Le Marais Breton est situé au fond de la baie délimitée par la Pointe de Saint-Gildas (un saint breton : "Gweltaz") et la pointe de Beauvoir (limite nord du bas Poitou), cette baie était nommée : "Baie de Bretagne" au Moyen-Âge ("Baie de Bourgneuf" maintenant). C'est donc l'espace maritime situé entre la partie sud de la Côte de Jade (frange littoral du Pays de Retz, côté Pornic) et l'île de Noirmoutier (qui n'est pas bretonne mais poitevine). Ce milieu marin peu profond est gagné par l'envasement (alluvions argileux), c'est ainsi que le Marais breton a été gagné sur le fond de la Baie de Bretagne, d'où son nom (étant donné la politique jacobine d'effacement de l'identité bretonne de la Loire-Atlantique, il serait bien de reprendre cet ancien nom de la baie). La ville forte de Machecoul, forteresse des Marches de Bretagne, dominait le marais (ancien "Golfe de Machecoul"), et la partie sud du Marais breton appartenait aux Marches séparantes Bretagne-Poitou. Le nom "Marais breton" résulte donc bien d'une Histoire et d'une Géographie bretonne.
Quand on pense aux marais salants en Bretagne, on pense immédiatement aux Marais salants de Guérande (composés de deux bassins différents : bassin salicole de Batz-Guérande, et bassin d'Assérac-Mesquer), des marais importants qui ont fait la richesse de la ville (avec la vigne) ; ce sont les marais salants de la Bretagne bretonnante puisqu'on parlait traditionnellement breton à Guérande. Mais au Moyen-Âge, il y avait un autre grand marais salant plus au sud en Bretagne, en Haute-Bretagne gallèse (la Bretagne orientale gallo-romane), plus importants que ceux de Guérande :
le 'Marais breton'.
C'est parce que la Bretagne méridionale produisait tout le sel marin breton que l'ensemble de la Bretagne ne connaissait pas la "gabelle" (taxe royale sur le sel) à l'époque des Ducs de Bretagne (cette énorme taxe ne pouvait pas s'appliquer dans le Duché de Bretagne, état indépendant à l'époque) et que tous les Bretons bénéficiaient d'un sel à bien meilleurs marché qu'ailleurs (d'où le beurre salé). Les États de Bretagne ont veillé ensuite, à l'Époque moderne, à ce que le pouvoir absolu n'empiète pas trop sur les droits de la Province de Bretagne (province 'réputée étrangère'), c'est un héritage du temps de l'annexion (1532), raison pour laquelle les Bretons n'ont jamais payé la gabelle.
Le beurre breton est donc salé grâce à cette production bretonne de sel et à l'absence de taxe sur le sel en Bretagne, la typicité de ce produit de terroir est le résultat de l'Histoire de Bretagne, la gastronomie bretonne est le fruit de cette Histoire et de cette Géographie bretonne particulière. Les critères de définition d'un terroir ne se limitent pas à la Géographie physique, il faut aussi tenir compte de la Géographie humaine et de l'Histoire.
Avec plus de 50 000 hectares de salines, le Marais breton était la zone de production de sel la plus importante de toute l’Europe. Le commerce international a permis au port de Bourgneuf d’exporter son sel marin (surtout vers l'Europe septentrionale), et Bourgneuf a été du XIIème siècle au XVIIème siècle, le port le plus important de la façade atlantique, pour le portage du sel. Mais commence ensuite la décadence, lente mais sûre, l’envasement progressif des marais a mis fin à cet âge d’or du sel.
On voit que le marais salant est compris en entier en Bretagne. Les navires de l'Europe du nord qui venaient chercher du sel ne s'y trompaient pas, ils venaient bien en Bretagne, en Bretagne nantaise, dans une baie bretonne.
Les cartes mentionnées :
1 - Extrait de la "Carte de l'évesché de Nantes, dédiée a Monseigneur l'illustrissime et reverendissime Messire Gilles de Beauvau evesque de Nantes", par Guillaume de Lambilly (1652-1717) jésuite professeur d'hydrographie, éd. en 1695.
2 - Extrait de la "Carte de l'évèché de Nantes" de Alexis-Hubert Jaillot (1632-1712), cartographe, éd. en 1696.
3 - "Carte particuliere des costes de Bretagne qui comprend l'entréé de la Loire et l'Isle de Noirmoutier comme elles paroissent à Basse Mer dans les grandes marées" de Charles Pene, éd. en 1693.
4 - Extrait de la "Carte de Cassini", N°131. Flle 168 , éd. en 1783-1786.
5 - "Carte d'une partie des côtes de Bretagne, dépendantes du département de Nantes, qui comprend depuis le port de la Roche prés Machecou jusqu'à la rive gauche de la rivière de Vilaine pour faire voir la disposition des batteries et corps de garde qui y sont placés" de Joseph-Étienne Le Febvre (1701-1765), cartographe, éd. en 1755.
6 - "Carte géométrique du Comté nantois" par l'ingénieur géographe Jean-Baptiste Ogée, (1728-1789), éd. en 1768.
7 - Les bassins salicoles du sud Bretagne d'après la carte de l'ingénieur géographe Jean-Baptiste Ogée, l'auteur du 'Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne ; dédié à la nation bretonne' (en 4 volumes, Nantes, 1778-1780).
Le département de la Vendée a renommé le Marais Breton en "marais breton vendéen", évidemment cette récente dénomination ne peut s'appliquer qu'à la partie vendéenne du Marais Breton. Le bassin nord, en Loire-Atlantique et donc situé en Bretagne, ne peut s'appeler que "Marais breton". Le département de la Vendée ne peut pas nous imposer ses choix, et en Loire-Atlantique on ne doit employer que le nom traditionnel : MARAIS BRETON. Le nom "marais breton vendéen" est pourtant repris par la région administrative dite des "pays de la loire", le mot "breton" dérange les adeptes du jacobinisme et doit leur être insupportable ; voir par exemple la 6ème carte si dessous.
On voit sur cette carte qu'il y a deux bassins séparés par la pointe de Beauvoir. A l'origine ces deux bassins était bien séparés, formant deux marais différents (les marais salants se trouvant dans le bassin nord, en Bretagne). Mais à la fin du XVIII, début du XIX siècle, grâce aux techniques apportées par les Hollandais, de grands polders agricoles sont construits en façade maritime du marais.
Au nord se trouve le bassin de Machecoul (importante place forte dans la protection des Marches des Bretagne), ce marais appartient donc bien à la Bretagne : c'est le Marais Breton et le seul nom qui convient à ce marais. Au sud, c'est le bassin de Challans (bordé au nord par la presqu’île de Beauvoir), il appartient donc au bas Poitou et donc à la Vendée. Si le mot "breton" leur est trop insupportable, ils peuvent le supprimer, ça ne nous concerne pas, ils auront ainsi leur "Marais Vendéen" (distinct de leur autre marais : le Marais Poitevin).
L’île de Bouin, juchée sur une butte calcaire de faible relief, était auparavant séparée du continent par le bras de mer appelé le Dain, jusqu’à ce qu’un pont la relie à Bourgneuf en 1834. Elle était alors un important centre de production de sel grâce à ses nombreux marais salants. L’envasement progressif de la baie, ainsi que la construction de digues visant à protéger l’île, a progressivement rattaché Bouin au continent et formé le polder agricole actuel.
Des communes du bassin nord du marais, maintenant vendéennes, appartenaient avant la révolution aux "Marches communes de Bretagne et Poitou". Au moment de la création des départements, les habitants de cette région, qui avaient des relations étroites avec la ville de Nantes, auraient préféré être rattachées au département de la Loire-Atlantique. Dans "Recherches économiques et statistiques sur le département de la Loire Inférieure – Annuaire de l’an XI." de Jean-Baptiste Huet de Coetlizan (éd. chez Mme Malassis, an XII de la RF – sept. 1803 / sept. 1804), on peut lire (page 10) : « les habitans de l’île de Bouin et la plus grande partie de l’ancien district de Challans, qui ont des relations habituelles avec Nantes… ont demandé à être réunis à la Loire inférieure. ».
Le Marais breton est donc lié à Nantes, ses habitants vivent dans l’aire d'attraction de cette grande ville et sous son influence, cette région est comme une zone de transition entre Bretagne et Poitou. Cela a des conséquences culturelles, même les Maraichins du bassin sud se distinguent de la population vendéenne. Dans l’Annuaire de la Société d’émulation de la Vendée (58e année, 6e série – Vol. I, 2ème fascicule, éd. Raoul Ivonnet, 1911), on trouve les études philologiques et littéraires de Louis-Théophile Rousseau (originaire de l’est du département) sur « Le patois vendéen », et notamment (pp. 163-177) sur « Le patois du Marais Breton ». On peut y lire (page 163) sur ce marais : « Cette population ne ressemble, en Vendée, à aucune autre. Elle a son costume particulier, des mœurs dont on a beaucoup parlé… (page 167) le maraîchin forme une race très caractérisée, très à part, très différente du vendéen… (page 175) Avant de terminer ce chapitre consacré au Marais, il est (page 176) utile, je crois, pour le compléter, de dire un mot sur les danses maraîchines. Elles ont un caractère particulier, inconnu au reste de la Vendée… Dans la rue des Sables j'entendis le son de la vèse ; je m'arrêtai devant un maraîchin qui jouait de cet instrument, aujourd'hui connu du seul Marais breton ». C'est de la vèze nantaise que l'on jouait aussi dans le Marais Breton.
La dernière carte montre les Marches Bretagne-Poitou.
De nos jours, deux fleuves côtiers délimitent la Bretagne : le Couesnon au nord et le Falleron au sud.
Christophe M. JOSSO
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