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LAENNEC ET LE GASTRONOMIE BRETONNE.

Dernière mise à jour : 3 févr. 2022


La gastronomie bretonne a été célébrée au début XIXème siècle par Théophile-Marie Laennec.


Th.-M. Laennec (1747-1836) est le fils de Michel Marie Alexandre Laennec (1714-1782), seigneur de Kerlouarnec, qui a été maire de Quimper et le député de cette ville aux États de Bretagne. Il est le frère de Guillaume Laennec (1748-1822), médecin-chef à l’Hôtel-Dieu de Nantes, professeur et directeur de l'école de médecine puis recteur de l’Université. Il est aussi le père de l’illustre médecin René-Théophile Laënnec (1781-1826), le créateur du diagnostic médical par auscultation et du stéthoscope, aussi connu pour sa charité envers les pauvres et son intérêt pour la langue bretonne.



Personnage intéressant, Th.-M. Laennec est devenu magistrat à Quimper et avocat au Parlement de Bretagne, et a été l'un des premiers bretons à s'insurger contre la traite négrière (« ce trafic honteux que la mollesse ou plutôt la barbarie des Européens leur fait regarder comme nécessaire », 1778).


Th.-M. Laennec s’est par la suite installé à Saint-Brieuc. C’est là qu’il fait la connaissance du pharmacien Efflam Le Maout (1764-1852). Originaire de Plestin-les-Grèves, E. Le Maout commence sa carrière à Brest où il a notamment traduit en breton des textes révolutionnaires, il ouvre ensuite une officine à Guingamp et lance en 1802 un produit voué à un vif succès : la « Moutarde Celtique », il s’installe plus tard à Saint-Brieuc. Certains de ses fils seront aussi connus, le botaniste Emmanuel Le Maout est l’auteur en autres d'un Traité général de Botanique, Charles Le Maout se distingue aussi par ses travaux scientifiques sur « le miasme du choléra ».


Pour assurer la publicité de sa fameuse moutarde, Efflam Le Maout fit appel à ses amis, Théophile-Marie Laennec rédigea ainsi une poésie glorifiant le produit et publié dans le "Journal des gourmands" (éd. Capelle et Renand, Tome VIII, 4ème trimestre de 1807). Dans "La Muse bretonne, étrennes pour l'an 1809 dédiées aux dames" éditée par François-Marie Binard (Brest, 1809).


On trouve aussi un texte truculent de Th.-M. Laennec signée « Philothée-Rimea Lenacen », on peut y lire (page 198) : « Parmi les titres qui recommandent la Nation Bretonne à l'admiration de l'Europe, à la reconnoissance de la postérité, se place aux premiers rangs l'inappréciable invention de la Moutarde Celtique… ». Le texte a été réédité plusieurs fois et remanié, le plus complet étant : La moutarde celtique, poème en IX chants, Héroico-Historico-Erotico-Comico-Lirique, avec une préface par le meilleur des amis de l’auteur, adressé à la société épicurienne (7ème éd. imp. de Guyon aîné, Saint-Brieuc, 1827). On y trouve (page 2) une belle liste de produits bretons renommés parmi les gastronomes de l’époque :

« Pour un Breton, le plaisir le plus grand est de boire et manger ; le plus grand plaisir après celui-là est de manger et boire : mais quel plaisir serait doux, lorsqu'on l’achette par des inquiétudes sur la santé ? La jouissance la plus vive avait autrefois sa mesure, passé laquelle ce n'était plus une jouissance. L'estomac le plus robuste, le plus breton, était soumis aux règles importunes de l'hygienne vulgaire… Il était bien malheureux que dans un pays de bonne chère, on ne pût être gourmand avec quelque impunité.



Entouré des bœufs de Carhaix ; des veaux de Machecou ; des moutons de Plouézec et de Pontcroix ; des gras doubles (page 3) de Lamballe ; des poulardes de Rennes et de Guingamp ; des chapons de Braspart, des cochons de lait, des canards que fournissaient au brave et somptueux Tinteniac ses moulins de Pontaven ; des perdrix de Carhaix et de Gourin ; des oies grasses, des gras dindons, des bécasses, des bécassines, des sarcelles, des bernaches, des pluviers dorés, des ortolans qui réparent un peu pour la côte de Penmarc'h le terrible renom que lui ont fait ses rocs et ses naufrages ; Entouré de cette légion de daims, de biches, de cerfs, de marcassins, de chevreuils qui appellent nos chasseurs dans les forêts du Cranou, de Quimerc'h et de la Hunaudaie ;




Entouré des saumons, des tanches, des truites saumonées de Châteaulin, de ces belles carpes de Pontivy que le bon Racine aurait aimé à manger en famille ; des brochets dont le héros de la surveillante, notre célèbre Ducouëdic avait peuplé son bel étang de Corrouar ; des anguilles de Jugon, meilleures que celles de Sybaris ; des sardines et des rougets de Concarneau ; des soles de Chérué ; des turbots de Plestin et de Rosbras ; des raies nourries sur ces doux sables de Douarnenez, que la drague ne profane point ; des homards, des écrevisses de Benodet ; des morues que nous donnent les mers de cet Ouessant renommé par son carême impromptu dans les fastes de la gourmandise et de la poésie ; de ces aloses, de ces lamproies, de ces vives succulentes dont l'Erdre dispute à la Loire le privilège de couvrir les tables nantaises :



Entouré des huîtres de Cancale, de Cancale en Bretagne, (quel honneur pour la Bretagne de voir s'élever ce fameux rocher de Cancale, l'immortel palladium de l’Empire Gourmand !) ; des huîtres de Trégnier qui valent bien leurs compatriotes de Cancale ; des huîtres de Bélon qui valent mieux ;



des beurres de la Prévalais et de Quintin qui s'amalgament si délicieusement avec ces miches dorées de Pontscorff et de Guichen que dédaigne un peu trop le (page 4) Chevalier de Piis et dont l'honorable Epicurien ne dirait pas autant de mal, s'il avait eu le bonheur de naître sur les rives sauvages de l'Armorique ou sur cette cime romantique du Ménéhom où l’air épuré, raréfié, devient pour les estomacs les plus débiles un stimulant actif, un puissant véhicule qui pourrait presque se passer de moutarde :



Entouré des saucisses de Quimper, des andouilles d'Auray, des choux de Saint-Brieuc : Entouré des brioches qui naquirent, sans doute, aussi à Saint-Brieuc, comme le démontre l'étimologie du mot ; des biscuits d'Audierne, des biscotins de Vannes ; des crêpes de Lannion et de Pont-Labbé ; de ces brillantes praslines blanches, brunes, roses, lilas, inventées dans les fêtes du Château de Lorge pour les Seigneurs du lieu nos vaillants et généreux Praslins, comme si la même province, le même département avaient dû voir éclore tous les ingrédiens les plus nécessaires d'un bon repas, depuis la moutarde jusques aux praslines :



Entouré des laitages de Fougères qui s'enorgueillit encore des pâturages que chérissait l'immortelle Sévigné ; des fraises, des groseilles, des groseilles-castilles, des abricots, des pêches de Plougastel ; des framboises de Landerneau ; des muscats de Nantes ; des poires de Quessoy ; des angéliques de Châteaubriant : Entouré des vins de retour que recelaient les riches caves de Brest : De cet élixir de garus que notre le Maoût compose avec des précautions si savantes : De ces mokas précieux qui, triés dans les somptueux magasins de Lorient, partagent avec notre moutarde, la gloire de rendre les digestions plus douces, plus rapides et de mettre ainsi l'heureux convive en puissance de recommencer plutôt :



(page 5) Je croyais toujours voir la main du sévère Hypocrate écrire sur les murs de ma salle : INDIGESTION. Aux rives du Gouet, de la Loire ou du Blavet, l'indigestion était, comme aux bords de la Seine, le mal de la bonne compagnie. Pour manger tout le jour, pour boire toute la nuit sans s'incommoder, les malheureux Bretons étaient réduits à faire des voyages aux Glénans ou aux Seins, îles de l'océan qui appartinrent à des moines ; îles dignes en effet, par l'appétit vorace qu'on y éprouve, d’appartenir à des gourmands de profession. Les épices les plus violentes, les préparations synapiques, les mieux entendues n'y faisaient œuvre.

J'ai vu employer en vain les caris de Pondichéry, les souifs de la Chine, les nids d'oiseaux que les vaisseaux de l'Orient m'apportaient de l'Inde, la rhubarbe, le quinquina, les moutardes de Maille, de Naigeon, de Bordin, le plus grand des problêmes était encore à résoudre ; le problème de boire beaucoup, de manger beaucoup et de se porter bien.



Enfin parut Le Maoût… Le Maoût né au pays des Celto-Bretons dont il parle l’énergique idiome avec une grâce toute particulière que lui enviaient ses amis la Tour d'Auvergne et le Brigant, le Maoût qui a l'anagramme de son nom dans le mot moutarde, imagina, découvrit, inventa, créa la moutarde qu'il nomma celtique, par une attention de modestie qui fait rejaillir la gloire de l'auteur sur le pays qui l'a vu naître. La moutarde en effet est celtique d'origine… Ce mot Sezo paraît avoir été le type primitif du mot assaisonnement, comme si l'on avait voulu dire que la moutarde était l'assaisonnement par exellence… ».




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