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LE CÉPAGE NOMMÉ « L'AUNIS » DE GUÉRANDE À SARZEAU. (deuxième partie)

Dernière mise à jour : 31 juil. 2023

Article publié dans 'Histoire & Patrimoine', éd. A.P.H.R.N. (Association Patrimoine et Histoire de la Région Nazairienne), n° 101 de juillet 2021.


Pieds de Chenin, Vigne du Clos Rignac, coteau de Guérande (photo Ch. M. Josso).



III – Citations du cépage dans cette région


Outre les grands cépages cultivés en Bretagne nantaise : le Muscadet (Melon [1]), le Berligou [2] (variété du Pinot noir), le Gamay et le Malvoisie (Pinot gris) arrivés de Bourgogne, le Gros-plant (Folle-blanche) arrivé des Charentes pour produire de l’eau-de-vie, le Grolleau arrivé des pays de Loire [3] (Anjou et Touraine), et le Chenin cultivé dans les Coteaux d’Ancenis [4] près de la frontière entre Bretagne et Anjou [5], on trouvait au XIXe siècle, de la presqu’île de Guérande [6] à la presqu’île de Rhuys [7], un cépage implanté très anciennement qui était nommé localement : « l’Aunis » [8].


Tabula ducatus Britanniae gallis – Le gouvernement général de Bretagne.

Carte publiée à Nuremberg par Johann Baptist Homanno (1663-1724).


On voit sur cette carte l’espace où était cultivé l’Aunis au XIXe siècle, il s’agit du sud-est de la Bretagne de langue bretonne [9] (coloré en jaune) [10]. Cette zone pauvre à l’époque, et conservatrice, semble avoir été un refuge pour ce cépage. L’Aunis s’est même maintenu jusqu’au début XXe siècle dans le Pays de Guérande, et il est resté dans la mémoire des anciens.


Il faut rappeler que cette zone du littoral [11] sud de la Bretagne bretonnante (nommé abusivement Basse-Bretagne [12]) est caractérisée par un climat qui permet la saliculture et la présence d’une flore que l’on rencontre habituellement plus au sud, des conditions clémentes favorisent en effet la remontée de plantes méridionales le long du littoral atlantique, tel le chêne vert dont le nom breton « glastann[enn] » atteste de sa présence ancienne dans cette partie de la Bretagne. D’autre part, la forte inertie thermique de l’océan tempère les températures extrêmes, et réduit les risques de gel.



a) Presqu’île de Rhuys :


Contrairement au Pays de Guérande, la viticulture n'est pas attestée dans la presqu'île de Rhuys durant l'Antiquité ; du côté de Darioritum (Vannes), la capitale des Vénètes, on consommait de la cervoise : une coupe avec inscription a été retrouvée, et on peut y lire « bibis c[er]vesa[m] gratis » (tu bois de la cervoise gratuitement) [13]. On a retrouvé cependant tout près de là à Surzur un important atelier de potiers gaulois, où l'on produisait dans le courant du IIIe siècle des amphores de type « Gauloise 12 » [14] (que l'on trouve dans le nord-ouest de la Gaule). Mais ce n'est pas une preuve suffisante pour la production locale de vin durant l'Antiquité, comme le pressoir de Piriac, ces amphores ont pu servir au reconditionnement de vin (ou autres liquides) arrivé par outres ou tonneaux.


La culture de la vigne a dû se développer dans le sud du Pays Vannetais au début du Moyen-âge avec l'affirmation du christianisme et la nécessité du vin pour le culte, et notamment grâce à l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, dont le philosophe et théologien Pierre Abélard (1079-1142) – originaire du Pallet (commune du Vignoble Nantais [15]) – a été l’abbé. La viticulture y était favorisée par le climat ensoleillé du littoral vannetais, et par le microclimat dont bénéficie la presqu’île grâce au golf du Morbihan [16]. La région était aussi liée au Pays Nantais par les ducs de Bretagne ; résidant habituellement en leur château de Nantes, ils avaient une importante résidence à Sarzeau : le château de Suscinio, où l’on cultivait la vigne [17] pour les besoins de la table du duc et de sa suite.


On n’a pas beaucoup de renseignements sur la qualité du vin de Sarzeau, qui devait être variable selon les années. François Baudot Dubuisson-Aubenay écrivait en 1636 [18] : « Il est semblable au nantois » ; dans un guide touristique du XIXe siècle on peut lire : « On y cultive la vigne ; mais le vin, il faut bien l'avouer, n'est pas excellent. » [19]. La viticulture commerciale a pu s’accommoder du climat assez ensoleillé de la Bretagne méridionale [20], la qualité était donc suffisante pour alimenter un commerce local au XVIIIe siècle. Dans le Mémoire sur la Bretagne rédigé en 1733 par l’intendant Jean-Baptiste des Gallois de La Tour on peut lire sur la subdélégation de Rhuys : « Il s’y recueille beaucoup de vins qui se débitent dans les villes de Vannes, Auray et dans le pays. » [21].


Le botaniste suisse Augustin Pyrame de Candolle écrivait au début du XIXe siècle sur le vignoble de Suscinio qu’il a : « quelque célébrité dans le pays, parce qu’il a la réputation d’avoir fourni autrefois le vin de table des ducs de Bretagne » [22]. En effet, le vin produit dans la première moitié du XIXe siècle ne semble pas avoir été si mauvais que cela du point de vue de la population ; sur le vin de l’île voisine d’Arz, François-Marie Cayot-Délandre expliquait en 1833 [23] : « Le vin qu’on y fabrique se consomme sur les lieux, et est préféré par les habitans à celui qu’on tire de Nantes. ». Anciennement, il pouvait même – à de rares occasions probablement – être consommé jusque dans le Pays Nantais : « Les Nantais ne consomment de vin de Rhuys qu’en deffault d’autres vins » [24]. A l'Île aux Moines il y avait quelques vignobles qui produisaient « des vins blancs passables » [25], on reste sur l'idée d'un petit vin de pays.


Étant situé en limite climatique de culture (commerciale) de la vigne [26], il semble que l’on recherchait les meilleurs sites (bonne exposition et coteaux), on remarque sur la carte de Cassini que les vignes sont situées sur les reliefs de la presqu’île [27] de Rhuys. C’était toujours le cas au XIXe siècle, les vignes étaient « situées surtout sur les pentes les mieux exposées » [28]. La maturité du raisin ne devait pas être au rendez-vous tous les ans ; en 1905, le professeur départemental d’agriculture du Morbihan écrivait dans son rapport au préfet : « notre climat, quoique doux et tempéré, ne reçoit pas suffisamment de chaleur et de lumière pour mener à bien la maturation du raisin. » [29] ; il faudrait probablement ajouter à ce commentaire : « … tous les ans », sinon on ne comprendrait pas l’existence d’une tradition viticole à Sarzeau.

Sur ce vignoble, on peut lire dans une enquête de 1867 du Ministère de l’Agriculture [30] : « Le canton de Sarzeau est le seul dans lequel la culture de la vigne mérite quelque attention. Il possédait, il y a dix ans, 400 hectares de vignes plantées avec un cépage connu sous le nom d’aunis. L’oidium a tout détruit. Depuis plusieurs années, on a replanté environ 150 hectares avec le plant connu sous le nom de folle-verte ou gros plant de Nantes. Cette culture réussi et a tendance à s’étendre. ».


Et dans un autre document officiel [31] : « La vigne n’est cultivée que sur les côtes dans la presqu'île de Rhuys. Elle y occupe environ 350 hectares... Le cépage le plus répandu est le gros plant nantais ou folle verte. Les anciens cépages appelés breton ou aunis et muscadet [32] ont presque complètement disparu par suite de l’invasion de l’oïdium. ».


Carte de Cassini, n° 159, 1787 : presqu’île de Rhuys.

= vignes.


Le nom « Aunis » n’est pas resté dans la mémoire des habitants de la presqu’île de Rhuys du fait du remplacement du cépage par le Gros-plant (vers 1850), et de l’abandon assez précoce de la viticulture (1960) [33]. Suite aux travaux de Jules Guyot [34], la littérature viticole n’a retenu que le nom « breton » pour le cépage cultivé autrefois à Sarzeau ; dans sa monumentale Étude des vignobles de France le célèbre docteur a écrit en 1868 : « Autrefois, le cépage dominant était le breton, excellent raisin qui a le tort de mûrir tard et difficilement. » [35], information reprise en 1948 par le journaliste Michel de Galzain [36] qui a écrit : « Il n’existait alors qu’une seule espèce connue sous le nom de plant breton ».

Le gobelet bas : la taille traditionnelle en Bretagne méridionale [37].


Cette seconde dénomination montre que l’implantation du cépage est suffisamment ancienne pour que l’on ait oublié son origine et qu’on le considère dans la région comme un cépage autochtone. Cet autre nom semble secondaire par rapport à l’Aunis, il vient probablement du nom du vin lui-même qui était nommé « vin breton » [38] ; à ce sujet François Baudot Dubuisson-Aubenay écrivait en 1636 tout à la fin de son chapitre sur « La Terre de Ruy [39] » : « Ruy abonde en froment, lins, laines, bestiaus, vin principalement blanc et de prix depuis 12 livres jusqu’à 40 livres la pipe ; bois, sel, perdris, lièvres, gibier, poisson. Le vin de Ruy est dit : vin breton. » [40].



b) Pays de Guérande :


Le vieux cépage l’« Aunis » est évidemment bien connu des érudits locaux, Fernand Guériff le cite dans son travail de 1986 sur la vigne dans le Pays de Guérande [41]. Henri Quilgars écrivait [42] en 1922 : « Dès le XIVe siècle, on cultivait le plant d’Aunis, qui donnait un vin blanc dont la réputation était grande ; on l’appelait plus communément le vin breton. ».


Une renommée que l’on retrouve dans d’autres textes : Emmanuel Priour de Boceret disait en 1893 : « Le cépage est venu d'Aunis, et, malgré la différence de climat et de terrain, la grappe est dorée et le vin a gardé tout le parfum, toute la couleur et toute la force qu'il eût acquis sous des cieux plus ensoleillés » [43] ; Victor- Adolphe Malte-Brun écrivait en 1882 : « Guérande… est située sur un coteau couvert de vignes, à 5 kilomètres de la mer… Population vive, pétillante comme ce bon vin blanc qui mûrit sur ses coteaux » [44] ; Aristide Guilbert disait en 1853 sur Guérande : « Ses vignobles produisent un vin blanc fort estimé, qui contient beaucoup d’alcool et gagne à être gardé. » [45] ; Jean-François Le Boyer, ancien président de la Société académique du département de la Loire-Inférieure, écrivait en 1823 : « Le coteau de Guérande fournit des vins blancs en abondance. Quelques uns sont estimés, et l’on vante surtout le Congor, que l’on égale, dans le pays, au vin de Bordeaux. » [46] ; Joseph Morlent écrivait en 1819 : « Piriac et surtout le coteau de Guérande, jusqu’à Bélon, méritent une mention plus honorable. Leurs vins jouissent d’une juste réputation. » [47] ; en 1779 l’ingénieur géographe Jean-Baptiste Ogée écrivait dans son monumental Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne ; dédié à la nation bretonne : « Toute la partie du midi de Guérande eft bâtie fur un côteau, planté en vignes, dont le vin devient exquis à vieillir » [48]. Comme pour la presqu’île de Rhuys, on imagine que le cépage produisant ce fameux vin breton devait être un cépage de qualité.


Vigne de Cramagué [49] en bas du coteau de Guérande.


Les catastrophes sanitaires de la seconde moitié du XIXe siècle lui ont porté un coup fatal : l'oïdium apparait en Bretagne nantaise en 1852, le phylloxéra en 1884 et le mildiou en 1885 [50]. Quelques années plus tard on espère encore surmonter ces crises, on peut lire en 1891 dans le journal « Le Guérandais » : « bientôt les coteaux de Cramarguais et de Congors seront couverts de vignes verdoyantes et l’aunis coulera à plein bords dans les coupes » [51] ; mais en 1998 le même journal cite l'un des vignerons qui « a rendu un grand service à ses concitoyens en préservant ce cépage acclimaté et malheureusement trop rare aujourd’hui », malgré les fléaux qui détruisaient le vignoble il avait en effet « conservé ces vieux plants d’Aunis qui firent autrefois la réputation du vignoble guérandais et qui donnait ce vin capiteux et doré » [52], le vignoble d'Aunis était déjà bien diminué.


C’est probablement grâce à la réputation de son vin que le cépage « Aunis » est resté vivant dans la mémoire des anciens de notre région, notamment de ceux qui ont pratiqué jusqu’à nos jours une petite viticulture familiale. Ces petits vignerons traditionnels ne font aucun lien entre le nom du cépage et celui de l’ancienne province de La Rochelle, c’est pour eux un nom local et sans article ou plutôt avec un article agrégé au nom (« Launis », on me l’a épelé à Piriac avec insistance : « l-o-n-i »). Cette prononciation populaire, orthographiée « le Lony », a aussi été entendue dans les communes de Mesquer et de Saint-Molf [53], elle a dû être courante dans les milieux populaires de la région. L'historien Henri Quilgars en donne même une prononciation bretonnisée en 1915 dans le journal local Le Guérandais : le « Launic » (qui serait retranscrit « Laonig » en breton moderne) [54] :


...


Autre raison du maintient dans la mémoire de l’Aunis jusqu’à nos jours : sa disparition plus bien tardive à Guérande qu’à Sarzeau. Les grands-parents et les parents de mes informateurs, la génération des derniers vignerons guérandais amateurs, ont connu l’Aunis qui était encore cultivé avant la Première Guerre mondial. C’était pour eux [55], sans le moindre doute, un cépage blanc, c'est ce qui m'a été confirmé par plusieurs d'entre eux. Le journal Le Guérandais mentionne régulièrement la vigne avant la guerre, et donc l'Aunis qui était encore cultivé :


- Au sujet du développement du vignoble en 1891 juste avant l'arrivée du phylloxéra [56] :


- Au sujet du décès d'une personnalité locale [57] en 1898 :


- Comme prix à gagner dans une tombola (Aunis-Congors / Aunis-Guérande) en 1901 [58] :


- Au sujet de la vente d'une parcelle de vigne en 1904 [59] :


- Dans une comparaison de la culture de l'Aunis et du Muscadet en 1918 [60] :


- Dans une article de 1922 sur l'histoire du Pays de Guérande [61] :


Les archives familiales conservent parfois pieusement le souvenir de la vie des grands-parents, comme cette personne âgée de Mesquer qui garde encore des carnets où son aïeul écrit son journal et mentionne en 1901 son vin d'Aunis [62] :


Cette culture est encore attestée par Ambroise et Pierre Andouard, chimiste et directeur de la Station agronomique de la Loire-Inférieure (-Atlantique), qui écrivait en 1909 dans une étude l’acide tartrique dans les vins du département : « Il en est de même de l’Aunis, cépage d’origine incertaine, peut-être dérivé du Chenin blanc, dont le vin, deux années de suite, accusait moins de 0 gr. 70 d’acide tartrique libre par litre. Exclusivement cantonné dans la presqu’île guérandaise, l’Aunis est assez productif et son vin est supérieur à celui du Gros-Plant. Malheureusement il est une proie facile pour l’Oïdium. Aussi sa zone de culture, graduellement diminuée, ne comprend-elle plus que les trois communes de Mesquer, Piriac et Guérande, où il est très apprécié. » [63]. On en trouve la trace du cépage tardivement à Piriac puisque Georges Garnier [64] (décédé en 2012 à 102 ans) affirmait en 1990 : « J’ai eu l’occasion de faire sa connaissance dans une vigne qui appartenait à M. Henri Legoff [1881-1975], située route du Castelli [65]. Par miracle quelques ceps avaient bravé la tourmente et le propriétaire en était fier. Les grappes rappelaient celles du Muscat, grains ovalisés mais de plus petite taille et très serrés. D’un beau jaune d’or. ».


Noah taillé en gobelet (raz du sol) à Camoël [66].


A l’époque où le cépage était cultivé à plus grande échelle, avant les grandes crises qui allaient transformer la viticulture en Europe [67], le médecin Jan Kerguistel, maire de Guérande, écrivait au sujet du vigneron Théodore Magouët (auteur d’un Traité de la vigne [68] et installé sur la coteau de Guérande) : « cultive spécialement le plan d’aunis noir et blanc, en usage à Guérande ; le muscadet nantais et le malvoisi. » [69]. Dans un courrier de 1855, adressé au préfet de la Loire-Inférieure, au sujet de la propagation de l’oïdium dans la région, Th. Magouët écrivait : « Quant aux aunis, plants délicats peu féconds, mais de qualité supérieure, ils sont cantonnés… » [70].


Aucune erreur, aucune ambiguïté possible, il y avait bien à Guérande deux cépages Aunis, un noir et un blanc. On imagine sans difficulté que cet Aunis noir est le cépage que l’on nomme maintenant le « Pineau d’Aunis » [71], et que l’on nommait simplement « Aunis » autrefois [72]. La présence du Pineau d’Aunis « rouge » est par ailleurs bien attestée en Loire-Atlantique au milieu du XIXe siècle [73], mais ce ne devait pas être un cépage très courant, les anciens ne se souviennent pas du tout d'un « l'Aunis » rouge ; parmi mes informateurs, ceux qui connaissent ce cépage sont persuadés qu'il s'agit d'un cépage blanc, d'autant plus que certains en ont vu, et que l'un d'entre eux a même mangé du raisin de « l'Aunis » dans son enfance.



Les mentions anciennes :


Au siècle précédant, on peut lire dans un bail à complant de 1755 que la baronne de Campzillon « Donne à Jean Deniel et Christine Legal, gens de labour demeurant au village de Trescallan, savoir le labour et plant d’Auny d’une pièce de terre nommée la Vigne du château… » [74]. Dans un autre document du début des années 1740 (contrat d’acquisition), on peut lire : « Par Louis Mouton, seigneur de Kergentil, pour plusieurs planches de terre, plantées en vigne d’Aulnis » [75].


Pressoir à « long fût » [76] de la région nantaise, 1645.

Œuvre du peintre hollandais Lambert Doomer.


On peut remonter le temps jusqu’au XVIe siècle, on trouve en effet mention de l’Aunis dans deux passages d’un aveu [77] daté du 13 mai 1540 [78], l’aveu de Jehan de Sainct Gille (Jean de Saint Gilles), seigneur de Ranlieuc (Ranlieu) en Saint-André-des-Eaux.


Premier extrait :


« Aussi la foy hommage et debvoir de rachapt quant il

eschoyt que doibt audit seigneur de Ranlieuc Julien

Bourdic par cause de cinq planches de vigne sises ou Champ

du Moyne entre vigne a la fille Denys Renyo terre es

hoirs Jehan Duchesne et terre es hoirs Mathurin Grohel

Item ou Clos en Aunys seix planches de vigne entre vigne

a la veufve Guillaume Nycolas vigne a la fille Denys Regnyo

fosse entre deux serant sur le chemyn qui conduyt

au moulin de Condriau… »


Deuxième extrait :


« … Item ung

emplacement de maison comme se contient contenant

quatre seillons mesure de gaulle entre terre a Jacquet

Rialen et le chemyn qui conduyt de la maison Pincet a la

maison feu Guillaume Birgan de Pornichet Item ou clos

de Aulnys une piece de terre entre terre a Jacques

Ouyseau le chemyn qui conduyt du moulin de Condriau

a Sct Sebastien et la Noe Babin Item une piece (de) terre

sise ou courtil Blanchart contenant une boixellee entre

terre a Denys Pincet et le chemyn qui conduyt du clos

daulnys au courtil Julien Bourdic… »


On trouve de nombreuses mentions de commerce de vin d'Aunis au Moyen-Âge, un navire guérandais en transporte à destination d'autres ports bretons (en 1413) [79], mais il est difficile de dire s'il s'agit de vin local puisque le commerce des vins très réputés de la province de l'Aunis (Charente) était très important à cette époque. Il s’agit donc dans ce dernier document de la plus vieille mention du cépage Aunis (on devrait pouvoir en trouver d’autres) [80] ; elle concerne ici la région nazairienne, région viticole, où l’on parlait le gallo [81] nantais à l’époque. Une petite viticulture familiale s’est maintenue à Saint-André-des-Eaux jusqu’aux années 1980 [82].


Vendange à Saint-André des Eaux [83].

On voit que les vignes (du Noah) sont au ras du sol.


Dans l’aveu produit, en 1479, par A. de Gousolles, écuyer, procureur des curateurs de François de Bourbon [84], comte de Vendôme, on trouve la mention pour Piriac de la vendange du « blanc breton » [85], un nom qu'on est tenté de rapprocher du « Breton » de Sarzeau du XIXe siècle, malgré la longue période qui les sépare (c'était en tous cas un ou des cépages considérés à ces époques comme autochtones).


Enluminure des Grandes Heures d’Anne de Bretagne [86], scène de foulage,

ce pourrait être le Berligou [87] de son père : le duc Francois II de Bretagne,

qui cultivait ce cépage en son domaine de La Chabossière en Couëron,

situé au dessus de la Loire tout près de Nantes, capitale de Bretagne.


L’Aunis est donc le plus ancien cépage connu dans notre région, et aussi l’un des plus anciens du Pays Nantais puisqu’il est au moins aussi ancien que le Muscadet, probablement davantage. Le nom « Aunis » n’est actuellement qu’une variante de la dénomination « Pineau d’Aunis », nom officiel d’un cépage noir [88] cultivé dans les Coteaux-du-Vendômois.


C’est la contradiction entre le nom de ce cépage noir et ce que j’ai entendu des anciens dans la région – qui parlent toujours d’un cépage blanc – qui est à l’origine de ce travail.


Comme on le verra, l’Aunis était cultivé anciennement bien au-delà du littoral de la Bretagne bretonnante, ce n’était pas du tout une spécificité de cette zone linguistique mais seulement une survivance au XIXe siècle, comme semble l’être aussi son nom dans la région ; il a probablement été cultivé dans toute la Bretagne méridionale.


La synonymie étant très importante dans les noms de cépage [89], il n’y aurait rien d’étonnant à ce que cet Aunis soit le synonyme d’un cépage bien connu.


À suivre…


Christophe M. JOSSO

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_____________________________________ Notes :

[1] Son nom officiel est « Melon » et non « Melon de Bourgogne » (il n’est pratiquement plus cultivé en Bourgogne), et Muscadet pour les Bretons ; de même, sa mutation rouge, apparu dans le Pays Nantais, n’a pas été nommée officiellement « Melon de Bretagne » comme l’ont appelé spontanément les vignerons nantais, mais « Melon rouge ». GALINIÉ Henri, « Un nouveau cépage reconnu en 2019, le Melon rouge », dans le site Cépages de Loire : https://cepagesdeloire.wordpress.com/2021/05/28/99-un-nouveau-cepage-reconnu-en-2019-le-melon-rouge/

[2] Nom local d’un clone breton du Pinot noir (le clone 1306). Une simple mutation génétique peut être à l’origine d’un nouveau cépage (ex : le Pinot gris – notre Malvoisie des Coteaux d’Ancenis – par rapport au Pinot noir), ou n’être qu’un simple clone du cépage d’origine si les différences ne sont pas suffisamment marquées sur la plante ou à la dégustation. Jusqu’à l’article de l’historien Henri GALINIÉ (« Berligou, nom local de Pinot noir et non cépage », 29 avril 2021, in : https://cepagesdeloire.wordpress.com/2021/04/29/98-berligou-nom-local-de-pinot-noir-et-non-cepage/), l’information qui circulait présentait le Berligou comme une variété suffisamment distincte génétiquement du Pinot noir pour en faire un cépage différent. Le beau nom Berligou ne peut donc pas être porté officiellement, mais il pourra l’être dans l’usage local comme on dit Gros-plant (pour Folle blanche), et son vin pourra porter ce beau nom, à la manière du nom Muscadet. Dans sa très importante étude sur « Les progrès de l’agriculture dans la Loire-Inférieure, depuis un siècle », Ambroise ANDOUARD (1839-1914) écrivait : « Un muscadet à grains rouges, appelé Berligou, était autrefois assez répandu dans le département. » ; in Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, Volume 10e de la 6e Série, éd. Vve Camille Mellinet et Cie, 1889, page 145. Le Pinot noir a dû descendre la Loire au cours du Bas Moyen-Âge, il était en effet cultivé dans l’Orléanais dès le XIIIe siècle. Le Berligou est bien la variété bretonne du Pinot noir, exactement comme le Melon rouge (découvert au Landreau en 1995), mutation locale de notre Muscadet.

[3] GALINIÉ Henri, « Grolleau en Anjou et en Touraine depuis le 18e siècle », dans le site Cépages de Loire : https://cepagesdeloire.wordpress.com/2020/08/31/grolleau-en-anjou-et-en-touraine-depuis-le-18e-siecle/

[4] Ancenis s’est développée au Moyen-âge tardif grâce au commerce du vin local et d’importation. Certaines années, les seuls Rennais venaient y acheter jusqu’à 3000 pipes de vin breton et 4000 pipes de vin français, venant des pays de Loire, de Bourgogne, du Poitou (d’après LEGUAY Jean-Pierre et MARTIN Hervé, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale 1213-1532, éd. Ouest-France Université, 1982 ; page 241).

[5] Après l’annexion de la Bretagne en 1532, la nouvelle province d’État (province « réputée étrangère ») conserve son Parlement et ses privilèges (au sens juridique), la frontière fiscale reste à Ingrandes, au bord de l’une des plus importantes voies de communication du Royaume : la Loire. Commune située à la frontière entre Bretagne et Anjou, on trouvait donc dans cette ville une barrière douanière très importante, qui est restée en vigueur jusqu’à la Révolution. Une ancienne borne dite « Pierre de Bretagne » (disparue), marquait la frontière ; son souvenir se perpétue à Ingrandes par le nom d’une « rue de la Pierre de Bretagne ».

[6] Ce n’est qu’à partir de la fin de la période du moyen-breton (1650) que la langue bretonne a commencé son retrait dans le Pays de Guérande, un recul lent qui s’achève au début du XXe siècle à Batz, les derniers bretonnants de naissance étant décédés dans les années 1950-1960 (voir au-delà).

[7] J’ai pu parler avec les derniers bretonnants de naissance entre Sarzeau, Surzur et Theix, il y a plus d’une vingtaine d’années. C’était toujours des personnes isolées vivant loin du bourg, il a dû en être de même de Pénestin à Guérande jusque dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Le poète breton de Groix Jean-Pierre Calloc’h (1888-1917) disait : « Er peur ne gan dén é glodeu. », que l’on peut traduire (de manière moins poétique) par « personne ne s’intéresse aux pauvres gens », rares sont en effet les personnes qui ont enquêté au XIXe sur la langue bretonne dans le Pays de Guérande (sauf à Batz où vivait une communauté bretonnante).

[8] D’autres cépages beaucoup plus confidentiels étaient cultivés en Loire-Atlantique au XIXe siècle comme le Côt-Malbec (nommé « Grifforin » autrefois d’après HARDY J.-A., Catalogue de l’école des vignes de la pépinière du Luxembourg, 1948), ou d’autres cités par Fernand Guériff pour notre région : le Mellier Saint-François, l’Auxerrois… (sans parler des hybrides, comme le Noah, l’Othello, l’Oberlin… qui s’implantent à partir de la fin XIXe siècle suite à l’arrivée des maladies américaines : oïdium, mildiou, phylloxéra).

[9] La limite traditionnelle de la langue bretonne, telle qu’elle a été du XIIe au XVIIe siècle (période du moyen-breton), et comme l’atteste la toponymie et les cartes anciennes, part du Pouliguen et passe au sud de Guérande, puis à l’est de Saint-Lyphard, Herbignac, Férel, Marzan, Péaule, Le Guerno, Noyal-Muzillac, Questembert, Larré, Elven, Plaudren… et remonte jusqu’à Plouha dans les Côtes d’Armor (BROUDIC Fañch, A la recherche de la frontière, éd. Emgleo Breiz, 1995). A l’ouest de cette ligne se trouve la « Bretagne bretonnante » et à l’est la « Bretagne gallo », ou « Bretaigne gallou » comme on disait dans l’administration des ducs de Bretagne (KERHERVÉ Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles – les ducs, l’argent et les hommes, thèse éd. Maloine, 1987 ; Tome I, page 23).

[10] L’une des cartes qui donne la frontière linguistique (breton / français) au XVIIe siècle.

[11] Le littoral breton se nomme l’« arvor » en breton (forme ancienne : « armor »), mot que l’on retrouve plusieurs fois dans la toponymie guérandaise de Pénestin à Guérande (LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 274). L’Arvor est la zone la plus densément peuplée en Bretagne, d’abord parce qu’elle bénéficie des apports des amendements et engrais marins, alors que l’intérieur, nommé « Argoed / Argoad », était contraint à un transfert de fertilité de ses immenses landes (terres froides) vers les terres cultivées (terres chaudes). Le littoral bénéficie aussi de ses ports de pêche et de commerce, ouverts sur le monde et les produits étrangers.

[12] Les expressions « Basse-Bretagne » et « Haute-Bretagne » n’avaient aucune valeur linguistique à l’origine, exactement comme pour « Basse et Haute-Normandie », « Bas et Haut-Maine », « Bas et Haut-Poitou », « Basse et Haute-Bourgogne »… il ne s’agissait que d’une indication de l’orientation, « Basse-Bretagne » et « Haute-Bretagne » sont synonymes de « Bretagne occidentale » et « Bretagne orientale ». Les cartes médiévales T.O. (pour « Terrarum Orbis ») représentaient le monde de façon mystique, le paradis, complété parfois par un Christ « éclairant » le monde, est situé au soleil levant et en haut de la carte (le soleil levant était le premier repère pour s’orienter, « s’orienter » c’est bien se positionner le matin face au soleil levant et à l’Orient), l’occident se retrouvant donc en bas de la carte. C’est le hasard de l’histoire qui a fixé aussi la frontière linguistique (breton / français) dans la zone médiane, sur une ligne Plouha / Guérande, qui partage elle aussi la Bretagne en deux zones distinctes (celtique et romane).


[13] LAUBENHEIMER Fanette, Boire en Gaule, éd. CNRS, 2015 ; pages 98-99.

[14] TRISTE Alain et DARÉ Sébastien, « L'atelier de potiers gallo-romain de Liscorno à Surzur (Morbihan) », in Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, Vol. 134, 2008 (07/2008) ; pages 7-44.

[15] Dans son 'Historia calamitatum' (L’histoire de mes malheurs), Abélard dit : « Ego igitur, oppido quodam oriundus quod in ingressu minoris britannie constructum, ab urbe Namnetica versus orientem octo credo miliariis remotum, proprio vocabulo Palatium appellatur » (Quant à moi, je suis natif d’une place-forte construite à l’entrée de la petite Bretagne, à huit milles à l’est de Nantes, je crois, qui porte le nom propre de ‘Le Pallet’).

[16] Fin XIXe - début XXe, on cultivait la vigne tout autour du golf du Morbihan, de Quiberon (où l’on trouve encore de nombreuses vignes dans les haies) et Carnac et jusque dans la vallée de la Vilaine, puis au sud de l’estuaire dans le Pays de Guérande (où l’on trouve aussi des vignes « sauvages » un peu partout), de Pénestin / Camoël jusqu’à l’estuaire de Loire, c’était un continuum viticole.

[17] KERHERVÉ Jean, « À l’ombre des tours du château. Les gestionnaires du domaine de Rhuys à la fin du Moyen Âge », in Châteaux et modes de vie au temps des ducs de Bretagne : XIIIe-XVIe siècle, publié sous la direction de Gérard Danet, Jean Kerhervé et Alain Salamagne, éd. Presses universitaires François-Rabelais, 2012 ; pages 65-107.

[18] BAUDOT DUBUISSON-AUBENAY François Nicolas, Itinéraire de Bretagne, éd. Société des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne, Collection des Archives de Bretagne, Nantes, 1902 ; Tome II, page 245.


[19] DE Ꝃ... A., Guide du voyageur et du touriste à Saint-Gildas-de-Rhuis et ses environs, éd. Librairie catholique Libaros, Nantes, 1882 ; page 48.

[20] DION Roger, Histoire de la vigne et du vin en France, 1959, rééd. Flammarion 1977 ; page 15.

[21] LEMAÎTRE Alain J., La misère dans l’abondance en Bretagne au XVIIIe siècle – Le Mémoire de l’intendant Jean-Baptiste des Gallois de La Tour (1733), Archives historiques de Bretagne 6, éd. Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1999 ; page 162.

[22] de CANDOLLE Augustin Pyrame, pionnier de la géographie végétale, Rapport sur un voyage botanique et agronomique dans les départemens de l’Ouest, in Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique publiés par la Société royale d’agriculture de Paris, éd. Librairie de Madame Huzard, 1807 ; Tome X, page 254. Voyage effectué en 1806.

[23] CAYOT-DÉLANDRE François-Marie, Annuaire statistique, historique et administratif du département du Morbihan, éd. Lamarzelle, 1833 ; page 103-104.

[24] SAINDRENAN Guy, La Vigne & le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; page 143 (citation tirée de : Archives Municipales de Nantes, CC 243).


[25] GIRAULT DE SAINT-FARGEAU Eusèbe, Guide pittoresque du voyageur en France : contenant la statistique et la description complète des quatre-vingt-six départements, éd. F. Didot frères, 1838 ; Tome V, page 9.

[26] Dans la première moitié du Moyen-âge, la vigne a été cultivée bien plus au nord, pour les besoins de l’Église (vin de messe) et le prestige des puissants, même si elle mûrissait souvent mal dans ces zones trop septentrionales. Avec le Petit Âge glaciaire (début XIVe / fin XIXe siècle), le développement du commerce qui apportait des vins de bien meilleure qualité, et l’expansion du pommier à cidre (ce qui se comprend : un cidre fermier est bien meilleur qu’une piquette), la limite de la culture de la vigne s’est stabilisée en Bretagne au niveau des régions de Vannes, Redon et Châteaubriant.

[27] SAINDRENAN G., Ibid ; page 160.

[28] SAGNIER Henry, « Excursions agricoles en 1893 – XVI. – La presqu’île de Rhuys (Morbihan), in Journal de l’agriculture, 1893 ; Tome II juillet à décembre, page 783.

[29] PETIT …, « Rapport sur le service de la chaire départementale d’agriculture du Morbihan en 1905 », in Rapports du préfet et délibérations du Conseil général, éd. à Vannes, 1905 ; page 235.

[30] Ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics. – Enquête agricole – deuxième série. Enquêtes départementales – 3e circonscription. Morbihan. -Finistère. -Côtes-du-Nord. -Ille-et-Vilaine [sic], éd. à Paris, Impr. Impériale, 1867 ; page 331.

[31] « Notice sur le département du Morbihan » dans : Les Primes d’honneur, les médailles de spécialités et les prix d’honneur des fermes-écoles décernés dans les concours régionaux en 1867 publiés par le Ministère de l’agriculture et du commerce, éd. Impr. impériale, 1870 ; page 210.

[32] Le Muscadet, produit-phare de la gastronomie bretonne, n’est pas une spécialité du seul Pays Nantais, il était cultivé au XIXe siècle dans toute la Bretagne viticole jusqu’à la presqu’île de Rhuys et le Pays de Redon. Dans son rapport au ministre de l’agriculture (voir note 29), Jules GUYOT indiquait (page 177-178) : « On ne cultive, dans le canton de Redon, qu’un seul cépage, le muscadet… La production moyenne est de 25 à 30 hectolitres d’un vin fort agréable ». C’est un cépage qui a trouvé le terroir qui lui convenait dans le sud du Massif Armoricain, loin de sa Bourgogne natale.

[33] CRANÉGUY Marianick, Histoire de vignes en pays de Rhuys, éd. Au vent de l’histoire, Sarzeau, 2000.

[34] Jules Guyot (1807-1872), médecin et expert en viticulture, diffuseur de la taille « Guyot », chargé de mission d’études sur les vignobles français, œuvre très importante sur la vigne et la viticulture (note suivante).

[35] GUYOT Jules, Étude des vignobles de France, éd. à l’Imprimerie Impériale, 1868 ; Tome III, page 575.

[36] de GALZAIN Michel, « Mare nostrum » - Regards sur le Golf du Morbihan, éd. & Imprimerie de Bretagne, 1948 ; dans le chapitre « La voilà, la jolie vigne », page 86 (titre repris par Fernand Guériff dans son travail sur la vigne dans le Pays de Guérande).

[37] Le gobelet bas est une méthode de taille très ancienne, 3, 4 ou 5 bras forment la souche, qui est au raz du sol afin que le raisin profite de la chaleur de la terre (on est en limite climatique) et aussi pour éviter la prise au vent (on est sur le littoral). Illustration tirée de GUYOT J., Ibid ; Tome III, « Département du Morbihan », page 575. Dans un article « sur la reconstruction des vignes dans la Loire-Inférieure » (extrait d’une conférence faite à Nantes), le spécialiste de la vigne et ampélographe Pierre Viala (1859-1936) conseille de « maintenir les raisins le plus près possible de terre pour faciliter leur maturation » et donc « d’avoir des souches basses par la taille », ce qui était la pratique locale (in « Journal de l’agriculture de la ferme et des maisons de campagne », 26ème année, Tome II – juillet à décembre, éd. aux bureaux du journal de l’agriculture, 1891 ; pages 974).

[38] Un vin bien différent du « bon vin bretõ » de François Rabelais, « lequel poinct ne croiʃt en Bretaigne » (Gargantua, 1534, Ch. XIII). En effet, le Cabernet franc, originaire de Gascogne, est nommé « plant breton » en Touraine, ce synonyme du nom officiel Cabernet franc vient du fait que le cépage a transité par la Bretagne (port de Nantes) avant de s’implanter dans les pays de Loire (où sont produits les excellents Chinon et Bourgueil).

[39] Rhuys, « Rewiz » en breton.

[40] DUBUISSON-AUBENAY François-Nicolas Baudot, Itinéraire de Bretagne en 1636, d’après le manuscrit original, publié par Léon Maître et Paul de Berthou dans ‘Archives de Bretagne’, éd. à Nantes par la Société des Bibliophiles Bretons, 1898 ; Tome I, chapitre XXXV, page 175. On sent que l’auteur ne s’est pas contenté d’observations superficielles, dans le paragraphe précédant il donne le nom breton d’une algue (qui servait d’engrais) : « behin », orthographe qui rend la prononciation vannetaise locale : / bǝˈhin / (/ˈbe:zin / hors du Pays Vannetais, retranscrit « bezhin » en orthographe moderne).

[41] GUÉRIFF Fernand et VILLAIS Gabrielle, La voilà la jolie vigne au Pays de Guérande, 1986, rééd. Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne, Hors-série n° 1, oct. 2013.

[42] QUILGARS Henri, Petite histoire du pays et de la ville de Guérande, éd. Imprimerie-Librairie Saint-Aubin, 1922 ; page 106.


[43] De BOCERET Emmanuel, « Guérande et les Guérandais pendant la période révolutionnaire – État moral et matériel de Guérande en 1789 », in Bulletin de la Société Archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, Tome XXXII, premier semestre 1893 ; page 205.

[44] MALTE-BRUN Victor-Adolphe, La France illustrée, géographie, histoire, administration et statistique, éd. Jules Rouff, 1882 ; Tome III, page 25-26 dans le chapitre « Loire-Inférieure ».

[45] GUILBERT Aristide, Histoire des villes de France, éd. Furne et Cie, 1853 ; page 300.

[46] Le BOYER, Jean-François., Notices sur les villes et les principales communes du département de la Loire-Inférieure, 1823, rééd. impr. de Forest, 1825, page 61-62.

[47] MORLENT Joseph, Précis historique, statistique et minéralogique sur Guérande, le Croisic et leurs environs, éd. Mme Kermen, Nantes, 1819 ; page 130. Le vignoble étant situé en limite climatique de la culture de la vigne, le cépage produisant ce vin avait besoin des sites les mieux exposés pour mûrir correctement. Le commentaire de ce natif de Beaune en Bourgogne est intéressant, il dit (p. 130) des autres vignobles de la région : « Escoublac, Saint-Molf et quelques autres lieux récoltent des vins, les plus âpres et les plus verds du royaume. » (il parle probablement ici du Gros-plant).

[48] OGÉE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne ; dédié à la nation bretonne, éd. Vatar fils aîné, Nantes, 1779 ; Tome II, page 162.

[49] Photographie personnelle. Cramagué est la francisation d’un nom breton, « Cremegoer » en 1424 pour « Krec’h-magoer » (= haut de la muraille), prononcé / ˈkrεʰ mǝˈgwer /dans le breton de Guérande. Le premier élément pan-celtique est l’évolution d’un plus ancien « *knech » attesté en 1393 sous la forme « Quenech » (avec un « e » épenthétique facilitant la prononciation). Le second mot est typiquement du breton vannetais (« moger » ailleurs), il est issu du vieux-breton « macoer » qui a été emprunté au latin « maceria » (mur de clôture en pierres sèches), nom qui convient bien à un clos de vigne. Le nom de l’agronome nantais Théodore Magouet, installé sur la coteau de Guérande et l’auteur d’un Traité de la vigne (1849), est aussi une francisation du même mot breton.


[50] SAINDRENAN G., Ibid ; pages 68-72.


[51] Journal « Le Guérandais », n° 14, du dimanche 13 septembre 1891 ; page 2 (article du comice agricole du canton de Guérande).


[52] Ibid, n° 344, du dimanche 09 janvier 1898 ; page 2 (avis de décès).


[53] MERCIER Paul et Horeau Yves, Dans la boucle du Mès, Mesquer, Quimiac, Saint-Molf, Impr. Mayennaise, 1973 ; page 90.


[54] Le Guérandais, du dimanche 05 décembre 1915, n° 1279 ; page 1. On peut penser que H. Quilgars bien repris une prononciation entendue dans la région puisqu'il l'indique dans un journal local et populaire.

[55] J’ai rencontré des anciens (ayant pratiqué ou connu la petite viticulture familiale traditionnelle) dans les communes de : Saint-André des eaux, Guérande et La Turballe où j’ai vécu, Assérac, Pénestin et Camoël d’où ma famille est originaire, ainsi qu’à Pornichet, Mesquer, Saint-Molf et Piriac. J’ai pu voir la passion qui animait certains d’entre eux, comme M. Thobie de Piriac, qui ne taillait pas sa vigne en gobelet mais selon une méthode très particulière qu’il a appris localement : la taille en « tête de saule » au raz du sol, probablement le dernier à connaître cette technique (arrivée probablement des Charentes à la suite du Gros-plant, cépage vigoureux qui supporte bien cette taille sévère).


[56] Le Guérandais, 13 septembre 1891, n° 14.


[57] Le Guérandais, 09 janvier 1898, n° 344.


[58] Le Guérandais, 15 septembre 1901, n° 536.


[59] Le Guérandais, 14 février 1904, n° 662.


[60] Le Guérandais, 22 décembre 1918, n° 1433.


[61] Le Guérandais, 26 août 1922, n° 1620.


[62] © collection d’archives privées, journal écrit sur un agenda, daté du 6 mars 1901.


[63] ANDOUARD Ambroise et Pierre, « L’acide tartrique libre dans les vins de la Loire-Inférieure » (étude commencé en 1905), in Revue de viticulture : organe de l‘agriculture des régions viticoles, 16ème année, Tome XXXII, n° 824 du 30 sept. 1909 ; page 374. Ambroise Andouard, professeur à l’École de pharmacie de Nantes, et son fils Pierre Andouard, ingénieur agronome, ont beaucoup œuvré pour le développement de l’agriculture en Loire-Atlantique, notamment à la direction de la Station agronomique de Loire-Inférieure.

[64] GARNIER Georges, Souvenirs du vieux Piriac, éd. à Nantes, G. Garnier, 1990.

[65] Zone complètement urbanisée maintenant.

[66] Photographie personnelle. On cultive encore le Noah à Camoël ! Camoël, ainsi que Férel et Pénestin, appartiennent traditionnellement au Pays de Guérande ; Camoël et Pénestin ont été détachées de la paroisse d’Assérac, et Férel d’Herbignac. Ces communes ont été rattachées au Morbihan lors de la Révolution pour des questions d’équilibre entre les départements. Il est intéressant de noter qu’on y parlait breton en 1806, et même jusqu’aux « salines [du canton] d’Herbignac » (Assérac), lors de l’enquête linguistique de Charles Coquebert de Montbret pour l’administration impériale.

[67] La première de ces crises a été l’arrivée de l’oïdium (en 1852 pour Guérande), cela a eu pour conséquence le remplacement des cépages sensibles (comme l’Aunis) par des cépages plus résistants (comme le Gros-plant, qui a aussi l’avantage d’être très productif). L’oïdium est suivi par une autre maladie cryptogamique : le mildiou (vers 1885 à Guérande), puis par un insecte ravageur : le phylloxéra (en 1884 dans les Coteaux d’Ancenis, peu après 1890 à Guérande, 1903 à Sarzeau). Pour plus de renseignements sur ces catastrophes sanitaires majeures, voir : SAINDRENAN G., Ibid. La conséquence de ces crises a été dans notre région le remplacement des vignes Vitis vinifera par des hybrides résistants et facile à cultiver (multiplication par simple bouturage, pas de greffage sur porte-greffe résistant au phylloxéra) ; bien que le vin obtenu soit de moindre qualité, une véritable tradition de l’hybride s’est maintenu jusqu’à nos jours (c’est la fin) malgré l’interdiction de certains de ces hybrides en 1934.

[68] MAGOUET Théodore, Traité de la vigne, éd. à Guérande chez l’auteur, 1849.

[69] Procès-verbal rédigé par Jan Kerguistel et publié par Th. Magouët (Ibid ; page 286).

[70] Cité par SAINDRENAN G., ibid, page 237 (lettre datée du 3 août 1855, A.D. de Loire-Atlantique, M 2012).

[71] Ce n’est pas possible, mais on aurait pu penser aussi au Cabernet franc, qui a pour synonyme le « Breton » dans les pays de la Loire (à Chinon) et le « Cabernet d’Aunis » à Montjean-sur-Loire (d’après P. Gallet), cette dernière commune est située aux portes de la Bretagne sur les bords de Loire face à Ingrandes. Ces synonymes sont intéressants, « Breton » indique que les Angevins et les Tourangeaux ont trouvé ce plant en Bretagne, où il est arrivé par le grand port de Nantes, et « Cabernet d’Aunis » peut indiquer de quelle province ce cépage est arrivé par mer jusqu’à Nantes.

[72] GALINIÉ Henri, Le Pineau d’Aunis, Recherches sur l’histoire des cépages de Loire, 1 : Recherches sur l’histoire des cépages de Loire, 1. 2014. ffhalshs-01081736f. + GALINIÉ H., 68. Aunis plutôt que Pineau, 24 novembre 2018 in https://cepagesdeloire.wordpress.com/2018/11/24/68-aunis-plutot-que-pineau/#more-1568. + GALLET Pierre, Cépages et Vignobles de France, éd. par l’auteur,1990 ; Tome II, page 251.

[73] HARDY Julien-Alexandre, botaniste et jardinier en chef du jardin du Luxembourg, Catalogue de l’école des vignes de la pépinière du Luxembourg : 1er février 1848 ; page 43.

[74] SAINDRENAN G., Ibid ; page 226 / Arch. dép. de Loire-Atlantique : E. 1387.

[75] Acte cité dans Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Loire-Inférieure. Tome Ier, Archives civiles. Série B : Chambres des comptes de Bretagne, art. B.1-B. 1952, rédigé par Léon Maître, éd. Émile Grimaud, 1902 ; page 359 (liasse B 1531 concernant la sénéchaussée de Guérande). L’acte précédent est daté de 1741 et l’acte suivant de 1745.

[76] Le principe repose sur l’effet levier qui permet d’amplifier la pression.

[77] Acte écrit que doit délivrer un vassal à son suzerain lorsqu’il rentre en possession d’un fief, généralement suivi du dénombrement et de la description détaillée des biens composant le fief.

[78] A. D. de la Loire-Atlantique (Chambre des Comptes de Bretagne), série B n° 1479. Signalé, sans les références de la source, par Fernand Guériff (La voilà la jolie vigne au Pays de Guérande, 1986, rééd. Histoire & Patrimoine – Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne, Hors-série n° 1 – oct. 2013 ; page 16. Document retrouvé, photographié et retranscrit par M. Bertrand Luçon que je remercie (communication personnelle), toponymiste et auteur de Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoran embanner, 2017.


[79] POULARD Alain, Notes historiques sur la culture de la vigne en presqu'île guérandaise, 2007 ; page 17. Dossier déposé au local de l'Association des Amis de Guérande.


[80] Il n'y a aucune trace d'une implantation de l'Aunis au prieuré d'Escoublac par les moines bénédictins de l'abbaye de Saint-Florent-le-Vieil dans une charte de 1073. Le texte en latin du cartulaire est une charte de Quiriac, évêque de Nantes, contenant la confirmation des possessions de cette abbaye dans le diocèse de Nantes, dont l'église de Saint-Pierre d'Escoublac, et, plus loin dans le texte, de vignes hors de l'enceinte de la ville de Nantes (A.D. de Maine-et-Loire, cartulaire dit le « Livre d'Argent », ms. H 3714 ; Fol. 43v, col. b et 44r, col. a). Aucune vigne n'est mentionnée pour le prieuré d'Escoublac, et encore moins d'Aunis (voici le texte : « Ecclesiam scilicet Episcopi Lacus, quam lingua Brittonica Escoplac vocant, in honoreSancti Petri constructam, sitam in pago Nannetico, ubi Liger fluvius Oceano inmiscetur, exceptis sacrilegiis et ipsa parte decime quam monachis Majoris Monasterii anteaconcesseram ; sinodalis vero exactio et episcopalis apparatus de ipsa ecclesia annis singulis Nannetensi episcopo reddantur ; domos etiam quas infra urbem Nanneticam super terram ecclesie possident, vineas quas foris muros supra ejusdem ecclesie terram incensum tenent,excepta decima ») ; l'intérêt de ce texte réside essentiellement dans la mention de la langue bretonne à Escoublac au XIe siècle. Le bénédictin Hyacinthe Morice cite une partie de ce texte (avec des modifications et sans citer les vignes de Nantes), toujours aucune trace de vignes et d’Aunis à Escoublac (Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, impr. Charles Osmont, 1742 ; Tome I, col. 440). Donc rien n'indique que les moines de Saint-Florent « répandirent aussi la culture vinicole sur les terres dépendant de leur prieuré » comme l'expliquaient Fernand Guériff et Gabrielle Villais (« La voilà la jolie vigne au pays de Guérande », in Histoire & Patrimoine, A.P.H.R.N. - Hors série n° 1, octobre 2013), la vigne était déjà cultivée dans la région depuis l'Antiquité.

[81] Parler gallo-roman de Haute-Bretagne et donc ici du Pays Nantais.

[82] Issu d’une famille de cultivateurs-vignerons d’Assérac (Limarzel, près de Pénestin), j’ai passé mon adolescence à Saint-André (la Ville au Jau), il y avait encore deux vignes à moins de 100 m de la maison dans les années 1970, l’alambic s’installait tous les ans près du puits du village. Tout cela a disparu, il est temps de collecter ce qui reste dans la mémoire des anciens.

[83] Crédit photographie : l’Association Histoire Locale et Patrimoine Andréanais, qui prépare une exposition sur la vigne dans la commune ; site : https://www.histoirepatrimoinestandre.com/.

[84] Jean de Monfort, devenu Guy XIII de Laval par mariage (avec Anne, comtesse de Laval), avait donné la baronnie de Campzillon en dot à sa fille à l’occasion de son mariage en 1424 avec Louis de Bourbon-Vendôme, grand-père de François de Bourbon, comte de Vendôme. On remarque que le principal cépage noir des Coteaux-du-Vendômois est le Pineau d’Aunis, le principal cépage blanc étant le Chenin.

[85] Archives Départementales de Loire-Atlantique, B 1472 (liasse, 1415-1540). Cité dans l’Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Loire-Inférieure. Tome Ier, Archives civiles. Série B : Chambres des comptes de Bretagne, art. B. 1-B. 1952 / rédigé par Léon MAÎTRE, 1902 ; page 349. Repris par JOUIN Henri, « La vigne en Bretagne, autrefois (suite) », dans la Revue bretonne de botanique pure et appliquée de Lucien Daniel (spécialiste de la greffe), éd. à Rennes, 1927 ; page 156.

[86] Horae ad usum Romanum, dites Grandes Heures d’Anne de Bretagne, enluminé par Jean Bourdichon, 1503-1508 ; Fol. 12r.

[87] Dans sa très importante étude sur « Les progrès de l’agriculture dans la Loire-Inférieure, depuis un siècle », Ambroise Andouard (1839-1914) écrivait : « Un muscadet à grains rouges, appelé Berligou, était autrefois assez répandu dans le département. » ; in Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, Volume 10e de la 6e Série, éd. Vve Camille Mellinet et Cie, 1889, page 145. Le Pinot noir a dû descendre la Loire au cours du Bas Moyen-Âge, il était en effet cultivé dans l’Orléanais dès le XIIIe siècle (au moins) ; sa variété bretonne (clone 1306, dit Berligou) résulte d’une mutation génétique.

[88] RÉZEAU Pierre, Dictionnaire des noms de cépages de France, collection Biblis, éd. C.N.R.S., 2008 ; pages 286-288.

[89] GALINIÉ Henri, « Les façons de différencier et de nommer vignes et plants (1050-1850) », Recherches sur l’histoire des cépages, 13. 2019. ffhalshs-02106540f. L’introduction du dictionnaire du linguiste P. Rézeau (voir note précédente) donne une brève histoire des noms de cépages.


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