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LE CÉPAGE NOMMÉ « L'AUNIS » DE GUÉRANDE À SARZEAU. (quatrième partie - 2)

Dernière mise à jour : 23 mars 2023

Suite qui sera publiée dans le numéro 106 .


Vieux pied de vigne trouvé le long du mur en pierres

d’un ancien clos du Vignoble guérandais, de l’Aunis ?


C. L’étude du terroir.


L’exode rurale et l’urbanisation ont coupé la plus grande partie de la population de ses racines rurales et de la nature, l’industrialisation de l’alimentation rend aussi plus sensible à une nourriture plus saine, plus naturelle et plus locale. La revalorisation actuelle des produits de terroir constitue une forme de contestation de la société de consommation et du productivisme agricole, une tendance qui s’inscrit dans une prise de conscience écologique. La méconnaissance de ce que nous avons dans notre assiette et dans notre verre conduit à une perte d’identité, le terroir restaure le lien entre le consommateur et l’aliment [1]. La mondialisation et la standardisation de la société et de la culture induisent aussi en réponse une quête d’authenticité et d’identité [2], un retour aux racines ; on assiste ainsi à une renaissance des terroirs, qui n’est pas un retour aux terroirs d’Eugen Weber, qui n’est pas un mouvement rétrograde et passéiste, mais un besoin humain légitime.


1) Les définitions courantes et officielles du terroir.


De nos jours, les définitions courantes du « terroir » sont [3] :


- l’étendue de terre considérée du point de vue de ses qualités ou de ses aptitudes agricoles (définition agricole).

- la région rurale, considérée comme étant la cause des caractères particuliers de ceux qui y vivent [4] (définition culturelle) [5]. Pour ce deuxième sens du mot, on peut aussi parler de « pays ».


Le terroir est donc bien un concept polysémique, les usages du mot oscillent entre ces deux significations [6] principales, selon qu’il comprend ou non la dimension humaine [7]. Les définitions du terroir viticole varient en effet, depuis celles qui limitent le terroir à la constitution physique du sol et du sous-sol (définition strictement physique), jusqu’à celles qui considèrent qu’il n’est rien d’autre que le travail de l’homme [8]. Bien que les influences physiques (agro-terroir) et humaines (socio-terroir) s’entremêlent étroitement [9], le débat nature / culture est vif dans ce domaine [10]. Comme on l’a dit en introduction, le « terroir » est une notion particulièrement complexe, et on en trouve diverses définitions [11] qui peuvent varier en fonction des disciplines [12]. Le terroir doit cependant être assumé dans tous ses aspects [13], mais dans tous les cas il est un espace qui se distingue des territoires ou terroirs voisins [14].


La définition de l’ancienne Commission Française du Développement Durable [15] est : « Un terroir est une entité territoriale dont les valeurs patrimoniales sont les fruits de relations complexes et de longue durée entre des caractéristiques culturelles, sociales, écologiques et économiques. A l’opposé des espaces naturels où l’influence humaine est faible, les terroirs dépendent d’une relation particulière entre les sociétés humaines et leur habitat naturel qui a façonné le paysage. » [16]


Selon l’Institut national de l’origine et de la qualité (I.N.A.O.), « un terroir est une zone géographique particulière où une production tire son originalité directement des spécificités de son aire de production. Espace délimité dans lequel une communauté humaine construit au cours de son histoire un savoir-faire collectif de production, le terroir est fondé sur un système d’interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains. Là se trouvent l’originalité et la typicité du produit. » [17]


Une autre définition a été trouvée entre les chercheurs (I.N.R.A. / I.N.A.O.) et les professionnels de la vigne, elle a été reprise dans les travaux de l’UNESCO : « Un terroir est un espace géographique délimité défini à partir d’une communauté humaine qui construit au cours de son histoire un ensemble de traits culturels distinctifs, de savoirs et de pratiques, fondés sur un système d’interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains. Les savoir-faire mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et permettent une reconnaissance pour les produits ou services originaires de cet espace et donc pour les hommes qui y vivent. » [18].


Quelques éclairages sur ces définitions :


Le terroir est devenu l’élément central du discours sur le vin, « inimitable facteur de qualité » [19], d’où la recherche d’une définition. La notion de « terroir agricole » se différencie de celle de « territoire » par le lien à un ou des produits [20], on peut distinguer « terroir » et « pays » pour la même raison.


Le terroir est un espace géographique dont les limites se sont construites au fil du temps, la délimitation géographique du terroir s’impose au même titre que son ancienneté. Les caractéristiques du terroir ont aussi été façonnées tout au long de l’histoire des hommes qui y ont vécu. Ce sont les hommes qui créent les terroirs, c’est une communauté humaine (paysanne) qui met en valeur les potentialités agricoles et les particularités culturelles d’un espace. Au fur et à mesure se tissent des liens de solidarité et des identités. Les travaux de Roger Dion, dans les années 1950, ont rendu à l’homme un rôle essentiel dans l’histoire des terroirs viticoles, pour lui les terroirs se construisent sur le temps long, principalement en fonction des contextes économiques et marchands [21]. Le terroir est une portion de territoire homogène et doté d’une forte identité, homogène à tous les points de vue, environnementaux et sociaux [22], et donc caractérisé par un ensemble de ressources : naturelles (sol / climat) et construites (historiques / culturelles) [23]. Par ailleurs, cette communauté rurale n’évolue pas de manière isolée, elle est intégrée à une société plus large [24], l’histoire du Vignoble nantais n’est pas séparable de celle du duché puis de la province de Bretagne. Le terroir exprime un patrimoine historique commun et typique dans un processus de valorisation des ressources locales [25].


La typicité est l’ensemble des caractéristiques qui font la particularité d’un aliment [26], le mot exprime bien la notion de spécificité [27] et d’originalité. C’est un terme relativement nouveau, utilisé dans un livre sur la dégustation en 1972, il n’apparaît dans un dictionnaire qu’en 1993 [28], signe d’un intérêt récent pour la notion. Un produit « typique » est représentatif de son « terroir » [29], et la typicité devient l’art de se distinguer des autres [30], de se démarquer pour mieux exister, de faire émerger une différence lisible dans un marché concurrentiel [31].



2) Terroirs traditionnels et découpages administratifs récents.


« Les limites administratives peuvent nier les limites identitaires, comme cela a été le cas dans la construction des départements et des régions » [32]. La zone que l’on étudie est partagée entre deux départements et deux régions administratives, cela pose problème à certaines personnes mal intentionnées : soit des gens de petite culture, soit des gens politisés [33] ; on fera abstraction de leurs avis insignifiants, ces découpages récents ne changent strictement rien à la géographie, à l’histoire, à la culture, à l’agriculture traditionnelle et à l’identité de la zone étudiée. Redon est l’exemple même des aberrations administratives : le Pays de Redon est écartelé entre trois départements et deux régions administratives. Le vin est passé du statut d’aliment à celui de produit culturel [34], il faut donc tenir compte de cette dimension essentielle [35].

Si la frontière orientale de la Bretagne a été à peu près respectée lors de la création en 1790 des cinq départements bretons [36], aucune limite administrative – contemporaine ou d’Ancien Régime – ne correspond à des limites ethnographiques et linguistiques [37] (limites de pays). On constate, par exemple, que les évêchés d’Ancien Régime ne suivent pas la limite linguistique breton / français [38] malgré la « règle d’idiome » [39]. L’historien breton Alain Bouchard (c. 1440-1520), secrétaire du duc de Bretagne et familier de la reine Anne, est natif de Batz en Guérande, dans ses Grandes Croniques de Bretaigne [40] il demande à ses lecteurs « s’ils y trouvent quelques tournures de langue mal ornées, par défaut d’élégance ou d’un style plaisant, qu’ils le tiennent pour excusé, attendu qu’il est natif de Bretagne et que français et breton sont deux langages très difficiles à prononcer de manière intelligible par une même bouche » [41].


Et il explique : « En cette principauté il y a neuf sièges cathédraux, dont un est de long & ancien temps archevêché & les autres sont évêchés ; en trois de ces évêchés, comme Dol, Rennes & Saint-Malo, on ne parle que la langue française ; en trois autres, Cornouaille, Saint-Paul & Tréguier, on ne parle que la langue bretonne… ; & en Nantes, Vannes & Saint-Brieuc, on parle communément français & breton. » [42]. Trois des neuf évêchés bretons (en zone médiane) étaient donc traversés par la limite linguistique, dont l’évêché de Nantes. On a parlé breton dans le Pays de Guérande jusqu’au début du XXe siècle (villages paludiers de Batz dans les derniers temps [43]), et l’on a jamais parlé breton dans le Pays de Rennes… Lors de la création des départements, l’Ille-et-Vilaine était le seul département issu de l’ancienne province où l’on ne parlait pas breton, et la limite linguistique traversait alors trois départements : Côtes-du-Nord (22), Morbihan (56) et une portion de la Loire-Inférieure (44). Les découpages administratifs, d’Ancien Régime ou actuels, ne sont donc d’aucune utilité dans l’étude des pays et des terroirs traditionnels.


Cependant, il faut signaler que, du fait des découpages administratifs régionaux [44] et des pressions institutionnelles qui s’en suivent [45], le mot « Bretagne » est maintenant presque tabou en Loire-Atlantique, dans les sphères officielles (les politiques et leurs relais dans la presse), il n’est plus de bon ton de parler de Bretagne, il faut taire le passé historique, presque le nier, il faut minimiser les liens culturels avec le reste de la Bretagne, et ne surtout pas parler d’identité bretonne. Ce n’était pas la cas il n’y a pas si longtemps :


La Bretagne n’existe pratiquement plus dans la communication du département [46], et pas du tout dans celle de la région administrative dite des « Pays de la Loire » [47], ainsi que dans les organisations viticoles du bassin [48] de la Loire, récemment renommé « Val de Loire ». Le discours officiel vise la déculturation, et l’oubli d’une identité historique incompatible avec les découpages administratifs actuels.


Mais les faits sont têtus, la Loire bretonne [49] (d’Ingrandes à Nantes) [50], et l’estuaire, qui est un tout autre univers (Nantes et Saint-Nazaire sont des ports maritimes), n’appartiennent pas à la région du Val de Loire, l’historien Yves Durand parle de « Val breton » [51]. Le fleuve franchit son dernier obstacle, le Sillon de Bretagne, en plein Nantes (belvédère Sainte-Anne)[52], en aval c’est l’estuaire, on est bien dans un département atlantique. Le Val de Loire, délimité officiellement de Sully-sur-Loire (45) à Chalonnes-sur-Loire (49), correspond bien à une réalité géographique, historique et culturelle, la région est d’ailleurs inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis le 30 novembre 2000 [53].


Cette remise en cause décomplexée de l’identité traditionnelle peut aller très loin, et même jusqu’au grotesque. Sur le site du CRAPAL (Conservatoire des races animales en Pays de Loire), organisme créé à l’initiative de la région administrative, on peut lire sous la plume de son président : « S’il œuvre pratiquement à la conservation de l’identité régionale traditionnelle [sic] en matière d’élevage, le CRAPAL peut aussi, à son niveau, contribuer à forger une nouvelle identité. » [54] ; tout est dit, et honte de rien, plutôt surréaliste et ridicule tout de même de parler d’« identité régionale traditionnelle » pour une région administrative aussi récente et surtout aussi artificielle [55], et on note aussi la volonté de faire du zèle dans l’invention d’une identité qui n’existe pas. Du fait de ce type de communication lourde et insistante, on constate même maintenant de l’autocensure dans une partie de la population ; hors des passionnés d’histoire et de culture locale, il devient presque inconvenant de rappeler le long passé breton du département, et on devient même suspect dès qu’on ose revendiquer son identité historique. La notion de terroir étant indissociable de la notion d’identité [56], on se doit d’aborder le sujet, car « consommer un produit de terroir, c’est s’inscrire dans un espace qui raconte une histoire » [57].


Ce tabou est assez surprenant dans le monde viticole, où la notion de terroir est devenue si importante. Comment peut-on faire l’impasse sur 1200 ans d’histoire bretonne du Pays nantais ? Ce vignoble s’est constitué à l’époque du duché de Bretagne [58], il est ancré dans une région profondément marquée par l’histoire conflictuelle entre le duché et son puissant voisin : les Marches de Bretagne [59], la frontière politique et douanière entre la Bretagne nantaise et l’Anjou a elle aussi profondément marqué l’histoire de ces deux vignobles jusqu’à la Révolution [60], et la politique protectionniste du duché puis de la province de Bretagne a aussi contribué à l’identité du Vignoble nantais [61] tout autant que l’influence hollandaise [62], ce protectionnisme a délimité des zones de production [63]. Comment ignorer ces faits ? Le Vignoble nantais doit être le seul et unique vignoble à qui on interdit toute référence à son identité historique [64], cela va jusqu’à effacer toute trace d’hermine sur les bouteilles et les étiquettes, un symbole pourtant bien inoffensif, alors que c’est en Loire-Atlantique que l’on trouve la plus grande densité de communes ayant un blason herminé en Bretagne [65], c’est bien un symbole éminemment local.


La culture de la vigne est apparue en Armorique durant l’Antiquité, et l’ancrage armoricain du Pays nantais a précédé son appartenance à la Bretagne. Les Namnètes du nord de la Loire, et les Ambilatres du sud de l’estuaire [66] (peuple client ou « pagus » [67] des Namnètes), sont des peuples celtiques liés aux Vénètes [68], ils appartenaient à la coalition armoricaine qui luttait contre les Romains et leurs alliés Pictons (> Poitou / Poitiers). Conformément à l’étymologie du nom celtique « Aremorica » [69], les Armoricains sont des peuples maritimes, contrairement aux Andecaves (> Anjou / Angers) et aux Turones (> Touraine / Tours). La limite sud et est de la Bretagne nantaise s’inscrit dans une sorte de permanence de la limite sud-est de l’espace maritime nommé Armorique à l’Âge du fer, Nantes / Condevincon [70] étant au centre de cette espace depuis son origine [71].


L’identité maritime et bretonne du vignoble et des vins nantais est traditionnellement revendiquée dans toute la communication sur ces vins, notamment avec un accord Muscadet / Gros plant – fruits de mer. L’Ordre des Chevaliers Bretvins [72] en témoigne, il a été créé en 1948 pour faire la promotion des vins du Pays Nantais et de la cuisine régionale, « maintenir le folklore haut-breton et respecter les traditions régionales » [73], les buts de l’ordre indiquent « sans ambiguïté le caractère breton de la confrérie » [74] ; son nom fait référence à Anne de Bretagne, dite « la Brette » [75], c’est-à-dire la Bretonne, son siège a longtemps été au Château des ducs de Bretagne à Nantes. C’est aussi clairement affiché dans le nom de la confrérie des « Gastronomes de la mer » ; installé dans la commune de La Chapelle-Heulin elle a été créée en 1968 à l’initiative de Donatien Bahuaud (important négociant du Pays nantais), et a pour objectif la promotion du Muscadet au travers de la gastronomie marine [76]. Son fils, Jacques Bahuaud, constatait que « l’océan est proche et, au milieu des vignes, on le sent, il se devine. La vocation marine des deux vins de Loire-Atlantique est affirmé avec force et conviction par tous les marins et vignerons bretons » [77]. Le journaliste Jean-Yves Picoron (Presse-Océan [78]) précisait en 1999 dans son livre sur le Muscadet : « il n’est point de gastronomie spécifiquement bretonne si elle n’est dûment accompagnée des vins si bien fait pour elle, et bretons de surcroît » [79]. Le vin est à la fois l’image du peuple qui le récolte et de la région qui le produit [80]. L’action de l’homme contribue en effet à forger le terroir et à faire en sorte que le produit qui en est issu reflète bien, par ses caractéristiques, son lieu d’origine [81] : le Muscadet et le Gros plant s’inscrivent bien dans une région maritime et une gastronomie bretonne des produits de la mer.


Ce lien à la mer est toujours revendiqué de nos jours, et on peut lire dans un manifeste récent : « Nous sommes vignerons du Muscadet et nous aimons l’océan. Passionnément. Parce qu’il frappe nos vins comme aucun autre dans le monde. Il tempère nos vignes… Et elles donnent naissance à des vins d’écumes, salés, iodés, mentholés. Des vins ébouriffants de la fraîcheur de l’Atlantique… Nous sommes à l’embouchure de la Loire, contre l’océan. Nous vivons avec l’eau. Huîtres, langoustines, bigorneaux, coques, poissons grillés ou au beurre blanc, cuisses de grenouilles : elle est notre vivier, notre agence matrimoniale ; ses mariages sont éternels. [82] ». Mais dans le contexte actuel de pressions institutionnelles, on se doit de faire des contorsions pour éviter de parler de gastronomie bretonne.


Ce malaise interroge, tellement est flagrante la contradiction avec la notion même de terroir. Si on prend l’exemple des Fiefs vendéens, la notion de terroir transparaît dans le mot « fief » et dans l’ancrage en Vendée, mais le rattachement aux vins de Loire est une aberration administrative, quels liens ont ces vignobles avec la vallée fluviale de la Loire [83], avec la région culturelle du Val de Loire et même avec l’immense bassin versant de la Loire [84] ? La Vendée, nouveau nom du Bas Poitou depuis la Révolution, appartient à un domaine culturel et linguistique différent (poitevin-saintongeais) [85], ses vignobles s’inscrivent dans un espace atlantique (et pas du tout ligérien [86]) et dans le prolongement du Vignoble charentais.


Dans la région administrative dite « Région Bretagne » [87], certains vont jusqu’à pratiquer le révisionnisme historique [88], la presse dite « régionale » notamment qui réécrit très régulièrement et sans le moindre scrupule l’histoire viticole de la Bretagne [89] ; ces articles ont aussi un autre aspect indécent, on a l’impression que le réchauffement climatique est une aubaine [90]. On constate aussi que des néo-vignerons veulent s’approprier le nom de la Bretagne pour eux seuls, alors qu’ils ne sont même pas tous bretons d’origine [91]… Il s’agit d’une manœuvre mesquine visant à s’assurer un débouché commercial dans le « vin breton » [92], et pour cela il leur faut exclure leurs collègues de Loire-Atlantique ; c’est une très mauvaise stratégie car personne ne sera dupe de la supercherie. Il est pourtant évident que rien dans ce qui fait le terroir ne permet et ne permettra d’opposer la Loire-Atlantique aux autres départements bretons, il n’y aura pas de typicité « région administrative », le prétendre est un absurdité, l’espérer est aussi vain que la quête du Graal.


Dans un livre récent sur le renouveau des vins bretons [93], le journaliste Pierre Guigui raconte sa vaine « quête » du « vin breton » en se comparant à Lancelot du Lac [94] ! Dans sa « quête » du Graal viticole, qui a envahi son « esprit comme une litanie » [95]…, il réussit l’exploit surréaliste de parler de « vin breton » en excluant la Loire-Atlantique de la Bretagne [96], c’est-à-dire le berceau de la viticulture bretonne. Il faut dénoncer ce genre de manipulation. L’auteur ne fait d’ailleurs pas la moindre référence [97] au « vin breton » historique, ce qui est un peu étrange pour un livre sur ce thème. Sa « quête » infructueuse de « vin breton », comme il dit sur un ton lyrique [98] et avec une parfaite mauvaise foi, montre qu’il n’a pas lu grand-chose sur l’histoire du vignoble breton. Une lecture plus attentive du livre de Guy Saindrenan [99] lui aurait pourtant permis de trouver le bon chemin en Bretagne et au supermarché. Dans un propos volontairement provocateur il dit : « j’ai cherché quelques produits locaux… Mais question vin, ce fut la cale sèche. À croire que les Bretons n’auraient consommé que des vins pillés en mer… Comment est-il possible que des Bretons n’aient pas bu une production locale ? » [100], c’est bien là se moquer ouvertement des Bretons. Il existe pourtant de très bons livres sur la gastronomie bretonne [101], très facilement accessibles, ça lui aurait aussi donné quelques pistes dans ses « recherches » plus que superficielles [102]. Concernant le « renouveau », il ne mentionne pas l’Aunis [103], qu’il ne connaît pas, il a été replanté sur le coteau de Guérande [104] en 2008, et maintenant à Sarzeau par un professionnel ; il mentionne à peine le Berligou (quelques lignes), le cépage et le vin des ducs de Bretagne [105], qui est à nouveau cultivé en Bretagne nantaise après avoir manqué disparaître, juste pour dire qu’il aurait sa place en « Bretagne » (on devine le sous-entendu… [106]), il s’agit pourtant du cas le plus frappant du renouveau d’un vin breton enraciné dans l’histoire de Bretagne ; un chapitre aurait pu aussi être consacré aux « Crus communaux » du Muscadet puisqu’il s’agit bien d’un renouveau remarquable dans le Vignoble nantais. On trouve par contre une autre provocation [107] concernant le Pays de Guérande, où l’identité bretonne est pourtant particulièrement forte et visible : seul le vignoble de Pénestin serait concerné par le « vin breton »… celui de la commune limitrophe d’Assérac, dont est issue Pénestin, n’en produirait donc pas comme le reste du Pays de Guérande ; il s’agit pourtant du même vignoble, du même sol, du même climat, avec les mêmes cépages, les même pratiques viticoles, et exactement de la même population ! Il exclut donc, sans ne rien connaître de l’histoire et de la culture locale, et sans s’expliquer, la moitié de la zone que l’on étudie ici. Malheureusement pour l’auteur, il ne peut pas réécrire l’histoire, notre histoire et non la sienne ; le vin est un produit culturel [108] et il ne peut pas réinventer le patrimoine culturel et gastronomique de la Bretagne à sa guise et selon sa fantaisie.


On ne peut pas tenir compte de découpages administratifs récents [109] pour définir un terroir traditionnel, à l’échelle de la Bretagne comme à l’échelle de l’espace où l’on cultivait l’Aunis. On écartera donc les fadaises de ceux qui trichent avec les réalités géographique, historique, culturelle, gastronomique et viticole pour se conformer au découpage administratif, soit par ignorance (souvent crasse), soit par esprit moutonnier, soit par idéologie, soit maintenant par intérêt. Ce découpage est une réalité (une réalité que n’a pas choisi la population concernée), la géographie, l’histoire, la culture, la gastronomie et la viticulture en sont d’autres ; adapter le passé et le patrimoine breton à la partition de la Bretagne relève d’une certaine malhonnêteté intellectuelle [110].


À travers l’essor des géographies sociales et culturelles, l’identité est devenue un élément central de la réflexion des chercheurs [111], on s’inspire de ce genre de travaux. L’ethnologie est « la recherche de ce qui fait les unités collectives uniques à chaque moment et en chaque lieu » [112], et on verra qu’il y a bien unité du terroir étudié ici. Il est impossible de dissocier le « terrouer de Guerrande » du « terrouer de Ruys », tant du point de vue agronomique et viticole que du point de vue culturel.



À suivre…


Christophe M. Josso

© Tous droits réservés




_______________________________________ Notes :

[1] VOEGELE Augustin, GOLDBLUM Sonia, NICKLAS Thomas, TOUDOIRE-SURLAPIERRE Frédérique et FAURE Michel (texte réunis par), Vin & altérité : le vin à l’épreuve des sciences humaines, éd. Presses Universitaires de Reims, 2020.

[2] Le terroir constitue bien une alternative à la standardisation et à l’uniformisation (qui ne sont pas synonymes de progrès et de modernité). Au-delà de leurs productions agricoles, les terroirs sont porteurs de diversité culturelle.

[3] VAUDOUR Emmanuelle, Les terroirs viticoles – Définitions, caractérisation et protection, éd. La vigne / Dunod, 2003 ; page 5.

[4] REY Alain (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, éd. Dictionnaires Le Robert, 2010.

[5] C’était aussi la définition ancienne du mot « climat », le dictionnaire de Furetière (FURETIÈRE François, Dictionnaire universel contenant generalement tous les mots françois, éd. A. et R. Leers, 1690 ; Tome I, sous « climat ») explique que « Le vulgaire appelle climat, une terre différente de l’autre, foit par le changement des faifons, ou des qualités de la terre, ou même des peuples qui y habitent ».

[6] PRÉVOST P., CAPITAINE M., GAUTIER-PELISSIER F., MICHELIN Y., JEANNEAUX P., FORT F., JAVELLE A., MOÏTI-MAÏZI P., LÉRICHE F., BRUNSCHWIG G., FOURNIER S., LAPEYRONIE P. ET JOSIEN É., « Le terroir, un concept pour l’action dans le développement des territoires. », in VertigO – La revue électronique en sciences de l’environnement, Vol. 14 (n° 1), mai 2014 ; page 2.

[7] BÉRARD Laurence et MARCHENAY Philippe, Les produits du terroir entre cultures et règlements, éd. CNRS, 2004 ; page 73.

[8] CARIBASSA François, Qu’est-ce que boire ? – Critique de la dégustation des vins, éd. Menu Fretin, 2017 ; page 29.

[9] GADILLE Rolande, Le vignoble de la côte bourguignonne, fondements physiques et humains d’une viticulture de qualité, éd. Les Belles Lettres, 1967 ; page 638.

[10] SCHIRMER Raphaël, « Le regard des géographes français sur la vigne et le vin (fin du XIXe-XXe siècle) », in Annales de Géographie, Tome 109, n°614-615, 2000 ; page 346.

[11] MARGETIC Christine, « Les multiples visages du terroir : rapide parcours sémantique », in Les Cahiers Nantais, 1 / 2013 ; dans le résumé en tête de l’édition en ligne : https://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1207.

[12] MORLAT René, BARBEAU Gérard et ASSELIN Christian, « Facteurs naturels et humains des terroirs viticoles français : méthode d’étude et valorisation », in Études et Recherches sur les Systèmes Agraires et le Développement, éd. INRA, 2001 ; page 112.

[13] ROUVELLAC Éric, « Le terroir, essai d’une réflexion géographique à travers la viticulture. », dossier d’habilitation à diriger des recherches, Géographie, Université de Limoges, 2013 ; page 35.

[14] LACHIVER Marcel, Dictionnaire du monde rural – Les mots du passé, éd. Fayard, 1997 ; page 1593 sous « terroir ».

[15] À la suite de la Conférence de Rio (Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, 1992), et en réponse aux préconisations du programme Action 21 élaboré et adopté lors de ce sommet international, une Commission Française du Développement Durable (CFDD) est créée en 1993, un organisme consultatif qui disparaît en 2003 avec la démission de son président et la majorité des membres.

[16] BRODHAG Christian, « Agriculture durable, terroirs et pratiques alimentaires », in Courrier de l’environnement de l’INRA, n° 40, juin 2000 ; page 41.

[18] Rencontres internationales planète terroirs, « Terroirs & Cultures » et UNESCO 2005 – Actes, 2007 ; page 66 (proposition de définition d’un groupe de travail INRA-INAO / UNESCO) : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000154388.

[19] BRANAS Jean, « le terroir, inimitable facteur de qualité », in Le progrès agricole et viticole , 1993, n ° 4 ; pages 90-91.

[20] Ibid ; page 3.

[21] WOLIKOW Serge et JACQUET Olivier (dir.), Territoires et terroirs du vin du XVIIIe au XIXe siècle – Approche internationale d’une construction historique, éd. universitaires de Dijon, 2011 ; page 6.

[22] ROUVELLAC Éric, « Le terroir, essai d’une réflexion géographique à travers la viticulture. », dossier d’habilitation à diriger des recherches, Géographie, Université de Limoges, 2013 ; page 14.

[23] RASTOIN Jean- Louis et VISSAC-CHARLES Véronique, « Le groupe stratégique des entreprises de terroir », in Revue internationale PME, Vol. 12, n° 1-2, 1999 ; page 173.

[24] « Le terroir et ses savoirs agroécologiques », Sagiter, Lifelong Learning Programme, Savoir Agroécologiques et Ingéniosité des Terroirs, project référence : 538785-LLP-1-2013-1-FR-LEONARDO-LMP ; en ligne : https://sagiter.eu/files/LaNotionDeTerroirEtLesSavoirsAgroecologi_bf_fichierjoint_fiche_terroir_sagiter.pdf.

[25] PRÉVOST Philippe, CAPITAINE Mathieu, GAUTIER-PELISSIER François, MICHELIN Yves, JEANNEAUX Philippe, FORT Fatiha, JAVELLE Aurélie, MOÏTI-MAÏZI Pascale, LÉRICHE Françoise, BRUNSCHWIG Gilles, FOURNIER Stéphane, LAPEYRONIE Paul et JOSIEN Étienne, « Le terroir, un concept pour l’action dans le développement des territoires », in VertigO – la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 14, n° 1, mai 2014 ; en ligne : http://journals.openedition.org/vertigo/14807 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.14807.

[26] Le petit Larousse compact, 2000.

[27] CADOT Yves, Influence de la date de vendange sur les composés phénoliques de la baie de raisin ; conséquence pour la typicité du vin, thèse (Centre International d’Études Supérieures en Sciences Agronomiques Monpellier Supagro), 2010 ; page 13.

[28] ALEXANDRE Hervé, « L’œnologie un outil au service de la typicité des vins ? », in Territoires et terroirs du vin du XVIIIe au XXIe siècle – Approche internationale d’une construction historique, publié sous la direction de Serge Wolikow et Olivier Jacquet, éd. Universitaires de Dijon, 2011; page 387.

[29] CADOT Yves, Influence de la date de vendange sur les composés phénoliques de la baie de raisin ; conséquence pour la typicité du vin, thèse (Centre International d’Études Supérieures en Sciences Agronomiques Monpellier Supagro), 2010 ; page 7.

[30] MOREL François, Le vin au naturel – La viticulture au plus près du terroir, éd. Sang de la terre, 2013 ; page 27.

[31] ROUVELLAC Éric, « Les petits vignobles, beaux et qualitatifs ? L’exemple du Sud-Ouest viticole français », in Les petits vignobles, publié sous la direction de Stéphane Le Bras, éd. Presses Universitaires de Rennes – Presses Universitaires François-Rabelais, 2017 ; page 63.

[32] DELFOSSE Claire, Géographie rurale, culture et patrimoine, Mémoire pour le diplôme d’Habilitation à diriger des recherches en géographie, Université de Lille I, 2003 ; Vol. I, page 6 / publié in Ruralia – Revue de l’Association des ruralistes français, n° 12-13, 2003.

[33] Adeptes du jacobinisme.

[34] ROUVELLAC Éric, « Le terroir, essai d’une réflexion géographique à travers la viticulture. », dossier d’habilitation à diriger des recherches, Géographie, Université de Limoges, 2013 ; page 6.

[35] Dimension étrangère aux technocrates qui découpent et redécoupent nos territoires sans consultation démocratique.

[36] PENNEC Alain, De la Bretagne aux départements – Histoire d’un découpage, éd. Skol Vreizh, 1989 ; pages 34-35.

[37] JOUËT Philippe et DELORME Kilian, Atlas historique des pays et terroirs de Bretagne – Histoire, ethnographie et linguistique, éd. Skol Vreizh, 2007.

[38] Sa forme dialectale, nommée le « gallo ».

[39] La « règle d’idiome » imposait aux prêtres de d’adresser à la population dans sa langue.

[40] BOUCHARD Alain, Grandes croniques de Bretaigne, éd. Jean de La Roche, 1514. C’est la première Histoire de Bretagne imprimée, mais elle est un peu postérieure à la Cronique des roys et princes de Bretagne armoricane de Pierre Le Baud (1505), l’aumônier d’Anne de Bretagne.

[41] « Et supplie... s ilz y treuvent quelque langaige mal aorne par deffaulte delegance ou plaisant stille, qu ilz l aient pour excuse, attandu qu il est natif de Bretaigne & que françois & breton sont deux langaiges moult difficiles à disertement pronuncer par une mesme bouche. »

[42] « En cette principaulte y a neuf fieges cathedraulx, dont lung eft de long & ancien temps archeuefche & les autres font euefchez ; en troys dicelles euefcliez comme Dol, Rennes & Sainct Malo, lon ne parle que langaige francois ; en trois autres, Cornoaille, fainft Paul & Treguer, lon ne parle que langaige breton… ; & en Nantes, Vennes & fainft Brieuc, lon parle communément francoys & breton. »

[43] BURON Gildas, « La langue bretonne de la paroisse de Batz : essai d’histoire et de linguistique », in Les cahiers du Pays de Guérande, n° 72, 2021 ; pages 3-45.

[44] Durant la première moitié du XXe siècle, il y a eu plusieurs projets de découpage administratif. C’est bien dans le décret Pétain du 30 juin 1941 que le projet de Région Bretagne amputée de la Loire atlantique a vu le jour, c’est sa date de naissance. La région dite des « Pays de la Loire », comme les autres régions administratives, voit officiellement le jour en 1955, mais ce n’est alors qu’une région programme qui passe inaperçue ; en 1972, les régions deviennent des établissements publics régionaux investis de très peu de pouvoirs et toujours sans réelles conséquences pour la population ; ce n’est qu’en 1982, avec la loi de décentralisation, que les régions administratives deviennent concrètes dans la vie des gens. Mais la partition de la Bretagne ne change strictement rien à l’histoire, à l’héritage culturel et linguistique, à la gastronomie bretonne et à l’identité historique de la Loire-Atlantique et de ses habitants ; d’autant plus (dans la zone étudiée dans cette article) que le Pays de Guérande appartient traditionnellement à la Bretagne bretonnante.

[45] Voire d’une certaine forme de propagande.

[46] Pour faire carrière, les responsables politiques doivent se plier au découpage officiel.

[47] Composée du Bas Poitou, de la Bretagne nantaise, de l’Anjou et du Maine ; le nom évoque plutôt le Val de Loire : c’est-à-dire l’Anjou, la Touraine et l’Orléanais.

[48] « Bassin » (versant) est un terme géographique neutre, le bassin de la Loire traverse diverses entités historiques et culturelles, dont le Val de Loire et la Bretagne nantaise.

[49] Comme on dit « Loire angevine ».

[50] QUERRÉ Christian et CHAMPOLLION Hervé, La Loire Bretonne – D’Ingrandes à Nantes, éd. Ouest-France, 1993.

[51] DURAND Yves, « Nantes et la Loire bretonne au dernier siècle de l’Ancien Régime », in Une histoire de la Loire, publiée sous la direction de Philippe Vigier, éd. Ramsay, 1986 ; page 230.

[52] VIGIER Philippe (dir.), Une histoire de la Loire, éd. Ramsay, 1986 ; page 43.

[54] On ne trouve plus cette phrase absurde sur le site (qui a été refait), mais on trouve encore ce texte entier dans : DENIS Bernard et FRESNEAU Régis, « Conservatoire des races animales en Pays de la Loire, un conservatoire au service de la biodiversité animale domestique de la région [sic] », in Les filières animales françaises – Caractéristiques, enjeux et perspectives, Marie-Pierre Ellies et Bordeaux Sciences Agro (coord.), éd. TEC & DOC – Lavoisier, 2014 ; page 489.

[55] Voir les travaux des universitaires : LE RHUN Pierre-Yves, Bretagne et Grand-Ouest, éd. Skol Vreizh, 1988. + OLLIVRO Jean, L’unité bretonne – Construisons là ensemble, éd. Le temps, 2014. + Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles ?, Collectif Géographes de Bretagne, sous la direction d’Yves Lebahy et de Gaël Briand, Skol Vreizh, 2015.

[56] Les spécialistes parlent de « terroir identitaire », voir : VAUDOUR Emmanuelle, Les terroirs viticoles – Définitions, caractérisation et protection, éd. La Vigne – Dunod, 2003 ; pages 11-12.

[57] CORBEAU Jean-Pierre, professeur de sociologie de la consommation et de l’alimentation à l’Université François-Rabelais de Tours, interview sur : https://www.lsa-conso.fr/le-terroir-et-l-authenticite-dopent-le-frais-et-la-cremerie,138343.

[58] BACHELIER Julien, « Vins et vignobles en Bretagne au Moyen-Âge – Premières observations et perspectives », in Norois, n° 254, 2020-1 ; page 21-36.

[59] CINTRÉ René, Les Marches de Bretagne au Moyen-Âge – Économie, Guerre et Société en Pays de Frontière (XIVe-XVe siècle), tiré de sa thèse de doctorat d’État de 1989, éd. Jean-Marie Pierre, 1992. + DÉAN Frédéric et BODIN Virginie, Les Marches de Bretagne : les frontières de l’histoire, éd. Conseil général de Loire-Atlantique, 2012 (d’après l’exposition tenue en 2009).

[60] GODELAINE Florent, « Du blanc sur la Basse-Loire aux XVIIe et XVIIIe siècle – Négoce, fret et mode voiture des vins blancs en Loire angevine », in Le Val de Loire – Terre de Chenin, publié sous la direction de Christian Asselin et Pascal Girault, éd. Les caves se rebiffent, 2017 ; page 63-64.

[61] Créneau des vins de consommation courante, correspondant à une demande du marché breton et européen.

[62] Créneau des vins de chaudière, qui n’ont pas contribué à améliorer les vins nantais. Le Vignoble nantais s’est adapté au cours de son histoire aux opportunités du marché.

[63] ROUVELLAC Éric, « Les petits vignobles, beaux et qualitatifs ? L’exemple du Sud-Ouest viticole français », in Les petits vignobles, publié sous la direction de Stéphane Le Bras, éd. Presses Universitaires de Rennes – Presses Universitaires François-Rabelais, 2017 ; page 67. C’était une politique courante visant à protéger le marché local des vins étrangers (voir, même livre : LAVAUD Sandrine, « Les vins de Bordeaux au Moyen Âge. Entre “protectionnisme de clocher” et grand commerce », pages 67-84).

[64] Fort contraste avec la Bourgogne et ses ducs, et le Bordelais et ses débouchés anglais au Moyen-Âge.

[65] MONNIER Jean-Jacques, « Michel Pressensé : une œuvre majeure sur les armoiries à hermine en Loire-Atlantique », article en ligne (août 2020) : https://abp.bzh/michel-pressense-une-oeuvre-majeure-sur-les-armo-50866?fbclid=IwAR0yzXRYawpAHRPkq57E6ehH1WCZPkzKyPRKarpk4w-KmNVvVWkFFY0YCVw. C’est près de 50 % pour la Loire-Atlantique et 13 % pour l’Ille-et-Vilaine… Voir : FROGER Michel et PRESSENSÉ Michel, Armorial des communes de Loire-Atlantique, Impr. Froger, 1999 ; l’ouvrage se termine par une étude sur « l’hermine, emblème de la Bretagne ».

[66] PLINE, Histoire naturelle, Livre IV, chapitre 33.

[67] Subdivision de territoire et unité de base de la civitas (sorte de fédération de pagi), généralement trois ou quatre par peuple (voir : FICHTL Stephan, Les peuples gaulois, éd. Errance, 2012 ; pages 21-26).

[68] CÉSAR, Guerre des Gaules, Livre III, chapitre 9.

[69] Ce terme est composé d’un préfixe « are- » (devant, près de), qui est apparenté au latin « prae » (devant) et au grec « παρά » (auprès, du côté de) avec chute régulière du / p / indo-européen en celtique, du mot « mori- » (mer), du suffixe déterminatif « -k- » et la désinence « -a » au nominatif singulier féminin (DELAMARRE Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, éd. Errance, 2003 ; pages 52-53, 229-230 / LAMBERT Pierre-Yves, La langue gauloise, éd. Errance, 1994 ; pages 34, 41, 203).

[70] Latinisé en Condevincum (avec la désinence latine), puis en « portus Namnetum ».

[71] FICHTL Stephan, Les peuples gaulois, éd. Errance, 2012 ; page 140. Voir sur la limite des peuples (civitates), l’intéressante méthode géographique des « polygones de Thiessen » qui défini un « territoire théorique » fondé sur la zone d’influence d’une place centrale (pages 45-59). Les découvertes de monnaies namnètes au sud de la Loire confirment un territoire Namnètes à cheval sur la Loire (HIERNARD Jean, « Poitou et Vendée avant les Romains : une enquête numismatique », in Annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée, 126ème année, 1979 ; pages 45-111). Après la conquête, le sud de la Loire sera donné aux Pictons, alliés des Romains, en récompense de leur aide contre la coalition armoricaine ; et la limite nord de la province romaine d’Aquitaine sera fixée sur la Loire, alors que l’Aquitaine protohistorique (proto-basque) ne dépassait pas la Garonne.

[73] MIDAVAINE François, Muscadet, coll. « Le grand Bernard des vins de France », éd. Jacques Legrand, 1994 ; page 44.

[74] Ibid.

[75] MINOIS Georges, Anne de Bretagne, éd. Fayard, 2014. + CORNETTE Joël, Anne de Bretagne, éd. Gallimard, 2021.

[77] PICORON Jean-Yves, Loire-Atlantique – Au pays du muscadet, éd. C.M.D., 1999 ; page 26.

[78] Quotidien qui couvre la Loire-Atlantique.

[79] PICORON J-Y, Ibid.

[80] PEYNAUD Émile et BLOUIN Jacques, Découvrir le goût du vin, éd. Dunod, 2005 ; page 205.

[81] PRÉVOST Philippe, MORLON Pierre et SALETTE Jean, « Terroir », 2017, in Les mots de l’agronomie, publié par le département ACT de l’INRAE, en ligne : https://mots-agronomie.inra.fr/index.php/Terroir.

[82] Manifeste remis aux vignerons présents à l’assemblée générale de la Fédération des Vins de Nantes le 21 février 2017 à la Haye-Fouassière. Il s’agit bien d’affirmer une identité armoricaine (‘Armorique’ est un mot celtique signifiant « devant la mer »), sans mentionner le mot Bretagne. Le texte complet du manifeste sur : https://info.vinsdenantes.com/notre-manifeste-18c3b7a4ec6e#.teim1ibws.

[83] Le cours du fleuve sans ses affluents.

[84] Un bassin versant est une portion de territoire délimitée par des lignes de crête et irriguée par un même réseau hydrographique : un fleuve ou une rivière avec tous leurs affluents. « Bassin versant » est une locution géographique neutre, le bassin de la Loire traverse diverses entités historiques et culturelles, dont le Val de Loire et une partie de la Bretagne nantaise.

[85] Le poitevin-saintongeais est un dialecte d’oïl fortement marquée par le substrat occitan, son domaine est une zone de transition entre langue d’oïl et langue d’oc, certains auteurs parlent de franco-occitan, pendant occidental du franco-provençal. Voir : NOWAK Éric, Histoire et géographie des parlers poitevins et saintongeais, éd. des Régionalismes, 2010.

[86] L’adjectif « ligérien » ne signifie que : « relatif à la Loire » ou « qui a rapport à ce fleuve », et c’est aussi un nom, le nom des habitants du département de la Loire. Il serait compliqué d’étendre son utilisation pour nommer les habitants du bassin versant de la Loire, du Val de Loire ou de la région administrative dite des « Pays de la Loire » (cet usage n’est d’ailleurs pas répertorié dans les dictionnaires). Saint-Nazaire, Nantes et Ancenis sont des villes ligériennes, car situées sur la Loire, elles sont aussi bretonnes par leur histoire et leur culture ; Guérande et Châteaubriant, par contre, ne peuvent pas être qualifiées de villes ligériennes, elles ne sont pas situées sur la Loire et n’appartiennent pas à son bassin versant. Il n’existe aucune identité culturelle ligérienne, pas plus qu’il n’existe d’identité danubienne commune de l’Allemagne à la Roumanie.

[87] Bretagne amputée de la Loire-Atlantique.

[88] Effacer l’histoire de tout un territoire est bien la ligne éditoriale politisée d’une certaine presse dite « régionale », des sociologues et anthropologues parlent d’« historicide » (GREENLAND Fiona et GÖÇEK Fatma Müge, Cultural Violence and the Destruction of Human Communities : New Theoretical Perspectives, éd. Routledge, 2020).

[89] Avec des articles consternants de mauvaise foi, des journalistes – qui ne connaissent pas grand chose à la Bretagne et encore moins à la vigne – surfent sur le sensationnel pour vendre du papier : du vin en « Bretagne », incroyable, qui y aurait cru ?... alors que le vin est une évidence en Bretagne méridionale.

[90] Alors que le réchauffement climatique est une catastrophe écologique, humanitaire ET viticole.

[91] Ils se sont regroupés en association : Association des Vignerons Bretons (A.V.B.), alors qu’il existe déjà des associations viticoles bretonnes : Vignerons-Artisans de Bretagne et Comité des Vins Bretons.

[92] Un marketing identitaire basé sur une réécriture de l’histoire.

[93] GUIGUI Pierre, Le renouveau des vins bretons, éd. Apogée, 2022. Aucun intérêt !

[94] « Qu’en fut-il de Lancelot du Lac, le preux chevalier figure emblématique de la légende arthurienne qui partit à la recherche du graal… » (page 10).

[95] GUIGUI P., ibid, page 9.

[96] Liste incomplète des départements page 28, où il ose parler quelques lignes plus loin de « lever toute ambiguïté » par rapport à la Loire-Atlantique ! Définition même du mépris condescendant.

[97] Il est vrai que les études et livres traitant de l’histoire de la viticulture bretonne intègrent évidemment la Loire-Atlantique.

[98] GUIGUI P., ibid. Pour donner le ton et l’esprit de ce livre, il commence par : « La vigne en Bretagne est-elle une licorne, une utopie, une résurrection ?... La question a envahi mon esprit comme une litanie, et le vin breton est devenu une quête » !!! (page 9).

[99] SAINDRENAN Guy, La Vigne & le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011. Un gros livre, très complet sur l’histoire des vignobles bretons, distribué dans toutes les bonnes librairies en Bretagne (Vignoble de Guérande : pages 213-250 / Vignoble de Nantes : pages 251-460). Les études sur l’histoire de la viticulture bretonne commence avec : DE LA BORDERIE Arthur, « Notes sur la culture de la vigne en Bretagne avant le XVIe siècle », in Bulletin archéologique de l’Association Bretonne, 1891 ; Tome X, pages 65-110 ; et : JOUIN Henri, « La vigne en Bretagne, autrefois », in Revue bretonne de botanique pure et appliquée, publiée par de Lucien Daniel (spécialiste de la greffe), éd. à Rennes, 1927 ; n° 1, pages 21-39, n° 2 pages 125-188. ; des études facilement accessibles !

[100] GUIGUI P., ibid ; page 9.

[101] MORAND Simone, Gastronomie bretonne d’hier et d’aujourd’hui, éd. Flammarion, 1965 / Cuisine traditionnelle de Bretagne, éd. Gisserot, 1989. + LE CUNFF Louis, Cuisine et gastronomie de Bretagne, éd. Ouest-France, 1984. + LE ROY Louis, La cuisine bretonne d’aujourd’hui, éd. Solar, 1985. + Quand les Bretons passent à table – Manières de boire et manger en Bretagne 19e-20e siècle, ouvrage collectif (association « Buhez »), éd. Apogée, 1994…

[102] À défaut de consulter des ouvrages spécialisés, il aurait pu lire, comme entrée en matière sur le vin et la gastronomie bretonne, les excellents Guide du Routard – Bretagne sud (collectif, éd. Hachette, 2022) et La Bretagne pour les nuls (PAUMIER Jean-Yves, éd. First, 2016). Cette absence de références à des livres spécialisés, ou même à des livres grand public, montre le « sérieux » du livre (il n’y a d’ailleurs pas de bibliographie). Le seul et unique livre qu’il cite sur le sujet est celui de ALLE Gérard et POULIQUEN Gilles (Le vin des Bretons, éd. Le Télégramme, 2004), qui ne traite pas vraiment de vins bretons mais essentiellement des vins importés et issus du négoce (le gros rouge), mais qui – étant donné le titre – se devait de mentionner « Le vignoble nantais » (chapitre : pages 20-35), ce bref chapitre ne l’a pas aidé non plus dans sa « quête ».

[103] L’étude de Fernand Guériff sur la vigne (« La voilà la jolie vigne au Pays de Guérande ») a été publié en 1986, puis réédité en 2013 (Histoire & Patrimoine, éd. A.P.H.R.N., Hors-série n° 1, octobre 2013), c’est le point de départ de mon intérêt pour l’Aunis, identifié en 1906 au Chenin.

[105] POULARD Alain et JUSSIAUME Marcel, Berligou – Le vin des ducs de bretagne, éd. Le Temps, 2022. Un livre passionnant qui a reçu un prix en novembre dernier : « Gourmand Awards » 2022, prix spécial du Jury face à une concurrence sévère (624 livres inscrits au concours) !

[106] Confondre volontairement « Bretagne » et « Région Bretagne » est tout à fait malhonnête et malintentionné.

[107] GUIGUI P., ibid. Provocation parmi d’autres, comme (page 15) « le vin breton fait sourire, et son existence passée… est inconcevable », avec une perle (page 28) « La Bretagne regroupe le Finistère (29), les Côtes-d’Armor (22), le Morbihan (56) et l’Ille-et-Vilaine (35)… il a été convenu que l’ARVB devait lever toute ambiguïté en ce qui concernait la Loire-Atlantique », où il affirme une chose et son contraire sur la même page, histoire d’afficher ouvertement un certain mépris !

[108] PICHERY Marie-Claude (Université de Bourgogne), « Reconnaissance officielle en France du vin comme produit culturel : Enjeux pour les professionnels dans la mondialisation », 50ème colloque de l’ASRLF, Mons, Belgique, 2013. La « Chaire UNESCO Culture et Traditions du vin » de l’Université de Bourgogne s’inscrit dans une optique de développement et de diffusion de tous les savoirs touchant à la vigne et au vin afin de permettre de mieux appréhender le vin comme produit culturel, vecteur de civilisation : https://iuvv.u-bourgogne.fr/chaire-unesco-culture-et-traditions-du-vin.

[109] De la formation des départements à la formation des régions administratives ; les habitants de Pénestin, Camoël et Férel ont par exemple contesté leur rattachement au Morbihan à l’époque de la formation des départements (A.D. du Morbihan, 1M-Circ 9). Ces communes appartiennent au Pays de Guérande, qui s’est d’ailleurs reconstitué en 2003 dans la communauté d’agglomération dite « Cap Atlantique » : https://www.cap-atlantique.fr/linstitution/lagglo-lessentiel/le-territoire-ses-15-communes. « Le regroupement de communes naît souvent au départ d’un sentiment d’appartenance à un même espace, et autour de la défense ou de la promotion d’un intérêt commun. » (MOINE Alexandre, Comprendre et observer les territoires - l’indispensable apport de la systémique, Mémoire présenté dans le cadre de l’Habilitation à Diriger des Recherches, Géographie, Université de Franche-Comté, 2004 ; page 89). « N’étant pas un découpage imposé par des autorités supra-locales, il devait correspondre à une recherche de cohérence locale » (DORÉ Gwénaël, « Le pays, un singulier pluriel », in POUR – La revue du Groupe Ruralités, Éducation et Politiques, éd. GREP, 2011, n° 209-210 ; page 90).

[110] La langue, la culture, le patrimoine et la gastronomie alsacienne n’ont pas disparu avec la création de la « Région Grand Est » en 2016, les Provençaux et les Gascons n’ont pas cessé subitement d’être occitan avec la création de la « Région Occitanie », il en est de même pour la Bretagne nantaise. La région administrative n’est pas la Bretagne puisqu’il lui manque un département.

[111] RÉJALOT Michel, avant-propos de Sud-Ouest Européen, n° 36 (Identité, espaces, terroirs, territoires et mondialisation), éd. Presses Universitaires du Midi, 2013 ; page 5.

[112] LEROI-GOURHAN André, 1968, « L’expérience ethnologique », in Ethnologie générale, Encyclopédie de la Pléiade, éd. Gallimard ; page 1817.



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