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LE NOM BRETON DE GUERANDE : GWERRANN vs "*GWENRANN".


Les formes anciennes du nom de Guérande et son évolution sont connues depuis longtemps des linguistes (1) et des historiens (2). Cela aurait dû éviter l’invention de la forme récente « Gwenrann » (apparue dans les années 1930 et diffusée après guerre), d’autant plus que la forme correcte « Gwerrann » (« Guerrann / Guereñn ») est très bien attestée comme on va le voir dans cet article.

Le toponyme est attesté pour la première fois en vieux-breton (500-1100) sous la forme « Uuenran » dans le cartulaire de Redon, acte du 21 aout 866 (f° 94) : « Factum est hoc in plebe Uuenran, in villa Allii » (Ceci a été fait en la paroisse de Guérande, à la villa (3) de Alli [Trévaly]), avec des variantes (du IXe-XIe siècle). C’est la forme ancienne qui montre clairement l’étymologie du nom composé : « uuenn [=gwenn] » (blanc, pur > béni, bienheureux) + « rann » (partie d’un tout : part, parcelle, région). La bonne interprétation du sens doit impérativement partir de cette forme vieil-bretonne, elle n’est pas évidente et n’a rien à voir avec la blancheur du sel (le « pays blanc » est une légende pittoresque pour touristes).

La forme « Uuenran » est déjà un archaïsme à cette époque, puisque, dans le cartulaire de Redon, on trouve aussi une forme évoluée « Uuerran », dans l’acte du 10 juillet 865 (f°. 69) : « salinam que vocatur Salin-Permet, sitam in plebe Uuerran, in villa que vocatur Alli » (la saline qu’on appelle Salin-Permet, située dans la paroisse de Guérande, dans la villa qu’on appelle Alli [Trévaly]), une forme répétée en fin d’acte : « Factum est hoc in plebe Uuerran » (Ceci a été fait en la paroisse de Guérande). Il y a des variantes aussi comme dans l’acte du 01 janvier 876 (f°126 v°) : « in plebe quę dicitur Uueran » (dans la paroisse qu’on appelle Guérande) ; ou « Werran » dans la copie d’un acte perdu du cartulaire de Redon, on peut y lire dans un acte de 854 (4) : « in ecclesia quæ dicitur Werran » (dans la communauté chrétienne qu’on appelle Guérande). De ceci, on peut conclure que l’évolution « Uuenrann » > « Uuerrann » était achevée dans la langue parlée – au moins – au milieu du IXe siècle. Il faut comprendre que cette évolution a eu lieu dans un nom composé de deux mots, où les consonnes « -nn- » et « -r- » se sont retrouvées en contact. Pris séparément, le vieux-breton « uuenn » a donné le breton moderne « gwenn » (sans évolution du « -nn » en final) et « rann » est demeuré inchangé. Mais la composition (c’est-à-dire deux mots simples en formant un nouveau dit « composé ») a entraîné des modifications phonétiques que l’on ne peut pas ignorer.

Le nom a poursuivi les règles de l’évolution phonétique de la langue bretonne. Le son / w / initial noté « uu- » en vieux-breton commence à évoluer en / gw / noté « gu- » à partir du IXe siècle (5) (La notation du son évolué « Gw- » ne pose pas de problème dans l’orthographe moderne du nom.). Cette dernière évolution est à l’origine de la forme moderne du nom qui est donc apparue vers la fin de la période du vieux-breton (que l’on pourrait placer symboliquement en 1119, date de la mort d’Alan Fergant, dernier prince bretonnant). En moyen-breton (1100-1650), c’est donc cette forme évoluée que l’on retrouve. Elle est bien attestée au début de cette seconde période de l’histoire de la langue bretonne. On trouve en effet la forme « Guerran » dans un acte (6) daté de 1112 (concernant Alan Fergant), on peut lire (f° 177) : « in plebe quae vocatur Penkerac et in Guerran » (dans la paroisse qu’on appelle Piriac et à Guérande). Dans un acte daté dans une fourchette allant de 1114 à 1140, on trouve aussi (f° 177v°) : « in eadem parrochia Guerran » (dans la même paroisse de Guérande). Le bourg de Batz – la commune où a perduré le plus longtemps la langue bretonne dans le pays de Guérande (début XXe siècle et au-delà) – s’appelait « Bath Guerran » au XIIe siècle (7). On pourrait traduire ce nom composé par « Batz-en-Guérande » (« Bazh-Gwerrann » en breton moderne), ce qui permet de distinguer ce bourg de l’île du même nom dans le Léon. Dans une charte de 1160 du duc Conan IV de Bretagne pour les templiers (8), on trouve la forme mieux orthographiée « Guerrann ».


On constate donc que l’évolution du groupe consonantique « -nr- » en « -rr- » est attestée avant le passage de l’initiale « Uu- » à « Gu- » (/ w- / à / gw- /), elles se sont produites dans la langue parlée l’une après l’autre dès la période du vieux-breton, rendant IMPOSSIBLE la prononciation récente de la forme « Gwenrann » qui n’a jamais existée (il aurait fallu que la seconde évolution citée se produise longtemps avant la première).

Il existe pour l’époque féodale d’autres formes écrites attestées (9), des formes savantes latinisées (Guenrandia 1330, Guerrandia 1330, Garrandia 1212) ou savantes francisées (Guenrant 1330, Guerrande 1263), et déconnectées de la langue bretonne parlée de l’époque. Les formes « Guenrandia » et « Guenrant » avec « -n- » interne sont bien des formes savantes, elles ne rendent absolument pas la prononciation locale au XIVe siècle, elles attestent seulement que les clercs qui les ont écrites avaient encore conscience à cette époque de l’origine du nom (ce qui est un fait intéressant). Ces formes ne peuvent donc pas servir pour justifier la forme fautive « Gwenrann ».

Pour expliquer le phénomène phonétique qui nous intéresse dans cet article, on peut commencer par citer le professeur Léon Fleuriot qui a écrit que le groupe consonantique « /nr/ a eu tendance à évoluer en /rr/ dès le début du Bret[on] moy[en] ou la fin du v[ieux] Bret[on] (10) », mais, en fait, on peut remonter un peu plus tôt dans le temps. Ce phénomène linguistique, dû au contexte, s’appelle une assimilation, il s’agit de l’influence d’un son sur un autre (11). C’est une modification phonétique banale et très fréquente que subit un son au contact de son voisin, et qui tend à réduire les différences entre les deux en adoptant « un ou plusieurs des traits articulatoires d’un phonème contigu (12) ».

Comme on peut le constater dans les exemples cités, l’évolution « -nr- » > « -rr- » (assimilation phonétique) est très ancienne puisqu’elle a au moins 1 150 ans d’âge selon les sources écrites arrivées jusqu’à nous, donc certainement davantage dans la langue parlée au IXe siècle. On rencontre un phénomène similaire dans le nom de la commune proche de Piriac, écrit « Penceriac / Penkeriac » (13) au IXe et Xe siècle pour une prononciation « Penheriac » (notée ainsi au XIe siècle pour rendre la mutation consonantique), puis écrit « Pehereac » et « Piheriac » au XIVe siècle (assimilation du / n / avec la consonne suivante mutée), suivi de la syncope de la syllabe centrale inaccentuée à l’origine de la forme moderne.

En phonologie diachronique, il n’y a pas d’évolution rétroactive, une fois disparu de la langue et oublié par les locuteurs médiévaux le groupe consonantique « -nr- » ne pouvait pas revenir dans la langue parlée (14). Pour résumé, on peut citer : « Les lois diachroniques sont des lois impératives, c’est-à-dire qu’elles affectent tous les mots ayant une même structure phonétique, et leurs effets sont irréversibles parce que historiques (15) ». L’évolution / nr / > / rr / relève d’un relâchement articulatoire, tendance générale de l’évolution des langues dit « principe du moindre effort » (16) » ; le groupe consonantique / nr / étant plus difficile à prononcer et réclamant un effort articulatoire plus important que / rr /, il ne pouvait plus y avoir de retour en arrière.

Cette évolution de « -nr- » en « -rr- » est confirmée par la forme française « Guerrande / Guérande » qui vient d’une latinisation pseudo-savante (« Guarranda » 1095 / « Guerrandia » 1112) de la forme bretonne (17). Le nom à l’origine du français « Guerrande / Guérande » a été emprunté par les romanisants à des bretonnants. L’évolution phonétique est confirmée encore par la forme vieil-norroise « Varrandi » entendue par les Vikings (18) et conservée dans la saga du roi Olaf Haraldson (19), le roi Olaf II de Norvège (20). « Parti de Rouen pour se rendre à Jérusalem, Olaf est rappelé pour régner sur la Norvège. Il rebrousse chemin alors qu’il était arrivé sur les côtes d’Espagne. Olaf fait escale à Guérande que ses hommes ravagent et brûlent. (21) ». On note que les Vikings ont entendu une voyelle ouverte dans la première syllabe, contrairement à la prononciation de la forme française « Guérande » (avec [e] fermé).

La forme « Guerrann » du moyen-breton est conforme à l’évolution de la langue, le « Gu- » initial ne se prononçait pas [g-] comme en français moderne (comme dans « Guérande ») mais [gw-] puis [gɥ-] (22), ou encore [d͡ʒɥ] (en breton vannetais moderne). C’est aussi la forme en breton moderne : dans l’édition augmentée par Alphonse Marteville et Pierre Varin (23) du Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne de l’ingénieur géographe Jean-Baptiste Ogée, on peut lire (24) : « Guérande, dans l’ancienne langue celtique, s’écrit et se prononce Guer-rann. ». En breton moderne (1650 à nos jours), cette même forme est encore très bien attestée. Le Dictionnaire françois-breton ou françois-celtique du dialecte de Vannes de Clément-Vincent Cillart de Kerampoul donne la forme « Gùêrann » (25) qui désigne le muletier ou Guérandais qui parcourait les campagnes du pays vannetais voisin (et d’ailleurs) pour y troquer son sel contre les céréales qui lui manquaient au pays. Le « -ù- » (avec le signe diacritique en breton vannetais) rend la prononciation vannetaise [ɥ].

Il est intéressant de s’arrêter à l’article « Muletier » du dictionnaire de Cillart de Kerampoul, où on peut lire : « Mulétaour.. tarion : Gùêrann.. nétt : A gasse marhadoureah ar vulétt. ». Si l’on traduit l’explication bretonne cela donne : « Muletier.. -tiers [pluriel] : Guérandais.. -dais [pluriel] : Qui apporte de la marchandise sur des mulets ». Les Guérandais se distinguaient des autres commerçants ambulants bretons par l’usage de mulets pour le transport de marchandises, et ils étaient donc connus comme étant des muletiers (peu courant en Bretagne), cela ne signifie pas que le terme « Gùêrann » doive être compris comme un synonyme de « Mulétaour » (muletier) et qu’il faille le traduire par ce mot. Je ne suis pas convaincu qu’il faille voir dans le terme « Gùêrann » un exemple de déonomastique, c’est-à-dire d’un nom commun (muletier) issu d’un nom propre (Guérandais). L’âne était très rare en Bretagne, car le bidet breton – très rustique et endurant – pouvait effectuer le même travail, dont le bât ; il n’y a d’ailleurs pas de race bretonne d’âne contrairement au Poitou ou à la Normandie et donc pas de mulets bretons. Les Guérandais étaient donc assez originaux en Bretagne en se servant surtout de mulets pour le transport par bât de leur sel sur les routes de Bretagne (ils se faisaient aussi remarquer par leur tenue vestimentaire particulière). On peut comprendre que, pour des charges très lourdes comme le sel et pour de longs trajets sur de mauvais chemins, les Guérandais aient préféré le mulet au petit bidet breton des landes.

La prononciation sans « n » interne est une autre fois confirmée par la forme moderne et locale recueillie au bourg de Batz avant 1872 par Léon Bureau, armateur nantais passionné d’ethnographie et linguistique (26). On la trouve dans l’étude d’Émile Ernault Sur l’histoire du breton (27), il s’agit de la forme « Uereñn ». Cette forme n’est pas du tout inattendue contrairement à ce que l’on peut lire dans l’Encyclopédie Wikipédia (28). Mis à part l’évolution locale propre au pays de Guérande (le passage de [ãn] à [ɛ̃n] dans la dernière syllabe), le breton de Guérande a suivi les mêmes évolutions qu’ailleurs en Bretagne bretonnante et donc le passage de « Uu- » initial à « Gu- / Gw- » (29). Un seul exemple suffira pour illustrer cette évolution : le vieux-breton « uuert » (valeur, prix) correspond à la base verbale du verbe [gɥɛrˈhɛ̃] (30) (vendre) de la prononciation donnée au point 90 de la carte 295 de Atlas linguistique de la Basse-Bretagne (A.L.B.B.) (31) pour Batz. Il est donc totalement inutile de tergiverser sur cette forme tronquée, de prendre cette forme comme une forme dialectale, de faire un rapprochement avec la forme vieille-bretonne « Uuerran » (ce n’est pas un archaïsme), pour une raison simple : É. Ernault ne donne pas le contexte d’où il a extrait ce nom (les notes de L. Bureau), on peut se contenter d’y voir une simple forme mutée, classique en breton. Gildas Buron, qui publiera le livre de référence sur le breton de Guérande, m’a donné l’explication, il la rendra publique lui-même, avec l’ensemble de la riche documentation qu’il a collecté depuis des années. Et même si une telle forme avait été collectée, il faut tenir compte du fait que la langue appauvrie des locuteurs terminaux (terminal speakers) est rarement correcte (notamment les mutations consonantiques). On doit donc rétablir la forme non mutée «*Guereñn » en attendant l’explication.

Yves Mathelier (32) a retranscrit « Uéreñn » (avec un « -é- » fermé) dans son livre alors que rien n’indique dans la forme donnée par É. Ernault la valeur de cette voyelle. L’accent aigu lui a peut-être été inspiré par le français « Guérande », ou plus probablement par la forme vannetaise « Guéran » qu’il cite à cette entrée. É. Ernault donne bien cette dernière forme dans son Dictionnaire breton-français du dialecte de Vannes (33), reprise par Augustin Guillevic et Pierre Le Goff dans leur Vocabulaire breton-français et français-breton du dialecte de Vannes (34), alors que la source est «Gùêrann (35) ». Y. Mathelier a aussi retranscrit « guérheñ » (vendre, p. 165) au lieu de « guèrheñ » selon son système orthographique (Pierre Le Roux a bien retranscrit un « -è- » ouvert bien lisible dans l’A.L.B.B.). Il présente la forme néo-bretonne « Gwenrann » comme du breton K.L.T., on peut lire (p. 326) : « Gwenrann (KLT) » [sic]… C’est l’exemple même du niveau de compétence qui est à l’origine de la forme fautive « Gwenrann ». On attend donc avec impatience et gourmandise le livre de référence que publiera G. Buron sur le dialecte breton de Guérande, nul doute qu’il sera du niveau et de la qualité de tout ce qu’il a déjà publié.

Le « -ê- » de « Gùêrann » rend la prononciation [ɛ] conforme à l’étymologie (« gwenn » prononcé [gɥɛn] en breton vannetais (36) ). Dans son Dictionnaire françois celtique ou françois breton (37) Grégoire de Rostrenen indique « la valeur des lettres » (après la préface, juste avant le dictionnaire), et il explique que le tréma sur la lettre « e » de « Guë- » indique que les deux voyelles forment une diphtongue, il dit que ces « diphtongues font très communes » et il donne des exemples dont « guënn » (« gwenn », prononcé [gwɛn] ou [gɥɛn]), cela permet de distinguer du digraphe « gu » de « gue- » que l’on prononce comme « le γ. gamma des Grecs » comme dans l’exemple « guerre » qu’il donne. Sur la lettre « e » il explique que c’est le « e des Latins & des françois » ; comme l’orthographe bretonne du XVIIIe siècle était principalement fondée sur l’orthographe française, où un « e » devant une consonne double se prononce [ɛ], on doit prononcer [gwɛr-] ou [gɥɛr-] la première syllabe du mot « Guërrandicq » qu’il donne (38).

La forme « Guërrandicq », que donne G. de Rostrenen, est une forme hybride intermédiaire entre le breton et le français (avec « -d- »). Le « -d- » interne de « Guërrandicq » n’est pas étymologique, puisque le mot « rann » (part, partie, parcelle) vient d’un celtique « *rannā » (part / partie, idée de partage), issu d’un indo-européen « *pṝsnā » (39) (réf. : latin « pars »), et non d’un hypothétique et problématique « *randa » que l’on rencontre uniquement dans l’espace de la Gaule romaine (ex : Ingrandes, Chamarandes…) et qui est absent en toponymie des autres territoires anciennement celtiques (Bretagne [l’île], Rhénanie et Gaule cisalpine). Le terme « *randa » est d’une « celticité incertaine » (40), le « rapprochement le plus convaincant est avec le germanique (41) ». On peut aussi penser à une variante par dissimilation (phénomène par lequel deux sons semblables ont tendance à se différencier) ; le passage de [ãn] (pour « -ann- ») à [ãd] (pour « -and- ») peut s’expliquer par une dissimilation de la nasale, la nasale dentale « n » précédée d’une autre nasale évoluant vers la dentale « d » (réf. : vieil-irlandais « rann » / variante « rand » (42) = part).

On trouve la bonne forme du mot « Guërrandicq » dans le pays de Guérande au XVe siècle. Le nom originel (sans francisation) est « Guerrannic » (« Gwerrannig » en breton moderne), il contient le toponyme « Guerrann » (avec, encore une fois, le groupe consonantique « -rr- »). « Il se montre une première fois dans le rôle rentier de 1452, associé au nom d’un certain “Olivier Aubin de la taille au Guerrannic”. Puis, il se manifeste à nouveau en 1459 comme référent de la “tenue au Guerrannic” signalée en Saint-Lyphard. (43) ». « En 1470, nous en trouvons également la trace dans un microtoponyme du Croisic, le “courtill au Guerrenic”, lequel, a vraisemblablement pour personnage-éponyme un prêtre nommé Olivier Le Guerrennic, desservant de la chapellenie de la Trinité de Batz vers 1495 (44) ». Au Croisic en 1475, on a « dom Olivier Le Guerannic » dans une déclaration de terres (45).

On pourrait croire au premier abord, qu’il s’agit d’un nom suivi du suffixe diminutif breton « -ig » bien connu et prolifique (dans le breton de Guérande aussi), mais ce n’est pas la cas, « Guerrannic » signifie juste « Guérandais ». Le mot « Guerrannic » est aussi représenté dans la toponymie nautique de l’île de Hœdic, ce qui est moins compatible avec un sobriquet formé sur le nom de Guérande. On trouve au large de la côte est, juste dans la direction du pays de Guérande (La Turballe en ligne droite, port où des Hœdicais se sont installés), un rocher qui est nommé « Le Guerenic » sur la carte de Cassini (46), « Er Gurannich » (avec palatisation du suffixe) sur une ancienne carte d’état-major (47). Les toponymes nautiques des îles d’Houat et Hœdic ont été étudiés, une première fois en 1950, puis à nouveau en 1957 par Gildas Bernier, pour ce rocher il donne (48) la prononciation locale qu’il a entendu auprès de personnes âgées (dont un nonagénaire) notée : « DJUERAÑNËTCH » soit [ˌd͡ʒɥɛʁɑ̃ˈnət͡ʃ] en A.P.I., probablement [ˌd͡ʒɥɛɾɑ̃ˈnət͡ʃ] anciennement.

Le suffixe « -ig » est homophone du suffixe de diminutif « -ig », mais il sert à indiquer l’origine géographique dans les exemples suivants : « Guenedic » (de Vannes), « Camorhic » (de Camorh), « Belzic » (de Belz), et le vieux-gallois « Letewic[ion] » comme l’explique G. Buron (49). Le terme « Letewic » (au singulier) a donné le gallois moderne « Llydewig » (breton du continent). On le trouve dans l’un des manuscrits de l’Historia Brittonum (Histoire des Bretons) de Nennius (50), moine et compilateur du début du IXe siècle. On retrouve le mot dans l’un des chefs d’œuvre de la littérature médiévale galloise, le conte de Culhwch ac Olwen (51). Ce suffixe est issu du celtique « *-ikos / *-ikā » que l’on retrouve dans « Aremorica » (Armorique).

La variante « Guerrennic » pourrait faire penser à la forme moderne locale « Guereñn », mais il ne s’agit pas de la trace précoce de l’évolution locale du / ãn / final en / ɛ̃n /, cette forme témoigne seulement de la forte accentuation sur la dernière syllabe. L’adjonction du suffixe « -ic » a déplacé l’accent d’intensité sur la nouvelle syllabe finale, ce qui a fini par entraîner l’amuïssement de l’ancienne voyelle accentuée devenue atone. On trouve ainsi la forme « Le Guernic » (avec syncope de la syllabe inaccentuée) à la place de « Le Guerennic » pour la même personne dans les registres paroissiaux de Batz (52). L’accent est resté sur la dernière syllabe dans le breton du sud-est comme c’était le cas en vieux-breton, alors qu’il est remonté sur la pénultième (53) en breton du nord-ouest. (54)

Ce nom de famille n’est plus porté dans le pays de Guérande, mais il est bien connu ailleurs en Bretagne. « Le Guerannic » (sans ou avec accent aigu sur le « e » comme dans « Guérande »), et sa variante mieux orthographiée « Le Guerrannic » est porté dans deux zones différentes et éloignées. Un sondage dans les sites de généalogie montre en effet qu’on en trouve dans le haut-Vannetais maritime au sud de Vannes (et pas en pays gallo), ce qui est assez logique étant donné la proximité du pays de Guérande, et la présence de marais salants dans le sud du pays vannetais (souvent créés par des paludiers guérandais qui venaient s’installer en apportant la technique). Cette présence en pays vannetais est très ancienne, attestée au XVe siècle à Séné (55). Mais, étonnamment, on en trouve aussi à l’autre bout de la Bretagne sur le littoral sud du bas-Léon.

Il existe encore un autre terme qui démontre une fois de plus le passage du groupe consonantique « -nr- » à « -rr- ». Dans le Dictionnaire vannetais d’É. Ernault, on trouve aussi (56) le terme « guerrigan » qui désigne le saunier guérandais (marchand ambulant de sel). Il y a aussi la variante palatalisée « guérigian (57) » en entrée de mot, forme issue du manuscrit du dictionnaire vannetais de Pierre de Châlons (58) ; mais d’après Martial Ménard (59), la forme que l’on trouve dans ce manuscrit (60) est « guerigian » (sans accent aigu). P. de Châlons traduit d’abord « saunier » par « halinaour » et précise que « quelques uns disent “guerigian”», il s’agit donc du diminutif que donnaient certains paysans vannetais aux sauniers guérandais de passage.

G. Buron a proposé d’y voir une métathèse (61) d’une forme « *Guerranig (62) », il a raison. La métathèse dans le mot « guerrigan » est d’ailleurs confirmé par Pierre Le Goff dans son Supplément au dictionnaire breton-français du dialecte de Vannes par Émile Ernault (63) qui oppose deux expressions synonymes : « sé-guerigan » dans le vannetais maritime (Arv. : Arvor) et « sé-guéran » dans le vannetais intérieur (Arg. : Argoed). Les deux expressions désignant le « sarrau des Guérandais », un vêtement traditionnel, bien plus ancien que les blouses de paysan de la fin XIXe siècle, et donc originale en Bretagne ; emblème du paludier-saunier et peut-être signe de reconnaissance utile dans leur activité commerciale. « Leur tenue vestimentaire n’était pas sans frapper les imaginations. Vers 1847-1852, Louis Bizeul de Blain s’en fait l’écho (64) » : « Nous nommons (sauniers) les muletiers du Pays de Guérande qui nous apportent le sel à dos de cheval et de mulets… Ils avaient un costume particulier qui commence à disparaître. C’était la saie ou blouse antique, les braies bouffantes ou le bragou bras des Bas-Bretons (65) ». Les termes « Guerigan » et « Guéran » (66) désigne donc bien la même personne : le colporteur guérandais. Il s’agit probablement d’un hypocoristique (par analogie avec « korrigan »). Le suffixe double « -igan » est ancien et composé des deux suffixes diminutifs « -ig » et « -an » (67). D’autres vendeurs ambulants bretons avaient aussi leur surnom : les « Johnnies » du Léon qui allaient vendre leurs oignons roses de Roscoff sur les routes du sud de la Grande-Bretagne. Il faut donc rétablir une forme moderne « Gwerrigan » (et non « Gwerigan »).

La source du linguiste É. Ernault pour la forme « guerrigan » est l’un des frères Buléon (68), il s’agit probablement de Mathurin Buléon (1868-1948), un prêtre qui a fait beaucoup de collectage dans le pays vannetais, on trouve le mot dans l’un des nombreux chants qu’il a collecté (69). Une variante de ce chant a été collecté en 1913 à La Trinité par Yves Le Diberder avec le titre Er guerikian (Le marchand de sel) (70), avec une orthographe qui montre la palatisation du / -g- / après / -i- / (71). Il existe encore un autre chant intitulé Sonenn er guerrigan (Chant du saunier), un chant à danser (en dro), collecté dans la région de Baud en 1985 par Jude Le Paboul auprès d’une dame née en 1896 (72). Dans le fichier son (73), on peut entendre la prononciation : [ˌd͡ʒɥæɾiˈgãn], toujours aucune trace du « -n- » interne du vieux-breton.

Sur « l’évolution du groupe /gɥ-/ initial » en breton vannetais, on peut lire l’étude d’Erwan Le Pipec (74) qui dit : « Alors que sa palatalisation est rare en 1911-1912 (ALBB 287, gwelet, voir ; 290, gwenn, blanc ; 292, Gwened, Vannes etc.), elle est devenue quasi systématique dans les parlers d’aujourd’hui. L’évolution la plus spectaculaire revenant aux cartes gwez, arbres : seuls Locmaria, en Belle-Île et Houat palatalisent dans l’ALBB, contre environ un tiers de la Basse-Bretagne dans le NALBB… il est clair que la palatalisation de /gɥ-/ est une innovation du XXe siècle. ».

« Gwerrann », la forme correcte du nom, a été utilisée jusqu’au milieu du XXe siècle, et donc en breton contemporain, à l’époque où les derniers Guérandais bretonnants de naissance disparaissaient. Par exemple, en breton vannetais, dans Er bleu keltiek, Sorbienneu ha Guerzenneu de Gwenfrewi (Nathalie de Volz-Kerhoënt) (75), on peut lire dans un texte intitulé « En intronezed ag er Gren-Amzer » (Les dames du Moyen Âge) : « Feur Guerran groeit é 1366 e achiù er brezél. » (Le traité de Guérande, fait en 1366 [1365], met fin à la guerre [de Succession de Bretagne]). Ou encore en breton K.L.T., dans les souvenirs d’enfance du grand prosateur Yeun ar Gow : E skeud tour bras sans Jermen (76), on peut lire : « paluderien Gwerann hag ar Groazig » (les paludiers de Guérande et du Croizic), modifié – après la mort de l’auteur – en « Gwenrann » (pourquoi ?) dans l’édition d’Al Liamm (77). Et c’est la forme « Gweran » que l’on trouve dans l’un des meilleurs dictionnaires de breton (encore aujourd’hui) : le Grand Dictionnaire français-breton de François Vallée (78).

On peut citer pour finir la forme donner par Théophile Jeusset dans une étude (approximative) sur les toponymes de Haute-Bretagne (79). Ce militant breton (peu fréquentable) a eu l’idée de bretonniser tous les noms de lieu de l’est breton, même quand ils n’étaient pas bretons (par la langue). Il a poursuivi ce travail après-guerre (80). C’est souvent assez surprenant, avec des formes bretonnes mal construites, mais pour le nom de Guérande – qui est breton et bas-breton – il a bien compris l’évolution du nom. Il donne en 1943 (81) : « Guérande, N[antes / diocèse]. Gwerann », il s’appuie sur la forme « Guerran » du XIIe siècle. Après lecture des formes historiques attestées, on est bien obligé de se plier à l’évidence. Il redonne cette même forme en 1948 dans la revue littéraire Al Liamm (82), dans l’entrée « Piriac » (dont il donne l’étrange forme bretonne « Penkerieg » (83) ).

Comme l’explique Antoine Châtelier sur son blog (84) : « Notre Rennais ne sachant sans doute pas que l’on parlait encore, ou jusqu’à récemment, breton dans l’ouest de la Loire-Atlantique, s’appliqua à créer des toponymes bretons pour cette zone alors qu’ils étaient encore connus par des locuteurs locaux. », il est vrai qu’il aurait encore pu entendre de vive voix la forme locale traditionnelle : « Guereñn » à cette époque. Il vaut mieux écrire deux « -rr- », pour rendre l’ancien groupe consonantique « -nn-r- » (de « uenn » + « rann »), et la prononciation de la voyelle ([ɛ] et non [e] comme en français).

Il n’est pas utile de chercher précisément d’où vient l’erreur, elle semble apparaître dans le mouvement breton des années 1930 et se développer après-guerre. Je ne citerai qu’un exemple précoce. Dans la revue bretonne Feiz ha Breiz de janvier 1931, Frañsez Kervella (1913-1992) publie un article sur le sel (« An holen »), il écrit (85) : « Lavaret am eus ne oa ket ar gwella micher ha setu amañ perak : ne c’heller labourat nemet e-pad an hañv… E Breiz n’eus ket nemeur a holenegou nemet e kosteziou Bro-Rez ha Gwenrann, etre aberiou ar Wilen [stêr Roazon] hag al Liger [ster Naoned] » (J’ai dit que ce n’était pas le meilleur des métiers et voici ici pourquoi : on ne peut travailler que durant l’été... En Bretagne on ne trouve des salines que du côté du Pays de Retz et Guérande, entre les estuaires de la Vilaine [rivière de Rennes] et de la Loire [rivière de Nantes]). Si F. Kervella est devenu un auteur breton et un grammairien très important, il n’était qu’un jeune homme de 18 ans lorsqu’il a écrit ce texte, et il avait quelques lacunes sur le métier de paludier (on ne travaille pas que l’été…) et en géographie de la Bretagne, il place le pays de Retz entre l’estuaire de la Vilaine et de la Loire. F. Kervella n’a probablement pas inventé lui-même cette forme du nom, il l’a probablement entendu dans le milieu breton de Rennes (où il était étudiant en sciences à cette époque).

Aucun Guérandais n’a jamais prononcé [gwɛnˈrãn] ou [gwɛnˈran] le nom de sa ville comme on entend de nos jours, et on ne peut donc pas écrire « Gwenrann » sur les panneaux ou ailleurs du fait de la disparition précoce du groupe consonantique / -nr- / (il y a pratiquement 1 200 ans !). La forme « Gwenrann » ne respecte ni les formes attestées ni la prononciation traditionnelle et locale, c’est soit une forme savante inutile (pour rendre visible l’étymologie), soit plutôt une forme pseudo savante créée par quelqu’un qui n’a pas pris la peine d’étudier les formes anciennes et qui ne connaissait pas la phonétique bretonne. J’y vois un lien avec l’étymologie populaire par la couleur blanche (gwenn) du sel, et la légende touristique du « pays blanc ». C’est en tout cas une forme artificielle et fautive. Personne du côté de Perros-Guirec n’a eu l’idée saugrenue d’écrire « *Penroz-Gireg » pour mieux rendre en breton l’étymologie du nom (86) ; conformément à l’évolution de la langue bretonne, il y a aussi un « Perroz » en Inzinzac-Lochrist, Perros en Bubry et Malguénac… nous avons aussi à Batz une « Saline du Perrosse » avec une forme ancienne « Penros » (87), tous formés à partir du mot « penn » (bout, extrémité) devant un autre mot commençant par un « r- » (« roz » : coteau). Comme disait le celtisant Paul Quentel au sujet de Guérande, et avant que la forme fautive « Gwenrann » se propage : « l’évolution du nom est tout à fait normale » (88), en résumé :


La seule et unique forme possible du nom breton de Guérande dans l’orthographe moderne est GWERRANN, un nom que l’on doit prononcer [ˈgwɛrãn] en breton K.L.T., [gɥɛˈran] ou [d͡ʒɥɛˈran] en breton vannetais et [gɥɛˈrɛ̃n] dans le dialecte local. En matière de toponymie, et concernant la forme moderne des noms de lieu en breton, on ne peut pas se contenter d’approximations et de formes fautives. Il y a toute une étude à faire pour déduire la forme bretonne moderne et correcte de chaque toponyme breton à partir des formes anciennes attestées. Christophe M. JOSSO © Tous droits réservés - 2021 NOTES :

  • 1 Exemple : LOTH, Joseph, Chrestomathie bretonne (armoricain, gallois, cornique). Première partie. Breton-armoricain), Parsi, Émile Bouillon, 1890, p. 109 et 175.

  • 2 Exemple : QUILGARS, Henri, Dictionnaire topographique du département de la Loire-Inférieure », Nantes L. Durance, 1906, p.127, col. b sous « Guérande ».

  • 3 Domaine agricole en latin.

  • 4 COURSON, Aurélien de (éd.), Cartulaire de l’abbaye de Redon en Bretagne, Paris, Imprimerie nationale, 1863, appendix, p. 370) ; LOBINEAU, Gui-Alexis, Histoire de Bretagne, 2 vol., Paris, Vve F. Muguet, 1707, réimp., Paris, Éditions du Palais-Royal, 1973, t. II, coll. 55.

  • 5 FLEURIOT, Léon, Le vieux breton : éléments d’une grammaire [Paris, C. Klincksieck, 1964], réimp. Paris-Genève, Slatkine Reprint, 1989, p.91. Sur l’évolution du son / w / à l’initial, on peut aussi lire A Historical Phonology of Breton de Kenneth JACKSON (Dublin, The Dublin Institute for advanced studies, 1986, p. 427).

  • 6 Dans Les cartulaires de l’abbaye de Redon (Mémoires de la S.H.A.B., t. LXIII, 1986, p. 27-48.), Hubert Guillotel explique qu’il s’agit d’une « fausse charte » (p. 45), mais il dit (p. 35) « La seconde partie [du cartulaire] regroupe tout un ensemble de titres du XIe, voire du Xe; mais comme ils voisinent indifféremment et sans solution de continuité avec des instruments de la premières moitié du XIIe siècle, il faut en déduire que la fin du cartulaire, du fol. 138v° au fol. 184v°, fut compilée à cette époque. »

  • 7 MAITRE, Léon et BERTHOU, Paul de (éd.), Cartulaire de l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, Rennes, Plihon et Hommay, 1904, dans le « Vie de sainte Ninnoc », p. 64.

  • 8 MORICE, Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, 3 vol., Paris, Charles Osmon1742-1746, réimp., Paris, Éd. du Palais-Royal, 1974, t. I, col. 638 ligne 31.

  • 9 LUÇON, Bertrand, Noms de lieux bretons du pays nantais, Fouesnant, Yoran embanner, 2017, p.360-361.

  • 10 FLEURIOT, Léon, Le vieux breton : éléments d’une grammaire [Paris, C. Klincksieck, 1964], réimp. Paris-Genève, Slatkine Reprint, 1989, p.142.

  • 11 On parle ici d’assimilation régressive car la modification du son a lieu sous l’influence de celui qui le suit : c’est la 2ème consonne qui modifie la 1ère. Il y a eu assimilation régressive dans le mot français « irréversible » qui est issu du préfixe privatif « in- » et du mot « réversible » d’où les 2 « -rr- ».

  • 12 MOUNIN, Georges, Dictionnaire de la linguistique, Paris, Presses universitaires de France, 1974.

  • 13 LUÇON, Bertrand, Noms de lieux…, op. cit., p. 365. Ces formes ne rendent pas la prononciation de l’époque puisque la mutation consonantique n’est pas notée ; les mutations consonantiques (caractéristique des langues celtiques) ne seront pas notées à l’écrit (sauf dans les noms propres) jusqu’à la fin du moyen-breton (1650).

  • 14 Sauf intervention savante et vulgarisation de la forme reconstruite, ce qui n’a pas été le cas avant la deuxième moitié du XXe siècle, c’est-à-dire après la mort des derniers locuteurs natifs.

  • 15 BRONCKART, Jean-Paul, Théories du langage : une introduction critique, Bruxelles, Mardaga, 1977, p. 102-103.

  • 16 MARTINET, André, Économie des changements phonétiques : traité de phonologie diachronique, Berne, A. Francke, coll. « Bibliotheca Romanica – Manualia et Commentationes », t. X, 1955, p. 94..

  • 17 VALLERIE, Erwan, Traité de toponymie historique de la Bretagne, Ar Releg-Kerhuon, An Here, 1995, p. 394 et pour les exemples : « Corpus », p. 71.

  • 18 Bien que « Varrandi » ait été identifiée comme étant Guérande depuis longtemps, on constate un flou dans la localisation, l’historienne Judith Jesch explique (p. 85) dans « Ship and Men in the Late Viking Age : The Vocabulary of Runic Inscriptions and Skaldic Verse » (éd. Boydell & Brewer, 2001) : « The prose sources agree that Óláfr then went up into France, as he kom sunnan upp at Leiru ‘came from the south up to the Loire’, to Varrandi, identified as a bœr ‘settement, town’ fjarri sjá á Peitulandi ‘far from the sea in Poitou’ (Sigv I, 14). The directions are clear enough in this stanza, but there is a problem with identifying the place. The name appears to be identical to Guérande in southern Brittany, which is unfortunately neither far from the sea nor in Poitou. ». La forme norroise Varrandi est tout à fait compatible avec la prononciation attestée en vieux-breton, grâce au sel Guérande était déjà une ville marchande connue à l’époque du roi Olaf II de Norvège (995-1030).

  • 19 JONSSON, Guðni (éd.), Helgisaga Óláfs konungs Haraldssonar, « Konunga sögur 1 », 201-400. Reykjavík, Haukadalsútgán, 1954, § 17.

  • 20 De la collection des sagas des rois de Norvège que l’Islandais Snorri Sturluson a compilé au début du XIIIe siècle dans un recueil intitulé Heimskringla.

  • 21 BURON GILDAS, Bretagne des Marais Salants – 2000 ans d’histoire, éd. Skol Vreizh, 1999, p. 87.

  • 22 [ɥ] est le son du « -u- » dans « huit ».

  • 23 OGEE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, nouv. éd. par Alphonse MARTEVILLE et Pierre VARIN, 2 vol.,. Rennes, Molliex, 1843-1845, t. I.

  • 24 OGEE, Jean-baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne, 4 volumes, Nantes, Vatar, 1778-1780, t. I, p. 324.

  • 25 CILLART de KERAMPOUL, Clément-Vincent (dit L’Armerye), Dictionnaire françois-breton ou françois-celtique du dialecte de Vannes, Leide, 1744, p. 248b.

  • 26 VALLERIE, Erwan, Traité de toponymie…, op. cit. p. 394 note 4bis.

  • 27 ERNAULT, Émile, « Sur l’histoire du breton », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne », t. IX, 1928/1, p. 1-67.

  • 28 Pour ce qui concerne la Bretagne, on constate que la mauvaise foi et un parti pris politique – qui peut aller jusqu’au révisionnisme – faussent de nombreux articles de « wikipédia », notamment ceux concernant la Loire-Atlantique qui est évidemment située en Bretagne. Des bénévoles influents s’efforcent de faire l’amalgame entre « Bretagne » et « région Bretagne », alors que ce sont deux réalités différentes (l’une historique et culturelle, l’autre administrative).

  • 29 BURON, Gildas et LE DUC, Gwénaël, « Onomastique guérandaise : Guérande », Les cahiers du pays de Guérande, n° 37, 1996.

  • 30 Retranscription en Alphabet Phonétique Internationale (A.P.I.).

  • 31 LE ROUX, Pierre, Atlas linguistique de la Basse-Bretagne, Rennes, 1924-1965, Brest, Éditions armoricaines, 1977.

  • 32 MATHELIER, Yves, Le breton parlé dans le pays guérandais, Fouesnnat, Yoran embanner, 2017, p. 326.

  • 33 ERNAULT, Émile, Dictionnaire breton-français du dialecte de Vannes, Vannes, Lafolye frères, 1904, p. 101.

  • 34 GUILLEVIC, Augustin et LE GOFF, Pierre, Vocabulaire breton-français et français-breton du dialecte de Vannes, Vannes, Lafolye frères, 1907, p. 29.

  • 35 CILLART de KERAMPOUL, Clément-Vincent (dit L’Armerye), Dictionnaire, op. cit.

  • 36 LE ROUX, Pierre, Atlas linguistique…, op. cit., 3ème fascicule, 1937, carte 290.

  • 37 Édité à Rennes, chez J. Vatar, 1732.

  • 38 ROSTRENEN, Grégoire de, Dictionnaire françois celtique ou françois breton, Rennes, J. Vatar, 1732, p. 477b, sous « Guerrandois ».

  • 39 Le / p / indo-européen chute en celtique, c’est l’une des caractéristiques principales de cette famille de langues.

  • 40 FAVEREAU, Francis, Celticismes. Les Gaulois et nous, Morlaix, Skol Vreizh, 2017, p. 159.

  • 41 DELAMARRE Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, Paris, Errance, 2003, p. 165, exemple allemand « rand » = bord.

  • 42 eDIL – ELECTRONIC DICTIONARY OF THE IRISH LANGUAGE (sous « rann »).

  • 43 BURON, Gildas « Notes d’anthroponymie guérandaise – Le Guerannic, Le Guerennic [II] », Bulletin communal de Batz-sur-Mer », n° 12, printemps 1993 ; Arch. dép. Loire-Atlantique, B 1489, rôle rentier, réformation de 1452, f° 42 v° et ibid., B 1480, aveu de François, sire de Rochefort et de Rieux, 15 août 1459.

  • 44 BURON, Gildas « Notes… », art. cité ; Arch. dép. Loire-Atlantique, B 1447, aveu de Guyon Brestin, 26 mars 1470 et ibid., E 262, f° 13.

  • 45 LUÇON, Bertrand, Nom de lieux…, op. cit., p.156 et Arch. dép. Loire-Atlantique, B 682.

  • 46 Carte n° 159 [Belle-île] publiée en 1787.

  • 47 « Géoportail » (cartes d’état-major 1820-1866.

  • 48 BERNIER, Gildas, « Toponymie nautique des îles de Houat et Hoëdic », Annales hydrographiques, n° 1387, 1958, p. 219.

  • 49 BURON, Gildas « Notes… », art. cité, p. 6-7.

  • 50 NENNIUS, Historia Brittonum, Cambridge, Corpus Christi College, Ms 139, f°. 169 v° (ajout en bas de page.

  • 51 Le livre rouge de Hergest, manuscrit du XIVe siècle, Oxford Jesus College, Md. 111 (p. 209, col. a, ligne 17.

  • 52 BURON, Gildas « Notes… », art. cité, p. 1-7.

  • 53 Avant dernière syllabe.

  • 54 Les aires dialectales du breton du sud-est (du Bro-Ereg : breton vannetais et guérandais) et du breton du nord-ouest dit K.L.T. (de Cornouaille, Léon et Trégor) recoupent les territoires des Vénètes et des Osismes, deux peuples de l’Armorique celtique. Le débat est ouvert sur l’héritage gaulois de la langue bretonne, le basque est toujours là pour montrer qu’une langue a pu survivre à des siècles de romanisation, et bien que langue populaire depuis l’époque féodale le breton a lui-même survécu jusqu’à nos jours.

  • 55 BURON, Gildas « Notes… », art. cité, p. 1-7.

  • 56 ERNAULT, Émile, Dictionnaire…, p. 101b.

  • 57 Donné comme entrée dans le dictionnaire.

  • 58 Pierre de Châlons (1641-1718), lexicographe vannetais, son dictionnaire sera publié après sa mort : Dictionnaire Breton-François du diocèse de Vannes, éd. Jacques de Heuqueville, 1723.

  • 59 MENARD, Martial, Devri – Le dictionnaire diachronique du breton, en ligne (sous « gwerigan »).

  • 60 BnF, c. 1718, partie IV sous « saunier ».

  • 61 Inversion de deux phonèmes ou de deux syllabes à l’intérieur d’un mot.

  • 62 LE MENN, Gwenolé (éd.), Émile Ernault. Supplément inédit à son Dictionnaire vannetais, 2 vol., Saint-Brieuc, Skol, 2008, t. I, p. 392 sous « guérigian / guérigan ».

  • 63 LE GOFF, Pierre, Supplément au dictionnaire breton-français du dialecte de Vannes par Émile Ernault, Vannes, Ti Lafolye Frères, 1919, p. 61b sous « sé ».

  • 64 BURON, Gildas « Notes… », art. cité, p. 4.

  • 65 BRASSEUR, Patrice (éd.), Dictionnaire patois du canton de Blain de Louis Bizeul, Nantes, Université de Nantes, 1988, p. 145, col. a.

  • 66 Avec hésitation dans la notation d’un accent ou sans.

  • 67 FLEURIOT, Léon, Le vieux breton…, op. cit., p. 401-402.

  • 68 ERNAULT, Émile, Dictionnaire…, op. cit., « Bul. ».

  • 69 Le mot a été orthographié « guérigan » dans l’édition de 2012 de son travail de collectage : BULEON, Mathurin, Chansons traditionnelles du pays vannetais (début XXe siècle) »,Vannes Archives départementales du Morbihan, 2012, p. 250, éd. Loeiz LE BRAS (président de Dastum Bro Ereg) et André LE MEUT (chargé de la sauvegarde du patrimoine oral et musical en breton vannetais aux Archives départementales du Morbihan.

  • 70 LE DIBERDER, Yves, Chansons traditionnelles du pays vannetais, Vannes, Archives départementales du Morbihan, 2010, t. II, p. 622, éd. André LE MEUT, avec une introduction de Donation LAURENT.

  • 71 Pour le « -k- » dans la graphie, issu de la palatisation en breton vannetais (due au « -i- » qui précède), on peut rapprocher le breton de Guérande « kourrikan » (kourican / Courican) pour « korrigan » (lutin breton)

  • 72 Voir la notice de Dastum – Archives du patrimoine oral de Bretagne, cote BAUD-41-14-016.

  • 73 Ibid., 20813.MP3.

  • 74 « La palatalisation vannetaise », La Bretagne linguistique, n° 19, 2015, p. 297-327.

  • 75 GWENFREWI (Nathalie de Volz-Kerhoënt), Er bleu keltiek, Sorbienneu ha Guerzenneu, Moladurieu « Armorica », 1930, p. 41.

  • 76 AR GOW, Yeun, E skeud tour bras sans Jermen, La Baule : Impr. la Mouette, 1955, p. 48.

  • 77 ID., ibid., Al Liamm, 1978, p. 59.

  • 78 VALLEE, François, Grand Dictionnaire français-breton, Rennes, Impr. commerciale de Bretagne, 1931.

  • 79 JEUSED, Teofil [Théophile Jeusset], « Anoiou Lec’hiou Breiz-Uhel », SAV, n° 27 à 31, de 1943 à 1944.

  • 80 « Anvioù-lec’hioù Breizh-Uhel », Al Liamm - Tir na n-òg, n° 8, 1948, n° 22 et 23, 1950, n° 24, 1951, n° 95, 1962.

  • 81 « diskar-amzer », SAV, n° 29, 1943, p. 86.

  • 82 Mae Mezheven, SAV, n° 8 1948, p. 59.

  • 83 Il ne tient pas compte de la mutation comme dans le breton vannetais « penhér » : ferme isolée / hameau (de penn : bout + kêr : lieu habité), de l’assimilation « n-r », et de la syncope de l’avant dernière syllabe...

  • 84 Blog intitulé « Mitaw » sur l’histoire et les langues du nord-ouest de la Loire-Atlantique : http://mitaw.over-blog.com/2015/07/les-formes-bretonnes-des-noms-de-lieux-de-haute-bretagne.html

  • 85 DEWI, G. [Frañsez Kervella], « An holen », Feiz ha Breiz, janvier 1831, p. 23-24.

  • 86 Forme ancienne « Penros » en 1118 d’après VALLERIE, Erwan, Traité de toponymie…, op. cit., p. 133.

  • 87 BURON, Gildas, « La microtoponymie du marais salant guérandais : bilan et perspectives (suite et fin) », Nouvelle revue d'onomastique, n° 23-24, 1994, p. 190.

  • 88 QUENTEL, Paul, « Sur quelques mots et toponymes Breton et Celtique XIV – Le nom de Guérande et equoranda », Ogam – Tradition celtique, t. VIII, fasc. 4, 1956, p. 332.

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Mes remerciements, pour nos échanges et les renseignements qui ont enrichi ce travail, à : - Gildas Buron, conservateur du Musée des marais salants de Batz, spécialiste du breton local. - Antoine Châtelier, toponymiste, docteur en breton et celtique, Université de Rennes II. - Bertrand Luçon, toponymiste, auteur de Noms de lieux bretons du Pays Nantais, 2017. - Serge Le Bozec, enseignant, auteur d’émissions de toponymie bretonne sur Radio Bro Gwened. Mes remerciements aussi pour la relecture, les remarques, l’amélioration et les corrections à : - Alain Gallicé, docteur en histoire, CRHIA, Université de Nantes, auteur de Guérande au Moyen Âge, 2003.






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