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LE CÉPAGE NOMMÉ « L'AUNIS » DE GUÉRANDE À SARZEAU. (quatrième partie - 1)

Dernière mise à jour : 23 mars 2023

Article publié dans 'Histoire & Patrimoine', éd. A.P.H.R.N. (Association Patrimoine et Histoire de la Région Nazairienne), n° 105 d'avril 2023.



IV Le terroir de l’Aunis.


« La nourriture est très souvent chargée de représenter la survivance savoureuse d’une ancienne société rurale… elle maintient le souvenir du terroir jusque dans la vie moderne »

Roland Barthes [1].


« L’étude attentive de ce qui est fixe et permanent dans les conditions géographiques… doit être ou devenir plus que jamais notre guide. »

Paul Vidal de La Blache [2].


« Chaque culture représente une occurrence unique à laquelle il faut consacrer la plus minutieuse attention pour pouvoir d’abord la décrire, essayer de la comprendre ensuite »

Claude Lévy-Strauss [3].



Sur les traces de l'Aunis, depuis quelques années.




A. Introduction.


On a vu dans la partie précédente que le vin que l’on produisait de la presqu’île de Guérande à la presqu’île de Rhuys à partir de l’Aunis était qualifié de « vin breton ». On remarque aussi que ce cépage était cultivé dans un espace particulier : le sud-est de la Bretagne bretonnante. Cela nous amène à réfléchir sur le terroir de l’Aunis.


Extrait d’une carte de vers 1700 [4], Bretagne bretonnante en jaune.


L’une des définitions du mot « terroir » est : « région, province, pays considéré(ée) dans ses particularités rurales, ses traditions, sa culture, ses productions et du point de vue du caractère des personnes qui y vivent ou en sont originaires. Terroir breton, charentais, lorrain… » [5]. Ce sens le rend synonyme du terme « pays » [6], et on retrouve l’aspect rural du pays dans le mot dérivé « paysan ». Le « pays » désigne une « division territoriale [7] habitée par une collectivité, et constituant une entité géographique et humaine » [8], c’est une « partie plus ou moins étendue d’une nation, province, région » [9]. Le pays est un « espace vécu » [10] par sa population, une unité de vie, d’action et de relation [11], c’est un territoire sur lequel une communauté rurale étend une influence plus ou moins prégnante autour d’un centre économique (bourg – petite ville / marché) qui structure l’espace [12], un espace porteur de solidarité et d’une cohérence ressentie qui se traduit par une identité culturelle et linguistique [13], et où vit une communauté partageant le même sentiment d’appartenance [14]. C’est bien le cas du Pays de Guérande, territoire sous influence de la ville de Guérande ; par contre, la presqu’île de Rhuys ne constitue pas en elle-même un pays, Sarzeau est un gros bourg, elle appartient à un pays plus large, dit « Haut Vannetais maritime », centré sur Vannes, et jusqu’où était vendu le vin local.


C’est par abus que l’on parle de neuf pays traditionnels bretons [15], il s’agit en effet des neuf anciens diocèses / évêchés, les termes « diocèse » et « évêché » désignant une circonscription de l’Église catholique [16]. La notion de pays traditionnel est toute différente, le « pays » renvoie à un espace partageant des particularités ethnographiques et linguistiques communes, une identité. Dans l’ancien évêché de Saint-Malo, comment les habitants de la région de Ploërmel pourraient-ils se considérer comme malouin ? De même, comment les habitants de l’enclave du diocèse de Dol en plein Trégor pourraient-ils se sentir dolois ? L’ancien évêché de Nantes ne constitue pas non plus un pays, il peut être divisé en trois entités distinctes [17] : le Pays de Guérande (traditionnellement bretonnant) [18], le Pays nantais proprement dit au nord de la Loire, et au sud le Pays de Retz et le vignoble [19] ; et on pourrait ajouter Nantes qui est comme une île au centre de cet espace [20]. Les Guérandais ne fréquentent pas et ne connaissent pas l’autre côté de la Brière, qui appartient au Pays nantais.


On peut définir le pays (ou région naturelle) par un ensemble de critères cumulés [21] (géographie homogène, population homogène, histoire commune, aire d’attraction d’un centre économique, habitat, coutumes et usages, mentalités, unités de mesures, costumes, musique, danses…). Il se démarque surtout des pays voisins par son parler local, ça pouvait être une langue différente (breton dans le Pays de Guérande / français dialectal [22] dans le Pays nantais), où un dialecte différent de la même langue (breton guérandais / breton haut vannetais maritime). A l’intérieur d’un même espace linguistique formant un continuum dialectal [23], les diverses variantes de la langue étaient qualifiées de patois [24], on parle maintenant de « badume » selon le néologisme créé par des sociolinguistes [25], contraction au tempo rapide du breton « -ba’ du-mañ » (par chez nous) qui rend bien compte d’une identité locale et d’un sentiment d’appartenance. Le linguiste François Falc’hun a montré le rôle éminent de l’économie (rôle des villes et des routes) dans l’évolution des badumes bretons [26]. N’entendant rien au parler local, le voyageur remarquait le changement de pays au changement de costumes, c’était aussi des « marqueurs d’espace » [27]. Mais le « pays » ne se définie pas par rapport à un produit particulier, contrairement au « terroir » qui fait lui nécessairement référence à une production régionale : une production culturelle, on parle par exemple de « terroir de danse » [28], de « costume du terroir » [29], ou une production agricole comme le « beurre breton » [30] ou le « Creu de Bretagne » (Cru de Bretagne) [31].


À partir du bas Moyen-Âge, on a distingué dans la fiscalité bretonne les vins du Cru de Bretagne des vins étrangers au duché puis à la province, les vins étrangers supportaient à l’origine une taxe double à celle des vins produits en Bretagne [32]. Le mot « cru » désigne un « terroir où croît la vigne. On dit d’un vin qu’il est du cru de telle vigne ou de tel clos, ce qui ne présente qu’un espace circonscrit ; mais on dit aussi qu’il est du cru de telle côte, de tel canton et même de telle province, quoique ces dernières applications indiquent une étendue de terrain qui renferme ou peut renfermer un grand nombre de crus, dont les produits diffèrent en qualité » [33]. Étymologiquement, le « cru » est la production d’un terroir [34], ce qui croît, ce qui a crû dans cet espace [35], une « production viticole » [36]. Le « Creu de Bretagne » désignait bien un terroir particulier, à l’échelle d’une province [37].


L’ancienne frontière politique et douanière de la Bretagne a joué un rôle important dans l’histoire viticole de la Bretagne nantaise et du Val de Loire, et l’on distinguait bien le « Creu de Bretagne » « de la creuë [38] hors noʃtre païs » [39] ou « d’autre terrouer que de Bretaigne » [40] comme disaient à Nantes les ducs de Bretagne. On distinguait notamment le cru breton des « Vins d’amont » [41], c’est-à-dire des pays de la Loire (Anjou, Touraine) [42], en amont de la Loire bretonne [43]. La locution « Vins d’amont », utilisée dès l’époque du duché [44], désignait en effet pour les Nantais les vins produits hors de Bretagne, et qui descendaient la Loire pour être exportés à partir du port maritime de Nantes. Dans le Val de Loire, à l’inverse, les négociants parlaient alors de « Vins pour la mer », ceux qui étaient destinés au trafic maritime [45], les vins estimés comme bons étaient très majoritairement exportés [46]. Tandis que les vins de Loire de consommation courante remontaient le fleuve vers Orléans pour aller à Paris [47], les « vins pour la mer », de meilleure qualité, descendaient eux jusqu’à Nantes, d’où ils étaient embarqués à destination de l’Europe du Nord [48], les Angevins opposaient ainsi les « Vins pour la mer » et les « Vins pour Paris » [49], deux qualités de vin à destination de deux marchés différents. Les marchands d’amont, dont les vins étaient taxés en arrivant en Bretagne nantaise, avaient pris l’habitude de faire transiter par Nantes leurs meilleurs vins, ceux qui pouvaient être vendus suffisamment cher pour supporter les taxes bretonnes [50]. Si le protectionnisme breton n’a probablement rien changé à la qualité des vins du Cru de Bretagne, elle a contribué à la recherche de plus de qualité dans les « Vins d’amont » [51], c’est ce qu’ont dû constater les négociants hollandais au XVIIe siècle [52]. La frontière historique et politique de la Bretagne, la fiscalité du duché et de la province, et les débouchés du commerce des vins ont ainsi contribué à délimiter nettement deux terroirs différents [53].


La Bretagne historique forme bien dans l’intégralité de son territoire un terroir particulier : elle est tout entière comprise dans le Massif armoricain [54] ; son climat océanique [55] est qualifié traditionnellement de « climat breton » [56] ; du fait de son sol, son agriculture préindustrielle était basée sur le transfert de fertilité des landes (terres froides) vers les terres cultivées (terres chaudes) [57], avec des animaux domestiques adaptés aux landes et notamment à la consommation d’ajonc [58] ; la Bretagne est aussi un pays de bocage [59] et le bocage n’est jamais loin des vignes dans le Pays nantais [60] ; c’est une péninsule située au centre de l’Europe atlantique et dont toute l’histoire est marquée par des relations économiques avec les autres pays de cet espace maritime [61] ; elle a formé un royaume, un duché indépendant puis une province d’État réputée étrangère jusqu’à la Révolution [62], avant d’être divisée en cinq départements [63]. La Bretagne a une culture propre, originale, diverse et très riche, c’est une région « à fort caractère identitaire » [64] comme l’Alsace, la Corse, la Catalogne, le Pays basque… autant d’éléments qui forgent un terroir différent des voisins, et en particulier des pays de Loire [65] ou du Poitou [66]. Inutile d’insister davantage sur l’identité du terroir breton dans son ensemble, tellement c’est une évidence [67].

Les ducs de Bretagne ont aussi distingué [68] dans le « Creu de Bretagne », c’est-à-dire dans l’ensemble du « vignoble breton » [69], le « crû Nantois » [70] (ancêtre médiéval de nos A.O.C.) des autres crus bretons, on avait ainsi un « vignoble à deux vitesses » [71], avec deux qualités de vin [72] comme en Anjou. C’est dès l’époque des ducs de Bretagne que le « terrouer de Nantes » a constitué un terroir viticole particulier [73] du fait d’une fiscalité justifiée par une meilleure qualité de son vin [74], une qualité suffisante pour en faire du commerce hors de son terroir. Pour exister, un vignoble commercial se doit de répondre aux demandes du marché, cela explique l’évolution du Vignoble nantais [75] (comme le choix des cépages), et probablement un certain conservatisme des autres vignobles bretons (moins sollicités par le commerce). Les vins des autres terroirs bretons devaient avoir ce qu’on appelait autrefois un « goût de terroir », les réservant à une consommation domestique, locale et populaire. On ne traite dans cet article que du « vin breton » produit dans la région qui s’étend de Guérande à Sarzeau et du cépage qu’on y cultivait [76], mais il est nécessaire de le replacer dans le contexte de la Bretagne historique [77], et on verra que cet espace maritime formait un terroir distinct du Vignoble nantais.


Le terroir est un mot traditionnel de la géographie rurale, à la charnière de la géographie physique et de la géographie humaine [78], mais qui touche en fait diverses disciplines. Dans cette première partie théorique, on essaie de comprendre ce qu’est le terroir, une notion complexe qui présente plusieurs facettes, où chaque spécialiste (climatologue, géologue, pédologue, agronome, œnologue, économiste, géographe, historien, sociologue, anthropologue, ethnologue, linguiste) privilégie sa discipline [79]. Le mot « terroir », dans ses acceptions actuelles positives et valorisantes, est récent [80], il désigne les qualités d’un milieu naturel favorable à la viticulture [81] tout autant que les conditions socioculturelles de la production du vin local et de son commerce. Outre les caractéristiques agronomiques et pédoclimatiques mesurables, il faut insister sur le fait que le terroir a aussi des composantes techniques, culturelles, historiques, voire symboliques. Dans le cas de l’Aunis, on peut réunir ces disciplines de façon assez évidente, puisqu’on ne peut pas vraiment séparer le nord-ouest de la Loire-Atlantique et le sud du Morbihan [82], le Pays de Guérande étant comme un prolongement du Pays vannetais en Loire-Atlantique. À la fin de cette partie, on situera les vignobles où l’on cultivait l’Aunis, et on abordera le milieu culturel, notamment dans le Pays de Guérande, avec quelques mots bretons du cru liés à cette implantation.



B. Du « terroir territoire » au « produit de terroir ».


1) Signification première du mot « terroir ».


À l’origine le mot « terrouer » (terroir) n’était pas lié à l’agriculture et à ses produits, il a d’abord été utilisé dans le sens de « territoire » [83] conformément à l’étymologie du mot [84], compris d’un point de vue foncier (possession d’un puissant) [85]. C’est le « terroir territorial », la géographie historique souligne l’importance de l’espace territorialisé, champ de vie et d’action des hommes [86]. La notion de territoire est omniprésente dans l’univers quotidien, elle peut renvoyer à un maillage administratif, ou à des espaces plus diffus et moins institutionnalisés [87].


Le mot « terrouer » est souvent cité dans les Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, il y parle régulièrement du « terrouer de Guerrande » et du « terrouer de Nantes », il dit en 1419 : « nous ayons en nostre pays et conté de Nantes, tant ou terrouer Nantoys, en icelui de Guerrande… plusieurs terres » [88], distinguant ainsi dans le même comté et évêché deux terroirs distincts. D’autres « terrouers » sont cités dans d’autres documents : dans un acte de 1369 le duc Jean IV de Bretagne cite le « terrouer de Redon » [89], dans un acte de 1406 le baron Guy de Retz parle de son « terrouer de Rays » [90], le duc François II de Bretagne mentionne en 1469 le « terrouer de Ruys » [91]. Le mot « terroir » était alors l’équivalant du mot « pays », dans un acte de 1420 Jean V de Bretagne cite : « nostre païs et terrouer de Guerrande » [92], qu’il distingue de « notre dite ville et pais nantays » [93]. Les terroirs de Guérande et de Rhuys avaient en commun d’appartenir tous les deux au domaine ducal [94], ce qui a pu favoriser l’implantation de cépages de qualité, comme dans le vignoble du château de Suscinio [95] dont le vin pouvait être servi à la table des ducs de Bretagne.


Le mot moyen-français « terrouer » a été emprunté en moyen-breton [96], on le trouve dans le Catholicon, premier dictionnaire breton, manuscrit de 1464, et incunable de 1499 [97] (voir ci-dessous) ; le terme breton est traduit par « territoire » en français, comme le mot suivant « terzyen » (« terzhienn » en breton moderne) est traduit par « fieure » (fièvre).



Le mot « terrouer » n’avait pas de connotation particulière au Moyen-Âge et à la Renaissance [98], il était donc neutre jusqu’à cette époque, il va ensuite se charger d’une grande richesse sémantique [99] ; à commencer par « terre considérée par rapport à la culture » [100].


Dans la première moitié du XXe siècle, il avait encore des connotations négatives, il était l’image même d’un monde rural arriéré et en déclin, à l’opposé d’un monde urbanisé, industriel, moderne et uniformisé. C’est ce dont parle l’historien américain Eugen Weber dans La fin des terroirs [101], la communauté paysanne traditionnelle fini par s’effacer ; une évolution que décrit Pierre-Jakez Hélias en 1975 dans Le cheval d’orgueil [102], dont la fin pessimiste du livre est comme l’annonce de la fin des « derniers Bretons » [103] (d’où une polémique [104]). Cette évolution du monde rural s’achève par « la fin des paysans » [105] décrite par le sociologue Henri Mendras, qui constatait la disparition du mode de production paysan, caractérisé par une économie de subsistance, et son remplacement après la Seconde Guerre Mondiale par le productivisme agricole (auquel la viticulture n’a pas échappé). Mais une viticulture vivrière et d’autres pratiques traditionnelles ont perduré jusqu’à récemment. Exemple dans le village paludier d’Assérac où est né mon grand-père, c’est ce que l’on pouvait voir encore dans les années 1990 [106] dans le Pays de Guérande [107] :




2) Le « goût de terroir » [108]


La notion de « goût de terroir » est ancienne. Le lexicographe Robert Estienne mentionne dans son dictionnaire de 1549 [109] le « goust du terroir » à propos d’un vin. Le premier Dictionnaire de l’Académie française expliquait en 1694 : « On dit, que du vin sent le terroir, qu’il a un goust de terroir, pour dire, qu’il a une certaine odeur, un certain goust qui vient de la qualité du terroir. » [110]. Pour la fin du XVIIIe siècle, on peut lire dans le Cours complet d’agriculture de l’abbé Rozier : « chaque production végétale d’un canton, n’a pas la même saveur que celle d’un autre canton ; et cette différence provient spécialement du terroir » [111].



Moine goûtant le vin [112].


Si le « goût de terroir » est maintenant valorisé et synonyme d’authenticité et de qualité, ce n’était pas le cas autrefois, puisque l’expression avait au contraire un sens péjoratif, comme on disait aussi « accent de terroir » pour les patoisants. La locution a longtemps servi pour parler de défauts [113]. Ainsi, dans le Dictionnaire de Furetière (1690), on peut lire « que le vin a un goût de terroir, quand il a quelque qualité désagréable » [114]. En conséquence, il était conseillé dans la version augmentée (1741) du Dictionnaire œconomique de Noël Chomel de « choisir le vin… sans goût de terroir » [115].


L’expression a donc servi anciennement à qualifier un humble vin « paysan » [116], au goût rustique [117]. Le terroir était autrefois un concept clairement associé à « un manque de finesse et de distinction » [118]. Pour rendre « goût de terroir » en breton on disait au XVIIIe siècle : « ur vlass doarr a zou ar er gùin-zé » (« ur vlaz [119] douar a zo àr ar gwin-se » en breton moderne : « ce vin a un goût de terre », sens péjoratif) [120], le mot « douar » (terre, sol / pièce de terre, espèce de terre) [121] rendant la notion de « terroir », le « goût de terroir » venant de la terre. C’est probablement ce qui a permis de distinguer en Bretagne à partir de la fin du Moyen-Âge le « vin breton », rustique et de consommation locale (un petit vin de pays), du « vin nantais », d’une qualité suffisante pour le commerce maritime [122]. Le Vignoble nantais a eu une vocation commerciale dès le bas Moyen-Âge, et la consommation de son vin se développe alors dans le duché de Bretagne [123] (moins taxé, et plus abordable que les vins étrangers).


À partir du XVIIIe siècle, l’activité vinicole s’oriente vers la recherche de vins de meilleure qualité. Et il a fallu attendre 1793 pour définir un dégustateur : « celui dont le métier est de goûter les vins » [124]. Dans sa Topographie de tous les vignobles connus [125], André Jullien fait en 1816 un classement des vins, où les grands vins deviennent une catégorie au-dessus des vins ordinaires [126], mais le mot « terroir » reste dévalorisant, il est régulièrement utilisé dans ce livre dans l’expression « un goût de terroir désagréable » [127]. Pourtant, dans son Manuel du sommelier [128] il indique que « parmi les différents goûts de terroir, il en est que l’on trouve agréable ». En 1865, Henri Machard dans son traité sur les vins [129] indique : « les goûts que généralement on dénomme goûts de terroir, lorsqu’ils sont le résultat de la composition minéralogique du sol, presque toujours sont des goûts agréables, prisés même ». Mais cette influence du lieu pouvait être nuancée, le chimiste nantais Émile Viard disait à la fin de ce siècle du « goût de terroir » [130] que c’est « un goût particulier dû au pays dans lequel se trouve plantée la vigne ; c’est une qualité pour les vins fins et quelques vins communs et un défaut pour la plupart de ces derniers. » [131].


Pourtant, jusque dans les années 1960, pour bon nombre d’amateurs, le goût de terroir associé à un vin a encore une connotation négative [132]. De nos jours, la notion de terroir et de typicité est plutôt liée à la perception d’une certaine qualité [133], la notion a donc bien évolué.



3) Relations entre le milieu et la vigne [134].


On connaissait dès l’Antiquité l’influence des lieux sur les vignes, Virgile soulignait dans ses Géorgiques [135] que « Bacchus aime les coteaux » [136], célèbre formule, et Pline l’Ancien expliquait dans son Histoire naturelle [137] qu’elles « ont en effet un tel amour des lieux qu’elles y laissent toute leur réputation et ne passent nulle part ailleurs totalement. » [138]. Une hiérarchie des vignobles existe depuis l’Antiquité [139], Pline distingue par exemple parmi les meilleurs vignobles de son temps celui de Falerne, il parle de « Falernus ager » (territoire de Falerne) [140] où le mot « ager » (champ, campagne / territoire, contrée) [141] pourrait avoir le sens de « terroir ». Au Moyen-Âge, le naturaliste allemand Albert le Grand [142] en parle dans son De Vegetabilibus (c. 1260), source fondamentale pour étudier la botanique du Moyen-Âge, il a en effet écrit que la « vigne a ses propres caractéristiques, parce que les lieux influencent beaucoup sa saveur et sa nature… » [143]. Dans un texte œnologique de la fin du XIIIe siècle, extrait du Secré de Secrés [144], on trouve un chapitre sur « la diversité de vin selon les terres et la région où les vignes croissent » [145] (voir ci-dessous [146]) :



Julien Le Paulmier a écrit en 1588 que « le naturel du terroir est cause en partie de la force & generosité, ou de la foiblesse & débilité des vins » [147]. Olivier de Serre écrivait peu de temps après : « Le climat & le terroir, donnent le goust & la force au vin… D’autant qu’un mesme plant de Vigne, mis en divers lieux, produira autant de differentes sortes de Vins » [148]. Au milieu du XVIIIe siècle, Nicolas Bidet disait : « La bonté des fruits dépendans des sucs de la terre, on ne peut en étudier avec trop de soin la nature pour donner à l’espèce qu’on veut planter celle qui lui convient le mieux. » [149], il ajoute le rôle de l’homme dans une réédition augmentée : « chaque Païs a ses usages particuliers, soit à raison de la différence des climats, soit à raison des différentes espèces de Vignes. » [150]. On connaissait bien aussi autrefois l’influence du climat dans les vignobles septentrionaux : « on doit redouter ces vents froids et humides qui retiennent le fruit dans un état d’imperfection dont se ressent le vin qui devient aigre et acerbe » [151], c’est bien là la raison première du recul de la vigne au-delà de Vannes / Redon et son remplacement par le pommier à cidre, et c’est très bien ainsi [152] ; au-delà, la culture de la vigne donnait « plus de déception que de satisfaction » [153], et ce n’était pas une culture rentable eu égard aux facilités des échanges commerciaux [154]. Jean-Baptiste Mennesson, parlant de la nature du sol et de celle du vin [155], a écrit en 1806 : « Il n’est plus permis de douter de la grande influence des couches inférieures de la terre sur les végétaux cultivés à sa surface, et particulièrement sur la vigne » [156].


En 1728, l’abbé Claude Arnoux, auteur du premier livre sur les vins de Bourgogne, liste les « differens vins que produit la cote de Beaune avec le nom de tous les bons coteaux gravés exactement dans une carte geographique des collines de la haute Bourgogne » [157]. En 1831, le bourguignon Denis Morelot se fait plus précis et parle de « la nature du sol sous le rapport des substances qui en composent la base, pour expliquer la différence qu’on remarque dans les produits » [158]. Cette prise de conscience ne pouvait avoir lieu qu’expérience faite [159], et donc une fois que les vignobles avaient déjà une longue histoire derrière eux. Un Anglais disait en 1833 sur les grands propriétaires qu’« il était évidemment de l’intérêt de telles personnes que l’excellence de leurs vins soit attribuée à une particularité du sol, plutôt qu’à un système de conduite que d’autres pourraient imiter. » [160], une phrase étonnante pour l’époque.


On avait donc compris très tôt que les caractéristiques uniques d’un lieu (géologie, pédologie, topographie et climat) pouvaient influencer le vin [161]. Et le sentiment que certains lieux produisaient de meilleurs vins que d’autres est lui aussi ancien en Bretagne, la distinction fiscale entre les « vins nantais » et les autres « vins bretons » en est un indice. Mais ce n’est vraiment qu’au XVIIIe siècle que s’est constituée l’idée de revendiquer précisément ces lieux à travers le vin [162].


Pour les vins de Bordeaux, les classements pratiqués traditionnellement par les négociants finissent par aboutir au célèbre classement officiel des crus en 1855 [163]. Contrairement à Bordeaux qui classe des Châteaux, la Bourgogne classe des terroirs, les terroirs viticoles y sont nommés localement « climats » [164]. En 1855, le docteur Jules Lavalle donne dans son livre [165] le premier essai de classement des climats de la Côte d’Or, ce travail est suivi par la classification officielle publiée par le Comité d’agriculture de Beaune en 1861 [166], c’est le pendant de ce qui a été fait à Bordeaux en 1855. Les climats du vignoble de Bourgogne sont le berceau et l’archétype, toujours actuel, des vignobles de terroir [167].


Même si, historiquement, c’est pour lutter contre la fraude [168] qu’est né, au début du XXe siècle, le concept d’« appellation d’origine », les appellations s’inscrivent bien dans la notion de terroir. C’est aussi dans un contexte de surproduction sans précédant qu’ont été créées en 1935 [169] les A.O.C. (Appellations d’Origine Contrôlées) [170], avec pour objectif la qualité dans le terroir plutôt que la quantité. Les décrets des appellations « Muscadet de Sèvre et Maine » et « Muscadet des Coteaux de la Loire » sont publiés très tôt, dès 1936-1937 [171], on voit dans ces noms le lien entre le produit et le lieu.



4) Les produits de terroir.


Le vin était considéré comme un aliment [172], et un produit de terroir comme les autres. La reconnaissance des denrées par leur origine géographique s’appuyait auparavant uniquement sur des réputations qui permettaient de distinguer le bon produit d’autres produits de moindre qualité. C’est dès le XVIIIème siècle que se met en place un mouvement de valorisation de l’origine géographique des produits alimentaires [173], la dénomination géographique s’affirme alors comme un signe de qualité. L’origine est à la fois ancrage dans l’espace et continuité historique [174] ; loin d’un déterminisme naturel, il s’agit avant tout d’une construction qui devient une croyance partagée [175] dans la population. Les produits de terroir sont fortement ancrés dans une histoire, une culture, une aire géographique ; le produit de terroir est bien spécifique d’un lieu et il est souvent lié à une volonté d’individualisation du local [176]. Il est issu d’une culture populaire et paysanne, il a été élaboré progressivement par les communautés rurales afin de satisfaire leurs besoins à partir des ressources de l’environnement naturel [177]. Son inscription en un lieu relève de pratiques collectives, et cette dimension collective les inscrit dans la culture locale [178]. Un produit de terroir c’est la signature d’un territoire géographique, d’un patrimoine culturel et d’un héritage historique.


La diversité des produits réputés de la gastronomie bretonne a ainsi été célébrée au début XIXème siècle par Théophile-Marie Laennec, frère de Guillaume Laennec (médecin-chef à l’Hôtel-Dieu de Nantes), et père de René-Théophile Laënnec (le créateur du diagnostic médical par auscultation et du stéthoscope). Dans un texte truculent de 1809 [179], il donne une belle liste de produits bretons renommés à l’époque, cités avec le chef-lieu de terroir : « Pour un Breton, le plaisir le plus grand est de boire et manger ; le plus grand plaisir après celui-là est de manger et boire : mais quel plaisir serait doux, lorsqu’on l’achette par des inquiétudes sur la santé ?... Il était bien malheureux que dans un pays de bonne chère, on ne pût être gourmand avec quelque impunité. Entouré des boeufs de Carhaix ; des veaux de Machecou ; des moutons de Plouézec et de Pontcroix ; des gras doubles de Lamballe ; des poulardes de Rennes et de Guingamp ; des chapons de Braspart, des cochons de lait, des canards… de Pontaven ; des perdrix de Carhaix et de Gourin ; des oies grasses, des gras dindons, des bécasses, des bécassines, des sarcelles, des bernaches, des pluviers dorés, des ortolans… de Penmarc’h… : Entouré de cette légion de daims, de biches, de cerfs, de marcassins, de chevreuils qui appellent nos chasseurs dans les forêts du Cranou, de Quimerc’h et de la Hunaudaie : Entouré des saumons, des tanches, des truites saumonées de Châteaulin, de ces belles carpes de Pontivy… ; des brochets dont… notre célèbre Ducouëdic avait peuplé son bel étang de Corrouar ; des anguilles de Jugon… ; des sardines et des rougets de Concarneau ; des soles de Chérué ; des turbots de Plestin et de Rosbras ; des raies nourries sur ces doux sables de Douarnenez… ; des homards, des écrevisses de Benodet ; des morues que nous donnent les mers de cet Ouessant renommé… ; de ces aloses, de ces lamproies, de ces vives succulentes dont l’Erdre dispute à la Loire le privilège de couvrir les tables nantaises : Entouré des huîtres de Cancale… ; des huîtres de Trégnier qui valent bien leurs compatriotes de Cancale ; des huîtres de Bélon qui valent mieux ; des beurres de la Prévalais et de Quintin qui s’amalgament si délicieusement avec ces miches dorées de Pontscorff et de Guichen… : Entouré des saucisses de Quimper, des andouilles d’Auray, des choux de Saint-Brieuc : Entouré des brioches qui naquirent, sans doute, aussi à Saint-Brieuc, comme le démontre l’étimologie du mot ; des biscuits d’Audierne, des biscotins de Vannes ; des crêpes de Lannion et de Pont-Labbé ; de ces brillantes praslines blanches, brunes, roses, lilas, inventées dans les fêtes du Château de Lorge..., comme si la même province, le même département avaient dû voir éclore tous les ingrédiens les plus nécessaires d’un bon repas… : Entouré des laitages de Fougères… ; des fraises, des groseilles, des groseilles-castilles, des abricots, des pêches de Plougastel ; des framboises de Landerneau ; des muscats de Nantes ; des poires de Quessoy ; des angéliques de Châteaubriant… : De ces mokas précieux qui, triés dans les somptueux magasins de Lorient, partagent avec notre moutarde, la gloire de rendre les digestions plus douces, plus rapides et de mettre ainsi l’heureux convive en puissance de recommencer plutôt : Je croyais toujours voir la main du sévère Hypocrate écrire sur les murs de ma salle : INDIGESTION. Aux rives du Gouet, de la Loire ou du Blavet, l’indigestion était… le mal de la bonne compagnie. ». On remarque dans cette longue liste de produits bretons de terroir que seul le vin nantais est cité (le bon produit), et aucun des autres vins bretons (des produits communs), c’est bien en ce sens qu’il faut comprendre la distinction « vins nantais » / « vins bretons ».


Carte gastronomique de la Bretagne, de 1929 [180].


Th. Laennec aurait pu citer la caillebotte, un fromage frais (cottage cheese), qui était encore courant dans le Pays de Guérande jusqu’aux années 1960. Sa technique de fabrication est arrivée jusqu’à moi par voie familiale, ma mère en a mangé à Assérac dans sa jeunesse [181]. C’est encore bien connu de tous les anciens en Loire-Atlantique entre Assérac et Herbignac, et dans le Morbihan entre Pénestin et Camoël, les limites administratives (départementale et « régionale ») ne séparent pas deux espaces ethnographiques différents, il s’agit bien du même terroir guérandais. Ce produit laitier était connu en Bretagne bien au-delà du Pays de Guérande, on retrouve la dimension terroir dans son nom traditionnel français : « Caillebotte de Bretagne », cité dans divers livres de cuisine avec les recettes à partir du XVIIe siècle [182]. L’expression « caillebotte de Bretagne », avec la mention géographique, montre qu’elle se distinguait en qualité et en réputation des productions d’autres terroirs. La caillebotte est mentionnée dans des dictionnaires bretons : « Leah cooülét, ici ceulét, caillibotes. » [183], « Caillebotte, mets de Bretagne formé de lait caillé. On dit aussi leaz kaoulet » [184]. Le mot français « caillebotte » est attesté pour la première fois (sous la forme : « caillibote ») dans le premier dictionnaire breton : le Catholicon de Jehan Lagadeuc (manuscrit de 1464 [185], incunable de 1499 [186]), pour traduire le moyen-breton : « coulet » [187] (« kaouled » en breton moderne). Il s’agit bien d’un fromage et non d’un simple lait caillé puisqu’on utilise de la présure. Avant de mettre la présure, il faut attendre que le lait s’acidifie un peu pour donner du goût, quand le lait est pris, on coupe la masse en carrés (quadrillage) de façon à faciliter l’évacuation du petit lait, ensuite on chauffe un peu au bain-marie, mais pas trop fort sinon les cailles risquent de durcir (le doigt doit supporter la chaleur), puis on met à égoutter dans une faisselle ou un linge suspendu. On le consomme le plus souvent avec de la crème fraîche et du sucre (ou confiture, fraises), ça pouvait être étalé sur du pain (salé ?), avec des herbes.


Égouttage de la caillebotte [188]. Des « krazinoù » d’Assérac [189].


Les « krazinoù » (en orthographe bretonne moderne) sont un autre produit qui est restée dans la mémoire des anciens, c’est d’ailleurs intéressant sur les limites de la mémoire collective [190]. C’est l’exemple d’une pratique rurale traditionnelle qui a perduré jusqu’à nos jours, mais c’est la fin comme pour la culture traditionnelle de la vigne dans la région, et il est grand temps de faire du collectage. J’ai eu l’occasion d’entendre et d’apprendre à Assérac, dans le village où est né mon grand-père d’abord puis aux alentours [191], le nom local et la recette d’une ancienne préparation à base de gras de porc, prononcé : [kʁazi'new][192], c’est ce nom breton qui est remarquable. Lors de la tuaison du cochon, on utilisait tous les restes afin de ne rien gaspiller, la panne (masse graisseuse des rognons) et le gras des boyaux servaient à produire du saindoux [193]. Le gras, coupées en petits morceaux, était assaisonné (sel, poivre), on ajoutait de l’oignon, puis on versait un peu d’eau pour démarrer la cuisson. Une fois la matière grasse suffisamment fondu, le restant reste à frire longuement (≈ deux heures) à feu doux [194] afin d’extraire le maximum de saindoux, on surveille alors la cuisson en prélevant avec une louche, les morceaux racornis flottent dans le saindoux liquide et transparent et remontent à la surface quand ils sont bien cuits. On retire en fin de cuisson le saindoux liquide, et ce qui reste c’est les « krazinoù », qui doivent être bien rissolés [195]. On peut les consommer égouttés et pressés (petits morceaux croustillants) ou les conserver en pots confits dans leur graisse, ça se rapproche alors des rillettes, des rillettes rustiques. C’est un mot employé au pluriel [196] (on dit « des “crasinéo” » selon l’orthographe que l’on m’a épelée), il est dérivé de l’adjectif breton « kras » (desséché, grillé) [197] qui est suivi d’un ancien suffixe « -in » [198] ; le suffixe de pluriel, noté « -où » en breton moderne, est diphtongué en [-ew] comme c’est bien le cas dans le breton de Guérande [199]. Le mot a été aussi collecté à La Madeleine de Guérande avec une prononciation retranscrite « crasinéôw » [200]. On m’a signalé le même mot avec le même sens, collecté à Sulniac, près de Vannes, avec une prononciation différente du suffixe [201] ; j’ai collecté la forme [kʁazi'njεn] pour « krazinenn » [202] à La Trinité-Surzur, employé au singulier [203]. Les Gallos [204] disent « grilleaux » [205] au nord et « grillons » au sud [206], la forme « guerzillons » est aussi attestée [207], ce qui renvoie bien, étymologiquement, à l’idée de « griller »[208] et « grésiller » [209]. C’est un mot particulier au Pays de Guérande et au sud-est du Pays vannetais bretonnant [210], on est bien dans un même espace culturel et linguistique.


Dans le Pays de Guérande, on trouve d’autres spécialités locales. Il y avait en Brière, le grand marais qui sépare le Pays de Guérande du Pays nantais, une plus forte densité de moutons qu’ailleurs en Bretagne [211], il s’agissait du petit mouton noir et cornu des landes de Bretagne [212], sa chaire était consommée de diverses manières dont le pot-au-feu [213] ; Léon Daudet signale ce plat à Piriac où son père Alphonse l’avait amené en vacances en 1874 et 1875, il dit : « je fis la connaissance du monde des pêcheurs, du pot-au-feu de mouton et du beurre salé. » [214]. En Brière, il existait une manière particulière de préparer la farine de blé noir, la bouillie (du grou) était cuite dans un sac plongé dans le bouillon du pot-au-feu[215], c’était l’équivalent du « kig-ha-farz » du Léon [216], autre produit du terroir, et un mode de cuisson que l’on retrouve en Grande-Bretagne [217]. Mais la spécialité la plus réputée de la région est la cuisson en croûte de sel [218], avec du bar notamment, une tradition culinaire encore bien vivante.


On remarque que Th. Laennec n’a pas mentionné les sels de Guérande et de la Baie de Bretagne [219], simple condiment mais produit de terroir s’il en est, très localisé puisque sa production dépend de conditions climatiques [220] et d’un site littoral très particulier. C’est aussi un produit dont l’histoire est intimement liée à la Bretagne, par son lieu de production évidemment et aussi par une fiscalité avantageuse pour les Bretons : l’absence de gabelle [221]. En effet, le statut de duché indépendant au cours du Moyen-Âge a permis à la Bretagne d’échapper à la fiscalité sur le sel mise en place progressivement dans le royaume de France ; après l’annexion en 1532, le Parlement et les États de Bretagne continueront d’affirmer et de défendre les privilèges [222] fiscaux de la province [223], durant toute la durée de l’Ancien Régime [224].


Le sel était par conséquent disponible à moindre coût en Bretagne, il était donc utilisé plus généreusement qu’ailleurs, notamment plus que dans les pays de la Loire : Anjou, Touraine, Orléanais [225] (toutes provinces de « grande Gabelle » [226]). On retrouve le sel du midi breton partout en Bretagne [227] et dans divers produits de terroir, à commencer par le beurre salé [228], dit « amanenn sall » en breton [229] ; un goût breton caractéristique [230] que l’on retrouve dans ses produits dérivés, comme la galette bretonne [231], et sa variante industrielle nantaise qui est d’ailleurs nommée « Petit beurre » ou « Beurré nantais ».



Le beurre salé est bien un aliment culturel ancré dans la tradition bretonne, indispensable à la cuisine dans les cinq départements. Beurre et sel sont si bien associés dans les représentations collectives qu’ils ont donné naissance à des devinettes [232], comme :

Petra a ya d'ar marc'had An daeroù en e zaoulagad ? Un tamm amanenn. [233]

Qui va au marché Les larmes aux yeux ? Un morceau de beurre. [234]

Elles sont rares les recettes bretonnes qui ne comportent pas une bonne part de beurre, mais il en est une où le beurre tient la première place : le « beurre blanc du Pays nantais » [235] (servi par exemple sur un brochet [236] des marais de Goulaine [237] et accompagné d’un Muscadet de garde du cru !). Le beurre salé est un aliment si important en Bretagne que l’expression populaire « Breton pur beurre », probablement abrégée de « “produit” breton pure beurre » [238], désigne une personne revendiquant son origine ; un produit de terroir est ainsi devenu un symbole d’identité.


5) Des recherches très récentes sur le terroir viticole.


Concernant le vin, on attribue depuis longtemps leur diversité à la diversité des terroirs, mais sans savoir comment les milieux naturels peuvent influer sur les caractéristiques des vins [239]. Jusqu’à récemment, le savoir traditionnel a tenu lieu de science [240], et la connaissance des terroirs viticoles a surtout été empirique [241]. Ce n’est qu’à partir des années 1970-1980, que des recherches scientifiques méthodiques ont été entreprises sur la caractérisation des facteurs naturels du terroir [242]. Les travaux sur le terroir sont maintenant très nombreux, difficile de tout lire. L’ethnologie et la géographie, attachées à l’étude des relations que les sociétés humaines entretiennent avec la nature, se retrouvent aussi autour de la notion de terroir et de leurs produits [243]. La dimension spatiale des faits de culture est une entrée pour analyser les dynamiques territoriales des espaces ruraux [244].



À suivre…


Christophe M. Josso

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____________________________________ Notes :


[1] BARTHES Roland, « Pour une psycho-sociologie de l’alimentation moderne. », in Annales : Économies, Sociétés, Civilisation, n° 5, sept.-oct. 1961 ; page 983.

[2] VIDAL DE LA BLACHE Paul, Tableau de la géographie de la France, Tome premier de l’Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution d’Ernest Lavisse, éd. Hachette et Cie, 1911 ; page 386.

[3] LÉVY-STRAUSS Claude, Le regard éloigné, éd. Plon, 1983 ; page 145.

[4] DANCKERTS Theodorus (1663-1727), Ducatus Britanniae tabula cum omnibus suis provinciis nova descriptio, éd. à Amterdam, [s.d.] c. 1700.

[5] C.N.R.T.L. (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales) sous « terroir ».

[6] Ibid, voir « synonymie ».

[7] Mot dérivé du latin « pagus » (canton / district en Gaule, in Gaffiot), « territoire rural délimité par des bornes » (ERNOUT Alfred et MEILLET Alfred, Dictionnaire étymologique de la langue latine, rééd. Klincksieck, 2001 ; page 475). On retrouve l’idée d’espace délimité dans le mot breton « bro » (pays), il est issu du celtique gallo-brittonique « brog- » (territoire) et d’un plus ancien celtique « *mrog- » (DELAMARRE Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, éd. Errance, 2003 ; page 91), qui vient d’une racine indo-européenne « *morĝ- » (frontière, démarcation) qui a donné aussi le français « marge » (< latin « margo » : bord, borne, frontière) et « marche » (< francique « *marka » : frontière). Dans le breton de Guérande, « bro » fait son pluriel en « -ier » (« broieir », in ERNAULT Émile, Étude sur le dialecte breton de la presqu’île de Batz, éd. L. Prud’homme, 1883 ; page 21), et non pas en « ioù », un suffixe en extension en breton (TREPOS Pierre, Le pluriel breton, éd. Emgleo Breiz, 1982 ; page 66), peut-être par analogie avec les doubles pluriels (bragoù > brageier : des pantalons).

[8] C.N.R.T.L. sous « pays ».

[9] Ibid.

[10] FRÉMONT Armand, « Recherches sur l’espace vécu », in Espace géographique, Tome 3, n° 3, 1974 ; pages 231-238.

[11] BRUNET Roger, FERRAS Robert et THÉRY Hervé (dir.), Les mots de la géographie - Dictionnaire critique, éd. Reclus – La Documentation Française, 1993 ; page 371.

[12] Pays de Vannes (Bro-Gwened), Pays de Guérande (Bro-Gwerrann), Pays de Redon, Pays nantais (de Nantes), Pays de Retz (= de Rezé, même étymologie)… ARDILLIER-CARRAS Françoise, « Les pays et l’espace vécu. Quelles logiques pour quels territoires ? », in Norois, n°181, 1999-1 ; page 174. + LOUAULT François, « Variations sur un concept : le pays », in L’information géographique, volume 64, n°4, 2000 ; pages 348-349.

[13] La notion d’identité, avec celle d’altérité, est perçue comme centrale pour l’ethnologie (CHEVALLIER Denis et MOREL Alain, « Identité culturelle et appartenance régionale – Quelques orientations de recherche », in Terrain – Anthropologie & Sciences humaines, n° 5, 1985 ; pages 3-5).

[14] DAVID Gilbert, « Dynamique de la territorialité dans les zones rurales de l’Océanie insulaire », in Le territoire, lien ou frontière ? (Colloque, Sorbonne, 1995), publié par BONNEMAISON Joël et al., éd. de l’Orstom, 1997 ; page 2 de l’article.

[15] Nombre des bandes du drapeau breton, avec une bande noire pour l’évêché de Nantes.

[16] Le mot « diocèse » vient du grec : « διοίκησις » (administration), de même le mot « évêché » désigne le territoire ecclésiastique comprenant les paroisses placées sous l’autorité spirituelle d’un évêque, mot issu du latin « episcopus » (surveillant / chef), emprunté au grec « ἐπίσκοπος » (gardien / surveillant).

[17] Qui peuvent elles-mêmes être subdivisées.

[18] Le Pays de Guérande peut être partagé entre le monde paludier du bassin de Guérande-Batz, l’arrière pays métayer, le nord-ouest de la Brière, et la zone entre bassin du Mes et Vilaine.

[19] Le Pays de Retz primitif, c’est-à-dire l’arrière-pays de Rezé, les deux noms ayant la même étymologie (« Ῥατιάτον », in PTOLÉMÉE, Géographie, Livre 2, chapitre 7-6).

[20] Le géographe Jean Renard parle d’un « isolement de la ville au milieu de campagnes qui lui étaient indifférentes », il explique qu’étant « tournée vers le large, elle n’avait pas su ou pas pu nouer… des liens nombreux et solides avec un arrière-pays qu’elle ne contrôlait guère » (« Les territoires de la métropole nantaise : de la ville à l’agglomération, de l’agglomération à la métropole », in Norois, 192 | 2004, pages 135-142). Armand Frémont, connu pour être à l’origine du concept d’« espace vécu » en géographie, disait de Nantes, qu’elle était « disjointe de son arrière-pays » (Portrait de la France, éd. Flammarion, 2001 ; page 499). Julien Gracq disait d’elle « qu’elle est, plus impérieusement qu’une autre, centrée sur elle-même, moins dépendante de ses racines terriennes et fluviales » (La forme d'une ville, éd. José Corti, 1985 ; page 117).

[21] DURAND Yves, Vivre au pays au XVIIIe siècle, éd. Presses Universitaire de France, 1984 ; un essai important sur la notion de pays. + JOUËT Philippe et DELORME Kilian, Atlas historique des pays et terroirs de Bretagne, éd. Skol Vreizh, 2007.

[22] C’est bien le mot « françois » (français) qui est utilisé traditionnellement pour désigner la langue parlée en Haute-Bretagne. On parle maintenant de « gallo » (dialecte gallo-roman d’oil), mais aucune limite linguistique ne suit la frontière de la Bretagne historique, rien ne permet de séparer le « gallo » du « mainiot » et de l’« angevin »… difficile donc d’en faire une « langue » distincte des parlers mainiot et angevin !

[23] La langue bretonne se réalise en divers dialectes, tout comme le gallo-roman, on parle des langues d’oil et d’oc.

[24] Comme les parlers gallos dans l’espace gallo-roman d’oil.

[25] LE DÛ Jean et LE BERRE Yves, « Parité et disparité. Sphère publique et sphère privée de la parole », in La Bretagne linguistique (Actes du colloque « Badume – Standard – Normes. Le Double Jeu de la langue »), n° 10, 1996 ; pages 7-25.

[26] LE DÛ Jean et LE BERRE Yves, Métamorphoses – Trente ans de sociolinguistique à Brest (1984-2014), éd. C.R.B.C., 2019 ; article n° 7 : « Où va la dialectologie… quand on la voit passer à Brest ? », page 95. FALC’HUN François, Perspectives nouvelles sur l’histoire de la langue bretonne, éd. Union Générale d’Éditions, 1981.

[27] LETHUILLIER Jean-Pierre (dir.), Les costumes régionaux entre mémoire et histoire, éd. Presses Universitaires de Rennes, 2009 ; page 10.

[28] GUILCHER Jean-Michel, « Régions et pays de danse en Basse-Bretagne », in Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1/1981 (Les régions de la France. Colloque de la Société d’Ethnologie Française. Grenoble 7-8 décembre 1978) ; pages 33-47. J.M Guilcher parle aussi de la géographie de la danse dans : La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, 1963, rééd. Coop Breizh, 2007.

[29] CRESTON René-Yves, Le costume breton, éd. Champion – Coop Breizh, 1993. + GUESDON Yann, Costumes de Bretagne, éd. Palantines, 2011. + GUESDON Yann, Le costume breton au début du XIXe siècle – Le recueil de Charpentier 1829-1832, éd. Skol Vreizh, 1019.

[30] La spécificité du « beurre breton » c’est le sel qu’il contient, de Guérande ou de la Baie de Bretagne (44).

[31] Locution citée par exemple dans : BELORNEAU Pierre, Controverses agitées en la cour de Parlement de Bretagne, éd. Nicolas Buon, 1619 ; page 218.

[32] KERHERVÉ Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles – Les ducs, l’argent et les hommes, thèse de doctorat d’État (Sorbonne, 1986), éd. Maloine, 1987 ; Tome II, page 653.Y compris le Pays nantais, évidemment.

[33] JULLIEN André, Topographie de tous les vignobles connus, éd. Mme Huzard, 1816 ; page XX, dans le « Vocabulaire, des termes employés dans cet ouvrage, pour désigner les différentes qualités de vins ».

[34] SILORET Germain, « La notion de cru », in Bulletin de l’O.I.V., n° 571 ; page 707. Le mot « cru » vient du verbe « croître » (anciennement « croistre ») dont il est le participe passé devenu nom masculin, jusqu’au XVIe siècle on écrivait « creu ».

[35] C.N.R.T.L. sous « cru ».

[36] PEYNAUD Émile et BLOUIN Jacques, Découvrir le goût du vin, éd. Dunod, 2005 ; page 200.

[37] L’échelle de la province se retrouve pour la Bourgogne ou la Champagne, par exemple.

[38] Variante féminine en Haute-Bretagne.

[39] MORICE Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, tirés des archives de cette province, éd. Charles Osmont, 1744 ; Tome II, colonne 1386. Citation tirée d’un acte de « François par la grace de Dieu Duc de Bretagne ».

[40] Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne de 1420 à 1431, Recueil d’actes, de chroniques et de documents historiques rares ou inédits publié par la Société des Bibliophiles bretons, et de l’histoire de Bretagne, éd. à Nantes, 1892 ; Tome VI, page 5.

[41] TANGUY Jean, Le Commerce du Port de Nantes au milieu du XVIe siècle, éd. Armand Colin, 1956 (École Pratique des Hautes-Études, VIe section, Centre de Recherches Historiques, Ports-Routes-Trafics, VII) ; pages 49-50.

[42] Ex. : Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies, publié par P. E. Herbin, Tome VII, éd. F. Buisson, 1803 ; page 367 : « Vins d’Amont, ou descendant la rivière de Loire » ≠ « Vins… du Nantais ». + DION Roger, Le Val de Loire : étude de géographie régionale, éd. Arrault et Cie, 1933 ; page 639.

[43] On découpe traditionnellement la Loire par les régions qu’elle traverse, Loire bretonne, Loire angevine, Loire tourangelle, Loire orléanaise, Loire nivernaise…

[44] A.D. de Loire-Atlantique, Répertoire du fonds du trésor des chartes des ducs de Bretagne, E 158 (Cartulaire des privilèges et franchises accordés à la ville de Nantes par les ducs de Bretagne, 1331-1498).

[45] GUILLORY Pierre-Constant (aîné), « Études théoriques et pratiques sur les vignes et les vins blancs d’Anjou – III. Débouchés », in Journal de viticulture pratique, Tome II, mars / septembre 1867 ; page 166.

[46] LAMMOGLIA Adrien et LETURCQ Samuel, « Les “petits terroirs” viticoles de Touraine dans la longue durée (XIXe-XXIe siècles) », in Les petits vignobles, publié sous la direction de Stéphane Le Bras, éd. Presses Universitaires de Rennes – Presses Universitaires François-Rabelais, 2017 ; page 179.

[47] VIGIER Philippe, Une histoire de la Loire, éd. Ramsay, 1986 ; pages 292-293.

[48] WAGRET Paul et LE THEULE Joël, « Deux monographies du vignoble français – II. Le vin du “Layon” », in Annales. Economies, sociétés, civilisations, 9ᵉ année, n° 2, 1954 ; page 177.

[49] MAISONNEUVE Paul, L’Anjou, ses vignes et ses vins, impr. du Commerce, Angers, 1925 ; page 80. Il y avait donc en Anjou deux qualités de vin comme en Bretagne (« vin nantais » et autres « vins bretons »).

[50] MIDAVAINE François, Muscadet, coll. « Le grand Bernard des vins de France », éd. Jacques Legrand, 1994 ; page 34.

[51] C’est un effet pervers de la politique protectionniste du duché puis de la province de Bretagne.

[52] Du fait de la demande hollandaise, la spécialisation du Vignoble nantais dans la production d’eau-de-vie n’a pas été sans conséquences sur la qualité de l’ensemble de la production viticole de la région (RAHUSEN Henriette, « Commerce, culture et compétition – La vie d’expatrié à Nantes vers 1645 », in Histoire Urbaine, éd. Société française d’histoire urbaine, 2013/3, n° 35 ; page 145), pas besoin de vins de qualité pour distiller.

[53] D’autant plus que la plus grande partie du Val de Loire appartient au Bassin parisien (CHARLES Nicolas, Guide géologique – Val de Loire, éd. Omniscience, 2015), et que cet espace a dans sa totalité un climat océanique altéré ou dégradé, et non pas franc comme à Nantes (JOLY Daniel, BROSSARD Thierry, CARDOT Hervé, CAVAILHÈS Jean, HILAL Mohamed et al., « Les types de climats en France, une construction spatiale. », in Cybergeo : Revue européenne de géographie / European journal of geography, 2010, article 501 ; pages 1-23).

[54] CABANIS Bruno, Géologie et paysages de Bretagne, éd. Gisserot, 2007 ; page 2. + BALLEVRE Michel, BOSSE Valérie, DABARD Marie-Pierre, DUCASSOU Céline, FOURCADE Serge et al, « Histoire Géologique du massif Armoricain : Actualité de la recherche », in Bulletin de la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne, n° 10-11,‎ 2013 ; pages 5-96.

[55] VERGNES Pierre et LECOMPTE Jacques, Le climat de la Bretagne, éd. Ouest-France, 1986. L’estuaire de la Loire ouvre le Pays nantais aux influences océaniques, il est situé en zone de climat océanique franc, contrairement au Pays de Rennes – plus continental – qui est en grande partie en zone de climat océanique altéré comme l’Anjou.

[56] ADOUMIÉ Vincent (dir.), Nouvelle géographie de la France, collection Hachette Université géographie, éd. Hachette éducation, 2022 ; page 51. + SCHRADER Franz et GALLOUÉDEC Louis, Cours général de Géographie, éd. Hachette et Cie, 1897 ; pages 206-207.

[57] ANTOINE Annie, « La fabrication de l’inculte. Landes et friches en Bretagne avant la modernisation agricole du XIXe siècle. », in Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, Vol. 79, 2001 ; pages 205-228. + BOURRIGAUD René, Le Développement Agricole au 19e siècle en Loire-Atlantique (thèse de doctorat, Université de Nantes, 1993), éd. Centre d’Histoire du Travail de Nantes, 1994 ; pages 13-21.

[58] Plante caractéristique des landes atlantiques (sols acides) et plante fourragère cultivée en Bretagne, devenue symbole de la Bretagne. Voir : JARNOUX Philippe (dir.), La lande – Un paysage au gré des hommes, éd. C.R.B.C. / Parc Naturel Régional d’Armorique, 2008.

[59] BARDEL Philippe, MAILLARD Jean-Luc et PICHARD Gilles, L’arbre et la haie – Mémoire et avenir du bocage, éd. Presses Universitaires de Rennes / Écomusée du Pays de Rennes ; 2008.

[60] SCHIRMER Raphaël, « Un vignoble sans forêt. Bois et vigne à Nantes du XVIe siècle à nos jours », in Forêt et vigne, bois et vin, XVIe-XXe siècle, textes réunis par Andrée Corvol, éd. L’Harmatan, 2002 ; page 484.

[61] La péninsule armoricaine est bien située au centre de l’Europe atlantique ; la Manche, la Mer celtique et le Golf de Gascogne ont été une « mare nostrum » pour les populations riveraines, un espace traversé par des routes maritimes anciennes et importantes, les routes maritimes du nord de l’Europe et celles du sud font leur jonction au large de la Bretagne. Le ligueur morlaisien Yves Gourmil, soutien actif de Philippe II d’Espagne, tient en 1592 des propos révélateurs de la perception qu’avaient les Bretons de cette situation géographique avantageuse : « Il n’y a membre en tout l’Occident de si grande importance pour le regard des affaires générales du monde que… la possession de la Bretagne, pour autant qu’elle est située, comme un centre au milieu de sa circonférence, tant par mer que par terre, entre tous les états de l’Occidents, à savoir Espagne, France, Angleterre, Irlande, et tous les Pays-Bas. » (CORNETTE Joël, Histoire de la Bretagne & des Bretons, éd. du Seuil, 2005 ; Tome I, page 567).

[62] Toute l’Histoire de la Bretagne, ouvrage collectif (24 historiens des universités de Brest, Rennes et Nantes), éd. Skol Vreizh, 2012. + CORNETTE Joël, Histoire de la Bretagne et des Bretons, éd. du Seuil, 2005. + MINOIS Georges, Nouvelle Histoire de Bretagne, éd. Fayard, 1992…

[63] PENNEC Alain, De la Bretagne aux départements – Histoire d’un découpage, éd. Skol Vreizh, 1989.

[64] GUÉRIN-PACE France, « Sentiment d’appartenance et territoires identitaires », in L’Espace géographique, 2006/4 (Tome 35) ; page 301.

[65] ROUGÉ Jacques-Marie et al., Aux beaux pays de Loire : Orléanais, Blésois, Touraine, Anjou, éd. Arrault, 1936 (préface de Maurice Genevoix).

[66] GAUTIER Marcel, La Vendée (Bas-Poitou) – Esquisse géographique, éd. H. Potier, 1949.

[67] A côté de cette unité, il y a aussi en Bretagne une très grande diversité. La Bretagne bretonnante est très différente de la Bretagne gallèse (Nantes, Rennes…), à commencer par la langue (breton vs. français dialectal). Dans la Bretagne bretonnante, le Pays vannetais est très différent du Léon ; dans le Pays gallo, le Pays de Retz est très différent du Pays de Rennes…

[68] Dans une deuxième étape de la mise en place de leur fiscalité.

[69] « Le vignoble breton » : titre de chapitre dans MIDAVAINE François, Muscadet, éd. Jacques Legrand, 1994.

[70] DU FAIL Noël, Les plus solemnels arrests et reglemens donnez au Parlement de Bretagne, éd. Joseph Vatar, 1737 ; Tome I, page 224.

[71] LAVAUD Sandrine, « L’invention du cru en Bordelais. Du croît d’un lieu au vin de distinction (Moyen Âge – XVIIe siècle) », in Crescentis – Revue internationale d’histoire de la vigne et du vin, n° 1, 2018 ; page 28.

[72] Anciennement, il a dû y avoir trois qualités de vins en Bretagne : les « mauvais » vins septentrionaux qui ont fini par disparaître, les vins de pays « médiocres » dit « vins bretons » et les vins du Pays nantais.

[73] Et le seul terroir viticole de la Bretagne contemporaine.

[74] Voir la partie III-2 (Sur l’autre synonyme local de l’Aunis), Histoire & Patrimoine, n° 103, éd. A.P.H.R.N., juillet 2022 ; pages 94-107.

[75] Un vignoble commercial.

[76] Seul le Muscadet est attesté anciennement du côté de Redon (GUYOT Jules, Étude des vignobles de France, éd. Victor Masson, 1868 ; Tome III, page 569), on ne peut donc pas inclure ce terroir dans cet article, on remarque d’ailleurs que le Pays de Redon se trouve en Pays gallo comme le Pays nantais, c’est un vignoble de Haute-Bretagne.

[77] « L’identité, si tant est qu’elle est repérable, jaillira d’autant mieux que l’objet étudié sera replacé dans un ensemble plus vaste » (RÉJALOT Michel, « Le vignoble de Bordeaux dans l’interface viticole atlantique du Sud-Ouest européen : un paradoxe identitaire », in Sud-Ouest Européen, n° 36 (Identité, espaces, terroirs, territoires et mondialisation), éd. Presses Universitaires du Midi, 2013 ; page 41.

[78] BRUNET Pierre, « Le terroir. Fin ou renouveau d’une notion. », in Cahiers du Centre nantais de recherche pour l'aménagement régional, n°43 : Terroirs et Territoires – Travaux de la Commission de Géographie Rurale du Comité National de Géographie, 1995 ; pages 7-12.

[79] MORLAT René, Traité de viticulture de terroir, éd. TEC & DOC – Lavoisier, 2010 ; page 5.

[80] WOLIKOW Serge, « La construction des territoires du vin et l’émergence des terroirs – Problématique et démarches », in WOLIKOW Serge et JACQUET Olivier (dir.), Territoires et terroirs du vin du XVIIIe au XXIe siècle – Approche internationale d’une construction historique, éd. Universitaires de Dijon, 2011 ; page 19.

[81] WOLIKOW S. et JACQUET O., ibid ; page 5.

[82] Si ce n’est par des décisions administratives artificielles et imposées de l’extérieur. La création de la région administrative dite des « Pays de la Loire », en 1955, devient concrète dans la vie des gens en 1982 avec la loi de décentralisation ; toute consultation démocratique de la population de la Loire-Atlantique est refusée jusqu’à présent du fait de sondages favorables à la réunification. Ce découpage artificiel n’a évidemment strictement rien changé à la nature et à l’identité historique de ce département.

[83] Espace délimité par un pouvoir y exerçant son emprise (ALPHANDÉRY Pierre et BERGUES Martine, « Territoires en questions : pratiques des lieux, usage d’un mot », in Ethnologie française, Vol. 34, éd. Presses Universitaires de France, 2004-1 ; page 8). La géographe nantaise Maryvonne Le Berre distingue trois éléments de définition qui remontent aux premiers usages du mot : domination d’un pouvoir, l’aire dominée et ses limites (LE BERRE M., « Territoires », in Encyclopédie de géographie, publié sous la direction de Antoine Bailly, Robert Ferras et Denise Pumain, éd. Economica, 1995).

[84] C.N.R.T.L., mot venant du latin populaire « *terratorium », qui est issu du latin classique « territorium » (territoire), d’après « terra » (terre) et suffixe locatif « -orium ».

[85] GODEFROY Frédéric, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du XIe au XVe siècle, éd. Émile Bouillon, 1892 ; Tome VII, page 697 sous « terroier ».

[86] VAUDOUR Emmanuelle, Les terroirs viticoles – Définitions, caractérisation et protection, éd. La vigne / Dunod, 2003 ; pages 10-11.

[87] ALPHANDÉRY Pierre et BERGUES Martine, « Territoires en questions : pratique des lieux, usage d’un mot », in Ethnologie française, 2004/1, Vol. 34 ; page 5.

[88] JEAN V DE BRETAGNE, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, publiés par René Blanchard, éd. , 1889-1895 ; Tome II, page 253, n° 1349.

[89] DE COURSON Aurélien, Cartulaire de l’abbaye de Redon en Bretagne, éd. Imprimerie impériale, 1863 ; page 403, dans les extraits des archives de l’abbaye.

[90] MORICE Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclesiastique et civile de Bretagne, éd. Charles Osmont, 1744 ; Tome II, colonne 783.

[91] Archives Départementales du Morbihan, 31 J 301, n° 29.

[92] Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne de 1420 à 1431, publiés par René Blanchard, éd. Société des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne, 1892 ; Tome VI, page 38.

[93] Lettre de 1485 du duc de Bretagne en faveur des marchands bretons de vin de Gascogne et d’Aunis, retranscrite in : Archives historiques du département de la Gironde, éd. A. Aubry, 1866 ; Tome VIII, page 298.

[94] KERHERVÉ Jean, L’État breton au 14e et 15e siècles – les ducs, l’argent et les hommes, éd. Maloine, 1987 ; page 55.

[95] KERHERVÉ Jean, « A l’ombre des tours du château. Les gestionnaires du domaine de Rhuys à la fin du Moyen Âge », in Châteaux & modes de vie au temps des ducs de Bretagne, publié sous la direction de Gérard Danet, Jean Kerhervé et Alain Salamagne, éd. Presses Universitaires François Rabelais, 2012 ; pages 65-107.

[96] PIETTE Jean Raymond F. (dit Arzel Even), French loanwords in middle breton, éd. University of Wales Press, 1973 ; page 183. La période du moyen-breton (1100-1650) est une période où la frontière linguistique est stable ; après une situation linguistique complexe durant le Haut Moyen-âge, la limite linguistique se stabilise à la fin du vieux-breton (500-1100), elle recule progressivement à partir du XVIIIe siècle dans le Pays de Guérande.

[97] LAGADEUC Jehan, Catholicon en troys langaiges scauoir est breton franczoys et latin, éd. I. Calvez, 1499. Le Dictionnaire françoislatin de Robert Estienne, premier grand dictionnaire dont la nomenclature partait des mots français (et non des mots latins), parut, lui, seulement en 1539.

[98] PRÉVOST Philippe, MORLON Pierre et SALETTE Jean, « Terroir », 2017, in Les mots de l’agronomie, publié par le département ACT de l’INRAE, en ligne : https://mots-agronomie.inra.fr/index.php/Terroir.

[99] YENGUÉ Jean-Louis et STENGEL Kilien, Le terroir viticole – Espace et figures de qualité, éd. Presses Universitaires François Rabelais, 2020 ; page 28.

[100] VON WARTBURG Walter, Französisches Etymologisches Wörterbuch, 1922-1967, en ligne sur le site https://lecteur-few.atilf.fr/lire/131/263 ; Vol. 13/1 : T-Ti, page 263 sous « territorium ».

[101] WEBER Eugen, La fin des terroirs – La modernisation de la France rurale 1870-1914, éd. Fayard et Recherches pour l’édition française, 1983 (titre original : Peasants Into Frenchmen : The Modernization of Rural France, 1880-1914, publié en 1976).

[102] HÉLIAS Pierre-Jakez, Le cheval d’orgueil – Mémoires d’un breton du pays bigouden, collection Terre humaine, éd. Plon, 1975.

[103] « Les derniers Bretons » est le titre d’un livre d’Émile Souvestre (éd. Charpentier, 1836) ; à cette époque déjà, les contemporains avaient l’impression d’assister à un monde en voie de disparition. Le titre est inspiré de Le dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper (éd. Ch. Gosselin, 1826).

[104] Notamment avec le poète Xavier Grall qui, dans Le Cheval couché (éd. Hachette, 1977), accusera Hélias de donner une image trop passéiste de la Bretagne. Malgré la valeur ethnographique et littéraire de l’oeuvre, il a pu en effet être considéré comme un travail de deuil. Voir : FAVEREAU Francis, « L’évolution du discours bretonnant chez Pierre-Jakez Helias », in L’Ouest et le politique : Mélanges offerts à Michel Denis, éd. Presses universitaires de Rennes, 1997 ; pages 165-177.

[105] MENDRAS Henri, La fin des paysans, innovations et changements dans l’agriculture française, éd. SEDEIS, 1967.

[106] Passé 2000 il ne restait plus qu’une poignée d’anciens, les derniers que je connais ont arrêté il y a plus ou moins cinq ans à cause de l’âge ; le neveu d’un ancien producteur de Noah, que j’ai connu dans les années 1985-1990, continu de faire du vin jusqu’à maintenant avec la même vigne, probablement le dernier à faire du Noah dans la région.

[107] Photos Annick Chevrier, 1993, vieille famille de paludiers Le Heudé / Halgand d’Assérac.

[108] PARKER Thomas, Le goût du terroir – Histoire d’une idée française, éd. Presses Universitaires de Rennes / Presses Universitaires François Rabelais, 2017.

[109] ESTIENNE Robert, Dictionaire Françoif latin, Impr. R. Estienne, 1549 ; page 295.

[110] Dictionnaire de l’Académie française, 1694, sous « terroir ».

[111] ROZIER François, article « Terroir », in Cours complet d’agriculture, théorique, pratique, économique et de médecine rurale et vétérinaire, ou Dictionnaire universel d’agriculture, éd. Delalain, 1796 ; Tome IX, page 401 colonne b.

[112] « Régime du corps » de maître Aldebrandin de Sienne, texte du XIIIe siècle / British Library, manuscrit de vers 1265-1270, Sloane MS. 2435 ; Fol. 44v.

[113] PEYNAUD Émile et BLOUIN Jacques, Le goût du Vin – Le grand livre de la dégustation, 5ème éd. Dunod, 2013 ; page 194.

[114] FURETIÈRE Antoine, Dictionnaire universel contenant generalement tous les mots françois, éd. Arnout & Reinier Leers, 1690 ; Tome III P-Z, page 669 sous « terroir » colonne b.

[115] CHOMEL NOÊL, Supplément au Dictionnaire œconomique, éd. Henry Thomas & Compagnie, 1741 ; Tome II, page 428 colonne a dans « Choix du vin ».

[116] GARCIA Jean-Pierre et JACQUET Olivier, « Le terroir du vin : trajectoire historique d’un objet multiforme en Bourgogne », in Le terroir viticole – Espace et figures de qualité, Collection « Terres des Hommes », éd. Presses Universitaires François Rabelais, 2020 ; page 52.

[117] Le commerce bordelais distinguait des « crus paysans », artisans, bourgeois, et des grands crus. Il semble qu’« une classification et une hiérarchie » des crus apparaisse à la fin du XVe siècle à Bordeaux (BERNARD Jacques, « Le mouvement économique au XVIème siècle », in Histoire de Bordeaux [8 volumes] publiée sous la direction de Ch. Higounet, Tome IV : Bordeaux de 1453 à 1715 [dir. R. Boutruche], éd. Fédération Historique du Sud-Ouest, 1966 ; page 104).

[118] LETURCQ Samuel, « Le terroir, un concept anhistorique », in Le terroir viticole. Espace et figure de la qualité, publié sous la direction de Jean-Louis Yengué et Kilien Stengel, éd. Presses Universitaires François-Rabelais, 2020 ; page 26.

[119] Le mot « blaz » est féminin en breton vannetais comme le montre la mutation consonantique de l’initiale dans « ur vlaz » (ERNAULT Émile, Dictionnaire Breton-Français du dialecte de Vannes, éd. Lafolye frères, 1904 ; page 24), et masculin le plus souvent ailleurs (et donc pas de mutation : « ur blaz »).

[120] CILLART DE KERAMPOUL Claude (dit « Monsieur L’A*** » pour l’Armerye), Dictionnaire françois-breton ou françois-celtique du dialecte de Vannes, éd. à Leyde par la Compagnie, 1744 ; page 356a. Le mot « blaz » désigne en breton vannetais une odeur ou un goût désagréable.

[121] FAVEREAU Francis, Geriadur ar brezhoneg a-vremañ – Dictionnaire du breton contemporain, éd. Skol Vreizh, 1992 ; sous « douar », « terre », « sol ». + MÉNARD Martial, DEVRI – Le dictionnaire diachronique du breton, 2016, en ligne : http://devri.bzh/dictionnaire/d/douar_1/.

[122] Le réchauffement climatique, peu souhaitable malgré l’enthousiasme de ceux qui veulent planter de la vigne jusqu’à la Manche, ne changera pas cette situation : la Bretagne nantaise restera privilégiée par rapport au reste de la Bretagne du point de vue du climat.

[123] LEGUAY Jean-Pierre et MARTIN Hervé, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale, éd. Ouest-France – Université, 1982 ; page 234.

[124] MONNIER Jean-Michel et AUBINAUD Sébastien, Le vin au fil des saisons – Un an dans le costume d’un œnologue, coll. Culture & Vin, éd. Ellipses, 2022 ; page 335.

[125] JULLIEN André, Topographie de tous les vignobles connus, éd. Huzard, 1816.

[126] MUSSET Benoît, « Entre salubrité, conservation et goût : définir le « bon vin » en France (1560-1820) », in Revue historique, 2016, n° 677 ; page 73.

[127] JULLIEN A., ibid ; pages XV, 68, 70, 102, 152, 161, 189, 199, 234, 261.

[128] JULLIEN André, Manuel du sommelier, ou Instruction pratique sur la manière de soigner les vins, éd. L. Colas, 1822 ; page 197.

[129] MACHARD Henri, Traité pratique sur les vins, éd. J. Bonvalot, 1865 ; page 105.

[130] VIARD Émile, Traité général de la vigne et des vins, éd. à Nantes par l’auteur, 1892 ; page 257.

[131] Et en effet, le Cabernet franc, par exemple, donne un grand vin à Bourgueil et Chinon mais un petit vin dans le Pays nantais.

[132] JACQUET Olivier, « Le goût du terroir... histoire d’une prescription internationale au XXe siècle », in Territoires du vin, 13 | 2021 ; en ligne : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=2269.

[133] WILSON Damien, « Perception de la notion de terroir et de typicité par les consommateurs », colloque à Angers en 2008 : « Attractivité des vins de terroir auprès des consommateurs : perspectives de développement local et international ».

[134] HUGLIN Pierre et SCHNEIDER Christophe, Biologie et écologie de la vigne, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1998 ; chapitre « Relations entre les facteurs du milieu naturel et la vigne », pages 259-308.

[135] PUBLIUS VERGILIUS MARO, Georgica, Livre II, 112-113.

[136] « Bachus amat colles ».

[137] CAIUS PLINIUS SECONDUS, Naturalis Historia ; livre XIV, 26.

[138] « Namque est aliquis tantus locorum amor ut omnem in iis gloriam suam relinquant nec usquam transeant totae. », c’était le cas du cépage des Allobroges (peuple celtique de Savoie).

[139] RECH Rémy, « Qu’est-ce qu’un petit vignoble ? Que peut apporter l’historien à l’identification et à la promotion des petits vignoles ? », in Les petits vignobles, publié sous la direction de Stéphane Le Bras, éd. Presses Universitaires de Rennes – Presses Universitaires François-Rabelais, 2017 ; page 25.

[140] PLINE l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XIV, chapitre 6 : « Secunda nobilitas Falerno agro erat » (Le suivant dans l’excellence était le terroir de Falerne).

[141] GAFFIOT Félix, Dictionnaire illustré latin français, éd. Hachette, 1934 ; pages 84-85.

[142] Albrecht von Bollstädt (c. 1200-1280).

[143] MAGNUS Albertus (Albert Le Grand), Alberti Magni ex ordine praedicatorum de Vegetabilibus libri VII, historiae naturalis pars XVIII, publié par Ernst Meyer et Karl Jessen en 1867, rééd. Walter de Gruyter, 2021 ; page 656 (phrase complète : « Habet autem vitis proprium, quod loca saporem et naturam eius immutant multum propter ligni raritatem. »).

[144] Le « Secret des secrets » est une adaptation modifié par Jofroi de Watreford et Servais Copale du « Secretum secretorum » (traité pseudo-aristotélicien), qui est issu d’un original arabe le « Kitâb Sirr al-’asrâr » (950).

[145] HENRY Albert, « Un texte œnologique de Jofroi de Waterford et Servais Copale », in Romania, Tome 107 n° 425, 1986 ; page 30 : « la diversetez de vin solonc les terrages & la region ou les vingnes croissent ».

[146] BNF, manuscrit français, MS. 1822, recueil de texte en proses et en vers, dont « Li Prologes de Secré de secrés » par Jofroi de Waterford (un moine dominicain) ; Fol. 113v.

[147] LE PAULMIER Julien, Traité du vin et du sidre, éd. Pierre Le Chandelier, 1589 ; Fol. 25r. Il s’agit de la traduction française de la version latine publiée en 1588 (« De Vino et Pomaceo »).

[148] DE SERRES Olivier, Le Theatre d’agricvltvre et mesnage des champs, éd. A. Saugrain, 1605 ; page 147.

[149] BIDET Nicolas, Traité sur la culture des vignes, sur la façon du vin,et sur la manière de le gouverner, éd. Savoye, 1752 ; première partie, page 2-3.

[150] BIDET Nicolas, Traité sur la nature et sur la culture de la vigne ; sur le vin, la façon de la faire, et la manière de le bien gouverner, éd. Savoye, 1759 ; Tome I, page V dans la préface.

[151] ROARD Jean-Louis, Abrégé du Traité théorique et pratique sur la culture de la vigne, éd. Arthus-Bertrand, 1806 ; page 106.

[152] Hydromel (Chouchenn), vin et cidre sont complémentaires dans la gastronomie bretonne, s’ajoutent maintenant d’excellentes bières locales. Hydromel et cervoise (ancêtre de la bière, produite sans houblon) ont été les premières boissons alcooliques, consommées par les Celtes à l’Âge du fer ; le vin est arrivé dès l’Antiquité en Armorique et le cidre à la fin du Moyen-Âge. Le cidre s’est implanté en Bretagne avant l’évolution de la cervoise en bière (par ajout de houblon, plante aromatique et surtout aseptisante), d’où le recul de la cervoise, et l’absence de tradition de bière jusqu’à l’apparition de la première brasserie artisanale : Coreff.

[153] MAISONNEUVE Paul, L’Anjou, ses vignes et ses vins, impr. du Commerce, Angers, 1925 ; page X (préface).

[154] TOUSSAINT-SAMAT Maguelonne, Histoire naturelle et morale de la nourriture, éd. Larousse, 1997 ; page 301.

[155] MUSSET Benoît, « À la recherche des critères qualitatifs du vignoble de la Marne, de Thomas Jefferson à Jules Guyot », in Territoires et terroirs du vin du XVIIIe au XXIe siècle – Approche internationale d’une construction historique, publié sous la direction de Serge Wolikow et Olivier Jacquet Olivier, éd. Universitaires de Dijon, 2011 ; page 50.

[156] MENNESSON Jean-Baptiste, L’observateur rural de la Marne ou Tableau historique et topographique des vignobles de ce département, éd. Warin-Thierry, 1806 ; page 42.

[157] ARNOUX Claude, Dissertation sur la situation de la Bourgogne, sur les vins quelle produit, éd. à Londres, impr. chez Samuel Jallasson, P. du Noyer, 1728 ; page 1.

[158] MORELOT Denis, Statistique de la vigne dans le département de la Côte-d’Or, éd. V. Lagier, 1831 ; page 4.

[159] ENJALBERT Henri, Histoire de la vigne et du vin – L’avènement de la qualité, éd. Bordas, 1975 ; page 126.

[160] BUSBY James, Journal of a Tour through some of the Vineyards of Spain and France, éd. Stephens and Stokes, 1833 ; page 107 : « it was evidently the interest of such persons that the excellence of their wines should be imputed to a peculiarity in the soil, rather than to a system of management which others might imitate. ».

[161] LABBÉ Thomas, « La revendication d’un terroir viticole : La Côte-de-Beaune à la fin du XVIIIe siècle », in Histoire & Société Rurales, 2011/1 (Vol. 35) ; pages 99 à 126.

[162] LABBÉ Thomas, « La revendication d’un terroir viticole : La Côte-de-Beaune à la fin du XVIIIe siècle », in Histoire & Sociétés Rurales, vol. 35, n° 1, 2011 ; page 104.

[163] MARKHAM Jr. Dewey, 1855, Histoire d'un Classement des vins de Bordeaux, éd. Feret, 2000.

[164] Anciennement c’était un territoire considéré par rapport à la température qui y règne, et donc différent d’un autre. La 3ème édition du Dictionnaire de l’Académie française (1740) donne pour climat la définition : « Étendue du globe de la terre, comprise entre deux cercles parallèles à l’équateur… On le prend d’ordinaire pour Région, Pays, principalement eu égard à la température de l’air. ». Le Dictionnaire françois-celtique, ou françois-breton de Grégoire de Rostrenen (éd. J. Vatar, 1732 ; page 174) donne : « Climat, selon le vulgaire, terre, ou païs different d’un autre », avec la traduction « Bro » (pays).

[165] LAVALLE Jules, Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte-d’Or, éd. Dusacq, 1855.

[166] Plan statistique des vignobles produisant les grands vins de Bourgogne, classés séparément pour chaque commune de l'arrondissement de Beaume suivant le mérite des produits, par les soins du comité d'agriculture de cet arrondissement, éd. E. Batault-Morot, 1861.

[167] « Les Climats du vignoble de Bourgogne », in : https://whc.unesco.org/fr/list/1425/.

[168] STANZIANI Alessandro, « La falsification du vin en France, 1880-1905 : un cas de fraude agro-alimentaire », in Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2003/2 (n° 50-2) ; pages 154-186.

[169] Décret-loi promulgué le 30 juillet 1935.

[170] L’A.O.C. est un label permettant d’identifier un produit dont la production et la transformation sont réalisées dans une même zone géographique et selon un savoir-faire traditionnel reconnu. Devenu A.O.P. en Europe en 1992 : « Appellations d’Origine Protégée ».

[171] SCHIRMER Raphaël, Muscadet – Histoire et Géographie du vignoble nantais, éd. Presses Universitaires de Bordeaux, 2010 ; page 129. + SCHIRMER Raphaël, « Un vignoble en quête de terroir. Construction et mise en place des AOC dans le vignoble nantais », in Territoires du vin, 1 | 2009 : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1443.

[172] MONTANARI Massimo et FLANDRIN Jean-Louis (dir.), Histoire de l’alimentation, éd. Fayard, 1996. Le docteur Jules Guyot disait par exemple que « le vin est un aliment positif et excellent » (Culture de la vigne et vinification, éd. Librairie agricole de la Maison Rustique, 1861 ; page 377).

[173] MEYZIE Philippe, « La construction de la renommée des produits des terroirs : Acteurs et enjeux d’un marché de la gourmandise en France (XVIIe-début XIXe siècle) », in French Historical Studies, Vol. 38, n° 2, avril 2015 ; page 225.

[174] LETABLIER Marie-Thérèse et NICOLAS François, « Genèse de la typicité », in Sciences des aliments, Vol. 14, n° 5, 1994 ; pages 541-556, dans le résumé.

[175] MEYZIE Philippe, « À la recherche du produit “véritable”. Les appellations d’origine en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », in Les Cahiers de Framespa, 35 | 2020 (Université Toulouse - Jean Jaurès / CNRS) : http://journals.openedition.org/framespa/9466.

[176] DELFOSSE Claire, « La patrimonialisation des produits de terroir, quand “le rural” rencontre “l’urbain” ? », in Anthropology of food, n° 8 : Patrimoines alimentaires, 2011 ; page 2.

[177] « Le terroir et ses savoirs agroécologiques », Sagiter, Lifelong Learning Programme, Savoir Agroécologiques et Ingéniosité des Terroirs, project référence : 538785-LLP-1-2013-1-FR-LEONARDO-LMP ; en ligne : https://sagiter.eu/files/LaNotionDeTerroirEtLesSavoirsAgroecologi_bf_fichierjoint_fiche_terroir_sagiter.pdf.

[178] BÉRARD Laurence et MARCHENAY Philippe, « Lieux, cultures et diversité – Un regard anthropologique sur les productions localisées », in Les produits de terroir, les indications géographiques et le développement local durable des pays méditerranéens, Séminaire international sur Les Produits de Terroir, les Indications Géographiques et le Développement Local Durable des Pays Méditerranéens (Antalya, Turquie, avril 2008), éditeurs scientifiques : Yavuz Tekelioglu, Hélène Ilbert et Selma Tozanli, Coll. Options Méditerranéennes / Série A : Séminaires Méditerranéens, n° 89, éd. CIHEAM, 2009 ; page 32.

[179] Le texte a été réédité plusieurs fois et remanié, le plus complet étant : « La moutarde celtique, poème en IX chants, Héroico-Historico-Erotico-Comico-Lirique, avec une préface par le meilleur des amis de l’auteur, adressé à la société épicurienne », 7ème éd. imp. de Guyon aîné, Saint-Brieuc, 1827.

[180] BOURGUIGNON Alain, Carte gastronomique de la France, éd E. Girard, 1929 ; source : Gallica.

[181] Chez un grand-tante Josso, épouse Bodiguel, de Penbé.

[182] DE LA VARENNE François, Le cuisinier françois ou est enseigné la manière d’apprêter toute forte de viande, de faire toute forte de patifferies, & de confitures, 1651, rééd. Jacques Canier, 1680 ; page 152. + MASSALIOT François, Nouvelle instruction pour les confitures, les liqueurs, et les fruits, éd. Claude Prud’homme, 1735 ; page 284. + PARISET Mme, Manuel de la maîtresse de maison, ou lettres sur l’économie domestique, éd. Audot, 1822 ; page 228. + Revue progressive d’agriculture, de jardinage, d’économie rurale et domestique, publiée sous la direction de MM. Boitard et Noisette, éd. Librairie encyclopédique de Roret, 1841 ; 2ème volume – année 1840-1841, page 105. + Les Annales Agricoles – Supplément des Annales Africaines, éd. à Alger, 45e année, n° 3 nouvelle série, 1er février 1933 ; page 7 dans un article d’« Économie domestique »…

[183] DE CHÂLONS Pierre, Dictionnaire Breton-François du diocèse de Vannes, éd. à Vannes chez Jacques de Heuqueville, 1723 ; page 30.

[184] TROUDE Amable-Emmanuel, Nouveau dictionnaire pratique breton-français du dialecte de Léon, éd. J.B. & A. Lefournier, 1876 ; page 321.

[186] Première édition imprimée de Jehan Calvez : https://www.catholicon.net/telechargement/catholicon_quimper_1499.pdf, page 48 / vue 49.

[187] Cette source n’est pas citée dans le site du C.N.R.T.L..

[188] Fait maison selon la recette traditionnelle locale.

[189] Préparé à la ferme selon la méthode ancienne.

[190] Les limites concernent l’espace (le Pays de Guérande), le milieu (uniquement rural, avec des gens ayant vécu à la ferme), l’âge (des personnes suffisamment âgées pour avoir connu l’abattage à la ferme), l’origine (des gens portant des noms du coin, et dont les grands-parents sont eux aussi d’origine locale). La mémoire est activée alors qu’elle est le plus souvent enfouie, « comme les pages d’un livre qu’on pourrait ouvrir alors qu’on ne les ouvre plus » (HALBWACHS Maurice, La mémoire collective, 1950, rééd. Albin Michel, 1997 ; page 126).

[191] Marais salants et littoral d’Assérac surtout. Mais le mot est aussi connu à Pénestin, Camoël, Mesquer, Guérande... il faudrait enquêter dans les autres communes ; il est encore bien connu des anciens, familles : Leheudé, Halgand, Yviquel, Legal, Josso, Cadro, Lescop…

[192] Ou parfois [kʁazẹ'new] avec un [e] très fermé qui fait hésiter avec un [i] dans le deuxième syllabe. Plusieurs personnes ont des variantes relâchées [kʁazi'no] > [kʁazẹ'no], moins « patoisantes » à leurs yeux. Une dame de Pénestin, mariée à un agriculteur d’Assérac, m’a dit qu’on prononce [kʁazi'no] dans le bourg alors qu’on prononce [kʁazi'new] à Assérac, mais les gens connaissent ces deux prononciations à Assérac ; une autre personne de Pénestin m’a donné aussi la forme [kʁazi'no] en m’expliquant que les gens du bourg et du Haut-Pénestin étaient plus « avancés / modernes » que les habitants du sud de la commune (Kerfalher / Kerséguin, ancienne frairie de Larmor), qui prononçaient eux [kʁazi'new].

[193] La panne est l’amas graisse situé autour des reins du porc, elle fournit un saindoux blanc, ferme avec une saveur très neutre, considéré comme la plus haute qualité.

[194] Afin d’obtenir un saindoux bien blanc et ne pas brûler les graisses.

[195] Il faut que le gras soit bien fondu, les morceaux colorés, un peu secs et grillés.

[196] Comme les « rillettes » justement.

[197] Il y a aussi en breton le verbe « kraziñ » : dessécher, griller. L’idée est bien de vider les morceaux de gras de tout leur saindoux, puis de les faire rissoler. Le côté « krazet » (grillé) est important dans la réussite des « krazinoù », cela donne de la couleur, du goût et de la texture, sinon on est dans une masse graisseuse peu agréable et un peu fade.

[198] Le suffixe breton « -in » n’est plus productif dans la langue moderne, il reste visible sur certains noms, comme dans « glizin » (bleuets au collectif) qui est dérivé de l’adjectif « glas » (bleu) ; https://arbres.iker.cnrs.fr/index.php?title=-in.

[199] ERNAULT Émile, Étude sur le dialecte breton de la presqu’île de Batz, éd. Prud’homme, 1883 ; pages 3 et 20, transcrit « -eo ». + LE ROUX P., A.L.B.B. : carte 317 (chemins), carte 428 (livres), carte 435 (veaux), carte 582 (langues), carte 597 (œufs).

[200] Parler et patois de La Madeleine… en Brière, Parole de métais n° 5, éd. Association La Madeleine d’hier et d’aujourd’hui, 2008 ; page 13.

[201] Collectage et information de Yannick Dabo.

[202] Avec ici un suffixe de singulatif « -enn ».

[203] Pour un morceau, que l’on mange croustillant (un par un), et non pas dans le saindoux sous forme de rillettes.

[204] Habitants de la Haute-Bretagne (moitié orientale de la Bretagne) qui ne parlent pas breton mais des dialectes gallo-romans.

[205] LECOMTE Charles, Le parler dolois, éd. H. Champion, 1910 ; page 123.

[206] VIVANT Georges, « N’en v’la t’i’ des rapiamus ! » – Patois du pays nantais, éd. Reflet du passé, 1980 ; page 165 : « grillons (des) : sorte de charcuterie, morceaux de lard frits très longtemps dans leur graisse ».

[207] Avec le recul de la langue bretonne, le Pays de Guérande a été gagné par un français régional plus ou moins mâtiné de gallo (parler gallo-roman de Haute-Bretagne) ; lors de l’acculturation, les paludiers guérandais et les paysans de l’arrière-pays n’ont probablement pas adopté tel quel le parler de leurs voisins gallos (il ne faut pas oublier l’influence du substrat breton local), ils ont aussi imité, les bourgeois de Guérande, les propriétaires terriens, qui ne parlaient certainement pas patois mais français. Le mot « guerzillons » (résidu grillé de la fonte du gras de porc) est attesté dans le parler qui a remplacé le breton local dans les marais salants guérandais (« gueursillons » in PÉRÉON Joseph, Nous les avions oubliés… j’cré pas maill’ – Patois du marais salant de la région de Guérande, éd. des Paludiers, 1981 ; page 31 / mieux transcrit « guerzillons » in Bulletin de l’Association Préhistorique et Historique de Saint-Nazaire, monographie sur La Turballe, partie 3/3, 1977 ; page 16 / et effectivement je l’ai entendu prononcé [gœʁzi'jõ] à La Turballe). C’est certainement du gallo nantais de la région nazairienne qui est remonté au XVIIIe-XIXe siècle dans le sud du Pays de Guérande aux dépens du mot local « krazinéo ». Ce mot vient du moyen-français « grezillons » signifiant « petits morceaux de graisse (ou de viande) salée et grillée » (COTGRAVE Randle, A Dictionary of the French and English Tongues, impr. Adam Islip, 1611 : « little gobbets of fat, or salt meat broyled »). En occitan, on trouve « grecilhoûs » pour « fritons qui restent après avoir fait fondre la graisse ; rillettes » (PALAY Simin, Dictionnaire du Béarnais et du Gascon modernes, impr. Marrimpouey jeune, 1932, Tome II, page 76b) / « graissilhou » pour « morceau rissolé de panne de porc d’où l’on a tiré le saindoux en le faisant bouillir » (AZAÏS Gabriel, Dictionnaire des idiomes romans du midi de la France, éd. Société pour l’étude des langues romanes, 1878 ; Tome II, page 361b).

[208] Les mots « grilleaux / grillons » et le verbe français « griller » sont dérivées du latin « crāticula » (> bas-latin « *graticula ») signifiant « petit gril » (VON WARTBURG Walther, Französisches Etymologisches Wörterbuch, 1922-1967 ; Vol. II, pages 1287-1289, sous « crāticula »). Il y a eu confusion avec les mots « rillaux / rillôts » (COULABIN Henri, Dictionnaire des locutions populaires du bon pays de Rennes-en-Bretagne, éd. H. Caillère, 1891 ; page 327 / VERRIER A.-J. et ONILLON R., Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l’Anjou, éd. Germain & G. Grassin, 1908 ; Tome II, pages 212-213) et « rillons » que l’on trouve en charcuterie (morceau de poitrine de porc, rissolé et confit dans sa graisse), ces mots sont dérivés du latin « rēgula » (barre) qui évoque à une tranche de lard (RÉZEAU Pierre, Dictionnaire des régionalismes de France – Géographie et histoire d’un patrimoine linguistique, éd. De Boeck – Duculot, 2001 ; sous : « rille », « rillaud ou rillot », « rillon », « grillon »), et le moyen-français « rille » désigne bien une « bande de lard » (VON WARTBURG Walther, Französisches Etymologisches Wörterbuch, 1922-1967 ; Vol. 10, page 217, sous « rēgula »). Un charcutier de L’Immaculée en Saint-Nazaire distingue bien « grillons » (fait à partir de gras, sans viande) et « rillons » (fait à partir de lard de poitrine), ses « grillons » sont nommés « crasinéo » par certains clients originaires du Pays de Guérande.

[209] Le verbe « grésiller » (lié à « guerzillons) a un sens qui rend bien ce qui arrive à la matière grasse lors de la cuisson : « faire que quelque chose se fronce, se rétrécisse, se racornisse (sous l’effet du feu, d’une chaleur vive) » (C.N.R.T.L., étymologie ?).

[210] On trouve dans le nord Vannetais un mot dérivé « krazinell » pour « rillon » (ER BORGN Guillam a Seglian, Soñnenneu bourabl eit deverral, éd. Galles, 1924 ; page 76, dans le chant « Fest en hoh » : la fête du cochon, vers : « get er lard é hrér krazinel » : avec le lard on fait des rillons), avec ici le suffixe rallongé « -inell ». Il y a des variantes avec le suffixe de singulatif « -enn ». Dans le Léon, on a « krazenn » pour « tranche de pain grillée » (TROUDE Amable-E., Nouveau dictionnaire pratique français & breton du dialecte de Léon, éd. Le fournier, 1869 ; page 794). Dans le Trégor, « krazenn » désigne la dernière crêpe qu’on laisse sur la galettière, toute sèche et grillée, et plus petite car faite avec le reste de la pâte (LE CALVEZ G., « Les lutins dans le Pays de Tréguier », in Revue des traditions populaires, n° 5, 25 mai 1886 ; page 143). Il y a aussi « krazadenn » (suffixe « -adenn ») pour « morceau de viande grillé » (LE GONIDEC Jean-François, Dictionnaire celto-breton, ou breton-français, éd. F. Trémeau et Cie, 1821 ; page 114b). A Douarnenez, il y a « krazigenn » (suffixe « -igenn) pour « petit morceau de viande desséché » avec introduction du diminutif « -ig- » au milieu du mot (DENEZ Per, Étude structurale d’un parler breton – Douarnenez, thèse doctorat, Université de Rennes 2, 1977 ; page 706).

[211] Pays de Guérande, Brière et nord-ouest du Pays nantais.

[212] Il était élevé pour sa laine noire qui servait à fabriquer les étoffes rustiques et solides des vêtements traditionnels : berlinge (mélange laine x lin ou chanvre) et serge.

[213] J’ai fait aussi du collectage sur le mouton des landes de Bretagne, car on a retrouvé l’un de ses descendants sur une île de Brière (la Butte aux Pierres face à Saint-Lyphard), un autre de ses descendants est le mouton dit d’Ouessant.

[214] DAUDET Léon, Quand vivait mon père, éd. B. Grasset, 1940 ; page 25.

[215] GRACINEAU-ALASSEUR Claude, « Comment et de quoi vivent les Briérons au XIXe siècle ? », in Briérons naguère... du géographe Augustin Vince, 1981, rééd. Coop Breizh, 2006 ; chapitre X, page 144.

[216] Attesté au XVIIIe siècle dans DE ROSTRENEN Grégoire, Dictionnaire françois-celtique, ou françois-breton, éd. J. Vatar, 1732 ; page 398 : « de la farce cuite en un sac dans la marmite, pour manger avec de la viande, à la mode de Léon ».

[217] MARKHAM Gervase, Covntrey Contentments, or The Englifh Hufvvife, éd. R. Jackson, 1623 ; page 223 : « boild firft in a linnen bag / bouilli d’abord dans un sac en lin ». + RIDER William, A New Universal English Dictionary : or, a Compleat treasure of the English, éd. W. Griffin / I. Pottinger, 1759 ; sous « pudding » : « a kind of food boiled in a bag or ftuffed in the guts of fome animal / sorte d’aliment bouilli dans un sac ou fourré dans l’intestin d’un animal ». La préparation en intestin rappelle le Haggis (panse de brebis farcie), plat traditionnel écossais, le sac a l’avantage de permettre d’en préparer à toute période de l’année (pour plus de renseignements voir : DAVIDSON Alan, The Oxford Companion to Food, éd. Oxford University Press, 2014 ; page 656.

[218] LE CUNFF Louis, Cuisine et gastronomie de Bretagne, éd. Ouest-France, 1984 ; page 33. + THOREL Jacques, L’authentique cuisine de Bretagne, éd. Ouest-France, 2013 ; page 56. + MORAND Simone, Cuisine traditionnelle de Bretagne, éd. Gisserot, 2013 ; page 259…

[219] Ancien nom de la Baie de Bourgneuf dans le Pays de Retz (44), qui a donné son nom au « Marais breton ».

[220] On remarque que l’implantation de la viticulture et de la saliculture correspondent parfaitement sur le littoral breton : l’Arvor.

[221] La gabelle est un impôt royal sur le sel ayant existé en France du Moyen-âge à l’Époque moderne.

[222] Il ne s’agit pas de faveurs, mais de droits particuliers hérités du duché et de l’édit d’union entre la Bretagne et la France (édit du Plessis-Macé, 1532) ; du latin « privilegium », composé de « privus » (privé, propre à chacun) et « lex » (loi, contrat).

[223] COLLINS James B., La Bretagne dans l’État royal : Classes sociales, États provinciaux et ordre public de l’Édit d’Union à la révolte des Bonnets rouges, éd. Presses Universitaires de Rennes, 2006.

[224] BURON Gildas, Bretagne des Marais Salants, éd. Skol-Vreizh, 1999 ; page 145.

[225] Le sel remontait la Loire à partir de Nantes, puis il était taxé en amont de la frontière douanière (gabelle). Il faisait donc le chemin inverse des « vins d’amont » qui étaient eux taxés en arrivant en Bretagne.

[226] Encore une différence historique entre Bretagne nantaise et Val de Loire, l’équivalent de la taxe sur les « vins d’amont » en Bretagne.

[227] Il y a d’ailleurs un lien entre le maintient tardif de la langue bretonne chez les paludiers du bourg de Batz et la nécessité du commerce avec le reste de la Bretagne bretonnante (les sauniers parcouraient la Basse-Bretagne).

[228] Le sel est un condiment, qui donne son goût au beurre breton, et un agent de conservation essentiel autrefois (salaisons). Dans son roman Béatrix, Honoré de Balzac écrit sur le sel de Guérande que les Bretons lui attribuent « la bonté de leur beurre » (éd. Meline, Cans et Compagnie, 1839 ; Tome I, chapitre I : « Une ville de Bretagne », page 10).

[229] HERVÉ Patrick, Boued – Expressions culinaires bretonnes, éd. Skol Vreizh, 1994 ; page 20. « Amanenn » est contracté en « amann » en breton dit « K.L.T. » (nord-ouest) du fait de l’accentuation sur la syllabe pénultième.

[230] LE CUNFF Louis, Cuisine et gastronomie de Bretagne, éd. Ouest-France, 1984 ; page 44.

[231] Non pas la crêpe de blé noir, mais le biscuit sablé, spécialité culinaire emblématique de la gastronomie bretonne. Le breton « krampouezh » (crêpes), retranscrit « kranpoerh » dans le breton de Guérande (ERNAULT Émile, Étude sur le dialecte breton de la presqu’île de Batz, éd. L. Prud’homme, 1883 ; page 17), désigne la crêpe de froment comme la crêpe de blé noir (même principe, seule la farine change) ; les Bretons gallos (Haute-Bretagne) parlent eux de « galettes », termes repris maintenant dans les crêperies et les zones touristiques.

[232] Quand les Bretons passent à table – Manières de boire et manger en Bretagne 19e-20e siècle, ouvrage collectif (association « Buhez »), éd. Apogée, 1994 ; page 238.

[233] SAUVÉ Léopold-François, « Devinettes bretonnes », in Revue celtique, Tome IV, éd. F. Vieweg, 1879-1880 ; page 82. Orthographe modernisée.

[234] Explication : l’emploi de sel marin, qui retient l’humidité (hygroscopique), donnait au beurre un aspect strié et suintant légèrement d’eau.

[235] LE CUNFF Louis, Cuisine et gastronomie de Bretagne, éd. Ouest-France, 1984 ; pages 45-47.

[236] Autre produit de terroir, indiqué près de Nantes sur la carte gastronomique d’A. Bourguignon, voir supra.

[237] Le marais de Goulaine est la plus grande frayère à brochets de l’Hexagone.

[238] Gâteau, ou « sablé », « palet », ou encore « galettes bretonnes pur beurre », que l’on trouve partout en Bretagne, des « Galettes Saint-Michel » du Pays de Retz aux « Galettes de Pont-Aven » en Cornouaille.

[239] BIZOT Jean-Yves, Caractérisation du terroir et de son effet sur les vins blancs issus du cépage Chardonnay en Bourgogne, stage de Doctorat d’Université, au Bureau de Recherches Géologiques et minières – Service géologique Champagne-Ardenne, 1995 ; page 2.

[240] ENJALBERT Henri, Histoire de la vigne et du vin – L’avènement de la qualité, éd. Bordas, 1975 ; page 126.

[241] ASSELIN Christian, PAGÈS Jérôme et MORLAT René, « Typologie sensorielle du Cabernet franc et influence du terroir. Utilisation de méthodes statistiques multidimensionnelles », in Journal International des Sciences de la Vigne et du Vin, 1992, 26, n° 3 ; page 152.

[242] HUGLIN Pierre et SCHNEIDER Christophe, Biologie et écologie de la vigne, éd. Lavoisier TEC & DOC, 1998 ; page 299. + MORLAT René, Traité de viticulture de terroir, éd. TEC & DOC – Lavoisier, 2010. + VAUDOUR Emmanuelle, Les terroirs viticoles – Définitions, caractérisation et protection, éd. La vigne / Dunod, 2003. + YENGUÉ Jean-Louis et STENGEL Kilien (dir.), Le terroir viticole – Espace et figures de qualité, éd. Presses Universitaires François Rabelais, 2020…

[243] BÉRARD Laurence, DELFOSSE Claire et MARCHENAY Philippe, « Les “produits de terroir” : de la recherche à l’expertise », in Ethnologie française 2004/4 (Vol. 34) ; page 591.

[244] DELFOSSE Claire, Géographie rurale, culture et patrimoine, Mémoire pour le diplôme d’Habilitation à diriger des recherches en géographie, Université de Lille I, 2003 ; Vol. I, page 5 / publié in Ruralia – Revue de l’Association des ruralistes français, n° 12-13, 2003.


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