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  • Photo du rédacteurJosso

CHATEAU DE L'ESCURAY, commune de Prinquiau, ouest du Pays Nantais, Bretagne sud.


Le petit mouton noir et cornu que l’on trouvait partout dans les landes de l’île d’Ouessant aux abords de Nantes est nommé le plus souvent Mouton des Landes de Bretagne, mais on l’appelait aussi Mouton Noir de Bretagne du fait de la couleur de sa toison, sa laine servait en effet à produire les deux étoffes de base des habits de travail des paysans bretons : le solide berlinge de couleur marron clair car composé de fils de lin et de fils de laine, et la serge brune composée de laine pure. C’est un fait incontestable, la race ovine bretonne – de Ouessant aux abords de Nantes – était « caractérisée par sa toison noire ». Beaucoup de choses inexactes sont dites sur le mouton breton, à commencer par sa couleur, il existe pourtant d’innombrables citations qui attestent de cette couleur noir. Il était aussi cornu, même les femelles parfois, et mesurait de 40 à 50 cm.


Un troupeau de moutons de pays a été découvert en 1976 – et non en 1985 comme on peut encore le lire – par un agriculteur de Missillac (44) sur une île de Brière (la Butte aux Pierres, face à Saint-Lyphard, 44). Lorsque j’ai appris que les moutons que j’avais vu adolescent dans le marais étaient les descendants de l’ancienne race ovine bretonne, je me suis aussitôt senti très concerné. Comme c’est dans le nord-ouest de la Loire-Atlantique qu’on en élevait le plus, j’ai concentré mes recherches sur cette région de la Bretagne (Pays de Guérande, et ouest du Pays Nantais). On trouve très facilement des renseignements sur le Mouton Noir des Landes de Bretagne, mais pour l’iconographie c’est plus difficile. J’ai évidemment cherché, dès le commencement de mes recherches, du côté des cartes postales, la Bretagne possède un riche patrimoine de cartes anciennes dont témoigne le Conservatoire Régional de la Carte Postale à Baud (56).


Une seule carte du début XXe siècle (voir ci-dessous) montre un petit troupeau de Moutons Noirs des Landes de Bretagne, tels qu’on pouvait encore en voir en Brière et aux temps d’Alphonse de Châteaubriant, l’auteur de La Brière (éd. Grasset, 1923). Le plus souvent, les cartes postales montrent des moutons déjà croisés et évolués.


Il n’y a aucune indication de lieu sur cette carte, mise à part le nom et l’adresse de l’éditeur : Héliotypie Dugas et Cie à Nantes. Abel Dugas était un éditeur nantais important au début XXe siècle, il est devenu membre en 1903 de la "Société des Bibliophiles Bretons et de l’Histoire de Bretagne", il s’est aussi lancé dans la carte postale. Cette carte fait partie d’une série nommée : « La vie aux champs », la seule précision donnée par l’éditeur est : « La cour de la ferme ». Or, il ne s’agit pas d’une ferme, la fermière n’en est d’ailleurs pas une, mais une figurante accompagnant le photographe et portant un costume 'folklorique' fantaisiste que l’on retrouve dans d’autres cartes de la série. On retrouve en effet cette même personne dans d’autres cartes postales, toujours avec le même genre de costume, il s’agit de la femme du photographe Ernest Doré, domicilié au « 11, rue du Prieuré », une rue disparue de Saint-Nazaire. E. Doré était originaire de Saint-Jouan-des-Guérêts (près de Saint-Malo, 35), et sa femme, Mélanie Lavazais était de Savenay (44). Si la « fermière » relève d’une reconstitution folklorique assez courante dans le monde de la carte postale à cette époque, le château est réel et les moutons sont réels. On reconnaît bien aussi sur la carte des moutons bretons, mais il ne s’agit pas de Moutons d’Ouessant – malgré la ressemblance – car la queue est trop longue (au niveau du jarret). D’après l’adresse de l’éditeur et le style du château, on peut penser que la photographie a été prise dans le sud de la Bretagne, et d’après les moutons, forcément dans le nord-ouest de la Loire-Atlantique. Il s’agit en fait d’un château bien connu dans le sud Bretagne et notamment des habitants de l’ouest du Pays Nantais : le château de l’Escurays qui se trouve dans la commune de Prinquiau.

Le château est inscrit au titre des Monuments Historiques depuis 1997. Une association a été créée en 2008-2009 dans le but, entre autres, de faire la promotion de ce beau château breton : l’Association Renaissance du Patrimoine de l’Escurays. On dispose maintenant d’un livre très complet du docteur Robert Bioteau et de la Commission Historique A.R.P.E. : Prinquiau & le château de L’Escurays (éd. Les éditions d’ici, 2014). La dépendance à droite de l’image (le bûcher) a été modifiée et n’est plus très reconnaissable, ce ne sont pas des vignes grimpantes (contrairement à ce que j'ai pu lire) que l’on voit sur ce bâtiment mais des glycines. Cartolis, le Conservatoire Régional de la Carte Postale / Cartopole de Baud, ne possède cette carte postale ancienne que depuis 2012, il est intéressant de noter qu’elle vient du fond Germain Dalin, président d’honneur de la "Bergerie Nationale", qui a collecté plus de 8.000 cartes sur le thème de l’agriculture et de la vie rurale.


Avec les années, j’ai accumulé de nombreuses copies d’écran de cette carte sur des sites spécialisés afin de voir d’où elle a été envoyée et vers où : le tampon du timbre et l’adresse du destinataire montrent qu’elle a été envoyée d’un peu partout dans l’Hexagone. J’en ai acheté trois exemplaires, la première en 2003, elle a été oblitérée en 1907, l’auteur parle de « pèlerinage » à Prinquiau et à La Chapelle-Launay dans le texte de la correspondance et le destinataire est son propre frère, un prêtre de Nantes . J’ai pris la seconde pour la date du tampon sur le timbre : juillet 1905, puis la troisième qui a été oblitéré à La Chapelle-sur-Erdre en mars 1905 par ce qu’elle permet de dater la prise de vue. Le dos de la carte étant divisé (partie correspondance / partie adresse), elle ne remonte donc pas au-delà de l’arrêté du 18 novembre 1903 autorisant l’adresse sur la partie droite. Les moutons sont tondus (1er mai en Brière) et les glycines sont en fleurs (floraison en mai et juin), la photographie a donc dû être prise au printemps 1904.


Les seigneurs de l’Escurays dépendaient des Vicomtes de Donges qui devaient assurer la protection de la rive nord de l’estuaire de la Loire. Le château est situé au nord-est du bourg de Prinquiau, au cœur d’un parc boisé de 25 hectares. Il est typique du style de la Renaissance Bretonne . Il est d’origine médiévale et a été transformé à la fin du XVIe siècle, sur la façade nord les lucarnes à décors sculptés en tuffeau avec des baies géminées et des colonnes surmontées de frontons originaux ont été réalisées au début du XVIIe siècle. C’est l’une de ces jolies lucarnes, visible sur la carte postale, qui a permis l’identification du château. Le premier propriétaire connu est Jean du Cellier (1443), c’était un personnage important du Duché, puisqu’il a été Chancelier de Bretagne. Suite au décès du dernier propriétaire, la mairie de Prinquiau a acheté en 1994 le domaine de l’Escurays avec son parc.

Le château appartenait au XIXe siècle à la famille Espivent de Perran. Denis Espivent de Perran, conseiller d’Arrondissement, vice-président du syndicat des marais de Donges, est mort en son château de l’Escurays en 1891, son fils Henri Espivent de Perran, maire de Prinquiau, vice-président du comice agricole, est mort avant lui à l’Escurays en 1888, ne laissant qu’une fille : Yvonne Espivent de Perran , mariée en 1896 à Géraud de Rochechouart elle est morte en couche en 1916 , toujours au château de l’Escurays. Le troupeau est certainement un héritage du père et du grand-père de la dernière Espivent de Perran. Cette famille de châtelains, intéressée de près par les marais et l’agriculture, a donc conservé un troupeau de moutons de pays pour entretenir le grand parc de son château, d’autres utilisaient des Moutons d’Ouessant.


Christophe M. JOSSO

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