenir les maladies du bois, éd. France Agricole, 2016]. Dans le Guyot mixte nantais, la baguette et les deux coursons sont répartis sur 2 ou souvent 3 têtes.


[1] « Dans toute question de taille, un premier principe s’impose, suivant nous ; c’est que… la taille doit être tardive... Il ne faut pas perdre de vue que… (page 75) les gelées du printemps sont... presque le seul fléau qu’on ait à redouter. Plus on taillera tard, plus la végétation sera retardée et restera à l’état latent. En vertu de cet axiome que la sève de la vigne se porte d’abord aux extrémités des sarments, advienne une première gelée, très forte même, elle s’attaquera à l’extrémité et brûlera les premiers yeux, les seuls qui seront éclos... Ceux qui sont immédiatement au-dessous... n’auront subi aucune atteinte et seront prêts à pousser rapidement dans les huit jours qui suivront la taille tardive. » (BOUCAU Yves, Culture de la vigne dans les sables des Landes, éd. à Bordeaux, 1890 ; page 74)


[1] Le proverbe « Taille ta vigne à la saint Aubin, si tu veux avoir du raisin. » est bien connu, je n'ai pas entendu ce proverbe dans la région, mais un ancien m'a dit qu'il fallait attendre la saint-Aubin pour tailler, Aubin est un saint breton (diocèse de Vannes), évêque du Ve-VIe siècle, patron de Guérande, Languidic.... Il aurait servi d'interprète à saint Tugdual auprès du roi Childebert Ier.


[2] GUYOT Jules, article sur le « Dressement de la vigne », in Journal d’agriculture pratique, 34ème année – Tome II, éd. Librairie agricole de la Maison rustique, 1870 ; page 1163.


[3] REYNIER Alain, Manuel de viticulture, éd. TEC & DOC - Lavoisier, 1997 ; page 301.


[3] GIRARD Guillaume, Bases scientifiques et technologiques de la viticulture, éd. TEC & DOC - Lavoisier, 2001 ; page 65.


[4] CRESPY André, Viticulture d'aujourd'hui, éd. TEC & DOC - Lavoisier, 1992 ; page 89.




[6] GALET Pierre, Précis de viticulture, impr. Déhan, 1993 ; page 411.


[10] Culture de la vigne – Les cépages de M. Caillaud Ainé, d’après la méthode de M. le Dr Guyot, impr. V. de Courmaceul, Nantes, 1861; page 7. M. Caillaud est l'un de ceux qui on encouragé la culture du Pinot gris, dit « Malvoisie nantaise » (ibid, page 5), et il a aussi expérimenté la taille Guyot (ibid, pages 7-8) qu'il a encouragé dans la région nantaise.


[11] GUYOT Jules, article sur le « Dressement de la vigne » intitulé « Tiges naines de franc pied en tête de saule », Journal d’agriculture pratique, 34ème année – Tome II, éd. Librairie agricole de la Maison rustique, 1870 ; page 1243.


[11] La capitale historique du Gâtinais était Château-Landon, où une partie des reliques de Saint Tudwal (˂ Tudgual) - un des sept saint fondateurs de la Bretagne - auraient été mis à l'abri des Vikings (Tour Saint-Thugal, XIe siècle).


[12] DU BREUIL Alphonse, Les Vignobles et les arbres à fruits à cidre. L'olivier, le noyer, le mûrier et autres espèces économiques, éd. Garnier frères / G. Masson, 1875 ; page 138.

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