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  • Photo du rédacteurJosso

LA VÈZE NANTAISE D'APRÈS J.-B. HUET DE COËTLIZAN.


Un passage - pourtant connu - du texte de Jean-Baptiste Huet de Coëtlizan (1769-1823) aurait dû attirer davantage l'attention des spécialistes de la cornemuse, à mon avis ('Statistique du département de la Loire-Inférieure', éd. Impr. des Sourds-muets, 1801). Il décrit la vèze pratiquée dans le département à l'époque, qui est aussi l'époque d'apparition du binioù bihan plus à l'ouest.


Il dit :


"Les habitans de nos campagnes... n’emploient qu’un seul instrument, qu’on croirait plutôt appartenir aux montagnes d’Ecosse, qu’à l’un des beaux pays de la France… Trois chalumeaux sont adaptés à une peau de mouton apprêtée en forme de ballon : le plus grand se termine par un pavillon qui dépasse l’épaule gauche du joueur ; il est armé d’une grosse anche enfermée dans la peau ; l’autre a son anche également cachée, se termine en flûte, et il est percé de six trous très-rapprochés. Le premier forme un bourdon monotone qui accompagne continuellement les modulations fort peu étendues du second. Le troisième est placé à la portée de la bouche. Quand le ballon est enflé, l’art consiste à ménager l’air par une pression du coude mesurée, de (page 10) sorte que, sans interrompre le son, le coryphée puisse prendre haleine. Cette musette, demi-sauvage, suffit à toutes nos fêtes, à tous nos plaisirs… elle anime, elle exalte, elle enchante nos assemblée et nos foires ; elle seule accompagne ces noces tumultueuses où apparaissent quelques fois plusieurs centaines de convives…"


Il précise - qu'à cette époque - le levriad de la vèze était "percé de six trous", comme on pouvait à l'occasion s'en servir comme d'une bombarde (usage attesté à Guérande), ce levriad fait donc penser à une bombarde vannetaise à 6 trous. Cette perce devait être suffisante pour jouer la musique correspondant au fond ancien de danses dans le département : les danses collectives du type "rond paludier" / "rond mitau". Nul besoin non plus, à cette époque et pour ces danses, d'une perce permettant d'avoir une gamme chromatique.


La vèze moderne, dite "veuze" (d'après la prononciation du Marais breton), a été reconstituée à partir du modèle nantais majoritaire, mais du côté de Guérande on trouvait aussi un autre type, plus proche des instruments du Pays Vannetais voisin, l'instrument n'était d'ailleurs pas nommé "vèze" ou "veuze" mais "binioù" (Guérande n'appartient pas traditionnellement au pays gallo mais à la Bretagne bretonnante). Le bourdon pouvait ressembler à celui d'un binioù bihan, et le levriad pouvait avoir la forme d'une bombarde avec un pavillon, c'est le cas de la vèze du dernier sonneur Jean-Marie Rouaud, qui vivait dans le village voisin de celui où j'ai passé mon adolescence, on peut voir la photographie d'éléments de son instrument dans "Musique bretonne - Histoire des sonneurs de tradition" (éd. Le Chasse-Marée - ArMen, 1996 ; pages 348 / 350).


Il ne faudrait pas écarter trop rapidement et d'un revers de manche ce type d'instrument. D'abord il est normal que la région de Guérande ait des affinités avec le Pays Vannetais voisin, le Pays de Guérande est comme un prolongement du Pays Vannetais en Loire-Atlantique. Et puis surtout, des chalumeaux en forme de bombarde, c'était courant dans les temps anciens en Europe , il s'agit donc plutôt d'un héritage et d'un archaïsme qu'une innovation ou une fantaisie de luthier.


Ci-dessous : vèze de l'église de Breles (29) du type de la vèze guérandaise de J.-M. Rouaud, photo tirée du site "Iconographie de la cornemuse" de C. et J.-L. Matte. C'est une vèze de ce genre que j'aimerais pour moi-même, il faut cultiver tout ce qui fait la spécificité du Pays de Guérande.








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