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LE PETIT MOUTON NOIR DES LANDES DE BRETAGNE.


Je connais bien la Brière, où j’ai passé une partie de mon adolescence, et le marais a été longtemps mon terrain de jeu, dont une île du marais : la Butte aux Pierres. Il y avait là, à la belle saison, des animaux qui y étaient laisser en liberté : des vaches, des chevaux, et des moutons noirs et blancs qui restaient à bonne distance.


L'un des descendants de l'ancien Mouton des Landes de Bretagne a été redécouvert en 1976 par un éleveur et militant breton de Missillac (44), il est le premier a en avoir relancé l'élevage. Les premières études seront faites après 1985 par un professeur de E.N.V. de Nantes. Je ne m’y suis intéressé qu’après la parution de ses articles, en raison du fait que je m’intéresse au patrimoine rural breton depuis longtemps, et notamment à l’agriculture d’avant la révolution agricole du XIXe siècle et au vocabulaire agricole en breton qui contribue à la comprendre.


Ces moutons sont bien les descendants particulièrement rustiques de l’ancien Mouton des Landes de Bretagne. Je pense qu’il serait mieux de l’appeler « Mouton Nantais » car il a été « amélioré » par de plus grands moutons – de type frandrin – que l’on trouvait dans les foires du département au XIXe siècle. Le « Mouton de Deux », dit maintenant « de Belle-île », est lui aussi issu d’un croisement « breton x flandrin », mais il est bien moins rustique, il faut dire qu’en Brière la rude sélection naturelle a permis de conserver sa rusticité au mouton de pays.


Cela fait maintenant 20 ans que je collecte des renseignements au sujet du Mouton des Landes de Bretagne » (projet de livre). Le mouton breton est un petit mouton : de 40 à 50 cm au garrot (écrit noir sur blanc dans plusieurs documents !), il est aussi cornu et de couleur noir. Le mouton dit d’Ouessant n’est qu’une variété insulaire du mouton commun de la Bretagne. Dans le Pays Nantais, il y avait même – dans les difficiles conditions de vie dans les landes – des moutons plus légers que l’actuel Mouton d’Ouessant, ce n’est donc pas l’insularité qui est responsable de la petite taille de ce dernier, comme on peut le lire (voir les enluminures médiévales). Sa répartition traditionnelle était limitée à l’est par une ligne en « s » partant de Saint-Brieuc et allant jusqu’à Nantes, on en trouvait donc dans les landes de l’île d’Ouessant jusqu’aux abords de l’ancienne capitale de Bretagne.


Ne pouvant pas être breton car retrouvé en Loire-Atlantique… le Mouton des Landes de Bretagne a été renommé « mouton des landes de l’ouest » (nom publié au J.O. de la R.F. du 26 juillet 2007), j’ai déjà eu l’occasion de le dire, merci les pdl.


J’avais tenté d’améliorer l’article wikipedia consacré à ce mouton, puis j’ai abandonné suite à l’acharnement d’ignares à vouloir me « corriger », c’est un très mauvais article qui donne une image erronée de l’ancienne race ovine bretonne.


Le véritable Mouton des Landes de Bretagne était noir, car sélectionné par les Bretons pour être noir. La laine noire était nécessaire à la fabrication d’une étoffe rustique et solide (propre à la Bretagne au XVIIIe / XIXe siècle) : le « berlinge », il s’agit d’une étoffe mixte faite de laine (fibre animale) et de lin ou chanvre (fibre végétale). Sa couleur était donc marron, couleur de terre, une étoffe appropriée pour les vêtements de travail des paysans, ou les vêtements des terroirs bretons moins riches. On trouvait autrefois au musée du Château des Ducs de Bretagne un bel exemplaire complet du costume métayer guérandais en berlinge, il est regrettable que la partie ethnographique de ce musée n’existe plus ! Trop bretonne ? La dernière fois que je suis passé à la librairie du château, il n’y avait d’ailleurs pas de livres concernant la Bretagne et son histoire, étrange dans un monument aussi important de l’histoire de Bretagne, un « oubli » qui fait partie du programme de formatage de la population nantaise !!!


Allez comprendre la logique des gens qui contrôlent wikipédia ! La limite traditionnelle de répartition du Mouton des Landes de Bretagne, issue de l’ensemble des nombreuses citations que j’ai collecté, mis en ligne dans un blog et sur wikipédia, est restée en ligne sur « l’encyclopédie » (pourquoi ?), la phrase a même été copiée-collée dans un livre sans que la source soit citée…. Mais la couleur noir a dérangé un petit wikificator hargneux et ignorant, qui me corrigeait et supprimait des passages de mon texte avant même que j’ai fini d’écrire le paragraphe suivant, j’ai été bloqué, et j’ai fini par arrêté ma contribution à cet article et à wikipédia (sauf pour l’article « Guérande », je continuerai inlassablement à écrire que ma ville est située en Bretagne, jusqu’à ce qu’un abruti me bloque définitivement). Je dois avoir près de 200 citations concernant la couleur du Mouton des Landes de Bretagne, ce ne doit pas être suffisant pour convaincre ces gens là…


En voici quelques unes :


- Dans les « Éléments d'hygiène et de zootechnie, à l'usage des écoles pratiques d'agriculture : anatomie, extérieur, hygiène, zootechnie générale » d’Hippolyte Rossignol et Paul Dechambre (éd. Rueff et Cie, 1894), on peut lire (Tome II, page 201) : « Race bretonne. Caractères. – Taille de 0 m. 40 à 0 m. 50… Toison noire, brune ou grise composée de brins rudes et secs ; les béliers portent en général sur le cou, le garrot et les cuisses des poils droits et rudes (jarre) analogues à ceux du bouc. Ce mouton habite les cinq départements de l’ancienne province de Bretagne ».


- Dans les « Notes économiques sur l'administration des richesses et la statistique agricole de la France » de Charles- Edouard Royer, professeur d'économie rurale à l'Institut Royal Agronomique de Grignon (édité au Bureau du Moniteur de la Propriété, 1843), on peut lire sur l’espèce ovine (page 72) : « La France possède 32.151.430 têtes de l’espèce ovine, en un nombre considérable de races presque toutes plus misérables et plus défectueuses les unes que les autres, depuis le petit mouton jaune du Morvan, de la grosseur d’un bon chat, qui vient encore, à la honte de notre pays, sur les foires de Montargis, à moins de trois myriamètres de Paris, jusqu’à cette race sauvage de couleur noire qui infeste la Bretagne ».


- Les « Principes d'agriculture appliqués aux diverses parties de la France : l’agriculture française » (éd. Lacroix et Baudry,1859) ont été écrits par le Nantais Louis Gossin. On peut y lire (Tome 2, page 541) : « Les bruyères des diverses parties de la France nourrissent un grand nombre de petits moutons, qui donnent une laine grossière, presque toujours claire, de longueur moyenne, jarreuse, feutrée, souvent noire, brune ou rousse ; la toison ne couvre ni la tête ni les jambes ni le dessous du ventre ; presque toujours, les extrémités sont brunes ou roussâtres, même dans les variétés à laine blanche… La race des Ardennes, plus nombreuse en Belgique qu’en France : tête et pieds roux, laine blanche ou roussâtre, très-médiocre. La race noire de Bretagne, répandue sur toutes les landes de l’Armorique. ». On trouve dans ce livre la gravure d’une brebis bretonne réalisée par le sculpteur Isidore Bonheur, frère de la célèbre peintre animalière Rosa Bonheur.


- Dans « Voyages agronomiques en France » (édition du Bureau de la Maison Rustique, 1845), ouvrage posthume de Frédéric Lullin de Chateauvieux (1772-1842), on peut lire (Tome II, page 435) : « Dans le bocage, ces petits lots appartiennent déjà à l’espèce grossière de Bretagne, dont les toisons jarreuses et de couleur sombre servent à confectionner à domicile les vêtements des cultivateurs. ».


- Dans « La France et ses colonies - géographie et statistique » (édition C. Delagrave, 1890) de l'historien, économiste et géographe Emile Levasseur, professeur au Collège de France, on peut lire (Tome II, page 136) : « La race solognote, qui tire son nom de la Sologne, et qui se distingue par sa couleur rousse, est petite et semble être en conformité avec les maigres pâturages sur lesquels elle vit ; petites aussi sont la race de bruyères à la toison noire qui occupe les landes de Bretagne… ».


- Dans le « Précis de géographie économique » de Marcel Dubois et Joseph Georges Kergomard (édition Masson et Cie, 1897), on peut lire (page 52) : « Parmi les races françaises plus ou moins modifiées, il faut citer celle de Flandre, à la haute taille et à la laine médiocre, des bruyères, élevée en Bretagne, caractérisée par sa toison noire. La race des Causses, surtout la variété du Larzac, est très bonne laitière... ».


- Gustave Heuzé, inspecteur général de l’agriculture, décrit l’état de la « région… du sarrazin » dans son « Atlas de La France agricole » (édité par le Ministère de l’Agriculture et du Commerce - Imprimerie Nationale, 1875), il écrit (page 27) : « On a le cœur serré quand on quitte la région du Nord-Ouest et ses terres si bien cultivées, et qu’on arrive au centre de la Bretagne… Là, le genêt, à l’ombre duquel paissent de jeunes bêtes bovines et des bêtes à laine, épanouit ses belles fleurs à couleur d’or ; le blé noir, dont le grain, suivant Michelet, ralentit l’intelligence de l’homme, enveloppe la terre comme d’un linceul remarquable par son éclatante blancheur… La Bretagne a des productions spéciales : elle fournit des moutons à laine noire, pour lesquels la lande est la grande pourvoyeuse, en hiver comme en été ; ces bêtes à laine, dont la chair est parfumée, sont d’une petitesse extrême dans les localités où la terre ne produit que de la bruyère… La haute Bretagne récolte des vins blancs qui ont du bouquet, du cidre dont la qualité est très-appréciée… ».


- Dans le « Traité de l’inspection des viandes de boucherie, des volailles et gibiers, des poissons, crustacés et mollusques » de Jacques Rennes (éd. Masson et Cie, 1910), on peut lire (page 13) : « Race bretonne. – Petit mouton fin et rustique, vêtu d’une toison brune, rude et sèche, mêlée chez les mâles d’un jarre analogue à celle du bouc… celui qu’on élève sur les bords de la mer, dans les prés salés, acquiert une taille plus élevée et possède une renommée justifiée par la saveur de sa chair. ».


- Dans « Les Primes d'honneur, les médailles de spécialités décernés dans les concours régionaux en 1865 » du Ministère de l’Agriculture et du commerce (éd. par l’Impr. impériale, 1876), on trouve (page 61-105) une « Notice sur le département des Côtes-du-Nord » (état de l’agriculture) non signé, on peut lire (page 99) : « Races ovines. - Il existe dans le département deux races ovines : la grande race du littoral et la petite race des landes. La première est blanche et commune dans la zone maritime ; la seconde est noire, mais elle est sobre et rustique; elle vit presque continuellement sur la lande. ».


- Dans le « Journal » de Jules Michelet (texte intégral, édition 5 chez Gallimard, 1959), on trouve ces renseignements (page 90) : « La mer passée en voiture dans la belle anse de Saint-Michel-en-Grève. Clocher découpé en jeu de cartes comme à Tréguier, comme à Lanmeur. La mer montait et venait à nous ; les bestiaux s'avançaient au bord, quoiqu'il n'y eût ni à boire ni à manger, et regardaient pensivement. Partout des moutons noirs, des porcs... ».


- Dans les Statistiques agricole générale de l’arrondissement de Morlaix (imp. J.-B. Le fournier, 1849) de Jean-Marie Eléouet, vétérinaire à Morlaix, on trouve des renseignements tout à fait précis (page 348-349) : « il n’existe dans l’arrondissement de Morlaix qu’une seule race de bêtes à laine, dont voici les principaux caractères : taille très-petite ; tête fine et effilées, encolure menue ; absence de cornes chez les femelles ; existence de cornes contournées en spirales chez les mâles ; toison courte, grossière, peu estimée, affectant la couleur rousse ou noir mal teint. »


- Dans les « Annales de Bretagne » (éd. Plihon, Tome XLIII, 1936), on trouve une importante étude (publiée sous le n° 9 dans les Travaux du Laboratoire de l’Université de Rennes) sur « Camaret-sur-mer » par M. Lami, on peut lire (page 283) : « L’ancien élevage des moutons a presque entièrement disparu. Les quelques moutons qu’on rencontre encore dans quelques fermes sont à toison brune, peu épaisse, sans grande valeur. Ils sont de petite taille, mais sont bien adaptés au pays. ».


- Dans « A summer in Brittany » de Thomas Adolphus Trollope, on peut lire sur le centre Bretagne (édition H. Colburn, 1840, volume 2, page 201-202) : « and service is now only rarely performed there by the rector of Locquefret, the parish in which the chapel is situated. The door was therefore locked ; and we went to one of the neighbouring cottages to inquire where the key was kept. We found three women sitting before the door, shearing one of their little black sheep. White sheep are rare in Finistere to the full as rare as black ones with us - more so, i think...We addressed the damsels who were engaged in shearing this black crop, but obtained only shakes of the head and Breton in return. ».


- Dans la « Revue de Bretagne et de Vendée », dirigée par le grand historien de la Bretagne : Arthur de la Borderie, on trouve le récit d’ « Une excursions dans le Finistère » de E. du Lautens de la Barre ( 9ème année, deuxième série. – Tome VII, Nantes 1865, page 294), on peut lire (page 299) : « Le Roc’h-Trévézel, pareil à un rideau immense, nous a masqué tout le pays de Léon. – De l’autre côté de la montagne, c’est la Cornouaille qui apparaît, pays pauvre et presque inhabité, dans cette partie du moins. La vue cependant ne manque pas d’une certaine grandeur sauvage ; pareils à des points noirs sans nombre, des moutons disséminés sur les pentes broutent la bruyère rase et les herbes qui végètent entre les pierres. ».


- Dans « Le Finistère en 1836 » d'Emile Souvestre (Librairie de Come fils ainé, 1838) on trouve (page 72) : « Là, entouré d'une nature sauvage et primitive, vous pourrez rêver longtemps aux siècles écoulés, sans que le bruit des hommes viennent vous troubler, car la solitude est partout ; à L'orient seulement, du côté de la route qui conduit de Carhaix à Gourin, vous apercevrez peut-être d'heure en heure un voyageur isolé qui passe, ou quelque pâtre conduisant ses moutons noirs sur la bruyère en chantant un cantiques du pays. ».


- Gustave Flaubert dans son « Voyage en Bretagne - Par les champs et par les grèves » parle du mouton breton (édition Complexe, 1989), il dit (page 111) : « Jusqu'au Croisic plus rien que des plaines de sable recouvertes d’une herbe maigre ; le ciel bleu pâle à grandes lignes blanches ; les vaches sont petites, les moutons noirs ».


- Dans un article de Charles Monselet sur « Le Croisic » publié dans le périodique L’artiste : journal de la littérature et des beaux-arts (éd. Aux Bureaux de L’Artiste, 1857), on peut lire (tome 1, page 367) : « Le homard est l’élément principal des tables d’hôte bretonnes ; on l’y sert en buissons, comme les écrevisses. Les petits moutons noirs de l’endroit, que l’on voit toute la journée chercher un brin d’herbe entre deux coquillages, fournissent de médiocres côtelettes et de plus médiocres gigots. ».


- L'inspecteur d'agriculture de Loire-Inférieure, E. Neveu-Derotrie, écrit dans les « Annales de la Société royale académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure » (éd. C. Mellinet, 1843, page 210) : « L'arrondissement de Savenay, qui a proportionnellement la plus grande quantité de prairies et la moins grande de terres labourables, a aussi la plus grande proportion de terres incultes. ». Dans une autre étude (page 359) : « Des sables de nos dunes de la Loire-Inférieure », de M. Devaux, on peut lire (page 360) : « l'usage du parcours d'un petit nombre de brebis, dont la délicatesse de la chair des petits moutons qu'elles produisent, et leur peu de laine noire, ne compensent pas la perte de vastes terrains rendus inutiles par l'effet de cet usage ».


- Dans le « Compte-rendu et procès-verbaux de l’Association bretonne – Neuvième session tenue à Nantes » (éd. Impr. De M. Cerf, 1852), on peut lire dans le « Rapport de M. de Sesmaisons sur les améliorations agricoles » (page 202-203) : « Quelles sont les différentes races de moutons ?... On trouve au nord et à l’ouest la petite race, dite des landes, dégénérée ; sur la rive gauche, la race de Mortagne ; à Guérande, une très bonne race à laine noire. ». Le comte Olivier de Sesmaisons a été directeur de l’Association bretonne à la suite de Jules Rieffel, vice-président du comice agricole central de Nantes, député de la Loire-Inférieure.


- Dans son « Histoire nationale et dictionnaire géographique de toutes les communes du département de la Loire-Inférieure » (Edition Baudouin Frères, 1829), Girault de Saint-Fargeau dit sur les marais de Brière (page 8) : « Un peuple particulier habite les tourbières si triste de l’arrondissement de Savenay : c’est le brièron qui, habillé de la bure brune qu’il tire de ses brebis noires, coiffé de long cheveux, la barbe hérissée, la figure enfumée et sauvage, semble être sorti de la tourbe bretonne. Dans le canton de Guérande, les habitants d’Escoublac, de Saint André-des-eaux, de Saint Lyphar, de Saint Molf et autres lieux voisins, se font remarquer par un costume singulier et bizarre, composé d’un veste et d’un gilet d’étoffe de laine brune, d’un haut de chausse, nommé houssines, et de guêtres faites d’une étoffe nommée belinge, mélangée de laine brune et de fil croisé ».


- Dans « Le village sous le sable » du romancier et poète nantais Ernest Fouinet (éd. Sylvestre, 1834), on peut lire (page 10) sur les bergers briérons : « J’en voyais venir quelquefois au presbytère, et je confesse qu’ils me semblaient formidables : ils sont vêtus de la laine brune de leurs moutons, qu’ils portent telle que la donne la nature. ».


- Dans le roman « La Brière » d’Alphonse de Châteaubriant (éd. Bernard Grasset, 1923), on trouve quelques renseignements sur le mouton de Brière. Par ses attaches familiales, son mariage à Saint Nazaire (44) et sa propriété de Piriac (44) où il a vécu surtout, il connaissait particulièrement bien la Presqu'île Guérandaise et la Brière, il a même écrit un autre ouvrage sur le marais : "Au pays de Brière" (Collection « Gens et pays de chez nous », éd. J. de Gigord, 1935). On peut lire (page 14) : « Et, devant eux, défilaient ces fauves étendues de pâtures, nues comme le désert, courtes d’herbes et brûlées, sans un arbre, piquetées de quelques bouquets d’ajoncs, avec des moutons comme des javelles de tourbe ». Puis une précision intéressante (page 248-249) : « La bergerie se trouvait là, tout près, au bord de la chalandière, dans l’herbage de la levée, une cabane adossée à un groupe d’ormeaux, couverte en chaume de raux. Un ouvrage d’Aoustin autrefois. Tous trois entrèrent : M. Pataud le premier, les mains tendues, guidé dans l’obscurité par le bond des petites pattes sur leur lit de fougère, et les paires d’yeux de phosphore qui se ramassaient dans le fond, en un tas apeuré, sous le faible faisceau de jour tombé de la lucarne. C’était tous moutons noirs, sauf deux ou trois, marqués à la tête d'une pelote blanche. ».


- Dans « Travels, during the years 1787, 1788, and 1789. Undertaken more particularly with a view of afcertaining the cultivation, wealth, resources, and national properity, of the kingdom of France » (éd. impr. J. Rackham pour W. Richardson, 1792), le célèbre agronome anglais Arthur Young dit (page 83) sur la Bretagne : « the country has a favage afpect ; hufbandry not much further advanced, at leaft in fkill, than among the Hurons, which appears incredible amidft inclofures ; the people almoft as wild as their country… (page 85) : « a fombre inclofed country. Pafs Chateaulandrin, and enter Bas Bretagne. One recognizes at once another people… The men drefs in great trowfers like breeches, many with naked legs, and moft with wooden fhoes, ftrong marked features like the Welch, with countenances a mixture of half energy half lazinefs ; their perfons ftout, broad, and fquare… The eye (page 86) difcovers them at firft glance to be a people abfolutely diftinct from the French. Wonderful that they fhould fo, with diftinct language, manners, drefs, &c…» ( Le pays a un aspect sauvage, l’agriculture n’est pas beaucoup plus avancée, du moins en savoir-faire, que chez les Hurons, ce qui semble incroyable dans un pays de champs clos ; les gens sont au moins aussi sauvages que leur pays… un sombre pays de bocage. Passe Châtelaudren, et entre en Basse-Bretagne. On reconnaît immédiatement un autre peuple… Les hommes portent de grandes culottes comme des braies, beaucoup ayant les jambes nues, et la plupart avec des sabots en bois, des traits fortement typés comme les Gallois, avec des visages empreints d’un mélange d’énergie et de paresse ; le corps fort, large et carré… On remarque au premier coup d’oeil que c’est un peuple absoluement distinct des Français. Il est étonnant qu’ils soient ainsi, avec un langage, des moeurs, des vêtements différents, etc.). L’agriculture est décrite à partir de ce qu’il a aperçu du dos de son cheval ; au moins il n’a pas échappé aux landes puisqu’il martèle son exaspération en répétant « waftes – waftes – waftes » (page 86), puis même en français dans le texte « landes – landes – landes » (page 88), son calvaire se termine à l’approche de Nantes (page 89) où les landes « reach within three miles of the great commercial city » (s’étendent jusqu’à trois milles de la grande cité commerçante), pour finir il exprime (page 89) son soulagement d’être de retour dans la civilisation par « Mon dieu ! cried I to myself, do all the waftes, the deferts, the heath, ling, furz, broom, and bog, that I have paffed for 300 miles lead to this fpectacle ? What a miracle » (Mon dieu ! m’écriai-je, ai-je parcouru toutes les friches, les déserts, les landes, les bruyères, les ajoncs, les genêts, et les tourbières, durant 300 milles, pour ce spectacle ? Quel miracle).

Dans le chapitre XIII il parle (page 418-419) des moutons qu’il a vus en Bretagne. Young n’est pas très précis pour le nord Bretagne, il écrit : « Bretagne – Broons. – Poor little fheep, not more than 10 lb. a quarter when quite fat » (Bretagne – Broons. – De pauvres petits moutons, pas plus de 10 livres par quartier quand ils sont tout à fait gras.), il parle davantage du sud Bretagne : « La Roche Bernard to Guerande. – I have now paffed through almoft all Bretagne, and feen fcarcely one fheep, where there ought to be an hundred ; but here are fome flocks of poor black things, which fhew the careleffnefs and favage ignorance of the inhabitants. Savenal [sic] to Nantes. – Rich falt marfhes fed by little miferable black fheep, with wretched coarfe wool, where the longeft woolled fheep of Lincolnfhire would thrive and fatten. Miferable black fheep on all the waftes. » (De La Roche Bernard à Guérande. – J’ai maintenant traversé presque toute la Bretagne, et vu à peine un mouton, là où ils devraient être des centaines ; mais ici il y a quelques troupeaux de pauvres choses noires, qui montrent le peu de soin et l’ignorance crasse des habitants. De Savenay à Nantes. – De riches marais salants où paissent de misérables petits moutons noirs, avec une laine fort grossière, là où les moutons à longues laine du Lincolnshire prospéreraient et engraisseraient. De misérables moutons noirs sur toutes les landes.).


- Dans la revue nantaise : « Le Lycée Armoricain » (éd. de l’impr. de Mellinet-Malassis, 1825), on trouve un article sur l'agriculture (« Agriculture. – Considérations générales », signé U.), on peut lire (Volume VI, page 573) : « Les habitans de la rive gauche [de la Loire] ont des manières et un costume bien différens de ceux de l’autre rive... Dans les cantons les plus rapprochés de Nantes, ils se vêtissent d’étoffes de laine, de couleur bleue ou brun clair… Sur la rive droite, l’étoffe de laine brune ou noire (couleur naturelle de la brebis) est seule adoptée… (page 574) Les habitants de Guérande et des communes voisines ont un costume particulier : il suffit pour les isoler des autres habitans et pour attester leur origine étrangère. ».


- Dans « Instructions pour le peuple », un ouvrage collectif (édition Paulin et Lechevalier, 1850), on trouve des renseignements sur l’activité du grand agronome Jules Rieffel, créateur de « L'Association Bretonne », et fondateur d'une école d'agriculture à Nozay (45 km au nord de Nantes). On peut lire (page 2319) : « Lorsque M. Rieffel, le directeur de l’Ecole régionale de Grandjouan, entrepris en 1832 de former un troupeau, il prit soixante douze brebis noires de la race des Landes de Bretagne, et pour améliorateurs deux béliers blancs de la race du Bocage de Poitou. ».


- Dans « Echos lointains » de la comtesse Arthur de Goulaine (imp Chaix, 1903), on peut lire sur la région d'Avessac (44) au sud de Redon (page 138) : « Puis il y a les rencontres quotidiennes de petits pâtres, de petites bergères gardant, sur les landes, à l’'herbe courte, des troupeaux de moutons bruns, ouailles de Bretagne. ».


- Dans « Les Primes d'honneur, les médailles de spécialités décernés dans les concours régionaux en 1866 » du Ministère de l’Agriculture et du commerce et sous la direction de Gustave Heuzé (éd. par l’Impr. impériale, 1873), on trouve (page 113-139) une « Notice sur le département de la Loire-Inférieure » (état de l’agriculture) non signé mais probablement de G. Heuzé, on peut lire (page 132) : « Les bêtes à laine ont notablement diminué en nombre, depuis l’impulsion donnée au défrichement des landes. En 1806, elles s’élevaient à 270.547 têtes. Ces animaux appartiennent à deux races distinctes : à la race des landes, qui est petite et noire, et pour laquelle la lande est la grande pourvoyeuse ; à la race vendéenne, qui est entièrement blanche, et dont la taille et l’ampleur varient suivant la fertilité des terres sur lesquelles on la multiplie. ».


- Dans les « Annales de la Société royale académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure » (4e volume de la 2e série, éd. impr. de Camille Mellinet, 1843), on trouve (page 359) une étude intitulée : « Des sables de nos dunes de la Loire-Inférieure, et l’un des moyens de la utiliser » par M. Desvaux, on peut lire (page 359) : « Ce n’est pas sans de sérieuses et pénibles réflexions que nous avons parcouru les sables qui composent les dunes ou le littoral de ce département… elles nous ont assez préoccupé pour… songer, après cent autres peut-être, s’il n’y aurait pas moyen de tirer parti d’un sol, mobile il est vrai, mais qui est entouré de moyens de fertilisation. Deux choses s’opposent à faire quelque entreprise en ce genre, et une sorte de répugnance de la part des habitants à faire des plantations d’arbres… en second lieu, (page 360) l’usage du parcours d’un petit nombre de brebis dont la délicatesse de la chair des petits moutons qu’elles produisent, et leur peu de laine noire, ne compensent pas la perte de vastes terrains rendus inutiles par l’effet de cet usage : bien faible compensation pour les habitants des côtes. ».


- Dans l'ouvrage de Gustave Heuzé « Les assolements et les systèmes de culture » (édition L. Hachette, 1862), on trouve des renseignements très intéressants (volume 1, page 317) : « Il est facile au voyageur agricole qui parcourt la Bretagne de suivre l'amélioration...s'il part des environs de Ploërmel (Morbihan) pour se diriger vers Beaupréau (Maine-et-Loire), en traversant les territoires des communes de Fougeray (Ille-et-Vilaine) et de Joué (Loire-Inférieure). D'abord, il constate que tous les troupeaux de bêtes à laine se composent de petits animaux à laine noire ou fauve, vivant presque exclusivement sur la lande ou à l'aide des bruyères. Plus loin apparaissent quelques brebis blanches au milieu des bêtes noirs, mais la taille est la même pour les deux couleurs. Plus loin encore il trouve des bêtes blanches et des bêtes noires d'égale force numérique, mais plus vigoureuses et vivant sur des terres couvertes de genêts clair-semés, et ayant 0m,60 à 0m,80 d'élévation. Bientôt le nombre des bêtes à laine blanche l'emporte sur les bêtes à laine noire. Enfin, le voyageur arrive dans le Bocage de la Vendée, où il admire de magnifiques champs de genêts et de beaux troupeaux entièrement blancs, et d'une taille double de celle du point de départ. Les moutons sont tout à fait transformés... ».


etc, etc………


Ce dernier document est particulièrement intéressant car il montre qu’en quittant la Bretagne « les moutons sont tout à fait transformés », il y avait donc bien une race ovine bretonne se distinguant des races de l’ouest de la France. En renommant le Mouton des Landes de Bretagne en « mouton des landes de l’ouest », en induisant en erreur sur les caractéristiques de l’ancien mouton breton, on tente de diluer notre patrimoine dans ce projet jacobin de « grand ouest » insipide et sans âme et d’effacer la Bretagne. Il serait bien que des gens s'intéressent à ce mouton tel qu'il était (préservation du patrimoine breton) et non tel qu'il devrait être pour répondre à des goûts personnels très éloignés de l'élevage traditionnel.


Ci-dessous une carte postale ancienne, photographie prise au printemps 1904 par un photographe de Saint-Nazaire, au pseudo costume folklorique on voit bien que la bergère est d’une figurante : c’est la femme du photographe que l’on voit dans d’autres cartes. Quelqu’un a pu écrire : « d’après l’architecture, nous ne sommes pas en Bretagne », on ne voit pas trop ce qui lu a permis une telle affirmation ? Il s’agit pourtant d’un château breton bien connu dans le Pays Nantais, situé à 20 km à l’est de Saint-Nazaire en limite de Brière : le manoir breton de l’Escurays (Prinquiau). On y voit le mouton de Brière tel qu’il était encore au début du XXe siècle.


Christophe M. JOSSO

© Tous droits réservés - 2021


Manoir de l’Escurays, Prinquiau (44), 1904.


Moutons de Brière tels qu'ils ont été découvert en 1976.

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