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GALLO-BRITTONIQUE vs GAULOIS


Le terme "gaulois", bien encrée dans l'esprit des habitants de l'Hexagone, n'est pas le meilleur terme pour décrire la situation linguistique de l'Age du Fer et au delà. Ce mot fait croire que les habitants de ce qui allait devenir la Gaule (colonie romaine) avait une langue celtique distincte des populations celtiques voisines, ce qui n'est pas vrai. Le breton appartiendrait donc à une autre branche du celtique, ce qui est faux.


Le celtique commun (ou un continuum de dialectes celtiques) est une langue préhistorique, et donc non écrite, qui était parlée dans un immense espace en Europe avant les invasions romaines puis germaniques. La civilisation celtique de l’Âge du Fer devrait être traitée comme l’une des composantes essentielles de l’histoire de l’Europe, mais faute d’enseignement, l’immense majorité de la population européenne ne connaît rien de cette grande civilisation.


Le celtique commun est à l’origine des six langues celtiques modernes, et d’autres langues ou dialectes historiques, attestées et disparues : le celtibère dans la péninsule ibérique, peut-être le lépontique dans le nord de l’Italie s'il n'est pas simplement un dialecte du celtique continental (il a de toute manière été assimilé par une autre vague celtique dans ce qui est devenu la Gaule cisalpine), et peut-être le picte du nord de l’Écosse (fondu ensuite dans le gaélique venu d'Irlande).


On peut séparer le celtique en deux branches distinctes suite à des évolutions différentes : dans les marges un celtique archaïsant, dit "Q-celtique", a l’origine des langues gaéliques (irlandais, écossais et manoix), et en position centrale dans l’espace celtique de l'Âge du fer : le P-celtique, qui a vu un son / kʷ / évoluer en / p /, et qui est à l’origine des langues brittoniques modernes (gallois, cornique et breton). Les innovations du P-celtique sont probablement liées au développement dans le centre de l’Europe des civilisations de Hallstatt puis La Tène, les régions les plus riches et les plus avancées diffusant leurs innovations techniques, artistiques et linguistiques aux populations proto-celtiques situées au nord-ouest de l’Europe.


Les archéologues préfèrent voir dans l’extension de ces civilisations une celtisation de l’Europe, sur le modèle des migrations celtiques historiques (de Brennos à Rome jusqu’aux Galates d’Asie mineure), alors que la diffusion de ces innovations a pu être facilitée par la communauté de langue. "The earliest place- and ethnic-names from Ireland and Britain show that Celtic speech was already established there very early in the Iron Age, before the penetration of the La Tene influences... we may look to known archaeological and proto-historical developments of the subsequent La Tene period as the agency of adstratum effects upon an older Celtic koine... The Insular Celtic phenomenon, where it diverges from Gaulish, can be explained as a result of common late survival and continued mutual influence within the British Isles after the cultural preeminence of Celtic Gaul had been broken by the Roman conquest." (J. T. Koch : "Gallo-Brittonic vs. Insular Celtic"). Mais étant donné l'absence de preuves archéologiques déterminantes d'une conquête du nord-ouest de l'Europe, la présence de populations proto-celtiques dans cette région peut être bien plus ancienne.


Il existe d’ailleurs diverses hypothèses, d’éminents chercheurs, qui font remonter l’indo-européen en Europe au néolithique (Colin Renfrew), voire plus tôt encore (Mario Alinei). "Tout doit être remis en perspective et relié aux découvertes les plus récentes qui clairement remettent en cause ce schéma de Celtes guerriers envahissant à cheval, armés d'épées de fer, nos contrées appelées jusqu'à aujourd'hui - sans discontinuité - celtique." (F. Favereau)


D’autres divergences linguistiques ont éloigné le P-celtique des celtiques périphériques, et des linguistes (comme Léon Fleuriot en Bretagne) ont montré qu’il y avait communauté linguistique entre l’île de Bretagne et le continent, d'où le néologisme : "gallo-brittonique" pour nommer la langue commune parlée entre Gaule et Bretagne (calque du terme "indo-européen"). Même s’il y avait, comme dans toute langue, des variations dialectales, rien ne permet de séparer en deux langues distinctes (intercompréhension impossible) le celtique insulaire du celtique continental. On ne voit par pourquoi la langue parlée par les Armoricains aurait été plus proche de celle des Belges ou des Gaulois cisalpins que de la langue des Bretons de l’île.


Des considérations politiques gênent aussi la vision que l’on peut avoir de l’histoire de la langue bretonne, lorsque l’on est régionaliste on met l’accent sur l’héritage gaulois (minimiser la différence), lorsque l’on est nationaliste on met l’accent sur l’émigration des Bretons d’outre-Manche (maximiser la différence). Le roman national français a aussi du mal à se défaire du mythe gaulois, avec une Gaule existant de toute éternité et bien sûr distincte de la "perfide Albion", alors que la Gaule ne préexiste pas à l’invasion romaine (la Gaule est le nom d’une colonie romaine, c’est tout). De la même façon, les Britanniques doivent aussi tenir au proto-brittonique, comme langue distincte du celtique continental. Il n’existe pas de langue gauloise distincte des autres parlers celtiques des régions voisines (on ne devrait plus parler de langue gauloise).


Seule la différence d’époque entre les sources antiques et les sources médiévales permet de distinguer respectivement un celtique continental d’une celtique insulaire, mais cela conduit à laisser croire à deux branches celtiques différentes, alors que l’on peut parler maintenant d’une branche celtique « gallo-brittonique » (Fleuriot, Schmitt, Koch, Lambert).


Étant donné la proximité des variétés insulaires et continentales du gallo-brittonique, il est particulièrement compliqué de connaître l’influence celtique continentale sur la langue bretonne, mais il n’est pas du tout irréaliste de penser que la variété armoricaine du gallo-brittonique ait perduré jusqu’à l’arrivée des Bretons de l’île (le breton a survécu à des siècles d'un pouvoir de langue française, le basque est bien là aussi pour prouver que c’est possible).


Le gallo-brittonique, ayant été parlé bien au-delà dans l'espace que son descendant breton, la langue bretonne est donc aussi un héritage des Hauts Bretons, elle appartient au patrimoine de l’ensemble de la Bretagne (voire au-delà).




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