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LE CÉPAGE NOMMÉ « L'AUNIS » DE GUÉRANDE À SARZEAU. (quatrième partie - 3)

Dernière mise à jour : 15 juil. 2024

Suite à paraître dans le numéron 106.


Une grappe d'Aunis ? Analyse génétique en juin.


D. Terroir de l’Aunis.


1) Zone géographique.


Dans les années 1970 on trouvait de la vigne un peu partout dans le Pays de Guérande [1], elle faisait partie du paysage, c’était essentiellement des cépages hybrides que l’on cultivait, notamment du Noah. Cela pourrait faire croire à une correspondance ancienne entre « terroir viticole » et « pays », or la culture des cépages hybrides est récente dans la région, elle date des années qui ont suivi la crise du phylloxéra [2], cette viticulture vivrière d’hybrides se développe surtout au début XXe siècle. Les gens ont souvent l’impression que le Noah est la vigne locale traditionnelle, alors que sa culture n’a concerné que deux ou trois générations. C’était donc une culture en extension dans la région au début XXe siècle puisque auparavant (période préphylloxérique) la culture de la vigne n’était pas attestée à l’intérieur des terres, on en trouvait en effet uniquement sur la côte.


Pour le XVIIIe siècle, on dispose des cartes de Cassini, qui indiquent l’emplacement des principaux vignobles à cette époque, et attestent bien d’une implantation sur le littoral. Pour la presqu’île de Rhuys, on trouvait des vignobles « aux abords immédiats du rivage maritime » [3] ou jamais très loin dans cette presqu’île étroite. Les cartes de Cassini ne prennent pas en compte les petites parcelles disséminées dans le haut Vannetais maritime, des vignes sont par exemple signalées dans subdélégation d’Auray au XVIIIe siècle [4], ou encore à Belle-Île [5], mais des vignes isolées ne font pas un terroir viticole [6].


Presqu’île de Rhuys, Pays vannetais.


En passant la Vilaine on arrive dans le Pays de Guérande, avec le vignoble de Pénestin, l’un des trois principaux avec Piriac et le coteau de Guérande. Il y avait aussi un petit vignoble en bordure de Vilaine à Camoël, qui n’a pas complètement disparu, on y produit toujours du Noah.

Rive sud de l’estuaire de la Vilaine (Pénestin / Camoël), Pays de Guérande.


Zone nord de la Presqu’île de Guérande (Piriac / Saint-Molf).


Le coteau de Guérande.


En Loire-Atlantique on a la chance de disposer des plans cadastraux établis par Félix Pinson en 1854-55 et 1888 [7] qui donne l’implantation des vignes dans le Pays de Guérande (sauf pour les communes de Pénestin, Camoël et Férel qui ont été rattachées au Morbihan lors de la création des départements). Les premières cartes, réalisées à l’époque de l’arrivée de l’oïdium (1852) ou un peu avant, montre probablement l’aire d’extension maximum de la vigne dans la région avant les crises sanitaires [8], c’est-à-dire du temps de l’Aunis.


Le vignoble guérandais n’apparaît donc qu’à partir de la carte Pinson du canton d’Herbignac, et uniquement pour la commune d’Assérac. Les vignes sont signalées par un point vert :


Commune d’Assérac, carte du canton d’Herbignac, 1855.


Dans la continuité des vignobles plus denses de la commune limitrophe de Pénestin, la vigne commence au nord de la commune dans le hameau de Limarzel, et sur les coteaux situés tout autour des marais de d’Assérac-Pénestin. Il en était de même dans la partie morbihannaise de ce marais, ce que confirme le cadastre napoléonien qui donne de nombreuses parcelles en vigne [9]. On peut encore voir une vigne abandonnée il y a cinq ans de ce côté nord-ouest du marais, elle est taillée en « tête d’osier », il s’agissait de Noah :


J’ai eu l’occasion de goûter du vin de cette vigne, il en restait deux bouteilles chez l’ancien vigneron, du Noah âgé de quatre ans, il était étonnamment bon, et il valait bien n’importe quel cidre fermier, je comprends pourquoi les anciens étaient attachés au Noah [10], bien vinifié il produit un vin tout à fait correct.


Au sud de la commune d’Assérac, on constate que les vignobles sont surtout concentrés sur le coteau orienté au midi et situés au dessus des marais salants face à Mesquer (voir carte suivante), elles font le tour de ce bassin salicole. Si on examine les registres des parcelles de la commune voisine d’Herbignac (chef-lieu du canton), située dans les terres, on constate qu’on n’y cultivait pas la vigne, pas une parcelle de vigne trouvée dans ces registres [11]. Les vignes signalées par l’agronome anglais Arthur Young avant la Révolution à « Herbignac, near Guerande, in Bretagne » [12], ont dû être aperçues sur la route de Guérande au niveau du fond du bassin du Mès (Assérac-Mesquer) où elles profitaient du microclimat.


Plus au sud, dans le canton de Guérande, on constate encore une implantation des vignes (points verts) sur la côte et le long des marais salants :


Carte pour le canton de Guérande en 1854.

Dans la réédition du Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne de l’ingénieur géographe Jean Ogée, on peut d’ailleurs lire sur les vignes de Guérande : « Les clos les plus renommés sont situés auprès des marais. » [13].


Grâce au cadastre, on peut aller plus loin dans la précision, au niveau de la parcelle, mais ce serait un travail fastidieux qui ne changerait pas grand chose au fait que les vignes du Pays de Guérande étaient bien situées sur le littoral. Voici l’exemple des vignes du village de Limarzel en Assérac, berceau de ma famille, situé près de Pénestin (cadastre de 1825) [14] :



Les vignes étaient cultivées par les habitants du village, et aucun des propriétaires des parcelles n’habitaient les lieux. Elles sont situées à environ 800 mètres de la mer (Baie et dune de Pont-Mahé, à cheval sur la Loire-Atlantique et le Morbihan), sur une « presqu’île » au milieu d’une zone de marais saumâtres (d’anciens marais salants ?).


Parcelles de vigne du hameau de Limarzel en Assérac (points verts) [15].


Après l’arrivée du phylloxéra [16], certains vignerons ont replanté leurs vignes dans le sable de la dune de Pont-Mahé, en effet le sable fait obstacle à la formation de galeries, et cela empêche l’insecte d’atteindre les racines de la vigne ; c’est l’une des solutions possibles pour planter de la vigne (avec le greffage sur porte-greffe résistant), il s’agit alors de vigne « franc de pied » comme c’était le cas partout avant le phylloxéra. Les cultivateurs les plus motivés se tenaient informés des techniques de lutte contre les nouvelles maladies de la vigne (Oïdium, mildiou et phylloxéra), et des nouvelles pratiques viticoles, probablement par l’intermédiaire des comices agricoles et des revues de l’époque ; ces techniques et pratiques modernes étaient ensuite diffusées de proche en proche dans la population. Des résurgences de ce vignoble ont été retrouvées lors de l’aménagement de la dune par le Conservatoire du littoral en vue de sa préservation, notamment du Gros plant (Folle blanche, avec – étrangement – du porte-greffe) [17], qui a remplacé l’Aunis jusqu’à Sarzeau (c’est dans les communes de Piriac, Mesquer et Saint-Molf que l’Aunis s’est maintenu le plus tard, jusqu’au début XXe siècle).


1955, vignes de la dune de Pont-Mahé [18].



2) Quelques liens avec la toponymie.


Les « vignes de Limarzel » (comme indiqué sur le registre du cadastre) étaient nommées « Clos de guineguy » (Clos des vignes) dans un document plus ancien (1634) [19], un nom que l’on peut comparer au « Clos er guineguy [bras] » (Clos des [grandes] vignes) au Hézo [20] à l’entrée de la presqu’île de Rhuys. On trouve dans un toponyme disparu de Pénestin la forme « guynieguy » [21], qui est plus proche de la prononciation moyenne [gɥinieˈgi] [22]. Le terme « gwiniegi » (en orthographe moderne) est le pluriel régulier [23] de « gwinieg » qui signifie « vignoble », le pluriel rendant le nombre des parcelles en vigne. Le mot est dérivé de « gwini » (vignes) [24], avec le suffixe de lieu « -eg » [25] ; en moyen et vieux-breton on avait « guini » [26], qui dérive probablement à l’origine du nom du vin. Selon l’enquête officielle de Charles Coquebert de Montbret, on parlait encore breton en 1806 dans les communes de Pénestin, Camoël, Férel, et jusqu’« aux salines [du canton] d’Herbignac » [27], c’est-à-dire d’Assérac. Le Pays de Guérande ayant été bretonnant jusqu’à la fin du XVIIe siècle (le recul commençant au XVIIIe pour se terminer début XXe siècle), le nom breton du vignoble est attesté dans d’autres noms de lieux de la région (comme « Cohuuigné » pour « koh uinieg » : vieux vignoble, « Clevynyec » pour « klé [er] uinieg » [28] : clos de la vigne…)[29].


« *Klé er uinieg » n’est pas un nom redondant puisqu’un clos n’est pas forcément de vignes, en ancien français « clos » signifie juste « terrain cultivé clos de murs, de haies, de clôtures » [30]. Le mot « klé » en breton haut-vannetais et guérandais, « kleu(z) » ailleurs [31] (« clawdd » en gallois [32], « clad » en vieil-irlandais [33]), désigne le fossé que l’on creuse pour élever un talus autour d’un terrain, le talus étant nommé « kae » [34] (identique au gallois « cae »). Le mot est issu d’une racine celtique « clado- » (fossé, tranchée) [35]. Fossé et talus forment un couple inséparable, avec une haie [36] poussant sur le talus [37]. L’objectif est bien de clore un terrain afin de le protéger des intrusions (des animaux, comme des hommes) et de délimiter une propriété, on utilise indifféremment les verbes « kléiad » (clore un terrain par un fossé) ou « kaeiad » (clore un terrain par un talus), le résultat étant le même (fossé + talus). Mais du fait que le talus est forcément issu du fossé, il y a eu confusion et « klé » a pris le sens usuel de « talus » [38]. C’est une évolution ancienne puisqu’on trouve ces deux sens en moyen-breton, l’édition Jehan Calvez du Catholicon (dictionnaire breton) donne la traduction « fosse » (sous « cleuz »), alors que l’édition Yvon Quillevere donne « mur de terre » [39] ; le gallois « clawdd » a lui aussi le sens secondaire de « mur de terre / rempart » [40], de même que le vieil-irlandais « clad » [41]. Le gallois « cae » (talus) a pris très tôt le sens secondaire d’enclos [42]. Dans le breton de Guérande le mot « klé » (fossé) [43] a aussi le sens de talus comme dans la plus grande partie de la Bretagne bretonnante [44], et il a connu aussi une évolution similaire au gallois ; évolution peut-être facilitée par l’attraction du français « clos ». L’adjectif « clos » a été emprunté en moyen-breton (1100-1650), d’où dérive un verbe « closaff » (clore) [45], c’était à l’époque de la diffusion du premier bocage [46]. Le mot breton « park » (champ clos), issu aussi du moyen-français [47], mais dans l’est du haut-vannetais maritime on utilise plutôt « kloz » [48], son pluriel « klezér » a un suffixe identique au pluriel de « klé » en breton de Guérande ([kleˈjeir] [49]). Au Pouliguen, une saline nommée « Clos Cario » a une forme ancienne « Clez Cariou » en 1438 (« Le clos de Cariou »)[50], et une saline forme bien un espace clos délimité par un fort talus, le mot apparaît dans d’autres noms de salines [51]. À Pénestin, le toponyme « Clai bras » (attesté en 1719, variante archaïsante « Clais [52] bras ») [53] doit probablement être compris comme « Le grand clos ».


On a remarqué que le vignoble de l’Aunis était implanté dans une presqu’île (Rhuys), des promontoires (Pénestin, Piriac) et au fond des marais salants de Guérande-Batz. Deux lexicographes de Sarzeau donne le nom breton de la presqu’île ou de la péninsule : « gour-énez » [54] et « gour-iniss » [55] (breton moderne « gourenez »), on parlait de « gouriniz Ruis » (presqu’île de Rhuys) et de « gouriniz er Groézig ha Guerran [56] » (presqu’île du Croisic et de Guérande) [57]. La proximité de la mer et l’étroitesse de cette presqu’île sont soulignées par le mot composé « strizh-douar » (étroite terre, isthme) qui désignait au XVIIIe siècle la presqu’île de Rhuys dans « Stryz-douar Rehuis » et « Stryz-douar Sarzau » (Sarzeau) [58].


Vitrail de l’église Saint-Vincent du Hézo [59].


Les promontoires sont indiqués par des noms de lieu en « penn » qui désigne en breton la « tête », l’« extrémité », la « pointe », comme dans « Pentire » (< penntir : pointe de terre) en Cornouailles britannique (Newquay) [60]. On trouve ce mot dans Pénestin (< Pennestin en 1452) [61], qui est bien un promontoire (Haut-Pénestin) à l’extrémité sud de l’estuaire de la Vilaine. Piriac est un autre promontoire viticole guérandais, son nom est issu d’un ancien « Penceriac » (> Penheriac en 1084 > Peheriac en 1397 > Pihiriac en 1506, contracté en Piriac)[62], avec encore pour premier élément de composition le mot « penn ».


On trouve à Piriac un toponyme viticole intéressant. La carte de Félix Pinson (1854) montre l’importance de la surface en vignes dans le territoire de la commune, et les vignes pouvaient être éloignées des habitations, d’où la présence probable de « loges de vignes » [63], à la manière des cabanes de paludiers dans les marais salants. On trouve rarement la trace de ces modestes bâtisses dans la documentation ancienne, la toponymie en fournit un exemple à Piriac en 1572 : « Bot en vignerion » [64] (Abri des vignerons) et « Bot er venerion » en 1633, qui serait « Bod [65] ar winierion » en breton moderne [66].


L’implantation du vignoble correspond aussi à une frange littorale que l’on nomme « Arvor » en breton, forme française « Armor » [67], une zone que l’on oppose à l’« Argoed / Argoad », forme française « Argoat », désignant la Bretagne intérieure [68]. La définition d’un armor souvent très étroit a été analysée par le géographe Pierre Flatrès, le mot n’est employé que pour désigner la partie d’une commune qui se trouve au bord du rivage [69]. C’est bien le cas de la frairie de Larmor (l’Armor) en Pénestin, située entre la frairie du bourg (dite « frairie de Pénestin ») et la frairie de Limarzel en Assérac [70], anciennement nommé « L’Armor d’Acérac » [71] puisque Pénestin est issu d’Assérac [72] ; terroir viticole ancien puisqu’un « pressoir de l’Armor » est attesté [73]. À la fin XIXe siècle, les habitants de Pénestin et d’Assérac appellaient l’armor les champs voisins de la côte [74].


« La frairye de Larmor », 1615. [75]


On trouve aussi sur Guérande des toponymes disparus : « Larmor de Guerande », « L’Armor de Clis » près de Kersalio (en bas du coteau), « Larmor Quenequen » [76] (en dessous du village), la navigation remontait les étiers et il y avait des ports d’échouage au pied du coteau de Guérande, comme le « Port-au-vin » de Saillé [77]. C’est ici « la fin de l’Armor » d’après l’expression du géographe Maurice Grandazzi [78], qui précise que les caractères de cette côte se retrouvent tout le long du littoral méridionale de la Bretagne et la ressemblance « se poursuit jusque dans les faits humains ». Les vignes du coteau de Guérande étaient situées précisément au pied du coteau et à proximité des marais salants, on note au passage que viticulture et saliculture partage une même limite climatique en Bretagne, correspondant aussi à l’aire du chêne vert.


C’est dans des villages paludiers du bassin salicole de Guérande-Batz que la langue bretonne s’est maintenue le plus longtemps dans le Pays de Guérande, le nom du vin y est attesté sous la forme « gouen » [79], variante locale de « gwin ». Ce mot est issu du moyen-breton (1100-1650) « guin », comme par exemple dans « guin mat so » (il y a du bon vin) [80] ou « euaff vn bannech guin » (boire un coup de vin) [81] ; un chevalier allemand de passage à Nantes l’a retranscrit « gwin » dans un glossaire de breton en 1499 [82]. Autres exemples : en breton pré-moderne (1650-1800) on a « tennit deomp ûr pintat guin guen » (tirez-nous une pinte de vin blanc !) [83], « ar güin a so mignoun da galoun mapden » (le vin est l’ami du cœur de l’Homme) [84]. En breton moderne (à partir de 1800), dialecte vannetais : « Petra e laret-hui ag er gùin-zé ? » [85] (Que dites-vous de ce vin-là ?), « Pegours enta… é ivein a huin [86] gùen Ilurik ? » [87] (Quand donc boirai-je du vin blanc blanc de la petite Ilur ?) [88]. « Gwin < guin » vient d’un plus ancien « uin » en vieux-breton attesté dans le nom dérivé « uinan » (petit vin, piquette) [89]. On n’est pas obligé de faire appel à l’« œuvre civilisatrice » de Rome et de son Empire pour expliquer ce mot [90], d’autant plus qu’« à Rome et dans le Latium la viticulture a été plutôt tardive. » [91] (la viticulture italienne a d’abord été grecque et étrusque). Les princes celtes de la fin du premier Âge du fer (Hallstatt) ont consommé du vin issu du commerce avec le monde méditerranéen [92], du vin d’Italie [93] était importé massivement dans le monde celtique à la fin du second Âge du fer [94], des libations de vin étaient faites comme dans le sanctuaire druidique de l’oppidum de Corent chez les Arvernes [95], il y a une amphore vinaire sur la monnaie de Vercingétorix (ce qui montre l’importance économique du vin à la fin de l’indépendance). L’amour immodéré des Celtes pour le vin était bien connu des auteurs de l’Antiquité, Ammien Marcellin disait d’eux que « c’est un peuple avide de vin » [96], et c’était une aubaine pour les marchands italiens [97]. Les Celtes de la région de Marseille ont appris la viticulture des Phocéens [98], la culture de la vigne est d’ailleurs attestée au second Âge du fer (La Tène) par l’archéologie sur le site de Lattara (Lattes, près de Montpellier) [99], comptoir probablement étrusque à l’origine [100]. Il semble évident que le désir de vin est parti très tôt à la conquête du monde celtique [101]. Il y a donc nécessairement eu un nom celtique du vin et de la vigne avant la colonisation romaine. Les deux premiers cépages connus en Gaule portent des noms celtiques presque transparents en breton : « Biturica » et « Allobrogica » [102]. Le nom celtique du vin ne pouvait être qu’un emprunt à une langue italique [103] par l’intermédiaire des marchands, et pas nécessairement au latin [104]. Le nom du vin est attesté en celtique lépontique [105], dans une inscription en alphabet étrusque de la fin du IIe siècle av. J.-C., et gravée sur le vase à vin dit « Vase de Latumaros » : « Latumarui : sapsutai : pe : uinom [106] : našom » (Pour Latumaros et Sapsuta, le vin de Naxos) [107]. Comme l’étrusque « vinum », le celtique lépontique « uinom » est un emprunt précoce à une langue italique ; outre le latin, le nom italique du vin est attesté en falisque, en ombrien et en volsque, et on reconstruit un proto-italique : « *wīno- » [108]. La viticulture italienne remonte à l’Âge du Bronze et elle se développe à l’Âge du fer [109], longtemps avant que Rome contrôle la péninsule. C’est aux Étrusques que l’on doit la consommation de vin parmi les Celtes transalpins autour du Ve siècle avant notre ère [110]. Puisque le vin a précédé la vigne à vin (Vitis vinifera subsp. savita) dans le monde celtique, le nom du vin a pu donner le nom de la vigne (par métonymie) [111], le toponyme « Vineuil » (Indre), issu de « uīno-ialon » [112], pourrait en être un indice. Le pressoir gaulois de Piriac [113] (et donc son vignoble) est daté d’une période (IIe siècle) où le celtique continental ne pouvait pas encore avoir disparu, c’est le berceau du terroir viticole étudié ici.


Pour conclure sur le terroir viticole de l’Aunis, on constate qu’il ne correspond pas aux pays traditionnels de Guérande et de Vannes, le « terroir » ne correspond donc pas forcément à un « pays ». Mais ce terroir viticole est entièrement situé en Bretagne bretonnante, à l’ouest de la limite linguistique traditionnelle de la langue bretonne, et cela a dû jouer un rôle dans l’histoire du vignoble et la permanence du cépage. L’Aunis est certainement un archaïsme dans l’histoire viticole de la Bretagne, dû au conservatisme d’un espace culturel particulier, différent de la Haute-Bretagne. Le vignoble haut-breton de Nantes a lui évolué au XVIIe et XVIIIe siècle et s’est adapté à la demande du marché, c’est un vignoble commercial depuis le Moyen-Âge. On retrouve plus au nord en Haute-Bretagne le cépage emblématique du Vignoble nantais, le Muscadet, dans le vignoble de Redon, le seul cépage attesté au XIXe siècle [114].


Le terroir de l’Aunis s’étend sur une mince bande côtière d’Arzon à Guérande, avec quatre communes où la viticulture représentait une part importante de l’agriculture : Sarzeau dans le Pays vannetais, et Pénestin, Piriac et Guérande en Pays guérandais. On pourrait parler d’un « vignoble de l’Armor », puisque le mot rend bien à la fois l’implantation côtière et l’implantation en Bretagne traditionnellement bretonnante. Ce terroir peut être classé parmi ce qui a été nommé « les petits vignobles » [115], petit par la taille d’abord et probablement par le vin, exception faite de certains crus, comme le vin de Congor, réputé localement, dont la qualité devait varier beaucoup selon le millésime [116]. C’était la situation dans les derniers temps de la culture de l’Aunis, une permanence du cépage plus tardive vers Piriac-Mesquer qu’à Sarzeau, à l’inverse de la langue bretonne qui s’est maintenue plus tardivement dans le sud-est du Pays vannetais [117] que vers Guérande. Cette identité de terroir explique certainement l’identité de cépage.


Il ne fait aucun doute que le cépage était cultivé auparavant à plus grande échelle en Bretagne méridionale, à commencer par la région nazairienne où le nom est attesté au XVIe siècle [118], mais où il est sorti depuis longtemps de la mémoire collective contrairement au Pays de Guérande. Il ne fait aucun doute non plus qu’avec un cépage plus précoce [119] ce terroir viticole aurait été plus étendu dans le Haut-Vannetais maritime.


On va maintenant tacher de saisir les singularités de ce terroir et ce qui fait son identité.



À suivre…


Christophe M. Josso [120]

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____________________________________ Notes :

[1] Ne pas confondre « Pays de Guérande » et « Presqu’île de Guérande ». « Pays de Guérande » renvoie à un espace culturel et surtout linguistique, on y parlait breton, la frontière linguistique a été stable durant tout la période du moyen-breton (1100-1650) comme le montre les toponymes en « Ker- » et cartes du XVIIe et XVIIIe siècle. La « Presqu’île de Guérande » renvoie à une espace géographique, une presqu’île qui s’étend de l’estuaire de la Loire au bassin du Mès, de l’océan aux marais de Brière, avec un isthme à Saint-Lyphard. Dans le langage courant on parle aussi de « la presqu’île » au sens large pour l’espace compris entre Loire et Vilaine, océan et Brière. La région nazairienne est liée depuis longtemps à Nantes et au trafic sur la Loire.

[2] Le vignoble guérandais est touché par le phylloxéra dans les années 1890 (SAINDRENAN Guy, La Vigne & le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; page 239).

[3] SAINDRENAN Guy, La Vigne & le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; au chapitre « Le vignoble de Rhuys », page 142.

[4] SAINDRENAN G., ibid ; page 136 (A.D. I.-et-V., C1651).

[5] DANIGO Joseph, Une Fortune belliloise au XVIIIe siècle – Pierre-Philippe Roger, commissaire aux classes et subdélégué de l’intendant à Belle-Ile (1672-1746), éd. Société Polymathique du Morbihan, 1975 ; pages58-59).

[6] Il est certain qu’avec des cépages précoces (inaccessibles anciennement à la petite paysannerie), les vignobles vannetais et guérandais auraient été plus étendus. Comme de nos jours, il y a probablement toujours eu des particuliers qui ont désiré produire eux-mêmes du vin, ces vignes isolées ne constituent pas des terroirs viticoles, et ne permettent pas de parler de tradition viticole.

[8] SAINDRENAN Guy, La Vigne & le Vin en Bretagne, éd. Coop Breizh, 2011 ; page 239.

[9] A.D. du Morbihan, 3P 2254 : « Tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus » (État des sections), section E de Trébestan, section F de Couerne et section G de Kerséguin.

[10] Une légende persistante circule toujours, le Noah rendrait fou, mais ce n’est pas le vin de Noah qui rend fou c’est l’alcoolisme, et à ce sujet les témoignages des anciens montrent bien qu’il y avait beaucoup d’alcoolisme autrefois du fait de la misère dans les campagnes. Les lobbies des mauvais vins de table du sud de la France et de l’Algérie française (en excédant) ont usé de cette légende pour faire interdire en 1934 plusieurs cépages hybrides, dont le Noah et l’Othello ; cela a cassé une viticulture vivrière traditionnelle au profit des pinardiers, leur gros rouge n’a pas limité l’alcoolisme, au contraire.

[11] A.D. de Loire-Atlantique, cadastre / plans et matrices en ligne, État des sections, 1826.

[12] YOUNG Arthur, Travels During the Years 1787, 1788, & 1789 : Undertaken More Particularly with a View of Ascertaining the Cultivation, Wealth, Resources, and National Prosperity of the Kingdom of France, éd. W. Richardson, 1792 ; page 293.

[13] OGÉE Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne (1778-1780), rééd. augmentée par A. Marteville et P. Varin, éd. Milliex, 1843 ; Tome I, page 324.

[14] A.D. de L.-A., cadastre (plans et matrices) en ligne, État des section B à K, vue 107.

[15] A.D. de L.-A., cadastre (plans et matrices) en ligne, cadastre ancien - section de L’Éclis H 2, 1825.

[16] Puceron ravageur, ayant un cycle biologique complexe, qui entraîne la mort de la vigne en trois ans, ce sont les formes radicicoles de l’insecte (qui vivent sur les racines) qui sont les plus dangereuses, leurs piqûres (pour sucer la sève) entraînent une réaction des tissus de la vigne, des tubérosités qui s’infectent et provoquent la mort du pied. Le greffage sur porte-greffes américains (espèces de vigne résistante) a permis la reconstruction des vignobles européens.

[17] À l’autre bout de la vigne, en allant vers L’Éclis, on trouve aussi de l’Othello.

[18] Crédit photo : Mme Marie-Claude Legal, photo de ses parents.

[19] LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 224.

[20] Le Hézo 56.450 ; parcelle 000 B 554. Le mot « clos » a été emprunté en breton vannetais, « kloz » désigne un champ clos d’un fossé-talus.

[21] LUÇON B., ibid.

[22] Sans réduction de / -ie- / hors accent comme dans « guineguy ».

[23] BURON Gildas, « Les pluriels en -i de collectifs bretons dans la toponymie entre estuaires de Loire et de Vilaine » en deux parties, in revue nazairienne Histoire & Patrimoine, n° 77 de juillet 2012 et n° 78 de janvier 2013.

[24] Le mot « gwini » (vignes) est probablement un collectif en « -i » (suffixe attesté en brittonique, LEWIS Henry et PEDERSEN Holger, A Comparative Celtic Grammar, éd. Vandenhoeck & Ruprecht, 1937 ; pages 160-161). Le singulatif est « gwinienn » (vigne) dont on a la forme ancienne en vieux-breton : « guiniin » (FLEURIOT Léon, Le vieux-breton – Élément d’une grammaire, éd. Slatkine, 1989 ; page 234), le suffixe du singulatif au masculin « -in(n) » s’étend fondu dans le féminin « -en(n) ».

[25] Ce suffixe désigne un lieu planté de… (FAVEREAU Francis, Grammaire du breton contemporain, éd. Skol Vreizh, 1997 ; page 76), exemples : « drezeg » (lieu planté de ronces, à Guérande), « broenneg » (lieu planté de jonc, à Mesquer), et au pluriel : « broennegi » (lieux plantés de jonc, à Assérac), « banalegi » (lieux plantés de genêt, à Piriac)… Pour détails voir LUÇON B., ibid ; pages 323-333.

[26] FLEURIOT Léon, Dictionnaire du vieux-breton, éd. Prepcorp, 1985 ; page 192.

[27] KÖDEL Sven, « L'Enquête Coquebert de Montbret (1806-1812) sur les langues et dialectes de France et la représentation de l'espace linguistique français sous le Premier Empire », thèse de doctorat, Paris 7, 2013 ; page 222.

[28] Le mot « gwinieg » est féminin et la consonne initiale mute après l’article « ar » (er) : « ar winieg » (er uinieg), avec ici amuïssement de l’article.

[29] LUÇON B., ibid. Forme actuelle : « Clos vignet ».

[30] VON WARTBURG Walter, Französisches etymologisches Wörterbuch, 1922-1967 ; sous « clausus ». En ligne : https://lecteur-few.atilf.fr/index.php/page/lire/e/58274.

[31] Souvent nasalisé : [ klœ̃ ].

[32] GPC – Geiriadur Prifysgol Cymru : https://geiriadur.ac.uk/gpc/gpc.html.

[33] eDIL – Electronic Dictionary of the Irish Language : https://dil.ie/search?q=clad&search_in=headword.

[34] DE CHÂLONS Pierre, Dictionnaire Breton-François du diocèse de Vannes, éd. Jacques de Heuqueville, 1723 ; page 27, écrit « caï » et traduit « fossé » (au sens de talus) avec la précision : « haye quand il n’est pas planté » ; la véritable « haie » (clôture végétale) se dit « garh » (garzh). En microtoponymie guérandaise (Mesquer) on trouve l’équivalent de cette forme vannetaise diphtonguée dans le diminutif « Caillic », soit : « petit talus » (BURON Gildas, « La langue bretonne de la paroisse de Batz : essai d’histoire de linguistique », in Les Cahiers du Pays de Guérande, n° 72, 2021 ; page 24), transcription approximative pour / kaj'ik / : « petit talus ». Le mot est issu d’un celtique gallo-brittonique « cagio- » qui est aussi à l’origine du français « quai » (du dialecte normand) et « chai » (en dialecte poitevin), voir : DELAMARRE Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, éd. Errance, 2003 ; page 97.

[35] DELAMARRE Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, éd. Errance, 2003 ; page 117.

[36] Breton « garzh ». Avec quelques arbres pour produire du bois de chauffage et d’oeuvre, et des arbustes épineux pour la rendre impénétrable. C’est l’origine du bocage.

[37] MEYNIER André, « Les talus des champs bretons », in Penn ar Bed, n° 41, juin 1965 (consacré au talus)

[38] FAVEREAU Francis, Dictionnaire du breton contemporain, éd. Skol Vreizh, 1993 ; page 414.

[39] LAGADEUC Jehan, Catholicon (dictionnaire breton), l’édition de Jehan Calvez est de 1499, l’édition d’Yvon Quillevere est de 1521.

[40] GPC, ibid.

[41] eDIL, ibid.

[42] GPC, ibid : https://geiriadur.ac.uk/gpc/gpc.html?cae, exemple du XIVe siècle : « Ydau mewn caeau cywair » (des céréales dans des champs clos en bon état).

[43] ERNAULT Émile, Étude sur le dialecte breton de la presqu’île de Batz, éd. L. Prud’homme, 1883 ; page 36 : forme mutée « le » (pluriel « leieir) pour « fossé de marais ».

[44] LE ROUX Pierre, Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne (A.L.B.B.), éd. Plihon, 1943 ; carte 390 « talus ». La carte de l’A.L.B.B. montre clairement l’évolution pratiquement partout en Bretagne bretonnante (y compris Guérande, point 90), seul deux petites zones conservatrices ont gardé « kae » (autour de Vannes et sur le littoral du Bas Léon) [45] PIETTE Jean Raymond , French loanwords in middle breton, éd. University of Wales Press, 1976 ; page 91.

[46] Si le bocage apparaît au Moyen-Âge, il se généralise plus tard (époque des « enclosures » en Angleterre) pour les terres cultivées (les landes, elles, forment les communs). Mais la technique de l’enclos (fossé-talus) était pratiquée depuis longtemps dans toutes les fermes de l’Âge du fer.

[47] Le mot « park » (champ clos) s’oppose au mot « maez » (champ ouvert, openfield) qui est lui plus ancien et d’origine celtique. Ces emprunts sont liés à l’évolution du paysage, on clôt pour délimiter une propriété, pour protéger les cultures des intrusions, parquer des animaux, produire du bois (suite à la déforestation), limiter l’érosion…

[48] ERNAULT Émile, Dictionnaire Breton-Français du dialecte de Vannes, éd. Lafolye frères, 1904 ; page 131. Champ se dit « clos » (avec diverses prononciations) dans le tiers nord-ouest de la Haute-Bretagne (CHAUVEAU Jean-Paul, Le Gallo : une présentation, Studi n° 27, éd. U.B.O., 1984 ; Vol. II, page 142).

[49] LE ROUX Pierre, Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne (A.L.B.B.), éd. Plihon, 1943 ; carte 390.

[50] BURON Gildas, « Les salines du Pouliguen – Construction, remembrement et disparition », in Les Carnets du Pouliguen, n° 3, éd. Les Greniers de la Mémoire, 2019. Source : A.D. de L.-A., B 1484, 10 juillet 1438).

[51] BURON Gildas, « La microtoponymie du marais salant guérandais : bilan et perspectives », in Nouvelle Revue d’Onomastique, n° 21-22, 1993 ; pages 104-105, note 49.

[52] Correspond au moyen-breton « cleuz », qui est issu d’un vieux-breton « clud » (DESHAYES Albert, Dictionnaire étymologique du breton, éd. Le Chasse-Marée, 2003 ; page 397). Mot qui vient d’un celtique gallo-brittonique « clādo- » signifiant « fossé » > « vallée creuse » (DELAMARRE Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, éd. Errance, 2003 ; page 117) qui a donné le toponyme suisse « Clozza » (nom d’une vallée) < « clādia » (DELAMARRE Xavier, Noms de lieux celtiques de l’Europe ancienne [-500 / +500], éd. Errance, 2021 ; page 119). Le « -d » final vient d’un élargissement de la racine indo-européenne « *kelh₂- » signifiant « frapper » (pour « creuser » avec l’élargissement). Le « -d » s’est amuï en / ð / (son du « th » anglais dans « father ») dès le vieux-breton (FLEURIOT Léon, Le vieux-breton – Élément d’une grammaire, éd. Stlatkine, 1989 ; page 119), noté ensuite « dd » en gallois et « z » en moyen-breton ; en breton moderne il s’est amuï complètement sauf dans le Léon où il est prononcé / z / ou / s / (en final absolu ou en sandhi).

[53] LUÇON B., ibid.

[54] DE CHÂLONS Pierre, recteur de Sarzeau, Dictionnaire Breton-François du diocèse de Vannes, éd. Jacques de Heuqueville, 1723 ; page 89.

[55] CILLART DE KERAMPOUL Claude (pseudonyme de Monsieur de l’A*** / L’Armerye), né à Sarzeau, Dictionnaire François-Breton ou François-Celtique du dialecte de Vannes, éd. à Leide par la Compagnie, 1744 ; page 276 sous « péninsule » et page 303 sous « presqu’isle ».

[56] Gwerrann en breton moderne et non « *gwenrann » (une forme inventée par un militant incompétent), le nom breton de Guérande est attesté depuis le vieux-breton jusqu’aux derniers locuteurs natifs (JOSSO Christophe M., « Le nom breton de Guérande : “Gwerrann” vs “Gwenrann” », in Les Cahiers du Pays de Guérande, n° 72, 2021 ; pages 101-108).

[57] ER BER Léon, ER GO Pier, HERRIEU Loeiz et al., Istoér Breih pé hanès er Vretoned (Histoire de Bretagne et des Bretons), éd. Dihunamb, 1910 ; page 5.

[58] DE ROSTRENEN Grégoire, Dictionnaire françois-celtique ou françois-breton, éd. Julien Vatar, 1732 ; page 549, colonne a.

[59] Photo de Hubert Carlier. Le Hézo est situé à l’entrée de la presqu’île de Rhuys côté golf. L’église Saint-Vincent, construite au XIXe siècle, fait suite à la chapelle d’un prieuré fondé au XIIIe siècle par les moines de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys. Saint Vincent de Saragosse († 304) est le patron des vignerons, il est honoré le 22 janvier.

[60] QUENTEL Pierre, « Quelques traits de la toponymie maritime de la Cornouaille britannique », in Annales de Bretagne, Tome 57, n° 2, 1950 ; page 203.

[61] LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 364.

[62] LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoranembanner, 2017 ; page 365.

[63] Les loges de vignerons servaient pour s’abriter, stocker les outils, se nourrir ou se reposer pendant les activités saisonnières, elles permettaient de ne pas avoir à retourner à la ferme pendant la journée ; un petit patrimoine rural que l’on rencontre encore un peu partout dans les régions de vignobles.

[64] LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 224.

[65] Correspond au gallois « bod » (lieu d’habitation, demeure) et au vieil-irlandais « both » (hutte, cabane).

[66] On constate la notation de la mutation consonantique du mot « gwinierion » au pluriel après l’article, alors que l’on ne notait pas encore la mutation à l’écrit à cette époque ; on constate aussi l’évolution régulière de l’article « en > er » (sauf devant « n, d, t, h et les voyelles ») ; on constate encore le pluriel ancien en « -ion » comme en breton haut vannetais alors qu’il a évolué en « -ian » et « -ien » ailleurs.

[67] La forme « armor » est la forme bretonne archaïque qui a été empruntée en français, la lénition du / m / intervocalique n’est pas notée. C’est la forme que l’on trouve dans le Catholicon, dictionnaire breton de Jean Lagadeuc (éd. Jehan Calvez, 1499), un conservatisme graphique où le « -m- » devait être prononcé / v / ; l’édition suivante de Jehan Corre (début XVIe siècle) donne la forme « aruor » avec la traduction « riuages de la mer ».

[68] Comme « arvor », « argoed / argoad » est composé du préfixe « ar- » (près de) ; le second élément : « koed » (bois), en breton du sud-est, et « koad », en breton du nord-ouest, renvoie plus au bocage qu’à la forêt. On trouve par exemple les toponymes : « Coet querrec », « Coet pras », « Coedic », « Coët guen », « Coet cuzet », « Penhoët », « Talhouët », « Roscouet »… dans le Pays de Guérande (voir : LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; pages 192-202).

[69] FLATRÈS Pierre (Pêr Flatres), Douaroniez Breiz : Herez Breiz, an douar hag an dud, éd. Emgleo Breiz – Ar Skol Vrezoneg, 1995 ; page 105.

[70] DE KERSAUZON Joseph-Marie, Monographie de la paroisse d’Assérac, éd. Lafolye frères, Vannes, 1901.

[71] LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 274.

[72] LE BIHAN Jeannine, Pénestin, entre Vilaine et Atlantique, 1760-1914, éd. ville de Pénestin, 2013.

[73] GUILLOTIN DE CORSON Amédée, « Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne comprises dans le territoire actuel du département de la Loire-Inférieure », in Bulletin de la Société archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, Tome XXXIII, 1895 ; page 145.

[74] BLANCHARD Gustave, Le dialecte breton de Vannes au Pays de Guérande, éd. Vincent Forest et Émile Grimaud, 1879 ; page 43.

[75] A.D. de Loire-Atlantique, E 299, Marquisat d’Assérac – Comptes des chatelains de Ranrouët et d’Assérac, 1458-1616.

[76] LUÇON Bertrand, Noms de lieux bretons du Pays Nantais, éd. Yoran embanner, 2017 ; page 274.

[77] GALLICÉ Alain, Guérande au Moyen Âge – Guérande, Le Croisic, le pays guérandais du XIVe au milieu du XVIe siècle, éd. Presses Universitaires de Rennes, 2003 ; page 317-318.

[78] GRANDAZZI Maurice, L’originalité géographique des pays de la Basse-Loire, impr. du Commerce, Nantes, 1935 ; page 13.

[79] ERNAULT Émile, Étude sur le dialecte breton de la presqu’île de Batz, éd. L. Prud’homme, 1883 ; page 11. Le « -en » final vaut pour le son [ɛ̃] (dans « faim », « matin »), la final / -in / devient régulièrement [ɛ̃] en breton de Guérande (voir l’Atlas Linguistique de Basse-Bretagne – A.L.B.B., point 90 : carte 228 pour « glin-genou »…). Par contre le « gou- » initial fait difficulté, conformément à la phonétique locale on attendrait « gu- » pour [gɥ], comme dans les mots « gwenn » (blanc), « Gwened » (Vannes), « gwelet » (voir), « gwerzhiñ » (vendre), « gwiz » (truie), voir l’A.L.B.B., probablement une prononciation relâchée de « terminal speaker » (et/ou mal transcrite).

[80] 'Amant ez dezraov bvhez santes Barba dre rym', 1557, rééd. e Montrovlez gant Ian Hardovyn, 1647 ; page 93 (avec correction de l’erreur « gum » < « guin »).

[81] GVEGVEN Evzen, Confessional d’astvmet eves an doctoret catholic apostolic ha romain, éd. e Qvempercavrintin, Impr. gant G. Allienne, 1646 ; page 90.

[82] GUYONVARC’H Christian-J., Aux origines du breton – La glossaire vannetais du Chevalier Arnold von Harff, voyageur allemand du XVème siècle, éd. Ogam-Celticum, 1984 ; pages 46-47. Le « w » ne pouvant noter que / v / en allemand, le chevalier-linguiste a dû l’utiliser pour rendre le son [ɥ] qu’il ne connaît pas.

[83] Nouveau dictionnaire ou colloque français et breton, éd. Pierre Guyon, 1774 ; page 93.

[84] DE ROSTRENEN Grégoire, Dictionnaire François-Celtique ou François-Breton, éd. Julien Vatar, 1732 ; sous « cardiaque » page 136.

[85] Vocabulaire nouveau, ou dialogues français et bretons, ouvrage très-utile a ceux qui sont curieux d’apprendre l’une ou l’autre de ces deux langues, éd. J.-M. Galles, 1846 ; page 180)

[86] Mutation consonantique régulière (« guin » > « huin ») après la préposition « a » (de, du).

[87] LE JOUBIOUX Jean-Marie (né sur l’île d’Arz), Doué ha mem bro, éd. J.-M. Galles, 1844 ; page 54. Poème nostalgique de 1841, l’auteur était alors en Italie.

[88] Le vin de l’île d’Iluric (Golf du Morbihan) semble avoir eu une petite réputation dans le Pays vannetais, le poème date de 1844, c’est-à-dire avant la disparition du cépage à cause de l’oïdium, du temps de l’Aunis.

[89] BACHELLERY Édouard, compte-rendu du Dictionnaire des gloses en vieux breton de Léon Fleuriot, in Étude celtique, Vol. 11, fascicule 1, 1964 ; pages 193-194. Le suffixe « -an » est un diminutif.

[90] C’était une société en pleine évolution dans les derniers temps de l’Âge du fer : urbanisation, économie monétaire, régime politique, écriture…

[91] FREGONI Mario, Origines de la vigne et de la viticulture – Contribution des peuples antiques, éd. Musumeci, 1991 ; page 33.

[92] PERRIN Franck, « La découverte du vin par les Celtes », in Le vin – Nectar des Dieux, Génie des hommes, Jean-Pierre Brun, Matthieu Poux et André Tchernia (dir.), éd. Infolio, 2009 ; pages 128-136.

[93] ATHÉNÉE, Les Deipnosophistes, Livre IV, chapitre 152c-d : « οἶνος ἐξ Ἰταλίας » (vin d’Italie).

[94] LAUBENHEIMER Fanette, Boire en Gaule, éd. C.N.R.S., 2015.

[95] POUX Matthieu et DEMIERRE Matthieu (dir.), Le sanctuaire de Corent (Puy-de-Dôme, Auvergne) – Vestiges et rituels, Revue Gallia, 62e Supplément, éd. C.N.R.S., 2016 ; chapitre VII.

[96] AMMIEN MARCELLIN, Res gestae – Les choses accomplies, Livre XV, chapitre 12 : « Vini avidum genus ». Mais aussi APPIEN, Histoire romaine, Livre IV : Celtique, chapitre 7 : « Τοῦ δὲ οἴνου… ἐνεπίμπλαντο οἱ Κελτοί » (Les Celtes s’empiffraient de vin), et d’autres…

[97] DIODORE DE SICILE, Bibliothèque historique, Livre V, chapitre 26, paragraphe 3 : « Διὸ καὶ πολλοὶ τῶν Ἰταλικῶν ἐμπόρων διὰ τὴν συνήθη φιλαργυρίαν ἕρμαιον ἡγοῦνται τὴν τῶν Γαλατῶν φιλοινίαν. » (C’est pourquoi beaucoup de marchands italiens, de par leur cupidité habituelle, croient que l’amour du vin des Gaulois est une aubaine.).

[98] TROGUE-POMPÉE, Abrégé des Histoires Philippiques (XLIII, 4, 1-2) : « Ab his igitur Galli... didicerunt... vitem putare » (D’eux donc les Gaulois apprirent à tailler la vigne).

[99] MCGOVERN Patrick et al., « Biginning of viniculture in France », in Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, Vol. 110, n° 25, 2013 ; page 1/6.

[100] GAILLEDRAT Eric et VACHERET Ariane, « Lattes / Lattara (Hérault), comptoir étrusque du littoral languedocien », in Gallia, 77-2, 2020 ; pages 1-32.

[101] D’après le livre du géographe PITTE Jean-Robert, Le désir de vin à la conquête du monde, éd. Fayard, 2009.

[102] BRUN Jean-Pierre, « La viticulture en Gaule : Testimonia. », in Gallia, tome 58, 2001. « Biturica » est la vigne du peuple des Bituriges (c’est-à-dire « Les rois du monde », issu de « bitu- » : monde, breton « bed », et de « -riges » : rois, vieux-breton « ri » au singulier), « Allobrogica » est la vigne des Allobroges (c’est-à-dire les « Exilés », issu de « allo- » : autre, breton : « all », et de « -broges » : pays, breton « bro »). Voir DELAMARRE Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, éd. Errance, 2003 ; pages 76-77, 260-261, 39-40 et 91.

[103] FLOBERT Pierre, « Les débuts de la vigne et du vin en Italie et en Gaule d’après le vocabulaire », in Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1992 / 1994 ; pages 289-301.

[104] Le latin, qui a donné naissance aux langues romanes, ne représente qu’une des langues du groupe italique ; ce groupe se subdivise en deux branches : les langues sabelliques (ombrien, osque, volsque…) et les langues italo-falisques (falisque, latin). L’osque était encore en usage à Pompéi lors de la grande éruption du Vésuve en 79 de notre ère, on a en effet retrouvé des inscriptions sur des bâtiments de la ville.

[105] Variété du celtique gallo-brittonique (langue parlée du sud de l’Écosse au nord de l’Italie), une variante archaïsante qui était parlée au nord-ouest de l’Italie.

[106] Aurait évolué en « *uinon » en gallo-brittonique (évolution de la désinence).

[107] LEJEUNE Michel, « Documents gaulois et para-gaulois de Cisalpine », in Études Celtiques, vol. 12, fascicule 2, 1970 ; page 430-432.

[108] DE VAAN Michiel, Etymological Dictionary of Latin and other Italic Languages, éd. Brill, 2008 ; page 680.

[109] CHELIDONIO Giorgio, « Aux origines du vin. Du mythe à la recherche archéologique. », in Le Globe. Revue genevoise de géographie, Tome 155 (L’invention de l’agriculture), 2015 ; pages 78-80.

[110] CAMPOREALE Giovannangelo, Gli etruschi. Storia e civiltà, éd. UTET, 2011 ; page 129.

[111] C’est le cas du latin « uinum » > « uīnea » (ERNOUT Alfred et MEILLET Alfred, Dictionnaire étymologique de la langue latine, éd. Klincksieck, 2001 ; page 737).

[112] DELAMARRE Xavier, Noms de lieux celtiques de l’Europe ancienne (- 500 / + 500), éd. Errance 2021 ; page 277.

[113] HERVÉ-MONTEIL Marie-Laure, LUKAS Dagmar, MONTEIL Martial, DIETSCH-SELLAMI Marie-France, ARCHER Antoine et al., « La viticulture dans l’ouest de la Gaule Lyonnaise : les pressoirs de Parville (Eure) et de Piriac-sur-Mer (Loire-Atlantique). », in Gallia – Archéologie de la France antique, 2011 : La vigne et le vin dans les Trois Gaules, 68 (1) ; pages 163-214.

[114] Si l’on confond maintenant les notions de Basse-Bretagne / Haute-Bretagne et de Bretagne bretonnante et Bretagne gallo, c’était bien deux notions distinctes à l’origine. La partition « basse » et « haute » est purement géographique, elle sépare la moitié occidentale et de moitié orientale d’un territoire en cartographie médiévale préscientifique (avec le Christ représenté en haut de la carte et apportant la Lumière avec le soleil levant, c’est-à-dire au Levant, l’Orient, d’où le verbe « orienter »). C’est un pur hasard si la limite linguistique traditionnelle breton / français dialectal, qui part de Plouha (N-O de St-Brieuc) et descend jusqu’à Guérande, partage aussi la Bretagne entre une partie occidentale bretonnante et une partie orientale gallo-romane.

[115] LE BRAS Stéphane (dir.), Les petits vignobles, éd. Presses Universitaires de Rennes – Presses Universitaires François-Rabelais, 2017.

[116] Ce qui doit expliquer des jugements contrastés selon les auteurs.

[117] J’ai pu entendre les derniers Bretonnants de Sarzeau, Surzur, Theix, on a probablement eu la même situation sociolinguistique dans la deuxième moitié du XIXe siècle dans le Pays de Guérande.

[118] Voir la deuxième partie de l’article, in Histoire & Patrimoine, éd. A.P.H.R.N. (Association Patrimoine et Histoire de la Région Nazairienne), n° 101 de juillet 2021 ; page 136.

[119] Inaccessible autrefois à la petite paysannerie, et étant donné la faible rentabilité de ces vignobles ça n’a pas encouragé les propriétaires terriens à développer la viticulture.

[120] Merci pour nos échanges sur tel ou tel point de l’article à Gildas Buron (Musée des Marais Salants, Batz), Antoine Châtelier (Université de Rennes II), Maxime Chéneau (viticulteur de Mouzillon, Comité des Vins Bretons) et Hubert Chémereau (CREDIB, Saint-Nazaire).



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