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  • Photo du rédacteurJosso

MUSCADET, MALVOISIE et BERLIGOU.

Les Celtes ont appris la viticulture longtemps avant l'occupation romaine, grâce aux Grecs de Μασσαλία (Marseille). Il aura fallu attendre que de nouveaux cépages plus précoces soient repérés pour que la culture de la vigne puisse s'étendre hors de la zone méditerranéenne. Ces premiers cépages rustiques sont certainement issus de croisements entre vignes cultivées méditerranéennes et vignes sauvages locales (Vitis sylvestris) ; le cépage Savagnin par exemple, qui est un parent du Chenin (et de nombreux autres cépages), reste très proche des vignes sauvages.


C'est par la vallée du Rhône et de la Garonne que cette première viticulture s'est diffusé vers le nord, et ces premiers cépages adaptés à un climat plus frais portent des noms celtiques : Allobrogica (du territoire des Allobroges, vers Vienne en Isère), et Biturica (du territoire des Bitugiges Vivisques, vers Bordeaux en Gironde). La viticulture est arrivée en Armorique durant l'Antiquité, et rien n'interdit de penser qu'elle serait arrivée à la même époque sans les Romains ; Vercingetorix faisait battre des monnaies où l'on voit une amphore vinaire, ce qui montre l'importance du vin dans l'économie de l'espace celtique indépendant à cette époque.


Les cépages cultivés en Bretagne sont arrivés par deux voies différentes :


- d'Aquitaine par la mer (comme la Magdeleine noire des Charentes retrouvée en premier sur les bords de la Rance, et mère du Merlot, Abouriou, Côt-Malbec... ; comme le Cabernet franc ; comme le Gros-plant arrivé de Charentes, cépage rustique et gros producteur ; et peut-être le Chenin, nommé Aunis à Guérande et Sarzeau).


- en descendant la Loire. Des cépages bourguignons comme le Pinot noir sont arrivés très tôt dans les pays de la Loire, comme à Orléans, où il se nommait "Auvernat" (probablement introduit dans l’Orléanais depuis l’Auvergne), ce synonyme du Pinot apparait vers 1250 dans un fabliau (intitulé 'De la borgoise d’Orliens', où le mot est écrit "auvernois"). Il ne serait donc pas étonnant que le Pinot soit arrivé en Bretagne à la fin du Moyen-âge, la famille des Pinots est en effet adaptée au climat frais de la limite climatique de la culture de la vigne.


Dans la famille des Pinots, on a en Bretagne :


- La « Malvoisie », le nom donné au Pinot gris dans le Pays Nantais (et ailleurs, comme dans le canton suisse du Valais, à l’autre extrémité du domaine gallo-roman), on voit que ce nom n’était pas utilisé uniquement dans les seuls Coteaux d’Ancenis à cette époque. Le nom Malvoisie a été attribué à tort à plusieurs cépages aptes à donner des vins doux. Le nom vient du grec par l’intermédiaire de l’italien, le port grec de Μονεμβασία a été un comptoir commercial vénitien d’où était exporté le célèbre vin grec. Le mot est ancien en français, on le trouve par exemple au XIVesiècle dans « la malvoisie chez les Lombards » (« la melleuesie chielz les lombars », in 'Chroniques sire Jehan Froissart', BNF, manuscrit français 2644 ; fol. 160r, col. a, l. 35). Dans son Französisches Etymologisches Wörterbuch, Walther von Wartburg en donne (sous l’entrée « malvesie ») diverses variantes, avec l’explication « vin muscat, importé de Grèce ». Le Pinot gris (mutation du Pinot noir) est originaire de Bourgogne comme le Melon (de Bourgogne).


- Le « Melon » est un descendant du Pinot noir, nommé Muscadet en Bretagne. Le nom « Muscadet » semble être un diminutif de « Muscat », autre célèbre cépage d’origine grecque (« Muscadet… On appelle ainsi certaine sorte de vin qui a quelque goust de vin muscat. » d’après la première édition du Dictionnaire de L'Académie française, 1694). On trouve le nom – cité à côté du vin de Chypre – dans un texte du XIIIe siècle : la 'Desputoison du vin et de l’iaue' (BNF, manuscrit français, Ms. 24432, fol. 26rb, ligne 26). L’étymologie ramène au mot « musc » (arome musqué) d’une racine grecque « μόσχος », pour nommer le cépage par son arome, un arome pourtant différent du Musc, du Muscat ou de la Muscade.


- Il existe un troisième cépage originaire de Bourgogne, et qui est certainement promis à un grand avenir : le « Berligou » (variante bretonne du Pinot noir, une légère différence génétique fait du Berligou une variété autonome), qui a lui un nom tout à fait local et breton, puisqu’il était cultivé près de Nantes au lieu-dit Berligou en Couëron, propriété des Ducs de Bretagne. Selon la légende, ce cépage aurait été offert au Duc de Bretagne François II par le Duc de Bourgogne Charles le Téméraire. L’étymologie du nom demandera encore un peu de travail.


« melleuesie », in 'Chroniques sire Jehan Froissart', col. a, l. 35.



« muscadet », in 'Desputoison du vin et de l’iaue', col. b, ligne 26.



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