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LA CORNE À BOIRE.


Les Bretons ont « La chanson du cidre » (Frédéric Le Guyader, éd. H. Caillière, 1901), « Son ar chistr » (La chanson du cidre), un chant populaire des années 1920 devenu célèbre dans les année 1970 grâce à la version d’Alan Stivell (Reflets), ainsi qu'un "Son ar chupere" (La chanson de l'hydromel), un poème de Narsis Kellien (Breiz – Poésies bretonnes, éd. J. Maisonneuve, 1898 ; page 16-21), on peut y lire (page 16) :


"Mad e gwin ru d’ar Galloed,

Evel dour red d’al lapoused ;

Chupere ’n euz ar Vretoned."

"Le vin rouge est bon pour les Français,

Comme l’eau courante pour les oiseaux ;

Les Bretons ont l’hydromel."


Les Gallois ont aussi un « Chant de l’hydromel » (« Kanu y med »), beaucoup plus ancien.Il se trouve dans le "Llyfr Taliesin" (Livre de Taliesin, manuscrit Peniarth MS 2, daté de la première moitié du XIVe siècle, conservé à la Bibliothèque nationale du Pays de Galles). Ce manuscrit contient un recueil de quelques-uns des plus anciens poèmes gallois, dont certains attribués au barde Taliesin (VIe siècle). Dans "Kanu y med", on peut lire (aux trois dernières lignes de l'image ci-dessus) :


"Medhet maelgỽn mon, ac a’n medwa,

A’e vedgorn ewyn gỽerlyn gỽymha.

A’s kynnull gỽenyn…"

"Que s’enivre Maelgon de Mona, et qu’il nous enivre,

avec sa corne, de l’écume de la liqueur la plus agréable,

que collectent les abeilles…."


Dans les banquets, l'hydromel se buvait alors dans des cornes à boire. Autre exemple :

Le poème "Hirlas Owain" (« La longue [corne] grise d’Owain ») se déroule à la cour d’ Owain Cyfeiliog (1130 - 1197), un prince gallois qui fait l’éloge de ses compagnons d’armes lors d’un banquet après une mission, et demande à chaque strophe que soit remplie une corne à boire pour chacun d’entre eux. C’est un long poème probablement composé par Cynddelw Brydydd Mawr, l’un des anciens poètes (gogynfeirdd) les plus en vue au Pays de Galles au XIIe siècle (« pencerdd / musicien en chef » de la court royal de Powys). La louange était l’une des fonctions du barde celtique (celtique « bardos » > « bard » en vieil-irlandais, « bardd » en gallois, le moyen-breton « barz » est traduit par « meneſtrier » [ménestrel] dans le "Catholicon" de Jehan Lagadeuc de 1464). Ce poème se trouve dans le "Llyfr coch Hergest" ("Livre rouge de Hergest", manuscrit Jesus College MS. 111, écrit vers 1400 et conservé à la bibliothèque de Bodley d’Oxford), dont la poésie a été éditée par John Gwenogvryn Evans ("The poetry in the Red book of Hergest", éd. Llanbedrog N. Wales, 1911 ; page 172, col. b), on peut lire (fol. 360v, col. b) ce passage :


"Dywllaỽ dy veneſtyr¹ na vynn aghen²

corn can anryded y ghyuedeu.

hirlas buelyn breint³ uchel hen**⁴

aryant a e gortho nyt gortheneu.

a dydỽc y dudyr, eryr aereu.

gỽiraỽt gyſſeuin or gỽin gỽineu⁵.

ony daỽ y meỽn or med goreu oll…"

"Sert, échanson, qu’il n’ait pas soif,

l’éclatante corne d’honneur des festins,

la longue corne grise d’aurochs, de haute et si antique renommée,

largement recouverte d’argent,

et apporte à Tudur, aigle de combat,

le premier coup à boire de vin rouge sombre,

à moins qu’on apporte de l’hydromel, le meilleur de tous…"


On retrouve dans un ancien récit irlandais : "Scéla Mongáin ⁊ Echdach Rígéicis" (L'histoire de Mongán et Eochaid Rígéices), la mention de cette corne à boire traditionnelle. Cette courte histoire est conservée dans un manuscrit de la fin du XIVe siècle (le manuscrit MS 1318 du Trinity College de Dublin, dit : "Leabhar Buidhe Lecain" (Livre jaune de Lecan), on peut lire (p. 135b, col. 801, l. 30) :


"oc ól meda a curn glas"

"buvant de l’hydromel dans une corne à boire grise"


Le service de l'hydromel se faisait dans des cornes à boire, nommées "medgyrn" en moyen-gallois (singulier "medgorn"), lors de grandes festivités qui devaient avoir une fonction sociale et religieuse importante. Ces cornes de prestige étaient faites de cornes d'aurochs, de la taille des cornes de la race bovine des Highlands d'Écosse.


Cette pratique médiévale est un héritage de l'Âge du Fer celtique, comme l'atteste la tombe princière celtique d'Hochdorf (culture de Hallstatt) découverte en 1977 au nord-ouest de Stuttgart. Cette sépulture restée inviolée était à l'origine sous un tumulus d'un diamètre d'environ 60 mètres et d'une hauteur estimée de 10 mètres. En son centre était creusé un grand caveau aux parois coffrées de bois. Elle a livré les restes d'un homme richement paré et un mobilier d'une exceptionnelle richesse, dont neuf cornes à boire, huit en corne d’aurochs et une, plus grande, en fer. Elles étaient recouvertes de feuilles d'or.

La corne a eu une importance symbolique, comme corne d'appel (comparable au "shophar"), et comme corne à boire, symbole d'abondance.


Les document sont placés dans l'ordre, le dernier est issu de l'étude de Stéphane Verger : "La grande tombe de Hochdorf, mise en scène funéraire d’un cursus honorum tribal hors pair" (Siris 7,2006, 5-44 / page 18).


Christophe M. JOSSO

© Tous droits réservés - 2021


3 dernière lignes :

".................Medhet maelgỽn mon, ac a’n med

wa, A’e vedgorn ewyn gỽerlyn gỽymha. A’s ky

nnull gỽenyn…"


"Dywllaỽ dy veneſtyr na vynn aghen

corn can anryded y ghyuedeu.

hirlas buelyn breint uchel hen**

aryant a e gortho nyt gortheneu.

a dydỽc y dudyr, eryr aereu.

gỽiraỽt gyſſeuin or gỽin gỽineu.

ony daỽ y meỽn or med goreu oll…"


"oc ól meda a curn glas"


La race bovine des Highlands d'Écosse (Bò Ghàidhealach)a conservé des cornes de la taille de celles de son ancêtre sauvage l'auroch.


Tiré de l'étude de Stéphane Verger : "La grande tombe de Hochdorf, mise en scène funéraire d’un cursus honorum tribal hors pair" (Siris 7,2006, 5-44 / page 18).

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